Numéro 10 - Octobre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2023

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 26 octobre 2023, n° 22-16.216, (B), FS

Cassation partielle

Résiliation – Clause résolutoire – Suspension – Octroi de délais de paiement – Inobservation – Effets – Clause définitivement acquise – Mauvaise foi du bailleur – Absence d'influence

Il résulte de l'article L. 145-41 du code de commerce que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse,17 mars 2022), la société civile immobilière [Localité 3] (la bailleresse) a consenti, le 19 janvier 2018, un bail commercial à la société Auto-Team carrosserie (la locataire).

2. Une ordonnance de référé du 22 octobre 2019, a, d'une part, constaté, à effet du 1er janvier 2019, l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, d'autre part, prononcé l'expulsion de la locataire, à laquelle un délai pour se libérer du paiement de l'arriéré locatif en vingt-quatre mensualités a été accordé avec suspension des effets de la clause résolutoire, sauf reprise immédiate de ceux-ci à défaut de paiement de l'arriéré ou d'un loyer à son terme selon l'échéancier fixé.

3. Après délivrance, le 10 avril 2020, d'un commandement de quitter les lieux pour le 18 avril 2020, la locataire a été expulsée le 28 juillet 2020.

4. La locataire, soutenant qu'ayant payé l'arriéré de loyer dans le délai de vingt-quatre mois qui lui avait été imparti, la clause résolutoire était réputée n'avoir jamais joué, a saisi le juge de l'exécution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué et d'ordonner la réintégration de la locataire, alors « que la mauvaise foi d'une partie ne saurait la priver de la possibilité de se prévaloir des effets d'une décision juridictionnelle dès lors qu'elle n'a pas fait obstacle à son exécution ; qu'en retenant, pour déclarer irrégulière la procédure d'expulsion mise en oeuvre par la SCI [Localité 3] et ordonner la réintégration de la société Auto Team Carrosserie, qu'« au regard du solde minime restant dû à la date du procès-verbal d'expulsion par rapport à l'importance de la dette initiale alors que par ailleurs la SASU Auto Team carrosserie avait versé 20 000 euros en huit mois quand l'ordonnance de référé lui avait octroyé 24 mois pour apurer sa dette, la bailleresse devait être considéré comme ayant invoqué de mauvaise foi le jeu de la clause résolutoire qui devait être considérée comme n'ayant pas joué », cependant que cette ordonnance avait prévu que la clause résolutoire s'appliquerait en cas de non-respect de l'échéancier, de sorte que la société bailleresse pouvait mettre en oeuvre la procédure d'expulsion sans qu'une quelconque mauvaise foi de sa part puisse lui être opposée, la cour d'appel a violé l'article L. 145-41 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-41 du code de commerce :

6. Il résulte de ce texte que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle.

7. Pour dire que la clause résolutoire doit être réputée ne pas avoir joué, l'arrêt retient, qu'au regard du solde minime restant dû par rapport à l'importance de la dette initiale et du versement par la locataire de 20 000 euros en huit mois quand l'ordonnance de référé lui avait octroyé vingt-quatre mois pour apurer sa dette, la bailleresse a invoqué de mauvaise foi le jeu de la clause résolutoire, en sorte qu'elle doit être considérée comme n'ayant pas joué.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que la locataire n'avait pas respecté les délais de paiement accordés par l'ordonnance du 22 octobre 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Auto-Team carrosserie en déclaration de nullité du commandement de payer du 10 avril 2020, l'arrêt rendu le 17 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. David - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 145-41 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 décembre 2008, pourvoi n° 07-19.899, Bull. 2008, III, n° 199 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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