Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 25 octobre 2023, n° 22-18.680, (B), FRH

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Déclaration des créances – Effets – Effets à l'égard de la caution – Prescription – Interruption – Durée – Clôture de la procédure collective

Il résulte de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et de l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 avril 2022, RG n° 19/06554), la société [E] et fils (la société [E]) a ouvert dans les livres de la Société générale (la banque), aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT), un compte bancaire et souscrit auprès de cette banque plusieurs concours, en garantie desquels M. [E] s'est rendu caution.

2. Le 18 novembre 2011, la société [E] a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 18 janvier 2013.

3. Le 6 janvier 2012, la banque a déclaré au passif ses créances, qui ont été admises par une ordonnance du 29 mai 2013, confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015.

4. Le 30 avril 2013, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement.

5. Le 13 janvier 2017, la liquidation judiciaire de la société [E] a été clôturée pour insuffisance d'actif.

6. Le 30 août 2018, la banque a délivré à la caution une nouvelle assignation en exécution de son engagement.

7. Statuant sur l'assignation délivrée le 30 avril 2013, un jugement du 5 octobre 2018 a constaté le désistement d'instance de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le FCT fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite l'action initiée par la banque à l'égard de M. [E], alors « que la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à une demande en justice résultant de l'application des dispositions de l'article 2243 du code civil ne s'étend pas à une instance distincte de celle dont le demandeur s'est désisté, qui est atteinte de péremption ou qui s'est achevée par le rejet définitif de la demande ; que, d'autre part, la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution, et ce jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer prescrite l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], que, par un jugement définitif en date du 5 octobre 2018, le tribunal de commerce d'Amiens, saisi de la demande en paiement formée le 30 avril 2013 par la Société générale contre la caution, avait constaté le désistement d'instance de la Société générale à l'égard de M. [E], quand elle retenait elle-même que la déclaration de créance de la Société générale en date du 6 janvier 2012 au passif du débiteur principal, la société [E] et fils, avait interrompu théoriquement le délai de prescription de cinq ans à l'égard de la caution, M. [E], jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la procédure collective à laquelle était soumise la société [E] et fils, et quand il en résultait que, nonobstant la disparition de l'effet interruptif du délai de prescription attaché à la demande en paiement en date du 30 avril 2013 formée par la Société générale à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens résultant du désistement de la Société générale de cette demande qui a été constaté par un jugement en date du 5 octobre 2018, le délai de prescription de cinq ans, auquel était soumise l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E], n'était pas expiré lorsque la Société générale a formé, le 30 août 2018, sa nouvelle demande en paiement à l'encontre de M. [E] devant le tribunal de commerce d'Amiens et que l'action en paiement exercée par la Société générale à l'encontre de M. [E] n'était, en conséquence, pas prescrite, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2241, 2242, 2243 et 2246 du code civil et des articles L. 110-4 et L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241, 2242 et 2246 du code civil et l'article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective.

10. Pour déclarer prescrite l'action engagée par la banque à l'égard de M. [E], l'arrêt, après avoir constaté que les parties s'accordent sur le délai de prescription quinquennale édicté à l'article L. 110-4 du code de commerce et exactement énoncé que la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure et que le désistement visé par l'article 2243 du code civil doit être pur et simple, retient que la déclaration de créance effectuée par la banque le 6 janvier 2012 a interrompu la prescription à l'égard de la caution jusqu'au 13 janvier 2017, date de clôture de la liquidation judiciaire de la débitrice principale, de sorte que, pendant ce délai, la banque n'avait pas à réaliser de diligences interruptives de prescription.

11. Il ajoute cependant que le désistement pur et simple, par la banque, de sa demande en paiement contre la caution, constaté par le jugement irrévocable du 5 octobre 2018, sans précision que l'instance sera reprise ultérieurement, rend « inopérante » la nouvelle assignation tendant aux mêmes fins que la banque a délivrée à la caution le 30 août 2018, dans la mesure où l'interruption de la prescription était devenue non-avenue par l'effet du désistement. Il en déduit que la date d'exigibilité de la créance à l'endroit de la caution, le 18 janvier 2013, date du jugement de liquidation judiciaire, constitue le seul point de départ du délai de prescription, de sorte que la prescription quinquennale était acquise depuis le 19 janvier 2018.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le délai de prescription quinquennale avait été interrompu par la déclaration de créance du 6 janvier 2012 et ce jusqu'au 13 janvier 2017, de sorte qu'un nouveau délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à compter de cette dernière date et que l'action de la banque n'était donc pas prescrite à la date de la seconde assignation du 30 octobre 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. Le FCT fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond sur cette demande ; qu'en énonçant, par conséquent, par motifs adoptés des premiers juges, que l'engagement de M. [E] à titre de caution était disproportionné par rapport à ses biens et revenus et en déboutant la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, de ses demandes à l'encontre de M. [E], après avoir déclaré prescrite, et, donc, irrecevable, l'action initiée par la Société générale, aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Cedrus, à l'encontre de M. [E], la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. M. [E] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

15. Cependant, le moyen est né de l'arrêt attaqué.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

17. Il résulte de ce texte qu'une juridiction qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond.

18. L'arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement qui, après avoir déclaré prescrite l'action engagée par la banque contre la caution, rejette les demandes formées par cette dernière.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il déclare recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Cedrus, représenté par la société MCS et associés venant aux droits de la SA Société générale, l'arrêt rendu le 19 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 2241, 2242 et 2246 du code civil ; article L. 622-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Rapprochement(s) :

Com., 23 octobre 2019, pourvoi n° 17-25.656, Bull., (rejet).

Com., 4 octobre 2023, n° 22-12.128, (B), FRH

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance en cours – Interruption – Applications diverses – Faillite prononcée par un tribunal d'un Etat membre de l'Union européenne

Par arrêt du 13 janvier 2022 (CJUE, arrêt du 13 janvier 2022, Paget Approbois et Alpha Insurance, C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »

Il en découle qu'en application de l'article L. 326-28 du code des assurances, qui transpose l'article 292 de la directive précitée, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France sont régis exclusivement par les dispositions des articles 369 et 371 du code de procédure civile qui disposent que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats, et des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce, selon lesquels, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Doit, dès lors, être approuvée la cour d'appel qui a retenu qu'elle devait appliquer l'article L. 622-22 du code de commerce pour déterminer les effets de la liquidation d'une société d'assurance danoise, mise en liquidation au Danemark, sur l'instance en cours dont elle était saisie, et qu'à défaut de déclaration de créance selon les modalités de forme et de délais prévus par la loi danoise, l'instance en cours interrompue n'avait pas été reprise.

Déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 2 décembre 2020, examinée d'office

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application du texte susvisé.

2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur en cassation doit, dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. Le 15 février 2022, M. [N], en qualité de liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D], en qualité de liquidateur de la société Corse discount diffusion, se sont pourvus contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bastia, les 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021.

4. Le mémoire qu'ils ont déposé dans le délai de quatre mois ne comporte aucun moyen de droit contre l'arrêt du 2 décembre 2020.

5. Dès lors, il y a lieu de constater la déchéance de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.

Faits et procédure

6. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 2 décembre 2020 et 15 décembre 2021), le 20 juillet 2012, des locaux commerciaux appartenant à Mmes [W] et [I] [A], et exploités par les sociétés Corse discount diffusion et Corse discount Ajaccio (les sociétés), ont été détruits par des incendies.

Les sociétés ont demandé en vain à leur assureur, la société de droit danois Alpha Group, devenue Alpha Insurance A/S (la société Alpha), de les indemniser de leurs préjudices.

7. Le 28 juin 2013, les sociétés ont assigné la société Alpha en paiement devant le tribunal de commerce de Bastia.

8. Les 11 février et 10 mars 2014, les sociétés ont été mises en liquidation judiciaire, M. [N] étant désigné liquidateur de la société Corse discount Ajaccio, et M. [D] étant désigné liquidateur de la société Corse discount diffusion.

9. Le 8 mai 2018, un jugement rendu par une juridiction danoise a déclaré la société Alpha en faillite.

10. Le 2 décembre 2019, M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, ont assigné en intervention forcée M. [B], syndic de la société Alpha.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

12. M. [N], ès qualités, et M. [D], ès qualités, font grief à l'arrêt du 15 décembre 2021 de déclarer irrecevables leurs demandes présentées à l'encontre de M. [B], ès qualités, alors « qu'il résulte du paragraphe 1 de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II, que, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292, la décision d'ouvrir une procédure de liquidation d'une entreprise d'assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l'État membre d'origine, c'est-à-dire par la loi de l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agréée et a son siège social ; qu'il résulte du paragraphe 2, sous g) du même article que le droit de l'État membre d'origine détermine au moins les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen pris par les exposants de ce que la mise en cause du mandataire liquidateur de la société de droit danois Alpha Insurance dans l'instance française en paiement de l'indemnité d'assurance valait déclaration de créance, d'une part, que « l'absence de déclaration des créances a pour effet, en application de l'article L. 622-26 du code de commerce de rendre inopposable la créance non déclarée au passif en ces termes « les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie », ce qui signifie que les créanciers ne pourront pas s'en prévaloir y compris durant le plan de redressement et y compris dans le cadre d'une compensation » et, d'autre part, que « l'assignation en reprise d'une instance en cours délivrée en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, serait-elle accompagnée de conclusions tendant à la fixation par la juridiction saisie de cette instance de la créance du demandeur, ce que les intimées ne prouvent pas, ne vaut pas - contrairement à ce qu'ils affirment dans leurs écritures - déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire, celle-ci ne pouvant résulter que d'un acte distinct conformément à l'article R. 622-20 du même code », la cour d'appel, qui a ainsi fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, quand de telles questions étaient régies par la loi danoise applicable dans l'État membre dans lequel l'entreprise d'assurance a été agrée et a son siège social, a ainsi violé par fausse application l'article L. 326-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de l'article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II. »

Réponse de la Cour

13. Aux termes de l'article L. 326-20 du code des assurances, issu de l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 transposant la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (la directive Solvabilité II), les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès lors qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat.

14. Selon l'article L. 326-28 du même code, issu de la même ordonnance, transposant l'article 292 de la directive Solvabilité II, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile.

15. Il résulte des articles 369 et 371 du code de procédure civile que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur, dès lors que cet événement survient avant l'ouverture des débats.

16. Il découle de la combinaison des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce que, par l'effet du jugement qui ouvre la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur, dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Il s'en déduit que la reprise de l'instance en cours par le créancier est subordonnée à deux conditions, la déclaration de créance et la mise en cause des organes de la procédure collective.

17. Par son arrêt du 13 janvier 2022 (CJUE, arrêt du 13 janvier 2022, Paget Approbois et Alpha Insurance, C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »

18. Après avoir relevé, d'une part, que, selon la loi danoise, les créanciers disposent d'un délai de deux semaines après la publication au journal officiel danois pour rapporter la preuve de leur créance, d'autre part, que les liquidateurs n'avaient pas déclaré la créance des sociétés auprès des organes de la procédure de faillite de la société Alpha, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de la loi française pour déterminer les conditions de production d'une créance à la liquidation de l'assureur danois et leur sanction, mais a, en revanche, appliqué à bon droit cette même loi pour déterminer les effets de la procédure de liquidation sur une instance en cours, a exactement retenu, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants tirés des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, que l'instance en cours dont elle était saisie, interrompue en application de l'article L. 622-22 du même code jusqu'à ce que les liquidateurs aient procédé à la déclaration de leurs créances, n'avait pas été reprise en l'absence d'une telle déclaration, l'assignation en intervention forcée du mandataire de justice ne valant pas déclaration de créance.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 2 décembre 2020 ;

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 15 décembre 2021.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles 274, § 2, et 292 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice, dite Solvabilité II ; article L. 326-28 du code des assurances ; articles 369 et 371 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les effets sur les instances en cours d'une procédure collective ouverte dans un pays membre de l'Union européenne, à rapprocher : 2e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 19-12.048, Bull., (cassation).

Com., 4 octobre 2023, n° 22-15.456, (B), FRH

Cassation

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Créanciers hypothécaires et privilégiés – Paiement – Erreur sur l'ordre des privilèges – Omission sur l'état de collocation – Restitution des sommes versées au créancier

Selon l'article L. 643-7-1 du code de commerce, le créancier qui a reçu un paiement à la suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées. Il en résulte que, lorsqu'un paiement à un créancier privilégié a été effectué à la suite de l'omission sur l'état de collocation d'un créancier de meilleur rang, le liquidateur peut agir en restitution des sommes versées au créancier qui a reçu ce paiement.

Doit donc être cassé l'arrêt qui, pour rejeter la demande de restitution du liquidateur dirigée contre un créancier ayant reçu une partie du prix de vente d'un immeuble en exécution d'un état de collocation sur lequel avait été omis un créancier de meilleur rang, retient que cette demande constitue en réalité une contestation de l'état de collocation enfermée dans le délai d'un mois de la publicité de son dépôt, devant le juge de l'exécution, et que le paiement intervenu en vertu d'un état de collocation, dont il n'était pas justifié qu'il avait fait l'objet d'une contestation, n'était entaché d'aucune erreur dans l'ordre des privilèges qu'il avait réglé.

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Créanciers hypothécaires et privilégiés – Paiement – Erreur sur l'ordre des privilèges – Omission sur l'état de collocation – Contestation de l'état de collocation (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 3 février 2022), le 23 mai 2012, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société Actuel Immo Invest, qui a été converti en liquidation judiciaire le 18 juillet suivant.

Le 29 mars 2017, M. [L] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire en remplacement d'un autre professionnel.

2. Le 2 août 2018, à la suite de la vente d'un immeuble et en vue de la distribution du prix, le liquidateur a établi l'état de collocation des créanciers en vertu duquel il a adressé à la société Austell France participations (la société Austell), créancier hypothécaire, un dividende de 268 955,52 euros.

3. Le 18 juin 2020, M. [L], ès qualités, a assigné la société Austell en restitution d'une somme de 24 224,49 euros qui aurait dû être réglée, selon lui, prioritairement à l'AGS.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [L], ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que le créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ; qu'en retenant, pour débouter M. [L], ès qualités, de sa demande de restitution de l'indu, que malgré l'admission définitive au passif de la créance de l'UNEDIC CGEA au titre de l'AGS pour une somme de 24 224,49 euros et son inscription sur l'état des créances privilégiées, ce créancier n'avait pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l'état de collocation dressé le 2 août 2018 et que si cet état de collocation n'avait pas été dressé en conformité avec l'état des créances privilégiées admises, le paiement opéré par le liquidateur à la société Austell France participations était intervenu dans le respect de l'ordre établi par lui, de sorte que la demande de restitution trouvait son origine, non pas dans une erreur commise dans l'acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence, mais dans le défaut de collocation d'un créancier qui disposait du droit d'y participer, et qu'elle constituait en réalité une contestation de l'état de collocation, quand l'omission d'appeler un créancier privilégié à la distribution du prix de vente ayant entraîné un paiement indu au profit d'un autre créancier constituait une erreur sur l'ordre des privilèges, la cour d'appel a violé l'article L. 643-7-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 643-7-1 du code de commerce :

5. Selon ce texte, le créancier qui a reçu un paiement à la suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées. Il en résulte que, lorsqu'un paiement à un créancier privilégié a été effectué à la suite de l'omission sur l'état de collocation d'un créancier de meilleur rang, le liquidateur peut agir en restitution des sommes versées au créancier qui a reçu ce paiement.

6. Pour rejeter la demande de restitution, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il résulte de la combinaison des articles R. 643-6 et R. 643-7 du code de commerce que le liquidateur procède au règlement des créanciers sur le fondement de l'état de collocation dressé en conformité avec l'état des créances définitivement admises, relève, que, malgré l'admission définitive au passif de la créance de l'UNEDIC CGEA au titre de l'AGS pour une somme de 24 224,49 euros et son inscription sur l'état des créances privilégiées, ce créancier n'a pas été appelé à la distribution du prix de vente du bien immobilier par l'état de collocation dressé le 2 août 2018, et que le paiement adressé par le liquidateur à la société Austell est intervenu dans le respect de l'ordre réglé par lui.

7. L'arrêt en déduit que la demande de restitution du liquidateur ne trouve pas son origine dans une erreur commise dans l'acte de collocation sur le classement légal des droits de préférence, mais bien dans le défaut de collocation d'un créancier qui disposait du droit d'y participer, que la demande constitue en réalité une contestation de l'état de collocation qui doit intervenir dans le mois de la publicité de son dépôt, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire, et que le paiement intervenu en vertu de l'état de collocation du 2 août 2018, dont il n'est pas justifié qu'il ait fait l'objet de contestation, n'est donc entaché d'aucune erreur dans l'ordre des privilèges qu'il a réglé.

8. En statuant ainsi, alors que la somme dont la restitution était demandée par le liquidateur à la société Austell lui avait été versée à la suite de l'omission d'un créancier de meilleur rang, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Caston ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article L. 643-7-1 du code de commerce.

Com., 25 octobre 2023, n° 22-16.907, (B), FRH

Cassation

Organe – Juge-commissaire – Désignation des contrôleurs – Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Refus – Portée – Excès de pouvoir

L'article L. 621-10, alinéa 2, du code de commerce dispose que les administrations financières et les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-6 du même code sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande.

Commet un excès de pouvoir, le juge-commissaire qui refuse de désigner contrôleur l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) qui en a fait la demande.

Organes – Contrôleurs – Désignation – Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Possibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mars 2022), le 5 septembre 2017, la société Sporting club de [Localité 3] (le SC [Localité 3]) a été mise en liquidation judiciaire, M. [H] étant désigné liquidateur.

2. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Corse (l'URSSAF) a déclaré sa créance qui a été partiellement admise.

3. Par une requête au juge-commissaire, l'URSSAF a demandé à être nommée contrôleur. Cette demande a été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire du 27 avril 2021.

L'URSSAF a formé un recours contre cette ordonnance.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

4. Selon l'article L. 661-6, I, 1°, du code de commerce, les jugements ou ordonnances relatifs à la nomination des contrôleurs ne sont susceptibles que d'un appel du ministère public et, selon l'article L. 661-7 du même code, il ne peut être exercé de pourvoi en cassation contre les arrêts rendus en application du premier. Il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.

5. L'URSSAF a formé un pourvoi contre l'arrêt confirmant le jugement ayant rejeté le recours et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire.

6. Ce pourvoi n'est recevable que si un excès de pouvoir est caractérisé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant dit son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire recevable, l'ayant déboutée de son recours, fins et conclusions et ayant confirmé par substitution des motifs l'ordonnance en date du 27 avril 2021, alors « que selon l'article L. 621-10 du code de commerce, les administrations financières, les organismes et les institutions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 626-6, dont les organismes de sécurité sociale, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande ; que cette désignation est de droit ; qu'il s'ensuit le juge-commissaire, et sur opposition le tribunal de commerce, n'ont pas le pouvoir de rejeter une telle demande pour un motif d'opportunité ; qu'en retenant que ces dispositions ne prescrivaient aucune désignation de plein droit et que le tribunal de commerce avait pu refuser de désigner l'URSSAF Corse comme contrôleur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Sporting club de [Localité 3], pour des motifs d'opportunité tenant à la perte d'intérêt d'une telle désignation trois ans après le début de la procédure quand la vérification du passif était finalisée et la défense des intérêts des créanciers assurée par les liquidateurs et au danger que celle-ci présentait eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendant devant le tribunal de commerce de Lyon et à laquelle l'URSSAF Corse était partie, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir et violé l'article L. 621-10 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 621-10, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 du même code, et les principes régissant l'excès de pouvoir :

8. Le premier texte dispose que les administrations financières, les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa de l'article L. 626-6, sont désignés contrôleurs s'ils en font la demande.

9. Pour rejeter le recours formé par l'URSSAF contre l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt énonce qu'en l'absence de disposition impérative, le texte susvisé ne prescrit aucune désignation de plein droit et en déduit qu'en refusant de désigner l'URSSAF en qualité de contrôleur, aux motifs qu'une telle désignation, demandée trois ans après le début de la procédure alors que la vérification du passif était achevée, présentait un danger eu égard à la procédure en nullité de la période suspecte pendante devant le tribunal à laquelle l'URSSAF était partie, le tribunal n'a ni empiété sur les prérogatives du législateur, ni pris une décision qu'il n'avait pas légalement le pouvoir de prendre, ni refusé de statuer sur la demande qui lui était présentée, et n'a commis aucun excès de pouvoir.

10. En statuant ainsi, alors qu'en refusant de désigner contrôleur l'URSSAF, qui en avait fait la demande, le juge-commissaire et le tribunal ont commis un excès de pouvoir, et la cour d'appel, qui a consacré cet excès de pouvoir, a violé le texte et les principes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Duhamel -

Textes visés :

Articles L. 621-10, alinéa 2, et L. 626-6 du code de commerce.

Com., 25 octobre 2023, n° 22-15.776, (B), FRH

Irrecevabilité

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation – Jugement reportant ou échelonnant le paiement des sommes dues – Pourvoi en cassation – Recevabilité

En l'absence de disposition du code de commerce fermant au créancier l'appel de la décision du président du tribunal qui, en application des articles L. 611-7, alinéa 5, et R. 611-35, alinéa 1, du code de commerce, fait, pendant la procédure de conciliation, application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 662-1 du code de commerce que cette voie lui est ouverte et que le pourvoi formé contre le jugement n'est donc pas recevable.

Recevabilité du pourvoi examinée d'office

Vu les articles 536 et 605 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

2. Aux termes du premier de ces textes, la qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours, et, selon le second, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort.

3. Il résulte de la combinaison des articles L. 611-7, alinéa 5, et R. 611-35, alinéa 1, du code de commerce que le président du tribunal de commerce qui, pendant la procédure de conciliation, fait application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil à l'égard d'un créancier qui a mis en demeure ou poursuivi le débiteur, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance, statue selon la procédure accélérée au fond, laquelle est prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile.

4. Selon le 7° de ce texte, la décision du juge peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande.

5. En l'absence de disposition du code de commerce fermant au créancier l'appel de la décision du président du tribunal, il résulte des articles 543 du code de procédure civile et R. 662-1 du code de commerce que cette voie lui est ouverte.

6. La société Fimocorp s'est pourvue en cassation contre un jugement qui a accordé à la société RwR Riviera Web and Retail un report de douze mois pour le paiement d'une dette de 85 059 euros, inexactement qualifié de jugement rendu en dernier ressort.

7. En conséquence, le pourvoi n'est pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles L. 611-7, alinéa 5, R. 611-35, alinéa 1, et R. 662-1 du code de commerce ; article 1343-5 du code civil ; article 543 du code de procédure civile.

Com., 25 octobre 2023, n° 22-13.185, (B), FRH

Rejet

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Exécution du plan – Résolution – Absence de procédure de liquidation – Portée – Saisine du juge-commissaire pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances – Possibilité (non)

Selon l'article L. 626-27, I, alinéa 4, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du même code, le jugement prononçant la résolution du plan de redressement met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Il en résulte que, lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 janvier 2022), le 5 février 2008, la SCEA Nemrod a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant étendue le 2 décembre suivant à M. et Mme [M], les deux associés de la SCEA. Mme [W] a été désignée mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 6 octobre 2009, Mme [W] étant désignée commissaire à son exécution, puis résolu par un jugement du 20 mars 2014, la liquidation subséquente des débiteurs n'étant pas prononcée. Un arrêt irrévocable du 1er juillet 2014 a confirmé ce jugement en ce qu'il prononçait la résolution du plan mais l'a infirmé en ce qu'il ordonnait la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, a dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire.

2. Le 18 février 2008, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la banque) a déclaré des créances dont certaines avaient été contestées.

Le 11 février 2019, les débiteurs ont demandé au juge-commissaire de constater la péremption de l'instance relative aux créances contestées.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ses deux dernières branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. Les débiteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes tendant à voir constater la péremption de l'instance relative aux déclarations de créance de la banque, alors :

« 1°/ que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; qu'en affirmant qu'après la résolution du plan de redressement, prononcée par jugement du 20 mars 2014 confirmé en appel, les fonctions du juge-commissaire avaient nécessairement pris fin, ce dont elle a déduit que le juge-commissaire ne pouvait ni être saisi ni statuer sur l'admission ou le rejet des créances, la cour d'appel a violé les articles R. 621-25 et R. 631-26 du code de commerce ;

2°/ que, dans les deux mois qui suivent l'achèvement de sa mission, le commissaire à l'exécution du plan dépose un compte-rendu de fin de mission ; que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la résolution du plan de redressement, prononcée par jugement du 20 mars 2014 confirmé en appel, avait mis fin aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan de Mme [W] et que la cessation des fonctions de Mme [W] en tant que commissaire à l'exécution du plan résultait du jugement du 20 mars 2014 prononçant la résolution du plan ; qu'en statuant par de tels motifs, pour en déduire que le juge-commissaire ne pouvait ni être saisi ni statuer, la cour d'appel a violé les articles R. 621-25, R. 626-39, R. 626-51 et R. 631-26 du code de commerce ;

3°/ que les fonctions du juge-commissaire prennent fin au jour où le compte-rendu de fin de mission de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l'exécution du plan, a été approuvé ; que dans les deux mois qui suivent l'achèvement de sa mission, le commissaire à l'exécution du plan dépose un compte-rendu de fin de mission ; que le compte-rendu de fin de mission comporte notamment la reddition des comptes ; qu'en l'espèce, en affirmant que la reddition de comptes n'a ni pour objet ni pour effet de permettre au juge-commissaire de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées, et que le compte-rendu de fin de mission n'avait pas pour finalité de parachever les opérations de vérification et d'admission des créances, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et violé les articles R. 621-25, R. 626-39, R. 626-40, R. 626-51 et R. 631-26 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 626-27, I, alinéa 4, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du même code, le jugement prononçant la résolution du plan de redressement met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours.

6. Il en résulte que, lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances.

7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est, par conséquent, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 626-27, I, alinéa 4, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du code de commerce.

Com., 4 octobre 2023, n° 22-14.439, (B), FRH

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Tribunal statuant sur la contestation – Saisine – Date – Détermination – Délivrance de l'assignation – Conditions – Remise au greffe

Il résulte de l'article R. 624-5 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-28 du même code, que le tribunal est réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci est remise au greffe.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 27 janvier 2022) et les productions, la société Tim Joh Vic ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 juillet 2016 et 25 janvier 2018, la société Nord Europe Lease devenue Bail actea immobilier (le créancier), a déclaré une créance qui a été contestée.

Par une ordonnance notifiée au débiteur le 5 février 2019, le juge-commissaire a constaté que la contestation ne relevait pas de ses pouvoirs juridictionnels et a invité le débiteur à saisir la juridiction compétente.

2. Le débiteur a assigné le liquidateur et le créancier pour qu'il soit statué sur sa créance devant le tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Tim Joh Vic et la société Mandateam, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Tim Joh Vic, font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors « que, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin ; qu'en déclarant les sociétés Tim Joh Vic et Mandateam ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Tim Joh Vic irrecevables en leurs demandes à raison de la tardiveté de la saisine du tribunal de grande instance, quand celui-ci avait été saisi par l'assignation des 25 et 26 février 2019, soit moins d'un mois après la notification, le 5 février 2019, de l'ordonnance du 31 janvier 2019, les juges du fond ont violé l'article R. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 624-5 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-28 du même code :

4. Il résulte de ce texte que le tribunal est réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci est remise au greffe.

5. Pour déclarer irrecevables en leurs demandes les sociétés Tim Joh Vic et Mandateam, ès qualités, l'arrêt, après avoir relevé que l'ordonnance du juge-commissaire du 31 janvier 2019 avait été notifiée le 5 février 2019 à la société Tim Joh Vic qui avait assigné les sociétés Nord Europe Lease et Diesbeck-Zolotarenko les 25 et 26 février 2019, retient que la remise au greffe est intervenue le 4 avril 2019, postérieurement au délai d'un mois de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire.

6. En statuant ainsi, alors que le tribunal était réputé saisi dès la date de la délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci avait ensuite été remise au greffe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Tim Joh Vic et la société Mandateam, en sa qualité de liquidateur de la société Tim Joh Vic, irrecevables en leurs demandes, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles R. 624-5 et R. 641-28 du code de commerce.

Com., 4 octobre 2023, n° 22-14.410, (B), FRH

Cassation

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Créance de cotisation foncière des entreprises – Absence d'avis de recouvrement – Rejet de la créance (non)

Il résulte de l'article 1676 quinquies du code général des impôts que la cotisation foncière des entreprises est un impôt recouvré, non par voie d'avis de recouvrement, mais par voie de rôle.

Doit en conséquence être cassé, sur le fondement dudit article et de l'article L. 622-24 du code de commerce, l'ordonnance du juge-commissaire qui, pour rejeter une créance de cotisation foncière des entreprises, retient qu'aucun avis de recouvrement n'a été produit par le pôle de recouvrement spécialisé et en déduit, qu'à défaut de titre exécutoire, la dite créance n'est pas justifiée et doit être rejetée.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, (juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon, 10 janvier 2022), le 2 février 2021, un tribunal a mis la société Experium Nax en procédure de sauvegarde, la société MJ Synergie, étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

2. Le 10 mars 2021, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a déclaré à titre provisionnel au passif de la procédure collective, une créance d'un montant de 2 600 euros correspondant à la cotisation foncière des entreprises (CFE) de l'année 2021.

La créance a été contestée par le débiteur.

3. Le 23 novembre 2021, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône a demandé l'admission à titre définitif pour 2062 euros de la créance précédemment déclarée à titre provisionnel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Rhône, comptable public, venant aux droits du comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 7], agissant sous l'autorité du directeur régional des finances publiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône et du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques font grief à l'ordonnance de rejeter la créance, alors « que la cotisation foncière des entreprises est un impôt recouvré par voie de rôle et non par voie d'avis de mise en recouvrement ; qu'en constatant qu'aucun avis de mise en recouvrement n'avait été produit par le comptable public et que par conséquent, à défaut de titre exécutoire, la créance fiscale n'était pas justifiée et devait ainsi être rejetée, le juge-commissaire a violé l'article 1679 quinquies du code général des impôts, ensemble les articles L. 622-24 et L. 624-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-24 du code de commerce et 1676 quinquies du code général des impôts :

5. Selon le premier de ces textes, les créances du Trésor public, qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ; sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai fixé par le tribunal pour l'établissement par le mandataire judiciaire de la liste des créances déclarées.

6. Selon le second de ces textes, la cotisation foncière des entreprises est recouvrée par voie de rôles suivant les modalités et sous les garanties et sanctions prévues en matière de contributions directes.

7. Pour rejeter la créance, l'ordonnance relève qu'aucun avis de recouvrement n'a été produit par le pôle de recouvrement spécialisé du Rhône et en déduit qu'à défaut de titre exécutoire la créance n'est pas justifiée et doit être rejetée.

8. En statuant ainsi, alors que la cotisation foncière des entreprises est un impôt recouvré, non par voie d'avis de recouvrement mais par voie de rôle, le juge-commissaire a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022, entre les parties, par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de désignation d'un autre juge-commissaire chargé de statuer comme juridiction de renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Bedouet - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1676 quinquies du code général des impôts ; article L. 622-24 du code de commerce.

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