Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 21-17.190, (B), FRH

Rejet

Commandement – Péremption – Constatation – Juge de l'exécution – Relevé d'office – Possibilité

Il résulte de la combinaison des articles R. 321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution que si le juge de l'exécution peut relever d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n'est toutefois pas tenu de le faire.

Adjudication – Jugement – Voies de recours – Appel – Contestations et demandes incidentes – Irrecevabilité

Selon l'article R. 322-60, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, seul le jugement d'adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d'appel de ce chef. Il résulte de ces dispositions que les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l'occasion de cette instance d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 9 mars 2021), et les productions, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque) a fait délivrer à M. [V], le 2 décembre 2016, un commandement de payer valant saisie immobilière puis l'a assigné à l'audience d'orientation d'un juge de l'exécution et a dénoncé le commandement au Trésor public de [Localité 9] [Localité 10], à la société Banque CIC Ouest et à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Anjou Mayenne, aux droits de laquelle elle se trouve, créanciers inscrits.

2. M. [V], à l'encontre duquel une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, a appelé la société [L] [C], mandataire liquidateur, à la procédure devant le juge de l'exécution qui a, par jugement d'orientation du 4 juin 2018, ordonné la vente forcée.

3. L'appel interjeté contre ce jugement a été déclaré irrecevable par arrêt du 23 avril 2019 et le pourvoi formé contre cette décision rejeté par arrêt du 19 novembre 2020 (2e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.365).

4. Par jugement du 2 septembre 2019, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande de M. [V] tendant à la suspension de la procédure de saisie immobilière, rejeté sa demande de report de l'adjudication et adjugé l'immeuble saisi aux sociétés Basley immobilier et Les Terrains de [J] [Y].

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident et le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. [V] fait grief à l'arrêt de déclarer son appel recevable uniquement du chef de disposition du jugement entrepris ayant déclaré irrecevable sa demande de suspension de la procédure de saisie immobilière engagée à son encontre par la banque et rejeté sa demande de report de l'adjudication de l'immeuble saisi et de le juger irrecevable en ses demandes telles que présentées en appel, alors « que le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi ; que le juge qui constate que le commandement de payer valant saisie immobilière est périmé le relève d'office ; que la cour d'appel, en ne relevant pas la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière alors que celle-ci était acquise, a violé l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les cinq ans de sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi.

Selon l'article R. 321-21 du même code, à l'expiration du délai prévu à l'article R. 321-20 et jusqu'à la publication du titre de vente, toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de constater la péremption du commandement et d'ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que si le juge de l'exécution peut relever d'office la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, il n'est toutefois pas tenu de le faire.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. M. [V] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à l'expiration du délai de péremption de deux ans prévu à l'article R. 321-20 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction applicable en la cause, toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de constater la péremption du commandement de payer valant saisie ; que le moyen tiré de la caducité ou de la péremption du commandement peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel ; qu'en déclarant M. [R] [V] irrecevable en ses demandes présentées en appel au motif que « M. [R] [V] ne critique pas le jugement d'adjudication en ce qu'il a refusé de faire droit à ses demandes de sursis à statuer et de report au motif que le pourvoi en cassation ne présente aucun caractère suspensif et il se contente de solliciter l'annulation de la procédure d'adjudication et du jugement déféré au motif que le commandement de saisie immobilière est devenu caduc dès avant l'audience d'adjudication alors que sa déclaration d'appel fixant l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées en vertu de l'article 562 du code de procédure civile ne tend pas à l'annulation du jugement et qu'il n'a pas saisi le premier juge de sa contestation relative à la caducité du commandement, qui est nouvelle en appel et comme telle irrecevable en application de l'article 564 du même code » la cour d'appel a violé l'article R. 321-21 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article R. 322-60, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, seul le jugement d'adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d'appel de ce chef.

12. Il résulte de ces dispositions que les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles contestations ou de nouvelles demandes à l'occasion de cette instance d'appel.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a relevé que M. [V] n'avait pas saisi le juge de l'exécution de sa contestation relative à la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SCP Zribi et Texier ; SCP Foussard et Froger ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Article R. 322-60, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 26 octobre 2023, n° 21-12.580, (B), FS

Cassation

Procédure – Audience d'orientation – Assignation – Effet interruptif de prescription – Durée – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 2241, alinéa 1, 2242 et 2244 du code civil, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2020) et les productions, agissant sur le fondement d'un acte de prêt notarié du 12 décembre 2006, la Banque populaire du Sud (la banque) a fait délivrer à M. [X] et Mme [I], le 15 décembre 2010, un premier commandement de payer valant saisie immobilière dont la péremption a été constatée par décision du 13 janvier 2014 puis un second, le 2 septembre 2014, et les a assignés devant un juge de l'exécution.

2. Un arrêt d'une cour d'appel du 3 juin 2016 a confirmé le jugement, rendu le 7 décembre 2015, en ce qu'il avait ordonné la radiation du commandement, l'a infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau, donné acte à la banque de son désistement et déclaré M. [X] et Mme [I] irrecevables à faire juger leurs autres contestations et demandes reconventionnelles malgré l'extinction de la procédure de saisie immobilière.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 (2e Civ., 11 janvier 2018, pourvoi n° 16-22.829, Bull. 2018, II, n° 5).

3. La banque a ensuite fait pratiquer, le 9 juillet 2018, une saisie-attribution à l'encontre de M. [X] et de Mme [I] qui ont saisi un juge de l'exécution d'une contestation en invoquant la prescription biennale de l'article L. 213-8 du code de la consommation.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 2241, alinéa 1er, 2242 et 2244 du code civil :

5. Selon le dernier de ces textes, le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

6. Selon le premier, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Selon le deuxième, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes, qu'en matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation consécutive à un commandement valant saisie immobilière produit ses effets, en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de la procédure de saisie immobilière.

8. Pour déclarer prescrite la créance de la banque et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient que la banque a manifesté la volonté de se désister de la procédure de saisie immobilière, que c'est par une décision du 7 décembre 2015 que le juge de l'exécution a ordonné la radiation du commandement en cause et qu'un débat est demeuré jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 sur l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution à la suite de ce désistement, mais que celle-ci avait jugé que, dès lors que le créancier avait déclaré, par conclusions écrites, se désister de la procédure de saisie immobilière, le juge de l'exécution n'était plus compétent pour trancher les contestations et en déduit que l'effet interruptif de prescription a donc cessé avec l'arrêt de la cour d'appel du 3 juin 2016.

9. En statuant ainsi, alors que l'effet interruptif avait produit ses effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 11 janvier 2018 ayant mis fin à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; Me Haas -

Textes visés :

Articles 2241, alinéa 1, 2242 et 2244 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 1er mars 2018, pourvoi n° 17-11.238, Bull. 2018, II, n° 42 (cassation partiellement sans renvoi).

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