Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 21-21.007, (B), FS

Annulation

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Régularisation – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article 2241 du code civil, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d'appel interrompu par une première déclaration d'appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d'irrecevabilité n'est intervenue.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2021), le 20 novembre 2018, M. [V] a relevé appel d'un jugement du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 7 septembre 2018, notifié le 22 octobre 2018, devant la cour d'appel de Paris.

2. Le 18 décembre 2018, M. [V] a relevé appel du même jugement devant la cour d'appel de Versailles territorialement compétente.

3. Par un arrêt du 11 octobre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance du 3 avril 2019 d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel irrecevable.

4. La société Stallergènes a soulevé, devant le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles, l'irrecevabilité de l'appel relevé le 18 décembre 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant jugé irrecevable son appel relevé devant la cour d'appel de Versailles le 18 décembre 2018, alors « que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente, qui interrompt le délai d'appel, est susceptible d'être régularisée tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable ; qu'en jugeant irrecevable l'appel régularisé par M. [V] devant la cour d'appel de Versailles territorialement compétente au motif que cet appel n'avait pas été formé dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement bien que, d'une part, l'appel initial formé dans le délai d'appel devant la cour d'appel de Paris territorialement incompétente avait interrompu celui-ci jusqu'à ce que le juge statue, et d'autre part, que M. [V] avait régularisé son appel avant que le juge statue, soit dans le délai d'appel, la cour d'appel a violé l'article 2241, alinéa 2, du code civil, ensemble l'article 126 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

7. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la régularisation de la fin de non-recevoir tirée de la saisine d'une juridiction incompétente est possible si, au jour où elle intervient, dans le délai d'appel interrompu par une première déclaration d'appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d'irrecevabilité n'est intervenue.

8. Seule cette interprétation est de nature à donner son plein effet à la faculté offerte à l'appelant de régulariser cette fin de non-recevoir en rendant effective l'interruption du délai d'appel résultant de l'application de l'article 2241 du code civil.

9. Jusqu'à cette décision, la Cour de cassation jugeait que l'interruption du délai d'appel était non avenue lorsque l'appel était définitivement rejeté par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir. Toutefois, cette solution aboutit à faire rétroagir une décision d'irrecevabilité rendue postérieurement au second appel formé devant la juridiction compétente.

10. Dès lors, il y a lieu de revenir sur la solution retenue par cette jurisprudence.

11. La cour d'appel a déclaré irrecevable l'appel formé devant elle sur le fondement de la jurisprudence antérieure rappelée au § 9, dont le présent arrêt opère revirement.

12. En conséquence, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 2241 du code civil, interprété à la lumière de l'article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-10.663, Bull. (rejet).

Com., 11 octobre 2023, n° 22-10.795, (B), FRH

Cassation

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir d'ordre public – Obligation pour le juge de la soulever d'office – Cas – Impôts et taxes – Défaut de qualité de l'ordonnateur

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Toulouse, 18 novembre 2021), le 10 décembre 2014, à la demande de [Localité 4], établissement public de coopération intercommunale, le centre des finances publiques de [Localité 4] a délivré à M. [E] une contrainte portant sur une redevance d'assainissement pour un montant de 642,08 euros.

2. Le 21 avril 2021, faute de paiement, l'administration fiscale a fait pratiquer une saisie à tiers détenteur.

3. Le 27 juillet 2021, M. [E] a assigné [Localité 4] devant le tribunal judiciaire aux fins d'obtenir la restitution de la somme de 642,08 euros, indûment saisie selon lui, outre celle de 64,21 euros de frais bancaires consécutifs à la saisie.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. [Localité 4] fait grief au jugement de décider que la créance ayant fait l'objet de la saisie à tiers détenteur était prescrite lors de sa mise en oeuvre et de la condamner à rembourser à M. [E] les sommes de 642,08 euros et 64,61 euros représentant les frais bancaires, alors « que, contestant le recouvrement d'une somme appréhendée dans le cadre d'un avis à tiers détenteur et visant à la restitution de la somme ainsi appréhendée, l'action de M. [E] devait être dirigée non pas contre [Localité 4], ordonnateur, mais contre le comptable ; qu'en s'abstenant de relever d'office cette fin de non-recevoir, du reste d'ordre public, le tribunal judiciaire a violé les articles 122, 125 et 472 du code de procédure civile, 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et L. 281 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 32, 122 et 125 du code de procédure civile, l'article L. 281 du livre des procédures fiscales et les articles 11 et 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 :

5. Selon le premier de ces textes, est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir.

6. Selon les deux suivants, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public.

7. Aux termes du quatrième, qui est d'ordre public, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.

8. Il résulte des deux derniers que, s'il incombe à l'ordonnateur de constater les droits et obligations, de liquider les recettes et d'émettre des ordres de recouvrement, le comptable public est seul chargé du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire.

9. Le tribunal a accueilli les prétentions de M. [E].

10. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que l'assignation avait été délivrée à l'égard de « [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal », donc contre [Localité 4], en qualité d'ordonnateur, alors que l'action devait être dirigée contre le comptable public, de sorte que, dirigée contre une partie dépourvue du droit d'agir en défense, il devait relever d'office l'irrecevabilité de la demande, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, à la demande de [Localité 4].

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Pour les raisons exposées ci-dessus, la contestation par M. [E] de l'exigibilité de la créance litigieuse au motif qu'elle serait prescrite, qui ressortit au contentieux du recouvrement, est irrecevable faute pour celui-ci d'avoir assigné le comptable public en charge de son recouvrement.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la contestation de l'exigibilité de la créance ;

DÉCLARE IRRECEVABLE cette contestation ;

Renvoie, pour le surplus, l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de [Localité 4], autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 32, 122 et 125 du code de procédure civile ; article L. 281 du livre des procédures fiscales ; articles 11 et 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.

Com., 18 octobre 2023, n° 22-19.329, (B), FRH

Rejet

Fin de non-recevoir – Méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance – Qualité d'une partie pour opposer la fin de non-recevoir

Une partie n'a pas qualité pour opposer à une demande formée contre elle une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance.

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Exclusion – Cas – Méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2022), la société Schmidt groupe, anciennement SALM (la société Schmidt), qui exploite le réseau Cuisines Schmidt, fabrique et propose la distribution de meubles de cuisines et de salles de bains par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires.

2. Le 26 janvier 2011, la société Sophil concept, immatriculée le 27 décembre 2010 par M. [K], qui en a été désigné gérant, a conclu avec la société Schmidt un contrat de concession l'autorisant à exploiter la marque « Schmidt ».

3. Le 15 janvier 2013, la société Sophil concept a été mise en liquidation judiciaire.

Le 2 décembre 2014, la clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée pour insuffisance d'actif.

4. Invoquant la responsabilité de la société Schmidt à son égard pour manquement à son obligation précontractuelle d'information, M. [K] l'a assignée en paiement de dommages et intérêts.

La société Schmidt a soulevé l'irrecevabilité des demandes.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Schmidt fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de M. [K], alors « que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que le juge, saisi de la responsabilité d'une partie pour manquement contractuel, ne peut donc apprécier l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat sans que toutes les parties au contrat ne soient attraites à la procédure ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que M. [K] n'avait pas attrait à la procédure la société Sophil concept, pourtant seule cocontractante de la société Schmidt dans le cadre du contrat de franchise au titre duquel les manquements étaient allégués ; que l'action de M. [K], en ce qu'elle tendait à faire apprécier les manquements contractuels d'une partie à l'égard d'un cocontractant non présent à la cause, était donc irrecevable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Une partie n'a pas qualité pour opposer à une demande formée contre elle une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance prétendue des droits d'un tiers à l'instance.

8. Il s'ensuit que la société Schmidt n'est pas recevable à invoquer une prétendue méconnaissance, par M. [K], du principe de la contradiction au détriment de la société Sophil concept.

9. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

10. La société Schmidt fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [K] et de la condamner à lui payer la somme de 51 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

« 3°/ que le franchisé a une obligation de se renseigner lui-même en procédant à une étude du marché local de nature à lui permettre de d'assurer de la faisabilité de son projet d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Schmidt soutenait que M. [K] s'était abstenu d'effectuer ou de faire effectuer une étude de marché préalable ; qu'en retenant une faute de la société Schmidt motif pris de ce que « la société SALM est mal fondée à reprocher à M. [K] de ne pas s'être renseigné par lui-même et de n'avoir pas procédé à une étude du marché local alors que le dossier présenté aux banques avec l'assistance de la société SALM, contient une étude sur la zone de chalandise et la concurrence présente et qu'il y est également inséré les conclusions de l'étude géomarketing » quand ces deux documents ne reflétaient pas les informations contenues dans une étude de marché, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 330-3 du code de commerce et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que le franchisé a une obligation de se renseigner lui-même en procédant à une étude du marché local de nature à lui permettre de d'assurer de la faisabilité de son projet d'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Schmidt soutenait que M. [K] s'était abstenu d'effectuer ou de faire effectuer une étude de marché préalable ; qu'en retenant une faute de la société Schmidt motif pris de ce que « la société SALM est mal fondée à reprocher à M. [K] de ne pas s'être renseigné par lui-même et de n'avoir pas procédé à une étude du marché local alors que le dossier présenté aux banques avec l'assistance de la société SALM, contient une étude sur la zone de chalandise et la concurrence présente et qu'il y est également inséré les conclusions de l'étude géomarketing » quand elle avait précédemment relevé que la zone de chalandise apparaissait dans les conclusions de « l'étude de marché du franchiseur » et que l'étude géomarketing était un document que « la société SALM avait transmis à M. [K]", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ».

Réponse de la Cour

11. Si l'article L. 330-3 du code de commerce ne met pas à la charge de l'animateur d'un réseau une étude du marché local, il lui impose, dans le cas où une telle information est donnée, une présentation sincère de ce marché.

12. L'arrêt relève que le compte prévisionnel réalisé par l'expert-comptable mandaté par M. [K], faisant apparaître que le chiffre d'affaires de 1 200 000 HT euros était atteignable, a été établi en fonction d'éléments fournis par la société Schmidt et qu'il y est précisé que les conclusions de « l'étude de marché du franchiseur » font état de ce chiffre. Il relève que la société Schmidt a également transmis à M. [K] un document intitulé « étude géomarketing », proposé comme aide à la décision pour l'implantation d'un nouveau magasin, qui évalue à 1 328 584 euros HT le chiffre d'affaires prévisionnel.

L'arrêt ajoute que le dossier présenté aux banques par M. [K], avec l'assistance de la société Schmidt, contenait une étude sur la zone de chalandise et la concurrence locale et qu'y étaient également insérées les conclusions de l'« étude géomarketing ». Il retient que M. [K] ne disposait pas de la compétence pour évaluer les chiffres d'affaires potentiels, tandis que le concédant connaissait parfaitement les chiffres d'affaires réalisés par ses magasins dans des zones comparables en fonction des effectifs et des ventes réalisées.

13. L'arrêt retient, enfin, que le franchiseur a validé des prévisions de chiffre d'affaires exagérément optimistes et que les prévisions annoncées par celui-ci manquaient de fondement objectif, de rigueur et s'appuyaient sur des hypothèses absconses.

14. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que le franchiseur avait transmis au franchisé des éléments d'étude du marché local qui présentaient un caractère irréaliste et dénué de sérieux, la cour d'appel, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations et en statuant par des motifs opérants, retenir qu'il ne pouvait dès lors être reproché à M. [K] de n'avoir pas procédé lui-même à une étude du marché local.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bellino - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; Me Descorps-Declère -

Textes visés :

Article 14 du code de procédure civile.

Com., 4 octobre 2023, n° 22-12.128, (B), FRH

Rejet

Instance – Interruption – Redressement et liquidation judiciaires – Domaine d'application – Jugement rendu par un Etat membre de l'Union européenne – Interprétation de l'article L. 326-28 du code des assurances

Déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 2 décembre 2020, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Le 15 février 2022, M. [N], en qualité de liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D], en qualité de liquidateur de la société Corse discount diffusion, se sont pourvus contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bastia, les 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021.

4. Le mémoire qu'ils ont déposé dans le délai de quatre mois ne comporte aucun moyen de droit contre l'arrêt du 2 décembre 2020.

5. Dès lors, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.

Faits et procédure

6. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021), le 20 juillet 2012, des locaux commerciaux appartenant à Mmes [W] et [I] [A], et exploités par les sociétés Corse discount diffusion et Corse discount Ajaccio (les sociétés), ont été détruits par des incendies.

Les sociétés ont demandé en vain à leur assureur, la société de droit danois Alpha Group, devenue Alpha Insurance A/S (la société Alpha), de les indemniser de leurs préjudices.

7. Le 28 juin 2013, les sociétés ont assigné la société Alpha en paiement devant le tribunal de commerce de Bastia.

8. Les 11 février et 10 mars 2014, les sociétés ont été mises en liquidation judiciaire, M. [N] étant désigné liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D] étant désigné liquidateur de la société Corse discount diffusion.

9. Le 8 mai 2018, un jugement rendu par une juridiction danoise a déclaré la société Alpha en faillite.

10. Le 2 décembre 2019, M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, ont assigné en intervention forcée M. [B], syndic de la société Alpha.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

12. M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, font grief à l'arrêt du 15 décembre 2021 de déclarer irrecevables leurs demandes présentées à l'encontre de M. [B], ès qualités, alors « qu'il résulte du paragraphe 1 de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, que, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292, la décision d'ouvrir une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l'État membre d'origine, c'est-à-dire par la loi de l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agréée et a son siège social ; qu'il résulte du paragraphe 2, sous g) du même article que le droit de l'État membre d'origine détermine au moins les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris par les exposants de ce que la mise en cause du mandataire liquidateur de la société de droit danois Alpha Insurance dans l'instance française en paiement de l'indemnité d'assurance valait déclaration de créance, d'une part, que « l'absence de déclaration des créances a pour effet, en application de l'article L. 622-26 du code de commerce de rendre inopposable la créance non déclarée au passif en ces termes « les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie », ce qui signifie que les créanciers ne pourront pas s'en prévaloir y compris durant le plan de redressement et y compris dans le cadre d'une compensation » et, d'autre part, que « l'assignation en reprise d'une instance en cours délivrée en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, serait-elle accompagnée de conclusions tendant à la fixation par la juridiction saisie de cette instance de la créance du demandeur, ce que les intimées ne prouvent pas, ne vaut pas - contrairement à ce qu'ils affirment dans leurs écritures - déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire, celle-ci ne pouvant résulter que d'un acte distinct conformément à l'article R. 622-20 du même code », la cour d'appel, qui a ainsi fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, quand de telles questions étaient régies par la loi danoise applicable dans l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agrée et a son siège social, a ainsi violé par fausse application l'article L. 326-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II. »

Réponse de la Cour

13. Aux termes de l'article L. 326-20 du code des assurances, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (la directive Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès lors qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat.

14. Selon l'article L. 326-28 du même code, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile.

15. Il résulte des articles 369 et 371 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats.

16. Il découle de la combinaison des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce que, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Il s'en déduit que la reprise de l'instance en cours par le créancier est subordonnée à deux conditions, la déclaration de créance et la mise en cause des organes de la procédure collective.

17. Par son arrêt du 13 janvier 2022 (CJUE, arrêt du 13 janvier 2022, Paget Approbois et Alpha Insurance, C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »

18. Après avoir relevé, d'une part, que, selon la loi danoise, les créanciers disposent d'un délai de deux semaines après la publication au journal officiel danois pour rapporter la preuve de leur créance, d'autre part, que les liquidateurs n'avaient pas déclaré la créance des sociétés auprès des organes de la procédure de faillite de la société Alpha, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, mais a, en revanche, appliqué à bon droit cette même loi pour déterminer les effets de la procédure de liquidation sur une instance en cours, a exactement retenu, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants tirés des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, que l'instance en cours dont elle était saisie, interrompue en application de l'article L. 622-22 du même code jusqu'à ce que les liquidateurs aient procédé à la déclaration de leurs créances, n'avait pas été reprise en l'absence d'une telle déclaration, l'assignation en intervention forcée du mandataire de justice ne valant pas déclaration de créance.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 2 décembre 2020 ;

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 15 décembre 2021.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles 274, § 2, et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II ; article L. 326-28 du code des assurances ; articles 369 et 371 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les effets sur les instances en cours d'une procédure collective ouverte dans un pays membre de l'Union européenne, à rapprocher : 2e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 19-12.048, Bull., (cassation).

Com., 4 octobre 2023, n° 22-14.439, (B), FRH

Cassation partielle

Instance – Introduction – Introduction de l'instance par assignation – Date – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 janvier 2022) et les productions, la société Tim Joh Vic ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 juillet 2016 et 25 janvier 2018, la société Nord Europe Lease devenue Bail actea immobilier (le créancier), a déclaré une créance qui a été contestée.

Par une ordonnance notifiée au débiteur le 5 février 2019, le juge-commissaire a constaté que la contestation ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels et a invité le débiteur à saisir la juridiction compétente.

2. Le débiteur a assigné le liquidateur et le créancier pour qu'il soit statué sur sa créance devant le tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Tim Joh Vic et la société Mandateam, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tim Joh Vic, font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors « que, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin ; qu'en déclarant les sociétés Tim Joh Vic et Mandateam ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tim Joh Vic irrecevables en leurs demandes à raison de la tardiveté de la saisine du tribunal de grande instance, quand celui-ci avait été saisi par l'assignation des 25 et 26 février 2019, soit moins d'un mois après la notification, le 5 février 2019, de l'ordonnance du 31 janvier 2019, les juges du fond ont violé l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 624-5 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-28 du même code :

4. Il résulte de ce texte que le tribunal est réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci est remise au greffe.

5. Pour déclarer irrecevables en leurs demandes les sociétés Tim Joh Vic et Mandateam, ès qualités, l'arrêt, après avoir relevé que l'ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2019 avait été notifiée le 5 février 2019 à la société Tim Joh Vic qui avait assigné les sociétés Nord Europe Lease et Diesbeck-Zolotarenko les 25 et 26 février 2019, retient que la remise au greffe est intervenue le 4 avril 2019, postérieurement au délai d'un mois de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire.

6. En statuant ainsi, alors que le tribunal était réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci avait ensuite été remise au greffe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Tim Joh Vic et la société Mandateam, en sa qualité de liquidateur de la société Tim Joh Vic, irrecevables en leurs demandes, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles R. 624-5 et R. 641-28 du code de commerce.

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 21-23.235, (B), FRH

Cassation

Moyen de défense – Exceptions de procédure – Litispendance – Conséquences

Selon l'article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.

Viole ce texte une cour d'appel qui, après avoir accueilli une exception de litispendance, ordonne le dessaisissement du tribunal saisi en premier du litige au profit de celui saisi en second lieu.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 juin 2021) et les productions, le 2 mai 2007, la société HSBC Continental Europe (la banque) a consenti à M. [Y] un prêt pour un investissement immobilier.

2. À la suite d'impayés ayant donné lieu à la constatation de la déchéance du terme, la banque a assigné M. [Y] en paiement le 31 mai 2010 devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

3. Le 23 juillet 2010, M. [Y] a assigné, devant le tribunal de grande instance de Marseille, la société Apollonia ainsi que divers établissements bancaires parmi lesquels la banque, et des notaires afin de voir engager leur responsabilité civile à la suite du dépôt d'une plainte pénale.

4. Saisi à cette fin par la banque, par ordonnance du 22 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise, après avoir constaté que la condition de litispendance était caractérisée entre la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de M. [Y] formée à l'encontre de la banque dont la juridiction était saisie et son action en responsabilité pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille, a ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise au profit du tribunal judiciaire de Marseille.

5. M. [Y] a relevé appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. M. [Y] fait grief à l'arrêt de dire qu'il existait une situation de litispendance entre la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par M. [Y] contre la société HSBC France, devant le tribunal de grande instance, de Pontoise et son action en responsabilité engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille, par assignation du 23 juillet 2010 ayant donné lieu à une instance enregistrée sous le numéro RG 10/10101 et d'avoir ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise, sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par M. [Y], au profit du tribunal judiciaire de Marseille, alors « que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande ; que c'est l'acte introductif d'instance et non la formation de la demande qui date chronologiquement l'antériorité de la saisine ; que, pour juger qu'il existait une situation de litispendance sur la demande de réparation de M. [Y] à l'encontre de la banque, la cour d'appel a pourtant retenu que la juridiction saisie en premier, au sens de l'article 100 du code de procédure civile, était celle saisie en premier de cette demande de M. [Y], en l'occurrence le tribunal de grande instance de Marseille auprès duquel il avait assigné la banque en réparation de son préjudice, et non celle saisie auparavant par la banque, procédure à l'occasion de laquelle M. [Y] avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel, c'est-à-dire le tribunal de grande instance de Pontoise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition précitée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 100 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ce texte que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. À défaut, elle peut le faire d'office.

9. Pour déclarer recevable l'exception de litispendance et ordonner le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que M. [Y] a formé, le 9 août 2019, une demande reconventionnelle destinée à mettre en cause la responsabilité de la banque du fait de manquements dans son obligation d'information et de mise en garde et visant au paiement d'une somme résultant de la perte de chance. Il précise que ce n'est qu'à la faveur de ces derniers développements que la banque a pu se convaincre qu'était constituée une situation de litispendance suffisamment précise pour la soumettre au juge de la mise en état.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le tribunal de grande instance de Pontoise avait été saisi en premier lieu, ce dont il résultait qu'il ne pouvait se dessaisir au profit de la juridiction de Marseille, saisie en second lieu, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix -

Textes visés :

Article 100 du code de procédure civile.

2e Civ., 26 octobre 2023, n° 21-18.619, (B), FS

Rejet

Ordonnance sur requête – Mesure d'instruction in futurum – Conditions – Absence de saisine du juge du fond – Moment – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile qu'une mesure in futurum ne peut pas être ordonnée lorsqu'une instance est ouverte au fond sur le même litige et que celle-ci a été introduite avant le dépôt de la requête.

Le juge est tenu d'examiner l'existence de ces conditions au jour du dépôt de la requête.

L'existence d'une demande reconventionnelle formée dans l'instance au fond ne constitue pas un obstacle à la mesure d'instruction in futurum dès lors qu'elle est formée après le dépôt de la requête.

Il n'est pas exigé, pour que l'instance au fond ouverte à la date de la requête soit considérée comme le même litige, que les parties aux deux procès soient identiques. Il suffit que l'intéressé, qui sollicite une mesure d'instruction in futurum, soit partie à l'instance au fond.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), invoquant des actes de concurrence déloyale de la part de la société Matignon finances (la société Matignon), la société Mirabaud & Cie (Europe) (la société Mirabaud) a obtenu, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, par ordonnance sur requête du président d'un tribunal de commerce du 12 septembre 2019, une mesure d'investigation dans les locaux de la société Matignon.

2. Ayant saisi le président du tribunal de commerce d'une demande de rétractation, la société Matignon a été déboutée par ordonnance de référé du 12 juin 2020 et a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Matignon fait grief à l'arrêt attaqué de dire que l'ordonnance du

12 septembre 2019 était conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande de rétractation de cette ordonnance, alors « que les mesures d'instruction in futurum de l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, ce qui est notamment le cas lorsque la tenue d'un débat contradictoire impliquerait un risque de dépérissement des éléments de preuve ; que les juges ne peuvent se déterminer par des motifs d'ordre général, mais uniquement en fonction des circonstances propres du litige ; qu'en l'espèce, la société Matignon finances faisait valoir qu'elle était, comme les autres sociétés de gestion de portefeuille, « soumise à des obligations légales et réglementaires très strictes de conservation de ses données et dont le respect est encadré et contrôlé par l'AMF », et qu'elle ne pouvait donc pas faire disparaître ses listes de comptes clients ni sa documentation relative à l'emploi et aux conditions de travail de ses salariés, auxquelles la société Mirabaud & Cie entendait avoir accès par la mesure d'instruction in futurum ; qu'en jugeant toutefois que cette mesure avait pu être ordonnée de manière non-contradictoire, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir constaté que l'ordonnance du 12 septembre 2019 renvoyait à la requête, à ses motifs et aux justifications produites, l'arrêt retient que le risque de dépérissement des éléments de preuve et de dissimulation des documents est à rapporter à la nature des faits de concurrence déloyale mentionnés dans la requête qui expose, pièces à l'appui, qu'afin d'induire en erreur et détourner la clientèle, des informations ont été sciemment supprimées ou modifiées, ou encore confusément diffusées par certains gérants quittant la société.

5. L'arrêt relève ensuite que la requête mentionne également un risque de concertation entre la société concurrente et les anciens collaborateurs de la société Mirabaud afin de faire disparaître les éléments recherchés, lequel est caractérisé par les éléments relatifs au débauchage massif de salariés et au détournement de la clientèle, exposés dans la requête qui dénonce une orchestration collective, la société Mirabaud pouvant légitimement craindre de voir effacer les échanges préalables et négociations ayant présidé à l'arrivée de ses salariés et de ses clients chez la société Matignon.

6. La cour d'appel, qui a caractérisé les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, a répondu en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Matignon fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les mesures d'instruction légalement admissibles, destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées lorsque les éléments de preuve susceptibles d'être appréhendés ont vocation à être utilisés dans le cadre d'un procès antérieur déjà engagé ; qu'en l'espèce, la société Matignon finances faisait valoir que les pièces susceptibles d'être appréhendées par les mesures d'instruction in futurum sollicitées par la société Mirabaud & Cie par requête du 11 septembre 2019 avaient vocation à être utilisées dans le cadre du procès prud'homal antérieur concernant les conditions de travail des salariés de la société Mirabaud & Cie et à l'occasion duquel cette dernière leur a reproché des agissements de concurrence déloyale ; qu'elle faisait ainsi valoir qu'il existait un procès prud'homal antérieur de nature à faire échec à la demande de mesures d'instruction litigieuse ; que pour juger néanmoins que la société Mirabaud & Cie avait satisfait à l'exigence de présenter une requête avant tout procès, la cour d'appel, qui a relevé l'existence d'un lien entre le contentieux prud'homal et le contentieux de concurrence déloyale, a jugé que, « quand bien même il existe un lien entre ces deux contentieux, il s'avère que ce lien s'est noué postérieurement au dépôt de la requête, à la faveur des demandes reconventionnelles de la société Mirabaud & Cie », de sorte que le litige prud'homal n'avait pas « trait initialement à des agissements de concurrence déloyale » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle avait relevé que les demandes reconventionnelles présentées dans le procès prud'homal antérieur étaient liées au procès de concurrence déloyale, ce dont il résultait que les pièces appréhendées en vue de ce dernier allaient servir le procès prud'homal antérieur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquence légales de ses constatations, a violé les articles 145 et 70 du code de procédure civile.

2°/ que les mesures d'instruction légalement admissibles, destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées que pour autant qu'aucun procès antérieur n'est en cours, à moins qu'il ne s'agisse de procès distincts ; que le fait qu'une demande reconventionnelle soit jugée recevable établit qu'elle présente un lien suffisant avec la demande initiale ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Mirabaud & Cie avait satisfait à l'exigence de présenter une requête aux fins de mesures d'instruction in futurum avant tout procès, la cour d'appel a relevé que, s'il existait un lien entre le procès prud'homal et le procès en concurrence déloyale en vue duquel la société Mirabaud & Cie a requis une mesure d'instruction in futurum, ce lien ne s'était noué que par l'effet des demandes reconventionnelles présentées dans le litige prud'homal « postérieurement à la requête du 11 septembre 2019 » ; qu'en se déterminant ainsi, par la seule référence à la date à laquelle les demandes reconventionnelles ont été présentées, tandis que de ces demandes, jugées recevables, n'ont fait qu'intégrer le procès prud'homal préalable et antérieur à celui de concurrence déloyale, ce qui suffisait caractériser l'existence d'un procès antérieur au sens de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier la recevabilité de la requête de la société Mirabaud & Cie et a ainsi violé les articles 145 et 70 du code de procédure civile ;

3°/ que dès lors qu'un procès est déjà engagé, les mesures d'instruction légalement admissibles, destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution de ce procès, ne peuvent plus être ordonnées sur requête ou en référé, à moins qu'il ne s'agisse d'un litige distinct ; que, par ailleurs, une demande ne peut être présentée à titre reconventionnel qu'à condition de se rattacher à la demande originaire par un lien suffisant ; qu'en l'espèce, le litige initial porté devant le conseil des prud'hommes concernait certes les conditions de travail de plusieurs des salariés de la société Mirabaud & Cie, mais celle-ci a, par la suite, présenté une demande reconventionnelle faisant état d'agissements de concurrence déloyale, dont la solution était susceptible de dépendre de la mesure d'instruction in futurum ordonnée par le juge saisi sur requête ; qu'en se bornant à juger que, « quand bien même il existe un lien entre ces deux contentieux, il s'avère que ce lien s'est noué postérieurement au dépôt de la requête, à la faveur des demandes reconventionnelles de la société Mirabaud & Cie », tandis que cette demande reconventionnelle présentait nécessairement un lien suffisant avec le litige initial, ce dont il résulte que l'action prud'homale et l'action en concurrence déloyale ne constituaient pas deux litiges distincts, la cour d'appel a violé les articles 145 et 70 du code de procédure civile ;

4°/ que dès lors que le demandeur à une mesure d'instruction in futurum est déjà partie à un procès au fond, ne portant pas sur un litige distinct, une telle mesure ne peut être ordonnée ; qu'il importe peu que la société cible de la requête aux fins de mesures d'instruction in futurum ne soit pas partie à ce procès au fond ; qu'en l'espèce, la société Mirabaud & Cie étant demanderesse reconventionnelle dans le cadre du procès initial, intenté par certains de ses anciens salariés devant le conseil de prud'hommes, et requérante d'une mesure d'instruction in futurum, le critère d'identité de partie était rempli, interdisant qu'une telle mesure soit ordonnée ; qu'ainsi la requête de la société Mirabaud & Cie tendant à obtenir une mesure d'instruction in futurum pour conserver ou établir la preuve de faits de concurrence déloyale qu'elle entendait utiliser tant dans le procès prud'homal en cours que dans un litige commercial à venir, ne pouvait être accueillie ; qu'en jugeant cependant que l'instance prud'homale et l'instance introduite par la requête aux fins de mesures d'instruction in futurum constituaient des litiges distincts, au motif que les parties au litige prud'homal étaient « différentes de celles concernées par le litige exposé dans la requête », la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile qu'une mesure in futurum ne peut pas être ordonnée lorsqu'une instance est ouverte au fond sur le même litige et que celle-ci a été introduite avant le dépôt de la requête.

10. Le juge est tenu d'examiner l'existence de ces conditions au jour du dépôt de la requête.

11. L'existence d'une demande reconventionnelle formée dans l'instance au fond ne constitue pas un obstacle à la mesure d'instruction in futurum, dès lors qu'elle est formée après le dépôt de la requête.

12. L'article 145 du code de procédure civile n'exige pas pour que l'instance au fond ouverte à la date de la requête soit considérée comme le même litige que les parties aux deux procès soient identiques. Il suffit que l'intéressé, qui sollicite une mesure d'instruction in futurum, soit partie à l'instance au fond.

13. La cour d'appel, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les instances au fond engagées devant le conseil de prud'hommes par trois des anciens salariés de la société Mirabaud, faisaient suite à leur prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail, qu'au jour du dépôt de la requête portant sur des actes supposés de concurrence déloyale commis par la société Matignon, les deux litiges étaient distincts et que la demande reconventionnelle formée devant le conseil de prud'hommes, faisant état d'actes de concurrence déloyale, avait été déposée postérieurement à la requête du 11 septembre 2019, en a déduit à bon droit, abstraction faite du motif pour partie erroné mais surabondant critiqué par la quatrième branche, que l'instance au fond devant le conseil de prud'hommes ne constituait pas un obstacle à la mesure d'instruction in futurum.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Caillard - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Duhamel ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 145 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 septembre 2021, pourvoi n° 19-26.018, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 22-14.430, (B), FRH

Rejet

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Compétence – Etendue – Fin de non-recevoir – Limites

Le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur des fins de non-recevoir autres que celles prévues à l'article 914 du code de procédure civile qu'à compter du 1er janvier 2021 et dans des appels formés à compter du 1er janvier 2020.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2022), les 10 et 17 janvier 2020, le comité social et économique Exploitation court courrier d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement d'Air France Apax point à point, et le comité social et économique Exploitation Hub d'Air France, venant aux droits du comité d'établissement Air France Apax Hub, ont relevé appel d'un jugement du 26 novembre 2019 rendu dans une instance les opposant à M. [C].

2. Par ordonnance du 19 novembre 2020, un conseiller de la mise en état a rejeté l'incident soulevé par M. [C]. Ce dernier a déféré à la cour d'appel cette ordonnance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [C] fait grief à l'arrêt de déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, alors « que par l'effet du renvoi opéré par l'article 907 du code de procédure civile aux articles 780 à 807 du même code, le conseiller de la mise en état exerce les attributions qui sont celles du juge de la mise en état devant le tribunal judiciaire ; que l'article 789, 6°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable depuis le 1er janvier 2020, prévoit que le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur des fins de non-recevoir ; qu'en vertu de l'article 55 II du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ce dernier article est applicables aux instances d'appel introduites à compter du 1er janvier 2020 ; qu'en déclarant incompétent le conseiller de la mise en état ayant rendu le 19 novembre 2019 une ordonnance statuant sur les fins de non-recevoir formulées par M. [C] dans ses conclusions d'incident du 20 mai 2020, aux motifs « qu'il n'était pas compétent pour statuer sur ces chefs dès lors qu'à cette époque la voie du déféré n'était pas ouverte », la cour d'appel a ajouté aux articles 907 et 789, 6° du code de procédure civile une condition qui n'y figure pas et les a dès lors violés. »

Réponse de la Cour

5. Les nouvelles attributions conférées par le décret du 11 décembre 2019 au conseiller de la mise en état s'exercent sous réserve que soit ouvert contre ses décisions un déféré devant la cour d'appel, juridiction appelée à trancher en dernier ressort les affaires dont elle est saisie.

6. À cette fin, le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 a complété l'article 916 du code de procédure civile pour étendre le déféré aux ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur toutes fins de non-recevoir. Dans la rédaction antérieure de ce texte, le déféré n'était ouvert qu'à l'encontre des ordonnances par lesquelles ce conseiller tranchait les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de l'appel et celles tirées de l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 de ce code, dont la connaissance lui était déjà confiée par l'article 914, dans des conditions spécifiquement fixées par ce texte.

7. Il résulte de ce qui précède que le décret du 27 novembre 2020 étant, au terme de son article 12, alinéa 2, entré en vigueur le 1er janvier 2021, pour s'appliquer aux instances d'appel en cours, le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur les autres fins de non-recevoir qui lui sont soumises ou qu'il relève d'office qu'à compter de cette date.

8. Ayant constaté que le conseiller de la mise en état avait rendu une ordonnance le 19 novembre 2020 suite aux conclusions d'incident de M. [C], notifiées le 20 mai 2020, soulevant des fins de non-recevoir tirées notamment du défaut de capacité et de pouvoir d'ester en justice des deux demandeurs, soit antérieurement à la possibilité de former un déféré contre une ordonnance ayant statué sur une fin de non-recevoir, la cour d'appel en a exactement déduit que ce conseiller de la mise en état n'était pas compétent pour statuer sur cet incident.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SARL Ortscheidt ; SARL Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 914 du code de procédure civile.

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