Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 20-21.276, (B), FRH

Cassation partielle

Faute inexcusable de l'employeur – Indemnisations complémentaires – Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) – Action subrogatoire – Recevabilité

Faute inexcusable de l'employeur – Effets – Majoration de la rente – Montant – Fixation – Capacité à agir – Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 août 2020), la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Flandres (la caisse) a reconnu le caractère professionnel, le 15 janvier 2015, de la maladie de [F] [L], salarié de la société [7] (l'employeur), puis, le 25 février 2015, de son décès.

2. Ses ayants droits ayant saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), subrogé dans leurs droits suite à l'indemnisation qu'il leur a versée, est intervenu à l'instance.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le FIVA fait grief à l'arrêt de dire que les sommes par lui versées ou à verser aux ayants droit seront récupérées auprès de l'employeur, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée en cas de faute inexcusable à la victime ou à ses ayants droit est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire qui en récupère le montant auprès de l'employeur ; que le FIVA est subrogé dans les droits de la victime et de ses ayants droit qu'il a indemnisés, en application de l'article 53, VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; que la cour d'appel a fixé à la somme totale de 176 715, 20 euros l'indemnisation des préjudices personnels de la victime et des préjudices moraux de ses ayants droit, a dit que le FIVA pourrait récupérer les sommes versées non pas sur la caisse mais sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, et que si le FIVA dirigeait sa demande à l'égard de la caisse, manifestement en raison du fait que la société était en liquidation judiciaire, seule la fixation de la créance du FIVA au passif de la liquidation judiciaire de la société pouvait être ordonnée par la cour ; que la cour d'appel qui, en conséquence, a fixé la créance du FIVA sur la société [7] et a dit que cette créance serait inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société à la diligence de son mandataire judicaire, a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 53, VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-3 du code de la sécurité sociale et 53,VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 :

4. Il résulte du second de ces textes que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes, est en droit de demander la fixation des préjudices indemnisables visés au premier de ces textes, et la condamnation, en tant que de besoin, de l'organisme social à lui rembourser, dans la limite des sommes qu'il a versées, celles correspondant à cette évaluation.

5. Pour dire que le FIVA peut récupérer sur l'employeur, auteur de la faute inexcusable, et non sur la caisse, les sommes versées ou à verser au titre des préjudices personnels de la victime et des préjudices moraux des ayants droit, l'arrêt retient que si le Fonds dirige sa demande à l'égard de la caisse, manifestement en raison du fait que l'employeur est en liquidation judiciaire, seule la fixation de sa créance au passif de cette procédure peut être ordonnée.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les sommes versées ou à verser par le Fonds à hauteur de 176 715, 20 euros aux consorts [L] peuvent être récupérées sur la société [7], fixé la créance du Fonds sur la société à cette somme et dit que cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société à la diligence de son mandataire judiciaire, l'arrêt rendu le 25 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article 53, VI, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ; article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 février 2022, pourvoi n° 20-13.779, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-15.035, (B), FRH

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Reconnaissance – Reconnaissance dans le cadre d'une instance engagée par un salarié – Effets – Décision – Caractère exécutoire – Conditions

Ne constitue pas, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l'organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l'employeur sans se prononcer sur l'action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d'assurance maladie d'exercer à son encontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu'elle a versés à la victime.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a reconnu la faute inexcusable de la [4] (l'employeur) à l'origine de la maladie professionnelle et du décès d'un de ses salariés (la victime), a ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant et a fixé les préjudices personnels subis par la victime de son vivant ainsi que les préjudices moraux de ses ayants droit.

L'employeur ayant refusé de rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) le capital représentatif de la majoration de la rente versée au conjoint survivant, celle-ci a fait pratiquer une saisie-attribution à son encontre.

2. L'employeur a saisi d'un recours un juge de l'exécution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de confirmer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de l'employeur, alors :

« 1°/ que les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime et fixé les préjudices personnels subis par celle-ci de son vivant, que la caisse fera l'avance des sommes allouées avec possibilité d'action récursoire à l'encontre de l'employeur, ce qui prévoit ainsi clairement l'exercice de cette action récursoire pour l'ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l'objet d'un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1, alinéa 2, du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution) ;

3°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu'il n'apparaît d'ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution). »

Réponse de la Cour

4. Ne constitue pas, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l'organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l'employeur sans se prononcer sur l'action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d'assurance maladie à son encontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu'elle a versés à la victime.

5. Ayant relevé que le jugement du 24 septembre 2015 ne s'est pas prononcé sur l'action récursoire de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente, la cour d'appel en a, hors toute dénaturation, exactement déduit qu'en l'absence d'un titre exécutoire fondant la saisie-attribution, sa mainlevée devait être ordonnée.

6. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ; articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-14.785, (B), FS

Cassation

Invalidité – Taux – Décision de la caisse – Recours de l'employeur – Nature du recours – Action en justice – Prescription applicable – Prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil

Le recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire attribuant un taux d'incapacité permanente partielle à la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute constitue une action en justice.

En conséquence, en l'absence de texte spécifique, cette action est au nombre de celles qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail, 28 janvier 2021), le 11 février 2004, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime l'une des salariées de la société [6], aux droits de laquelle vient la société [4] (l'employeur).

2. Par décision du 15 juin 2007, la caisse a notifié à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.

3. Le 11 mai 2015, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur contre la décision attributive de rente, alors « que l'action de l'employeur tendant à contester le bien-fondé de la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie relative aux conséquences d'un accident du travail (taux d'IPP), est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil ; que la cour d'appel ne pouvait donc écarter la prescription quinquennale ; qu'en le faisant, elle a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, R. 143-7, alinéa 2, et R. 434-32 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, alors en vigueur, le troisième dans sa rédaction issue du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 :

5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

6. Il résulte des deux derniers que l'information donnée par la caisse à l'employeur sur le taux d'incapacité permanente partielle attribué à la victime d'un accident ou d'une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle ne constitue pas une notification et ne fait pas courir contre lui le délai de recours contentieux de deux mois.

7. Dans la continuité d'un arrêt du 9 mai 2019 (2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-10.909), relatif au recours en inopposabilité de l'employeur, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 22 octobre 2020 (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-17.130), décidé que l'action en contestation du taux d'incapacité permanente partielle ne revêtait pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil.

8. Cependant, la Cour de cassation a jugé depuis lors, par des arrêts du 18 février 2021 (2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886 et pourvoi n° 19-25.887), que l'action de l'employeur tendant à contester l'opposabilité ou le bien-fondé de la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

9. Le réexamen de la question de l'application de la prescription quinquennale au recours en contestation du taux d'incapacité permanente partielle par l'employeur, est, dès lors, justifié.

10. Le recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire attribuant un taux d'incapacité permanente partielle à la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute constitue une action en justice.

11. En conséquence, en l'absence de texte spécifique, cette action est au nombre de celles qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

12. Pour déclarer recevable l'action de l'employeur, l'arrêt retient qu'il n'était pas établi que ce dernier ait reçu notification de la décision contestée, de sorte que la caisse ne peut lui opposer la forclusion de son action devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, peu important que l'employeur ait eu connaissance du taux d'incapacité permanente partielle par le biais de son compte employeur annuel adressé par la caisse régionale d'assurance maladie plus de cinq ans auparavant.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le premier des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 13 octobre 2022, pourvoi n° 21-13.373, Bull. (cassation sans renvoi).

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-13.373, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Décision de la caisse – Décision de prise en charge – Inopposabilité soulevée par l'employeur – Action soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil – Point de départ – Jour de la connaissance effective par l'employeur de la décision

Il résulte des articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que le délai de la prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute court à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance effective de cette décision.

Par suite, viole ces textes la cour d'appel qui rejette la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dit recevable l'action de l'employeur, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait eu connaissance de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident de sa salariée, par l'information qu'il en avait reçue, plus de cinq années avant de former un recours contre cette décision, de sorte que son action était prescrite.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 janvier 2021), par lettre du 15 juillet 2008, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône (la caisse) a informé la société [3] (l'employeur) de sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont l'une de ses salariées a été victime le 27 mai 2008.

2. Après avoir vainement saisi, le 11 mars 2015, la commission de recours amiable de la caisse d'une contestation de l'opposabilité de cette décision, l'employeur a porté son recours, le 28 novembre 2016, devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours de l'employeur et de déclarer inopposable à celui-ci la décision de prise en charge, alors « que le délai de prescription de droit commun court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que par suite, s'agissant de l'action en inopposabilité de la prise en charge d'une maladie professionnelle formée par l'employeur, la prescription court à compter du jour où il a eu connaissance de cette prise en charge, peu important qu'aucune décision précisant les délais et voies de recours lui ait été notifiée ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige :

4. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

6. Il résulte de ces textes que le délai de la prescription de l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute court à compter du jour où il a eu une connaissance effective de cette décision.

7. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dire recevable l'action de l'employeur, l'arrêt relève que l'employeur ne conteste pas avoir reçu le courrier du 15 juillet 2008 l'informant de la décision de prise en charge de l'accident, au titre de la législation professionnelle. Il énonce qu'aucune prescription du droit d'agir ne saurait être opposée à l'employeur au motif que les conséquences de cette prise en charge ont été imputées à son compte depuis plus de cinq ans lorsqu'il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, dès lors qu'il n'est justifié d'aucune notification de cette décision lui faisant grief et précisant les délais et voies de recours.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait eu connaissance de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident de sa salariée, par l'information qu'il en avait reçue, plus de cinq années avant de former un recours contre cette décision, de sorte que son action était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte des énonciations du point 8 qu'il y a lieu de déclarer prescrite l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de sa salariée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable comme prescrite l'action de la société [3] aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident de Mme [J] du 27 mai 2008.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; articles R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.886, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-25.887, Bull. (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.