Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE

Soc., 19 octobre 2022, n° 21-18.705, (B), FRH

Cassation partielle

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – Missions – Etendue – Cas – Protection de la santé et de la sécurité des travailleurs – Recours à un expert – Représentation en justice du comité – Désignation d'un représentant du comité – Délibération – Délibération de la délégation du personnel – Participation du président du comité – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 mai 2021), dans le cadre de la mise en place par la société La Poste (la société) d'un projet intitulé « Projet d'évolution de l'organisation de [Localité 3] PDC Etablissement du [Localité 4] », une réunion de présentation s'est tenue le 7 mai 2019 avec pour ordre du jour « Le projet [Localité 3] », réunion au cours de laquelle les représentants du personnel ont dénoncé des dysfonctionnements du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du [Localité 4], souhaitant voter une résolution pour ajouter le point suivant à l'ordre du jour « Fonctionnement du CHSCT » afin de voir « traiter des désaccords récurrents entre eux et le président sur le fonctionnement de leur instance ». Une nouvelle réunion s'est tenue le 16 mai suivant, à laquelle seul M. [C] s'est présenté, à l'exception des autres membres du CHSCT. Celui-ci a voté, seul, le recours à une expertise, confiée au cabinet Cateis.

2. Au motif que la direction n'entend pas collaborer à l'expertise et qu'elle ne produit pas les documents qui lui sont demandés tant par le cabinet Cateis que par le CHSCT, ce dernier a, par actes des 27 juin et 1er juillet 2019, fait assigner la société et le cabinet chargé de l'expertise devant le juge des référés du tribunal de grande instance, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, aux fins de juger que la société s'est rendue responsable d'un trouble manifestement illicite, de la condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le non respect des prérogatives du CHSCT, qu'il lui soit ordonné de communiquer tant à l'expert qu'aux membres du CHSCT divers documents sous astreinte et de suspendre la réalisation du projet, tant que le processus de consultation du CHSCT et du comité technique (CT) n'aura pas été achevé.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. Le CHSCT fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'assignation délivrée par lui le 27 juin 2019, alors « que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et l'organisation de ses travaux ; que les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents ; que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le CHSCT du [Localité 4], la cour d'appel a considéré que la délibération du 16 mai 2019, votée par le seul représentant de la délégation du personnel présent à la réunion, donnant mandat à M. [C] de représenter en justice le CHSCT pour garantir l'exécution de la délibération concomitante ayant décidé de recourir à une expertise pour projet important, était irrégulière, faute pour le président du CHSCT d'avoir participé au vote, s'agissant d'une décision portant sur les modalités de fonctionnement du comité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que la délibération du CHSCT relative à la représentation en justice du CHSCT pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité, la cour d'appel a violé derechef l'article L. 4614-2 du code du travail, alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4614-2 du code du travail applicable en la cause, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 :

4. Selon les deuxième et troisième alinéas de ce texte, si les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel.

5. Il en résulte que la décision par laquelle le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui, dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité, a décidé du recours à une expertise, mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité.

6. Pour prononcer la nullité de l'assignation délivrée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail le 27 juin 2019, l'arrêt retient que la question de la désignation d'un représentant du CHSCT pour agir en justice, distincte de la question du vote d'une délibération relative au recours à une expertise, constitue une mesure relevant des modalités de fonctionnement du comité qui doit être prise à l'issue d'une délibération collective à laquelle doit prendre part son président.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité de l'assignation délivrée le 27 juin 2019 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du [Localité 4] et en ce qu'il condamne le CHSCT aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 4614-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

Rapprochement(s) :

Sur un autre cas de délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à laquelle l'employeur, président du comité, ne peut prendre part, à rapprocher : Soc., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-14.788, Bull. 2013, V, n° 171 (rejet), et les arrêts cités.

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