Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

SUCCESSION

1re Civ., 12 octobre 2022, n° 20-21.016, (B), FS

Cassation partielle

Acceptation – Acceptation à concurrence de l'actif net – Publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) – Effet à l'égard des créanciers de la succession – Déclaration des créances – Domaine d'application – Créancier titulaire d'un titre exécutoire – Cas – Jugement assorti de l'exécution provisoire – Exclusion – Paiements déjà effectués

Selon l'article 792 du code civil, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession. Les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation. Faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de succession, les créances non assorties de sûreté sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci.

Il résulte des articles 1234, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1342, alinéa 3, du code civil que le paiement éteint la dette.

Il se déduit de ces textes que les paiements effectués en vertu d'un jugement exécutoire par provision éteignent les créances correspondantes de sorte qu'elle ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration prévue à l'article 792 du code civil.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [K] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [S] et Mme [N], en qualité de liquidateur de la SELARL [V] [N].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 septembre 2020), par acte reçu le 18 août 2008 par M. [S], notaire, [P] [A] a donné à bail à M. et Mme [K] un immeuble à usage de commerce et d'habitation.

3. Les locataires ont assigné la bailleresse en exécution de travaux et en réparation des préjudices causés par des désordres affectant les locaux loués.

4. Un jugement du 15 septembre 2014, revêtu de l'exécution provisoire, a notamment condamné [P] [A] à faire réaliser des travaux et à payer mensuellement à M. et Mme [K] des indemnités de jouissance.

5. [P] [A], qui avait interjeté appel de cette décision, est décédée le 13 avril 2017, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [Z].

6. Par déclaration du 4 avril 2018, publiée le 6 du même mois, celle-ci a accepté la succession à concurrence de l'actif net.

7. M. et Mme [K] ont assigné l'Association calvadosienne pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ACSEA), en qualité de tuteur de Mme [Z], venant aux droits de [P] [A], en reprise d'instance devant la cour d'appel.

8. L'ACSEA, ès qualités, a assigné en garantie M. [S] et son successeur, la SELARL [V] [N].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen du pourvoi principal, ainsi que sur le moyen du pourvoi provoqué éventuel, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal et le moyen du pourvoi provoqué éventuel, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen du pourvoi principal, qui sont irrecevables.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [K] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme éteintes leurs demandes à l'encontre de la succession de [P] [A], alors « que le paiement emporte extinction de la créance ; qu'à ce titre, les créances dont le paiement a été obtenu en exécution d'un jugement rendu contre le de cujus n'ont pas à être déclarées à la succession lorsque celle-ci a fait l'objet d'une acceptation à concurrence de l'actif net, peu important les éventuels recours formés contre le jugement ; qu'en retenant en l'espèce que les condamnations prononcées par le tribunal contre la de cujus n'étaient pas définitives pour avoir fait l'objet d'un appel, et que les créances objet de ces condamnations devaient être déclarées à la succession sans qu'il importe que les condamnations aient déjà été exécutées, la cour d'appel a violé les articles 792 et 1234 ancien devenu 1342 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 792, 1234, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1342, alinéa 3, du code civil :

11. Selon le premier de ces textes, lorsque la succession a été acceptée par un héritier à concurrence de l'actif net, les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances en notifiant leur titre au domicile élu de la succession.

Les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées à titre provisionnel sur la base d'une évaluation. Faute de déclaration dans un délai de quinze mois à compter de la publicité nationale dont fait l'objet la déclaration d'acceptation de succession, les créances non assorties de sûreté sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci.

12. Il résulte des deux derniers de ces textes que le paiement éteint la dette.

13. Pour déclarer irrecevables comme éteintes toutes les demandes formées par M. et Mme [K] contre la succession de [P] [A], l'arrêt, après avoir constaté le défaut de déclaration de créances dans le délai imparti, retient que, les condamnations prononcées par le tribunal n'étant pas définitives, il importe peu que certaines aient été exécutées.

14. En statuant ainsi, alors que les paiements effectués en vertu du jugement exécutoire par provision avaient éteint les créances correspondantes de M. et Mme [K], de sorte que ceux-ci n'étaient pas soumis à l'obligation de les déclarer à la succession, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Demande de rectification d'erreur matérielle

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

15. L'arrêt est affecté d'une erreur matérielle en ce qu'il fait mention de la SCP [N] au lieu de la SELARL [N].

16. Il y a lieu de réparer cette erreur.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ORDONNE la rectification de l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remplace, dans le dispositif de cet arrêt, « Dit irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Me [S] et de la SCP [N] » par « Dit irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de Me [S] et de la SELARL [N] » ;

Ordonne la mention de cette rectification en marge de l'arrêt rectifié ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables comme étant éteintes les demandes formées par M. et Mme [K] contre la succession, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dard - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Leduc et Vigand ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 792, 1234, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1342, alinéa 3, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 22 mars 2017, pourvoi n° 15-25.545, Bull. 2017, I, n° 70 (cassation).

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