Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

OUTRE-MER

Com., 11 octobre 2023, n° 21-20.391, (B), FS

Cassation sans renvoi

Polynésie française – Impôts et taxes – Enregistrement – Remise en cause du régime fiscal d'un acte de vente par l'administration – Procédure contradictoire – Nécessité

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [V] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Papeete.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 mai 2021), le 29 mai 2015, M. [V] a acquis auprès de la société civile immobilière Moehau un bien immobilier situé dans la commune de [Localité 4].

La vente a été soumise au droit fixe de 10 000 F CFP prévu à l'article LP. 2 de la loi du pays n° 2009-8 du 6 mai 2009.

3. Le 22 janvier 2018, soutenant que cette vente devait être soumise au droit d'enregistrement au taux de droit commun prévu à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 88-111 du 29 septembre 1988, le receveur conservateur des hypothèques a émis contre M. [V] un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un rappel de droits dont celui-ci s'est acquitté.

4. Après le rejet implicite de sa réclamation, M. [V] a assigné la Polynésie française en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant l'annulation de l'AMR pour violation du principe du contradictoire puis de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'en application de l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française, une procédure contradictoire s'impose en cas d'insuffisance, d'inexactitude, d'omission ou de dissimulation affectant les éléments servant de base au calcul des droits ; que cette formule inclut l'erreur qui a pu être commise quant au taux applicable eu égard aux caractéristiques de l'opération ; que tel était le cas en l'espèce ; qu'en écartant l'application du principe du contradictoire, les juges du fond ont violé l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978 modifiant et complétant la procédure de redressement et les pénalités applicables en cas d'insuffisance de prix constatée dans l'évaluation des biens en matière de droits d'enregistrement :

6. Aux termes de ce texte, lorsque le service de l'enregistrement constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et du droit de transcription, le receveur de l'enregistrement fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé. Il invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de cette notification.

7. Pour rejeter les demandes de M. [V] en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés, l'arrêt retient que l'AMR ne résulte pas du constat par l'administration d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt, puisque ceux-ci sont constants, à savoir le prix de vente de l'immeuble cédé par la société civile immobilière Moehau à M. [V]. Il ajoute que l'administration n'a jamais remis en cause les éléments servant de base au calcul de l'impôt, mais qu'après avoir constaté qu'un droit d'enregistrement dérogatoire avait été appliqué à tort à ces éléments, elle a procédé à la mise en recouvrement des sommes dues en vertu du droit d'enregistrement de droit commun. Il en déduit que la procédure contradictoire préalable n'avait pas à être appliquée, de sorte que la procédure engagée est régulière.

8. En statuant ainsi, alors que l'administration qui remettait en cause le régime fiscal applicable à l'enregistrement de l'acte de vente litigieux constatait, par là même, une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et devait, par conséquent, mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalable à la mise en recouvrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Faute de mise en oeuvre par le receveur conservateur des hypothèques, préalablement à la mise en recouvrement des droits d'enregistrement supplémentaires en litige, générés par la remise en cause du régime fiscal applicable à l'acte de vente, de la procédure contradictoire prévue à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978, la procédure engagée contre M. [V] est irrégulière.

12. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'AMR n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance, et de prononcer la décharge des droits.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le tribunal civil de première instance de Papeete n° RG 18/00461 en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;

Prononce la décharge des droits objet de cet avis de mise en recouvrement.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978.

2e Civ., 26 octobre 2023, n° 20-22.236, (B), FRH

Cassation

Polynésie française – Procédure civile – Acte de procédure délivré au nom d'une personne décédée – Nullité – Irrégularité de fond – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article 43 du code de procédure civile de la Polynésie française que l'acte délivré au nom d'une personne décédée et comme telle dénuée de la capacité d'ester en justice est affecté d'une irrégularité qui n'est cause de nullité que s'il est justifié qu'elle a porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui l'invoque.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [O] [R], Mme [J] [D] [U] [L], M. [T] [W], dit [M], M. [C] [W] et Mme [F] [M] (les consorts [M]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit rendu par la cour d'appel de Papeete le 19 décembre 2019.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 août 2020), [V] [M], M. [T] [W], dit [M], M. [C] [W], Mme [J] [D] [U] [L] et Mme [F] [M] ont interjeté appel, le 12 juillet 2016, d'un jugement ayant rejeté leurs demandes formées à l'encontre de M. [G]. Mme [O] [R] est intervenue volontairement devant le tribunal.

3. Par arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019, la cour d'appel a enjoint aux consorts [M] de préciser si [V] [M] était décédée et, dans l'affirmative, a invité les parties à présenter leurs observations sur la régularité de la requête ainsi que de la procédure d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel interjeté par [V] [M], M. [T] [M], M. [C] [W], Mme [J] [L] et Mme [F] [M] à l'encontre du jugement rendu le 13 avril 2016 par le tribunal de Papeete, alors « qu'en droit local, et à l'exception des irrégularités tenant aux déchéances et forclusion, les irrégularités d'acte de procédure, qu'elles soient de forme ou de fond, ne sont cause de nullité que s'il est justifié qu'elles ont porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui les invoque ; qu'en déclarant irrecevable l'appel interjeté par les exposants, pour la raison que la requête d'appel avait été improprement libellée au nom notamment d'[V] [M] épouse [R], dont le décès l'aurait privée de qualité pour agir, cependant que l'acte d'appel libellé au nom d'une personne décédée est entaché d'une irrégularité de fond, qui en droit local n'est sanctionnée par la nullité de l'acte que si la preuve d'un grief est rapportée, grief qu'en l'occurrence nul n'avait invoqué et qui n'est pas davantage constaté, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 45 et 47 du code de procédure civile de Polynésie française et, par refus d'application, l'article 43 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 43 du code de procédure civile de la Polynésie française :

5. Il résulte de ce texte que l'acte délivré au nom d'une personne décédée et comme telle dénuée de la capacité d'ester en justice est affecté d'une irrégularité qui n'est cause de nullité que s'il est justifié qu'elle a porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui l'invoque.

6. Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté le 12 juillet 2016 par [V] [M], M. [T] [M], M. [C] [W], Mme [J] [L] et Mme [F] [M], l'arrêt retient que l'appel a été interjeté pour le compte de [V] [M] qui, étant décédée le 25 août 2011, ne pouvait plus agir, que les autres appelants, qui ne pouvaient ignorer son décès et donc son défaut de qualité pour agir, n'ont pas présenté une requête d'appel commune avec les ayants droit de la défunte et que Mme [O] [R] n'a pas interjeté appel et n'établit pas, ni même ne prétend, avoir mandat de représenter les ayants droit de [V] [M].

7. En statuant ainsi, alors que l'acte d'appel qui avait été formé pour le compte d'une personne décédée était entaché d'une irrégularité de fond dont la nullité ne pouvait être prononcée sans qu'un grief n'ait été établi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt déclarant irrecevable l'appel interjeté par les consorts [M] entraîne la cassation du chef de dispositif déclarant irrecevable l'appel incident de M. [G], qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Adida-Canac - Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Article 43 du code de procédure civile de la Polynésie française.

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