Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

PRESCRIPTION CIVILE

Com., 25 octobre 2023, n° 22-17.220, (B), FRH

Rejet

Applications diverses – Prescription annale – Domaine d'application – Sommes trop perçues par l'opérateur

Applications diverses – Prescription annale – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2022), le 28 mars 2008, la société Diabolocom a souscrit auprès de la société Colt Technology services (la société Colt) plusieurs abonnements à des services relatifs à la gestion des relations avec la clientèle, dont un abonnement à un « lien point à point » facturé 900 euros HT par mois, que la société Diabolocom a résilié à compter du 30 avril 2013.

Le 7 novembre 2018, soutenant avoir constaté que cet abonnement lui était toujours facturé en juin 2018, la société Diabolocom a assigné la société Colt en remboursement d'une certaine somme à titre de trop-perçu.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Diabolocom fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Colt à lui payer la somme de 6 300 euros correspondant aux sommes réglées du 1er novembre 2017 au 28 avril 2018, alors « que l'action en répétition de l'indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi contrats ; qu'en retenant que la prescription annale de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques s'applique à l'action en restitution de sommes trop perçues au titre du contrat de service de fourniture de communications électroniques, « quelle que soit la cause de la demande en répétition de l'indu, dont la résiliation du contrat comme c'est le cas en l'espèce », quand l'action en répétition de sommes payées indûment après la résiliation du contrat et n'ayant donné lieu à aucune prestation était soumise à la prescription de droit commun, la cour d'appel a violé, par fausse d'application, le texte susvisé et, par refus d'application, les articles 1376, devenu 1302-1, et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Ayant énoncé qu'aux termes de l'article L. 34-2, alinéa 1, du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1 du même code, pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement et que l'indu réclamé porte sur des sommes correspondant uniquement au paiement du prix des prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques au sens de l'article L. 32, 6°, du code des postes et des communications électroniques, la cour d'appel en a déduit exactement que la demande en restitution était soumise à la prescription annale.

4. Le moyen n'est pas fondé.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La société Diabolocom fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant en l'espèce que « le délai court, en matière de répétition de l'indu, à compter du jour du paiement du prix des prestations ; qu'il ressort de l'avoir émis pour les sommes payées à compter de mai 2013 que ces paiements s'effectuaient par prélèvement bancaire dans le mois correspondant à chaque facture ; qu'il appartient dès lors à Diabolocom qui invoque n'avoir eu connaissance de ces paiements indus qu'à compter de mai 2018, de rapporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait avant cette date de connaître la teneur de ses paiements ; qu'or elle ne produit aucune des factures antérieures à mai 2018 pour démontrer que les factures n'auraient pas été détaillées avant cette dernière ; que ce moyen ne peut donc être retenu ; que par conséquent, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu la prescription des demandes en répétition de l'indu pour toutes les sommes payées sur la période antérieure à une année à compter de l'assignation du 10 octobre [7 novembre] 2018 et condamné Colt Technology services à payer à Diabolocom la somme de 6 300 euros correspondant à l'abonnement mensuel payé entre le 1er novembre 2017 et le 28 avril 2018, les sommes antérieures étant atteintes par la prescription », la cour d'appel a ainsi estimé que le point de départ de la prescription pouvait être reporté à la date de la connaissance de l'indu par le payeur mais que la preuve de l'ignorance de l'indu avant 2018 n'était pas rapportée ; qu'en statuant ainsi, sans tenir compte de la facture de mars 2018 que la société Diabolocom avait pourtant bien produite, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen péremptoire des conclusions de l'appelante selon lequel elle n'avait, malgré de nombreux courriels de réclamation versés aux débats, jamais pu consulter le détail des factures qui lui aurait permis de prendre connaissance du caractère indu des sommes prélevées au titre du contrat résilié, la cour d'appel a encore méconnu l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt retient que les paiements mensuels à compter de mai 2013 s'effectuaient par prélèvement bancaire dans le mois correspondant à chaque facture, faisant ressortir que, dès l'échéance suivant la résiliation de l'abonnement point à point, la société Diabolocom, qui connaissait nécessairement le montant prélevé mensuellement sur son compte bancaire par la société Colt, était en mesure d'en déceler le caractère trop élevé et d'agir en restitution.

7. En conséquence, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions inopérantes visées à la troisième branche, a retenu, à bon droit, que les demandes de répétition de l'indu pour les sommes payées plus d'un an avant l'assignation du 7 novembre 2018 se heurtaient à la prescription annale.

8. Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques.

2e Civ., 5 octobre 2023, n° 20-23.523, (B), FS

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Détermination – Jugement exécutoire – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 14 décembre 2020), le 3 août 2018, l'établissement public Bureau de recherches géologiques et minières a pratiqué, sur le fondement d'un arrêt du 29 mai 2007, rectifié le 4 septembre 2007 et signifié à la société Dilo Guyane les 16 décembre 2016 et 22 mai 2017, ayant condamné cette dernière à lui payer une certaine somme, une saisie-attribution à l'encontre de cette société, laquelle a assigné cet établissement public, ainsi que sa « division comptable », devant un juge de l'exécution.

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 111-3, 1°, et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution et les articles 501, 502 et 503 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.

4. Selon le second, l'exécution des titres exécutoires mentionnés, notamment, au 1° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

5. Il en résulte que le délai de dix ans pendant lequel l'exécution d'une décision de justice mentionnée à l'article L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie court à compter du jour où, ayant acquis force exécutoire, cette décision constitue un titre exécutoire au sens de ce texte.

6. Pour constituer un tel titre, le jugement exécutoire, au sens de l'article 501 du code de procédure civile, doit, en application de l'article 503 du même code, avoir été notifié au débiteur, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, et être revêtu, en application de l'article 502 du même code, de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement.

7. Pour dire prescrite l'action et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient qu'il se déduit des articles 480 et 500 du code de procédure civile que l'arrêt du 29 mai 2007, rectifié par celui du 4 septembre 2007, non susceptible d'un recours suspensif, avait, dès son prononcé, autorité et force de chose jugée et que le point de départ de la prescription court donc à compter du 29 mai 2007, l'arrêt rectifié n'ayant pas pour nature de reporter la date d'effet de l'arrêt qu'il rectifie. Il ajoute que, par application combinée des articles 502 et 503 du code de procédure civile, un arrêt ne peut être exécuté, même ayant acquis autorité et force de chose jugée, qu'une fois la copie exécutoire délivrée et après notification ou signification, revêtant alors la qualification de titre exécutoire, que la signification d'un arrêt est une condition préalable à son exécution forcée afin de la rendre exécutoire et qu'il s'en excipe que si la signification du 22 mai 2017 est une condition préalable, elle n'est pas assimilée toutefois à un acte d'exécution. Il en déduit que la saisie-attribution, diligentée le 3 août 2018, est tardive.

8. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 29 mai 2007, passé en force de chose jugée dès son prononcé, n'avait été signifié à la société Dilo Guyane que le 16 décembre 2016, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater que la saisie-attribution avait été pratiquée dans le délai de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il infirme le jugement en ce qu'il a validé la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018 et condamné la société Dilo Guyane à une indemnité de procédure de 2 500 euros et aux entiers dépens, d'autre part, statuant à nouveau, dit prescrite l'action en recouvrement de la division comptable du Bureau de recherches géologiques et minières et ordonne la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 3 août 2018, l'arrêt rendu le 14 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Duhamel ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles L. 111-3, L. 111-3, 1°, et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ; articles 501, 502 et 503 du code de procédure civile.

Com., 25 octobre 2023, n° 22-18.680, (B), FRH

Cassation partielle

Interruption – Causes – Citation en justice – Déclaration des créances – Portée – Caution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2022, RG n° 19/06554), la société [E] et fils (la société [E]) a ouvert dans les livres de la Société générale (la banque), aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT), un compte bancaire et souscrit auprès de cette banque plusieurs concours, en garantie desquels M. [E] s'est rendu caution.

2. Le 18 novembre 2011, la société [E] a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 18 janvier 2013.

3. Le 6 janvier 2012, la banque a déclaré au passif ses créances, qui ont été admises par une ordonnance du 29 mai 2013, confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015.

4. Le 30 avril 2013, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement.

5. Le 13 janvier 2017, la liquidation judiciaire de la société [E] a été clôturée pour insuffisance d'actif.

6. Le 30 août 2018, la banque a délivré à la caution une nouvelle assignation en exécution de son engagement.

7. Statuant sur l'assignation délivrée le 30 avril 2013, un jugement du 5 octobre 2018 a constaté le désistement d'instance de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le FCT fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action initiée par la banque à l'égard de M. [E], alors « que la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à une demande en justice résultant de l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil ne s'étend pas à une instance distincte de celle dont le demandeur s'est désisté, qui est atteinte de péremption ou qui s'est achevée par le rejet définitif de la demande ; que, d'autre part, la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution, et ce jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer prescrite l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], que, par un jugement définitif en date du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens, saisi de la demande en paiement formée le 30 avril 2013 par la Société générale contre la caution, avait constaté le désistement d'instance de la Société générale à l'égard de M. [E], quand elle retenait elle-même que la déclaration de créance de la Société générale en date du 6 janvier 2012 au passif du débiteur principal, la société [E] et fils, avait interrompu théoriquement le délai de prescription de cinq ans à l'égard de la caution, M. [E], jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la procédure collective à laquelle était soumise la société [E] et fils, et quand il en résultait que, nonobstant la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à la demande en paiement en date du 30 avril 2013 formée par la Société générale à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens résultant du désistement de la Société générale de cette demande qui a été constaté par un jugement en date du 5 octobre 2018, le délai de prescription de cinq ans, auquel était soumise l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E], n'était pas expiré lorsque la Société générale a formé, le 30 août 2018, sa nouvelle demande en paiement à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens et que l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E] n'était, en conséquence, pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2241, 2242, 2243 et 2246 du code civil et des articles L. 110-4 et L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

10. Pour déclarer prescrite l'action engagée par la banque à l'égard de M. [E], l'arrêt, après avoir constaté que les parties s'accordent sur le délai de prescription quinquennale édicté à l'article L. 110-4 du code de commerce et exactement énoncé que la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure et que le désistement visé par l'article 2243 du code civil doit être pur et simple, retient que la déclaration de créance effectuée par la banque le 6 janvier 2012 a interrompu la prescription à l'égard de la caution jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, de sorte que, pendant ce délai, la banque n'avait pas à réaliser de diligences interruptives de prescription.

11. Il ajoute cependant que le désistement pur et simple, par la banque, de sa demande en paiement contre la caution, constaté par le jugement irrévocable du 5 octobre 2018, sans précision que l'instance sera reprise ultérieurement, rend « inopérante » la nouvelle assignation tendant aux mêmes fins que la banque a délivrée à la caution le 30 août 2018, dans la mesure où l'interruption de la prescription était devenue non-avenue par l'effet du désistement. Il en déduit que la date d'exigibilité de la créance à l'endroit de la caution, le 18 janvier 2013, date du jugement de liquidation judiciaire, constitue le seul point de départ du délai de prescription, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis le 19 janvier 2018.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le délai de prescription quinquennale avait été interrompu par la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et ce jusqu'au 13 janvier 2017, de sorte qu'un nouveau délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette dernière date et que l'action de la banque n'était donc pas prescrite à la date de la seconde assignation du 30 octobre 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. Le FCT fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond sur cette demande ; qu'en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, que l'engagement de M. [E] à titre de caution était disproportionné par rapport à ses biens et revenus et en déboutant la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, de ses demandes à l'encontre de M. [E], après avoir déclaré prescrite, et, donc, irrecevable, l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. M. [E] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

15. Cependant, le moyen est né de l'arrêt attaqué.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

17. Il résulte de ce texte qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.

18. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui, après avoir déclaré prescrite l'action engagée par la banque contre la caution, rejette les demandes formées par cette dernière.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Cedrus, représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la SA Société générale, l'arrêt rendu le 19 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 2241, 2242 et 2246 du code civil ; article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Rapprochement(s) :

Com., 23 octobre 2019, pourvoi n° 17-25.656, Bull., (rejet).

2e Civ., 19 octobre 2023, n° 21-22.955, (B), FRH

Rejet

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Saisine de la commission de recours amiable – Absence d'effet interruptif

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 septembre 2021), la société [3] (l'employeur) a été informée le 2 janvier 2012 de l'imputation sur son compte employeur des conséquences financières de l'accident du travail du 28 novembre 2008 de l'un de ses salariés.

2. La commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse), saisie le 26 août 2015, ayant rejeté la contestation de l'employeur de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de cet accident, celui-ci a porté son recours, le 29 mars 2017, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par la caisse est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil ; qu'il est cependant constant que la saisine de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie interrompt le délai de prescription, même si la commission de recours amiable n'est pas une juridiction ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale était bien applicable au recours de l'employeur et que le point de départ du délai de prescription devait être fixé au 2 janvier 2012, date de réception, par celui-ci, de la notification de son taux de cotisation AT/MP l'informant de ce que l'accident du travail déclaré par la victime avait été pris en charge par la caisse ; qu'elle en a déduit que l'employeur « disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 » pour contester le caractère professionnel de l'accident du travail ; qu'il est constant, et non contesté, que l'employeur a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception la commission de recours amiable de la caisse le 26 août 2015 ; qu'il s'en déduisait que son action n'était pas prescrite ; qu'en jugeant le contraire, au motif erroné qu'il « n'a saisi la juridiction que par requête du 29 mars 2017, hors du délai de cinq ans, et ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil.

La saisine de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 2224 du code civil, l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, et l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. »

Réponse de la Cour

5. La prescription quinquennale, prévue par l'article 2224 du code civil, est, en application des articles 2240, 2241 et 2244 du même code, interrompue par la reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution, ou un acte d'exécution forcée.

6. Il résulte des articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le second dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que l'information donnée par la caisse à l'employeur de sa décision de prendre en charge la maladie à titre professionnel ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois (2e Civ.,18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, publié au Bulletin).

7. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que le fait pour un employeur de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, et que l'employeur n'est pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation (2e Civ., 20 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.621, Bull. 2012, II, n° 208).

8. Le pourvoi pose la question de savoir si le délai de prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, prise avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, est interrompu par la saisine de la commission de recours amiable de la caisse par l'employeur.

9. En application du principe rappelé au paragraphe 5, ce n'est que si la saisine de la commission de recours amiable peut être regardée comme une demande en justice qu'elle est susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

10. La saisine de cette commission, qui ne constitue pas un préalable obligatoire à l'action aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n'est pas une demande en justice, et, dès lors, n'interrompt pas le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil.

11. L'arrêt relève que celui-ci a été informé de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident litigieux le 2 janvier 2012, qu'il disposait donc d'un délai expirant le 2 janvier 2017 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation du caractère professionnel de cet accident, qu'il a saisi la juridiction par requête du 29 mars 2017, hors du délai de 5 ans, et qu'il ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription au sens des articles 2233 et suivants et 2241 et suivants du code civil. Il ajoute que la saisine de la commission de recours amiable, n'est pas de nature à interrompre le délai de prescription.

12. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, prise antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, était prescrite.

13. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, Bull. (cassation).

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