Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

IMPOTS ET TAXES

Com., 11 octobre 2023, n° 21-20.391, (B), FS

Cassation sans renvoi

Enregistrement – Redressement et vérifications – Polynésie française – Remise en cause du régime fiscal d'un acte de vente par l'administration – Procédure contradictoire – Nécessité

En application de l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978 modifiant et complétant la procédure de redressement et les pénalités applicables en cas d'insuffisance de prix constatée dans l'évaluation des biens en matière de droits d'enregistrement, lorsque l'administration remet en cause le régime fiscal applicable à l'enregistrement d'un acte de vente et constate, par là même, une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement, elle doit mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalable à la mise en recouvrement.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [V] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Papeete.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 mai 2021), le 29 mai 2015, M. [V] a acquis auprès de la société civile immobilière Moehau un bien immobilier situé dans la commune de [Localité 4].

La vente a été soumise au droit fixe de 10 000 F CFP prévu à l'article LP. 2 de la loi du pays n° 2009-8 du 6 mai 2009.

3. Le 22 janvier 2018, soutenant que cette vente devait être soumise au droit d'enregistrement au taux de droit commun prévu à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 88-111 du 29 septembre 1988, le receveur conservateur des hypothèques a émis contre M. [V] un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un rappel de droits dont celui-ci s'est acquitté.

4. Après le rejet implicite de sa réclamation, M. [V] a assigné la Polynésie française en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant l'annulation de l'AMR pour violation du principe du contradictoire puis de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'en application de l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française, une procédure contradictoire s'impose en cas d'insuffisance, d'inexactitude, d'omission ou de dissimulation affectant les éléments servant de base au calcul des droits ; que cette formule inclut l'erreur qui a pu être commise quant au taux applicable eu égard aux caractéristiques de l'opération ; que tel était le cas en l'espèce ; qu'en écartant l'application du principe du contradictoire, les juges du fond ont violé l'article 1er de la délibération n° 78-3 du 20 janvier 1978 et l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978 modifiant et complétant la procédure de redressement et les pénalités applicables en cas d'insuffisance de prix constatée dans l'évaluation des biens en matière de droits d'enregistrement :

6. Aux termes de ce texte, lorsque le service de l'enregistrement constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et du droit de transcription, le receveur de l'enregistrement fait connaître au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé. Il invite en même temps l'intéressé à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de cette notification.

7. Pour rejeter les demandes de M. [V] en annulation de l'AMR et en restitution des droits supplémentaires payés, l'arrêt retient que l'AMR ne résulte pas du constat par l'administration d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt, puisque ceux-ci sont constants, à savoir le prix de vente de l'immeuble cédé par la société civile immobilière Moehau à M. [V]. Il ajoute que l'administration n'a jamais remis en cause les éléments servant de base au calcul de l'impôt, mais qu'après avoir constaté qu'un droit d'enregistrement dérogatoire avait été appliqué à tort à ces éléments, elle a procédé à la mise en recouvrement des sommes dues en vertu du droit d'enregistrement de droit commun. Il en déduit que la procédure contradictoire préalable n'avait pas à être appliquée, de sorte que la procédure engagée est régulière.

8. En statuant ainsi, alors que l'administration qui remettait en cause le régime fiscal applicable à l'enregistrement de l'acte de vente litigieux constatait, par là même, une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul du droit d'enregistrement et devait, par conséquent, mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalable à la mise en recouvrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Faute de mise en oeuvre par le receveur conservateur des hypothèques, préalablement à la mise en recouvrement des droits d'enregistrement supplémentaires en litige, générés par la remise en cause du régime fiscal applicable à l'acte de vente, de la procédure contradictoire prévue à l'article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978, la procédure engagée contre M. [V] est irrégulière.

12. En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'AMR n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance, et de prononcer la décharge des droits.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le tribunal civil de première instance de Papeete n° RG 18/00461 en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement n° 917/VP/RCH du 22 janvier 2018 et a condamné la Polynésie française à payer à M. [V] la somme de 150 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;

Prononce la décharge des droits objet de cet avis de mise en recouvrement.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Tostain - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article 1er de la délibération de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française n° 78-3 du 20 janvier 1978.

Com., 11 octobre 2023, n° 21-11.574, (B), FRH

Annulation sans renvoi

Recouvrement (règles communes) – Assistance internationale – Assistance d'un Etat de l'Union européenne – Contestation relative à la validité de l'instrument uniformisé – Compétence – Détermination

Il résulte de l'article R. 283 C-3 du livre des procédures fiscales, qui transpose l'article 14, § 2, de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, que la contestation relative à la validité de l'instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'Etat membre requis est portée par son destinataire devant l'instance compétente de l'Etat membre requérant.

Dès lors, une demande tendant à l'annulation de l'instrument uniformisé au motif que la décision à l'origine de la demande d'assistance mutuelle au recouvrement n'a pas été régulièrement notifiée à l'intéressé, qui porte sur la validité de l'instrument uniformisé, relève de la compétence de l'instance compétente de l'Etat membre requérant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2020), par lettre du 8 mars 2019, la direction des créances spéciales du Trésor a adressé à M. [R] un instrument uniformisé émanant des autorités allemandes, permettant le recouvrement d'une créance fiscale en application de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

2. M. [R] a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir l'annulation de cet instrument uniformisé devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance, qui a déclaré sa demande irrecevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'annulation de la notification de l'instrument uniformisé européen par l'Etat français

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'annulation de la notification par l'Etat français de l'instrument uniformisé, alors « qu'en cas d'assistance au recouvrement pour toute créance visée à la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010, l'émission d'un instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'Etat membre requis est subordonnée à la condition que la créance faisant l'objet du titre de recouvrement ait été préalablement notifiée au débiteur dans la langue de l'Etat requis de telle manière qu'il soit en mesure de la contester utilement par l'exercice d'un recours juridictionnel effectif auprès des juridictions de l'Etat requérant ; qu'il s'ensuit que le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable imposent au juge de l'exécution de l'Etat requis de refuser d'accorder son assistance à l'Etat requérant dès lors que le débiteur n'a pas été en mesure de contester utilement la créance qui ne lui a pas été notifié régulièrement, à défaut d'avoir été informé des motifs qui fondaient cette créance dans la langue de l'Etat requis qu'il comprenait, préalablement à l'émission de l'instrument uniformisé ; qu'en considérant, sur le fondement de l'article L. 283 C du livre des procédures fiscales, qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la régularité de la notification préalable de la décision administrative allemande du 30 août 2018, en l'absence de mesures conservatoires ou d'exécution prises en France sur le fondement de l'instrument uniformisé, ou de contestation portant sur la régularité de la notification de l'instrument uniformisé, quand M. [R] a soutenu à cet égard que le Finanzmat lui avait notifié une créance d'un montant de 633 949,73 euros par une décision du 30 août 2018 non traduite, dans des conditions qui ne lui ont pas permis d'exercer en temps utile un recours juridictionnel effectif, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article L. 283 C, V et VI, du livre des procédures fiscales »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel n'ayant pas, contrairement aux allégations du moyen, statué sur une demande d'annulation de la notification par les autorités françaises de l'instrument uniformisé émis par les autorités allemandes, dont elle n'était pas saisie, le moyen doit être rejeté.

Mais sur le moyen d'incompétence relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 76, alinéa 2, du même code.

Vu l'article R. 283 C-3 du livre des procédures fiscales :

6. Il résulte de ce texte, qui transpose l'article 14, § 2, de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, que la contestation relative à la validité de l'instrument uniformisé permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'Etat membre requis est portée par son destinataire devant l'instance compétente de l'Etat membre requérant.

7. L'arrêt relève que la demande formée par M. [R] tend à l'annulation de l'instrument uniformisé émanant des autorités allemandes en soutenant que la décision administrative allemande du 30 août 2018 à l'origine de la demande d'assistance mutuelle au recouvrement ne lui a pas été régulièrement notifiée.

8. Il s'en déduit que cette contestation, qui porte sur la validité de l'instrument uniformisé, relève de la compétence de l'instance allemande compétente.

9. Il convient, dès lors, d'annuler l'arrêt attaqué, de constater l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur cette contestation et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y a lieu de statuer sur le moyen en tant qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande d'annulation de l'instrument uniformisé, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare les juridictions françaises incompétentes ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lion - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 283 C-3 du livre des procédures fiscales.

Com., 11 octobre 2023, n° 22-10.795, (B), FRH

Cassation

Recouvrement (règles communes) – Contestation – Destinataire – Comptable public

Aux termes des articles 32, 122 et 125 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir, cette fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité devant être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public.

Selon les articles L. 281 du livre des procédures fiscales, ce dernier d'ordre public, 11 et 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. S'il incombe à l'ordonnateur de constater les droits et obligations, de liquider les recettes et d'émettre des ordres de recouvrement, le comptable public est seul chargé du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire.

En conséquence, doit être relevée d'office l'irrecevabilité de la contestation de l'exigibilité d'une créance de redevance d'assainissement dirigée par le contribuable contre l'ordonnateur, partie dépourvue du droit d'agir en défense, alors que l'action devait être dirigée contre le comptable public en charge de son recouvrement.

Recouvrement (règles communes) – Contestation – Destinataire – Ordonnateur (non)

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Toulouse, 18 novembre 2021), le 10 décembre 2014, à la demande de [Localité 4], établissement public de coopération intercommunale, le centre des finances publiques de [Localité 4] a délivré à M. [E] une contrainte portant sur une redevance d'assainissement pour un montant de 642,08 euros.

2. Le 21 avril 2021, faute de paiement, l'administration fiscale a fait pratiquer une saisie à tiers détenteur.

3. Le 27 juillet 2021, M. [E] a assigné [Localité 4] devant le tribunal judiciaire aux fins d'obtenir la restitution de la somme de 642,08 euros, indûment saisie selon lui, outre celle de 64,21 euros de frais bancaires consécutifs à la saisie.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. [Localité 4] fait grief au jugement de décider que la créance ayant fait l'objet de la saisie à tiers détenteur était prescrite lors de sa mise en oeuvre et de la condamner à rembourser à M. [E] les sommes de 642,08 euros et 64,61 euros représentant les frais bancaires, alors « que, contestant le recouvrement d'une somme appréhendée dans le cadre d'un avis à tiers détenteur et visant à la restitution de la somme ainsi appréhendée, l'action de M. [E] devait être dirigée non pas contre [Localité 4], ordonnateur, mais contre le comptable ; qu'en s'abstenant de relever d'office cette fin de non-recevoir, du reste d'ordre public, le tribunal judiciaire a violé les articles 122, 125 et 472 du code de procédure civile, 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 et L. 281 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 32, 122 et 125 du code de procédure civile, l'article L. 281 du livre des procédures fiscales et les articles 11 et 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 :

5. Selon le premier de ces textes, est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue du droit d'agir.

6. Selon les deux suivants, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public.

7. Aux termes du quatrième, qui est d'ordre public, les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.

8. Il résulte des deux derniers que, s'il incombe à l'ordonnateur de constater les droits et obligations, de liquider les recettes et d'émettre des ordres de recouvrement, le comptable public est seul chargé du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire.

9. Le tribunal a accueilli les prétentions de M. [E].

10. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que l'assignation avait été délivrée à l'égard de « [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal », donc contre [Localité 4], en qualité d'ordonnateur, alors que l'action devait être dirigée contre le comptable public, de sorte que, dirigée contre une partie dépourvue du droit d'agir en défense, il devait relever d'office l'irrecevabilité de la demande, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, à la demande de [Localité 4].

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Pour les raisons exposées ci-dessus, la contestation par M. [E] de l'exigibilité de la créance litigieuse au motif qu'elle serait prescrite, qui ressortit au contentieux du recouvrement, est irrecevable faute pour celui-ci d'avoir assigné le comptable public en charge de son recouvrement.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la contestation de l'exigibilité de la créance ;

DÉCLARE IRRECEVABLE cette contestation ;

Renvoie, pour le surplus, l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de [Localité 4], autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 32, 122 et 125 du code de procédure civile ; article L. 281 du livre des procédures fiscales ; articles 11 et 18, 5°, du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.

Com., 4 octobre 2023, n° 22-14.410, (B), FRH

Cassation

Recouvrement (règles communes) – Rôle – Cas – Cotisation foncière des entreprises

Recouvrement (règles communes) – Avis de recouvrement – Exclusion – Cas – Cotisation foncière des entreprises

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, (juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon, 10 janvier 2022), le 2 février 2021, un tribunal a mis la société Experium Nax en procédure de sauvegarde, la société MJ Synergie, étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

2. Le 10 mars 2021, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a déclaré à titre provisionnel au passif de la procédure collective, une créance d'un montant de 2 600 euros correspondant à la cotisation foncière des entreprises (CFE) de l'année 2021.

La créance a été contestée par le débiteur.

3. Le 23 novembre 2021, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a demandé l'admission à titre définitif pour 2062 euros de la créance précédemment déclarée à titre provisionnel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône, comptable public, venant aux droits du comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 7], agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône et du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques font grief à l'ordonnance de rejeter la créance, alors « que la cotisation foncière des entreprises est un impôt recouvré par voie de rôle et non par voie d'avis de mise en recouvrement ; qu'en constatant qu'aucun avis de mise en recouvrement n'avait été produit par le comptable public et que par conséquent, à défaut de titre exécutoire, la créance fiscale n'était pas justifiée et devait ainsi être rejetée, le juge-commissaire a violé l'article 1679 quinquies du code général des impôts, ensemble les articles L. 622-24 et L. 624-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-24 du code de commerce et 1676 quinquies du code général des impôts :

5. Selon le premier de ces textes, les créances du Trésor public, qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ; sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai fixé par le tribunal pour l'établissement par le mandataire judiciaire de la liste des créances déclarées.

6. Selon le second de ces textes, la cotisation foncière des entreprises est recouvrée par voie de rôles suivant les modalités et sous les garanties et sanctions prévues en matière de contributions directes.

7. Pour rejeter la créance, l'ordonnance relève qu'aucun avis de recouvrement n'a été produit par le pôle de recouvrement spécialisé du Rhône et en déduit qu'à défaut de titre exécutoire la créance n'est pas justifiée et doit être rejetée.

8. En statuant ainsi, alors que la cotisation foncière des entreprises est un impôt recouvré, non par voie d'avis de recouvrement mais par voie de rôle, le juge-commissaire a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022, entre les parties, par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de désignation d'un autre juge-commissaire chargé de statuer comme juridiction de renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Bedouet - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1676 quinquies du code général des impôts ; article L. 622-24 du code de commerce.

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