Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.748, (B), FRH

Rejet

Comité social et économique – Attributions – Attributions consultatives – Consultations et informations récurrentes – Base de données économiques et sociales – Contenu – Définition – Dispositions légales et réglementaires – Détermination – Portée

Il ressort des articles L. 2312-18, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, L. 2312-21, L. 2312-36, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, et R. 2312-10 du code du travail que, le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l'absence d'accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires précitées, la négociation préalable d'un accord prévu à l'article L. 2312-21 du code du travail ne présente pas de caractère obligatoire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 septembre 2021), statuant en matière de référé, le groupe Fiducial, dont le métier historique est l'expertise comptable, a développé plusieurs autres branches d'activité.

Les opérations d'acquisition sont opérées par la holding Fiducial security services. Celle-ci a fait l'acquisition au 1er octobre 2020 de 100 % des actions de la société Prosegur security holding France, ainsi que 100 % des actions de la société Prosegur services France, ces dernières devenant des filiales autonomes de la holding.

La société Fiducial private security est une autre filiale de la holding.

2. Une information a été notamment faite auprès du comité social et économique de la société Fiducial private security (le CSE) le 10 juin 2020, portant sur le projet de cession des titres des sociétés françaises de la division sécurité du groupe Prosegur à la société Fiducial security services.

3. Le 23 septembre 2020, M. [U], Mme [S] et M. [N], membres élus du CSE, et le syndicat CGT Fiducial private security Ile-de-France (le syndicat) ont fait assigner la société Fiducial private security (la société) aux fins notamment d'obtenir la suspension des opérations de cession des titres des sociétés françaises de la division sécurité du groupe Prosegur au profit de la holding Fiducial security service en l'absence de consultation du CSE ou à tout le moins la suspension du projet de réorganisation interne nécessairement engendré par l'achat du groupe Prosegur, la communication par la société au CSE des informations complètes sur la division sécurité du groupe Prosegur, la consultation sous astreinte du CSE relative à l'achat du groupe Prosegur et la condamnation de la société à leur verser certaines sommes à titre de provisions.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le syndicat et MM. [U] et [N], membres élus du CSE, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à ce que soit suspendue la mise en place actuelle d'une base de données économiques et sociales dépourvue de toute négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives et que soit ordonnée la mise en place d'une négociation loyale avec les organisations syndicales représentatives sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement d'une base de données économiques et sociales, sous astreinte, alors :

« 1°/ que l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques sociales sont définies par un accord d'entreprise ; que la conclusion d'un tel accord revêt donc un caractère obligatoire ; qu'en retenant que l'employeur n'avait commis aucun manquement en s'abstenant d'engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un accord sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales au motif erroné qu'un tel accord n'est pas obligatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 2312-21 du code du travail, ensemble l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ que l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques sociales sont définies par un accord d'entreprise ; que l'employeur est tenu d'engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un tel accord ; qu'en rejetant les demandes tendant à la suspension de la base de données mise en place sans négociation et à l'engagement de négociations en vue de la conclusion d'un accord sur la base de données économiques et sociales sans rechercher si, comme l'y invitaient les conclusions des parties, l'employeur avait ou non engagé des négociations loyales avec les organisations syndicales représentatives en vue de la conclusion d'un tel accord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2312-21 du code du travail et 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 2312-18 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 :

« Une base de données économiques et sociales rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Ces informations comportent en particulier des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et les informations sur la méthodologie et le contenu des indicateurs prévus à l'article L. 1142-8.

Les éléments d'information transmis de manière récurrente au comité sont mis à la disposition de leurs membres dans la base de données et cette mise à disposition actualisée vaut communication des rapports et informations au comité, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Lorsque les dispositions du présent code prévoient également la transmission à l'autorité administrative des rapports et informations mentionnés au deuxième alinéa, les éléments d'information qu'ils contiennent sont mis à la disposition de l'autorité administrative à partir de la base de données et la mise à disposition actualisée vaut transmission à cette autorité. »

7. Aux termes de l'article L. 2312-21 du même code :

« Un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, définit :

1° L'organisation, l'architecture et le contenu de la base de données économiques et sociales ;

2° Les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales, notamment les droits d'accès et le niveau de mise en place de la base dans les entreprises comportant des établissements distincts, son support, ses modalités de consultation et d'utilisation.

La base de données comporte au moins les thèmes suivants : l'investissement social, l'investissement matériel et immatériel, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise, les fonds propres, l'endettement, l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants, les activités sociales et culturelles, la rémunération des financeurs, les flux financiers à destination de l'entreprise.

L'accord peut également intégrer dans la base de données les informations nécessaires aux négociations obligatoires prévues à l'article L. 2242-1, au 1° de l'article L. 2242-11 ou à l'article L. 2242-13 et aux consultations ponctuelles du comité social et économique prévues à l'article L. 2312-8 et à la sous-section 4.

L'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données sont tels qu'ils permettent au comité social et économique et, le cas échéant, aux délégués syndicaux d'exercer utilement leurs compétences.

A défaut d'accord prévu à l'alinéa premier, un accord de branche peut définir l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement de la base de données économiques et sociales dans les entreprises de moins de trois cents salariés. »

8. Aux termes de l'article L. 2312-36 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

« En l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité social et économique.

La base de données est accessible en permanence aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique ainsi qu'aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique central d'entreprise, et aux délégués syndicaux.

Les informations contenues dans la base de données portent sur les thèmes suivants :

1° Investissements : investissement social (emploi, évolution et répartition des contrats précaires, des stages et des emplois à temps partiel, formation professionnelle et conditions de travail), investissement matériel et immatériel et, pour les sociétés mentionnées aux I et II de l'article L. 225-102-1 du code du commerce, les informations en matière environnementale présentées en application du III du même article ;

2° Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration ;

3° Fonds propres et endettement ;

4° Ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants ;

5° Activités sociales et culturelles ;

6° Rémunération des financeurs ;

7° Flux financiers à destination de l'entreprise, notamment aides publiques et crédits d'impôts ;

8° Sous-traitance ;

9° Le cas échéant, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

Ces informations portent sur les deux années précédentes et l'année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes.

Le contenu de ces informations ainsi que les modalités de fonctionnement de la base sont déterminés par un décret en Conseil d'Etat, le contenu pouvant varier selon que l'effectif de l'entreprise est inférieur ou au moins égal à trois cents salariés.

Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique, du comité social et économique central d'entreprise et les délégués syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. »

9. Aux termes de l'article R. 2312-10 du même code :

« En l'absence d'accord prévu à l'article L. 2312-21, les informations figurant dans la base de données portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.

Ces informations sont présentées sous forme de données chiffrées ou, à défaut, pour les années suivantes, sous forme de grandes tendances.

L'employeur indique, pour ces années, les informations qui, eu égard à leur nature ou aux circonstances, ne peuvent pas faire l'objet de données chiffrées ou de grandes tendances, pour les raisons qu'il précise. »

10. Il ressort de ces textes que, le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l'absence d'accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires précitées, la négociation préalable d'un accord prévu à l'article L. 2312-21 du code du travail ne présente pas de caractère obligatoire.

11. La cour d'appel qui a retenu que l'employeur n'avait commis aucun manquement en s'abstenant d'engager des négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d'un accord sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales, de sorte qu'il n'y avait lieu à référé sur la demande de suspension de la mise en place de cette base de données, n'encourt pas les griefs du moyen.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

12. Le syndicat et les deux élus du CSE font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la société a manqué à son obligation de mettre un local aménagé à la disposition du CSE et que soit ordonnée la mise à disposition d'un local aménagé conformément aux dispositions légales pour le CSE, sous astreinte, alors « que l'employeur est tenu de mettre un local aménagé à la disposition du comité social et économique ; que la mise à disposition d'un local constitue une obligation de résultat dont l'employeur ne peut s'exonérer que s'il justifie d'un cas de force majeure ; qu'en retenant que l'absence de mise à disposition du CSE de la société d'un local aménagé ne caractérisait pas un manquement de l'employeur sans constater qu'un cas de force majeure avait empêché ce dernier de satisfaire à son obligation de mise à disposition d'un local, la cour d'appel a violé l'article L. 2312-25 du code du travail. »

Réponse de la Cour

13. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d'une part que le CSE dispose des locaux qui étaient affectés aux anciens comités d'entreprise, d'autre part que la question du choix d'un nouveau local a été inscrite à l'ordre du jour mais sans cesse reportée par les élus eux-mêmes.

14. Le moyen est, dès lors, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 2312-18, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, L. 2312-21, L. 2312-36, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, et R. 2312-10 du code du travail.

Soc., 4 octobre 2023, n° 22-12.922, (B), FRH

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Conditions de travail – Modification – Refus du salarié – Obligations de l'employeur – Etendue – Domaine d'application – Critères – Connaissance de la candidature par l'employeur – Moment – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement.

Ayant constaté qu'au moment où il a imposé une mutation au salarié l'employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation du salarié à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2022), Mme [E], épouse [K] a été engagée en qualité d'agent de service le 3 juillet 2000.

Au dernier état de la relation de travail avec la société OMS synergie (la société), elle était affectée sur le site d'Eurostar à [Localité 4].

2. Par lettre du 28 novembre 2016, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

3. Postérieurement à cet entretien préalable, la salariée s'est portée candidate aux élections des délégués du personnel en qualité de suppléante.

4. Le 28 décembre 2016, la société lui a notifié sa mutation disciplinaire sur le site de la base aérienne Ear situé à [Localité 5] à compter du 9 janvier 2017.

La salariée a contesté cette sanction que la société a confirmée. Ultérieurement, la société a informé la salariée qu'à la suite de la perte de ce chantier, elle était contrainte de la réintégrer sur le site Eurostar à [Localité 4] à compter du 12 juin 2017.

5. Après mises en demeure de la salariée de justifier de ses absences, la société l'a sanctionnée à deux reprises d'une mise à pied disciplinaire pour absences injustifiées puis, après une nouvelle affectation et une nouvelle mise en demeure de reprendre son travail, l'a licenciée pour faute grave le 13 juin 2019.

6. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 5 février 2018 afin de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et le condamner à lui verser diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le second moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de prononcer à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée, de dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dire que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, de dire que la créance indemnitaire est productive d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'ordonner la capitalisation des intérêts, d'ordonner le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'elle a versées à la salariée à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnité, alors : « que pour l'application des dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail, c'est au moment de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable que l'employeur doit avoir connaissance du statut protecteur ; qu'en résiliant le contrat aux torts de l'employeur quand la convocation à l'entretien a eu lieu le 28 novembre 2016 et quand la salariée ne s'est déclarée candidate aux élections des délégués du personnel que le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail qu'aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé.

En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement.

10. Ayant constaté qu'au moment où il a imposé une mutation à la salariée l'employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation de la salariée à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire.

11. Le moyen est, dès lors, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bérard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 2411-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de l'absence d'accord du salarié protégé à une modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail, à rapprocher : Soc., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-24.397, Bull. 2017, V, n° 137 (cassation), et les arrêts cités.

Soc., 4 octobre 2023, n° 22-13.718, (B), FRH

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Retraite – Mise à la retraite – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Demande de l'employeur – Motif invoqué – Atteinte de l'âge légal – Mise à la retraite d'office – Cause objective – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2022), Mme [U] a été engagée en qualité de journaliste à compter du 1er janvier 1974 par l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) avec reprise d'ancienneté.

La société France Télévisions (la société) vient aux droits de l'ORTF et de l'ensemble des sociétés ayant composé le service public de l'audiovisuel, en application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et notamment de la société Antenne 2 devenue France 2, finalement absorbée par la société devenue entreprise unique, dans laquelle la salariée a été affectée à compter du 1er janvier 1975.

En dernier lieu, la salariée occupait les fonctions de rédacteur en chef d'une rédaction nationale, palier 2, la relation de travail étant régie par l'accord d'entreprise France télévisions du 28 mai 2013 depuis l'entrée en vigueur de celui-ci.

2. La salariée a par ailleurs exercé plusieurs mandats représentatifs et était notamment en dernier lieu déléguée syndicale centrale et déléguée syndicale d'établissement.

3. Le 9 mai 2016, invoquant notamment une discrimination syndicale et un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

4. Le 16 juin 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mise à la retraite, cet entretien s'étant tenu le 24 juin suivant.

Le 6 juillet 2016, le comité d'établissement a émis un avis défavorable à ce projet de mise à la retraite.

5. Le 19 juillet 2016, l'employeur a sollicité l'autorisation de mettre la salariée à la retraite, laquelle lui a été délivrée par l'inspecteur du travail par une décision du 21 septembre 2016 désormais définitive en l'absence de tout recours.

6. Par lettre du 12 octobre 2016, la société a notifié sa mise à la retraite, au visa de l'article L. 1237-5 du code du travail, à la salariée qui avait atteint l'âge de 70 ans le 5 juin 2016.

La salariée est sortie définitivement des effectifs le 31 janvier 2017 au terme du préavis de trois mois.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. La salariée et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande tendant à condamner la société à lui verser des dommages-intérêts pour perte d'emploi, alors « que si, lorsque la mise à la retraite d'un salarié protégé a été autorisée par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause l'appréciation par l'autorité administrative des conditions légales de la mise à la retraite et du rapport de cette mesure avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale du salarié, il demeure en revanche compétent pour vérifier si la décision de l'employeur est la résultante du harcèlement moral exercé par lui, cette vérification échappant au contrôle de l'inspecteur du travail ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de Mme [U] en paiement de dommages-intérêts pour perte d'emploi fondée sur la circonstance qu'elle avait été mise à retraite par l'employeur en représailles de son action en résiliation judiciaire pour harcèlement moral, à énoncer que l'inspection du travail avait autorisé la mise à la retraite de Mme [U] par une décision désormais définitive du 21 septembre 2016 et qu'il n'appartenait pas au juge judiciaire d'apprécier la validité ou la nullité de la décision de l'inspecteur du travail d'autoriser l'employeur à procéder à la mise à la retraite, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard des contestations de l'exposante invoquant la situation de harcèlement moral qu'elle avait subie et dont l'acte ultime était sa mise à la retraite en représailles de son action en résiliation judiciaire, il ne lui appartenait pas de vérifier si cette ultime décision de l'employeur n'était pas la résultante du harcèlement moral exercé sur la salariée, ce qui justifiait qu'elle retienne sa compétence pour statuer sur ce chef de demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des pouvoirs. »

Réponse de la Cour

9. Lorsque la mise à la retraite a été notifiée à un salarié protégé à la suite d'une autorisation administrative accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. Toutefois l'autorisation administrative de mise à la retraite ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui serait résulté d'un harcèlement.

10. Dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de mettre à la retraite un salarié protégé, il appartient à l'administration de vérifier si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

11. Il s'ensuit que l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de mettre d'office à la retraite un salarié protégé qui a atteint l'âge légal de mise à la retraite d'office, soit 70 ans, fait obstacle à ce que ce salarié demande devant la juridiction prud'homale l'indemnisation de la perte d'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail fondée sur une cause objective, quand bien même le salarié invoquerait la décision de l'employeur de mise à la retraite au titre d'un harcèlement moral.

12. La cour d'appel qui a constaté, d'une part que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable à sa mise à la retraite le 16 juin 2016 après son soixante-dixième anniversaire intervenu le 5 juin 2016, d'autre part que l'inspecteur du travail avait, par décision du 21 septembre 2016 devenue définitive, autorisé la mise à la retraite de la salariée, a à bon droit débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1237-5 du code du travail.

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