Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-13.252, (B), FRH

Cassation partielle

Assujettissement – Personnes assujetties – Travailleur détaché – Conditions – Détermination – Acquittement par l'employeur de l'intégralité des cotisations dues auprès de la caisse d'affliation

Il résulte des articles L. 761-1, L. 761-2 et R. 761-2 du code de la sécurité sociale que, s'ils ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de conventions ou de règlements internationaux, les travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée, rémunérée par cet employeur, sont soumis à la législation française de sécurité sociale à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues auprès de la caisse d'affiliation du salarié.

Il résulte des articles L. 762-1 et L. 762-3 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, que les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d'une convention internationale ou de l'article L. 761-2 ont la faculté de s'assurer volontairement contre les risques de maladie et d'invalidité et les charges de la maternité, les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle et d'adhérer à l'assurance volontaire contre le risque vieillesse prévue à l'article L. 742-1. Les entreprises de droit français peuvent, pour le compte des travailleurs salariés français qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à l'adhésion de ces personnes à ces assurances volontaires, et prendre en charge, en tout ou en partie, pour le compte du travailleur, les cotisations y afférentes.

Selon l'article L. 5422-13 du code du travail, l'obligation d'affiliation au régime d'assurance chômage s'applique à tout salarié, y compris les salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs français expatriés.

Viole ces textes, la cour d'appel qui décide que les salariés exerçant leur activité professionnelle à l'étranger sont soumis à la législation française de sécurité sociale, alors qu'elle constate que l'employeur ne s'était pas engagé à s'acquitter auprès de la caisse d'affiliation des salariés de l'intégralité des cotisations dues.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 janvier 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie (l'URSSAF) a, selon lettre d'observations du 11 juillet 2014, puis mise en demeure du 24 décembre 2014, notifié à la société [2] (la société) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées à deux salariés exerçant leur activité professionnelle respectivement en Chine et en Thaïlande.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que le principe de territorialité de la législation française de sécurité sociale s'oppose à l'affiliation obligatoire au régime français de sécurité sociale des ressortissants français travaillant sur le territoire d'Etats avec lesquels la France n'est pas liée par des conventions et règlements internationaux et à l'assujettissement audit régime des rémunérations qui leur sont versées, leur soumission à la législation française de sécurité sociale en application de la seule loi française relevant d'une simple faculté et étant subordonnée à la condition que l'employeur s'engage à verser audit régime l'intégralité des cotisations dues ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues à cette caisse, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et les deux derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ;

2°/ qu'aux termes des articles L. 762-1 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, le travailleur salarié français qui réside à l'étranger et qui n'est pas soumis à la législation française de sécurité sociale en application d'une convention internationale ou en application de l'engagement unilatéral de l'employeur de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, a la faculté de s'assurer volontairement contre les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse, les entreprises pouvant, pour le compte des travailleurs salariés qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à leur adhésion au régime d'assurance volontaire et prendre en charge tout ou partie des cotisations dues par leurs salariés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel qui, pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations du régime général des indemnités de dépaysement et d'expatriation versées aux salariés concernés, a dit ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1, L. 762-2 et L. 762-3 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige ;

3°/ que selon l'article L. 5422-13 du code du travail, tout employeur doit assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés français expatriés ; qu'ayant constaté qu'il résultait des contrats d'expatriation du 26 février 2010 et du 27 octobre 2010 que les salariés concernés avaient été mutés temporairement pour une durée de trois à quatre ans par la société chez [2] (Chine) et [2] pour y exercer une activité salariée et que les contrats prévoyaient leur affiliation, par les soins de la société, à la Caisse des Français de l'étranger et la prise en charge par cette société de l'intégralité des cotisations dues, la cour d'appel, pour dire ces deux salariés soumis à la législation française de sécurité sociale en application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale peu important leur affiliation à la Caisse des Français de l'étranger, a énoncé que les bulletins de salaire des intéressés indiquaient que l'employeur cotisait pour l'assurance chômage étant rappelé qu'en application de l'article L. 5422-13 du code du travail les travailleurs détachés dans les conditions fixées à l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale sont affiliés obligatoirement au régime français d'assurance chômage dès lors qu'ils travaillent pour un employeur établi en France ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1, L. 111-2-2, L. 761-1, L. 761-2, L. 762-1 et L. 762-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 applicable au litige et le dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018 applicable au litige, ainsi que l'article L. 5422-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 761-1, L. 761-2, R. 761-2 du code de la sécurité sociale, L. 762-1 et L. 762-3 du même code, ces derniers dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1214 du 24 décembre 2018, applicable au litige, et l'article L. 5422-13 du code du travail ;

4. Il résulte des trois premiers de ces textes que, s'ils ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de conventions ou de règlements internationaux, les travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée, rémunérée par cet employeur, sont soumis à la législation française de sécurité sociale à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues auprès de la caisse d'affiliation du salarié.

5. Il résulte des quatrième et cinquième que les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française qui exercent leur activité dans un pays étranger et qui ne sont pas ou ne sont plus soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu d'une convention internationale ou de l'article L. 761-2 ont la faculté de s'assurer volontairement contre les risques de maladie et d'invalidité et les charges de la maternité, les risques d'accidents du travail et de maladie professionnelle, et d'adhérer à l'assurance volontaire contre le risque vieillesse prévue à l'article L. 742-1.

Les entreprises de droit français peuvent, pour le compte des travailleurs salariés français qu'elles emploient à l'étranger, effectuer les formalités nécessaires à l'adhésion de ces personnes à ces assurances volontaires, et prendre en charge, en tout ou en partie, pour le compte du travailleur, les cotisations y afférentes.

6. Selon le dernier, l'obligation d'affiliation au régime d'assurance chômage s'applique à tout salarié, y compris les salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs français expatriés.

7. Pour dire que les salariés exerçant leur activité professionnelle à l'étranger sont soumis à la législation française de sécurité sociale en vertu de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, et confirmer le chef du redressement portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations dues par la société des primes de mobilité perçues par ces salariés, l'arrêt énonce que la société ne démontre pas que les contrats de travail la liant à ces derniers ont été suspendus, ni que les intéressés aient conclu un nouveau contrat de travail avec leur employeur à l'étranger, alors que les deux contrats d'expatriation signés par la société avec ses salariés comprennent déjà tous les éléments constitutifs d'un contrat de travail. Il ajoute que les bulletins de paie de la période d'expatriation confirment que la société est l'employeur des salariés, qu'elle cotise pour les assurances chômage et que l'adresse de ceux-ci est celle de leur résidence en France. Il constate que les salariés restent affiliés aux régimes de retraite et de prévoyance en France, qu'ils sont tous deux affiliés par les soins de l'employeur à la Caisse des Français de l'étranger, et que les cotisations afférentes à ces différents régimes sont à la charge de l'employeur. Il en déduit que les deux salariés ont été détachés au sens de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale, peu important l'adhésion à la Caisse des Français de l'étranger dès lors que celle-ci est assimilée à une caisse du régime général de la sécurité sociale par l'arrêté du 9 mai 1988.

8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que l'employeur ne s'était pas engagé à s'acquitter auprès de la caisse d'affiliation des salariés de l'intégralité des cotisations dues, ce dont il résultait que ces derniers n'étaient pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le chef de redressement n° 2 relatif aux indemnités de dépaysement ou d'expatriation et condamne en conséquence la société [2] à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 56 796 euros, augmentée des majorations de retard, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 761-1, L. 761-2 et R. 761-2 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-10.253, (B), FRH

Rejet

Caisse – Caisse primaire d'assurance maladie – Décision – Décision définitive – Décision définitive de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle – Effets – Demande ultérieure de reconnaissance de maladie professionnelle hors tableau – Reconnaissance – Opposabilité à l'employeur

Il résulte des articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, qu'une première décision de refus de prise en charge d'une pathologie au titre d'un tableau de maladies professionnelles, même devenue définitive à l'égard de l'employeur, ne peut faire obstacle à l'opposabilité à celui-ci d'une seconde décision de la caisse intervenue au vu d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle instruite selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société [5] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 17 novembre 2020), Mme [Y] (la victime), salariée de la société [5] (l'employeur), ayant formulé, le 8 décembre 2015, une demande de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une « sclérodermie systémique tableau MP 25A3 », à laquelle était joint un certificat médical du même jour, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire (la caisse) lui a opposé un rejet pour raison administrative liée à l'absence d'exposition aux risques, par une décision du 7 juillet 2016 notifiée à l'employeur.

3. La victime a souscrit, le 13 juin 2016, une nouvelle déclaration pour une « sclérodermie systémique », à laquelle était joint un certificat médical du 1er décembre 2015 faisant état d'une « sclérodermie systémique compliquée d'ulcères digitaux récidivants ». Ayant considéré que la pathologie déclarée n'était pas inscrite dans un tableau des maladies professionnelles et que le taux d'incapacité permanente prévisible était au moins de 25 %, la caisse a transmis le dossier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional).

4. À la suite de l'avis favorable du comité régional, la caisse ayant, par décision du 17 février 2017, pris en charge la pathologie au titre de la législation professionnelle, l'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'un recours aux fins d'inopposabilité de cette seconde décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que selon l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; qu'il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la victime avait sollicité le 8 décembre 2015 la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique – MP n° 25 – A3 » sur le fondement d'un certificat médical initial du même jour ; que par décision du 7 juillet 2016, régulièrement notifiée à l'employeur, la caisse a refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle ; que la victime n'a pas formé de recours à l'encontre de cette décision ; que le 13 juin 2016 la victime a sollicité la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une « sclérodermie systémique », sur le fondement d'un certificat médical initial du 1er décembre 2015 ; que cette maladie a été prise en charge par la caisse le 17 février 2017 ; qu'il ressort de ces constatations que la déclaration de maladie professionnelle du 13 juin 2016, fondée sur un certificat médical initial du 1er décembre 2015, portait sur la même pathologie que celle mentionnée dans la première déclaration du 8 décembre 2015 et qui avait fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge, devenue définitive ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que la décision du 17 février 2017 de prise en charge, par la caisse, de la pathologie « sclérodermie systémique » au titre de la législation professionnelle, était inopposable à l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

2°/ que la décision de refus de prise en charge revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ; qu'il en va ainsi même lorsqu'après une décision de refus de prise en charge par la caisse, devenue définitive, le salarié a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant la même pathologie, sur le fondement d'un autre certificat médical initial ; que lorsque ce second certificat médical initial était antérieur à la première déclaration de maladie professionnelle et visait la même pathologie ayant fait l'objet de la première déclaration, la caisse ne peut se prévaloir d'aucun « élément nouveau » pour prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, sur le fondement de la seconde déclaration ; qu'en jugeant pourtant que la nouvelle déclaration de maladie professionnelle avait été formée avant qu'une décision ne soit prise par la caisse sur la déclaration du 8 décembre 2015, que la victime avait joint à sa nouvelle déclaration un certificat médical différent de celui qui avait été joint à la déclaration du 8 décembre 2015, en ce qu'il émane d'un autre praticien, qu'il vise une « sclérodermie systémique compliquée d'ulcères digitaux récidivants » et qu'il ne mentionnait nullement qu'il était établi en vue d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 25 A3 de sorte que des éléments nouveaux avaient été portés à la connaissance de la caisse qui avait instruit le dossier non pas au titre du tableau n° 25 A3 visant la « sclérodermie systémique progressive » mais au titre d'une pathologie non désignée par le tableau, l'employeur n'étant pas fondé à se prévaloir de l'autorité de la chose décidée attachée à la décision du 7 juillet 2016, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant l'article R. 441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, qu'une première décision de refus de prise en charge d'une pathologie au titre d'un tableau de maladies professionnelles, même devenue définitive à l'égard de l'employeur, ne peut faire obstacle à l'opposabilité à celui-ci d'une seconde décision de la caisse intervenue au vu d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle instruite selon les règles applicables à la reconnaissance du caractère professionnel des maladies non désignées dans un tableau.

7. Ayant constaté que la nouvelle demande de reconnaissance de maladie professionnelle a fait l'objet d'une instruction par la caisse non pas au titre du tableau n° 25 A3, qui vise la « sclérodermie systémique progressive », mais au titre d'une pathologie non désignée dans un tableau, la cour d'appel en a exactement déduit que la première décision de refus de prise en charge, même devenue définitive à l'égard de l'employeur, ne faisait pas obstacle à l'opposabilité à celui-ci de la seconde décision de la caisse.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 461-1 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-11.754, (B), FRH

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Jetons de présence versés à des salariés ayant la qualité d'administrateur d'une société anonyme – Sommes abandonnées au profit d'organisations syndicales – Indifférence

Selon l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, sont soumises à une contribution à la charge de l'employeur les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme. Il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les rémunérations soient perçues par l'intermédiaire de tiers.

Viole ce texte l'arrêt qui refuse de réintégrer dans l'assiette du forfait social les jetons de présence alloués aux représentants élus du personnel salarié au conseil de surveillance en rémunération de leur activité au motif que ceux-ci ont abandonné ces sommes au profit de leur organisation syndicale.

Cotisations – Assiette – Rémunérations – Perception par un tiers – Indifférence – Cas – Jetons de présence perçus par des représentants du personnel et reversés à leur organisation syndicale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société), le 9 décembre 2013, une mise en demeure visant plusieurs chefs de redressement.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en quatrième branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement, pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle, les chefs de redressement n° 11 et n° 13, alors « qu'en tout état de cause, le redressement ne peut être annulé que si l'URSSAF a recouru de manière irrégulière à la taxation forfaitaire ou recouru de manière irrégulière à la méthode de redressement par échantillonnage et extrapolation ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le redressement lorsque la méthode de calcul de l'URSSAF est seulement erronée, les juges du fond devant en pareil cas inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les inspecteurs de l'URSSAF avaient retenu une méthode spécifique de calcul de l'assiette plafonnée permettant de déterminer les cotisations du régime général et du complément vieillesse, que les modalités retenues pour déterminer cette masse salariale plafonnée constituaient une méthode illicite de calcul et que les redressements notifiés aux points 11 et 13 étaient irréguliers « au regard de la méthode de calcul des masses salariales plafonnées employées » mais que pour autant, cette méthode ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une taxation forfaitaire ; qu'en annulant lesdits redressements lorsqu'il résultait de ses constatations que l'URSSAF avait employé, non pas une taxation forfaitaire injustifiée, mais une méthode de calcul erronée et qu'il appartenait dans ce cas à la cour d'appel d'inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 et l'article R. 242-5, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa version issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, alors en vigueur, que si le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l'employeur permet à l'agent de contrôle d'établir le chiffre exact des sommes à réintégrer, le recours par un organisme de sécurité sociale à une méthode de calcul contrevenant aux règles posées par le code de la sécurité sociale doit être sanctionné par l'annulation de la partie du redressement calculée de manière irrégulière.

6. Ayant retenu qu'en l'absence de mise en oeuvre de la procédure de taxation forfaitaire, les modalités retenues par l'URSSAF pour le calcul des masses salariales plafonnées constituaient une méthode illicite de calcul contraire à la règle d'ordre public de la détermination du redressement sur des bases réelles, la cour d'appel en a exactement déduit que les chefs de redressement concernés devaient être annulés à hauteur des sommes réclamées correspondant aux cotisations plafonnées.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement le chef de redressement n° 4, alors « que sont soumis au forfait social les jetons de présence perçus par les administrateurs d'une société ; que ces sommes sont perçues par les administrateurs dès lors qu'elles leur sont payées, ce paiement prendrait-il la forme d'un virement effectué sur le compte d'un tiers désigné par l'administrateur ; qu'en jugeant au contraire que les administrateurs n'avaient pas perçu leurs jetons de présence dès lors que ces sommes avaient été versées, à leur demande, sur le compte d'une organisation syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, applicable au litige :

9. Selon ce texte, sont soumises à une contribution à la charge de l'employeur les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme.

10. Il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les rémunérations soient perçues par l'intermédiaire de tiers.

11. Pour annuler le chef de redressement relatif à la réintégration, dans l'assiette du forfait social, des jetons de présence des représentants élus du personnel salarié au conseil d'orientation et de surveillance, l'arrêt relève que ces derniers ont, dès leur élection en cette qualité, fait savoir à l'employeur qu'ils abandonnaient à leur organisation syndicale leurs jetons de présence. Il constate que les sommes ont été versées à celle-ci par l'employeur, sans transiter par le compte bancaire des intéressés. Il en déduit que ces derniers n'ont pas perçu de jetons de présence.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les sommes litigieuses constituaient des jetons de présence alloués aux membres du conseil de surveillance en rémunération de leur activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la partie du redressement faisant l'objet du point n° 4 de la lettre d'observations en ce qu'il porte sur la réintégration des jetons de présence de MM. [Z], [S] et [F], l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 ; articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce.

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-12.182, (B), FRH

Rejet

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution sur les dépenses de promotion des laboratoires pharmaceutiques – Conventionnalité – Critères – Absence d'aide étatique – Absence d'identité de situation factuelle et juridique

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que lorsqu'une taxe n'a pas une portée générale mais frappe une seule catégorie d'opérateurs en situation concurrentielle, cet assujettissement asymétrique à la taxe peut être considéré comme une aide dès lors qu'une autre catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence n'est pas assujettie à ladite taxe. Dans un tel cas de figure, un opérateur économique, tel qu'un laboratoire pharmaceutique, peut exciper de l'illégalité de la taxe au motif qu'elle constitue une mesure d'aide pour en demander le remboursement.

Une mesure nationale peut être qualifiée d'« aide d'Etat » au sens de l'article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) si, notamment, elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire. L'appréciation du caractère sélectif de l'avantage accordé aux bénéficiaires par une mesure nationale impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, cette mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire ».

Une condition d'application ou d'obtention d'une aide fiscale peut ainsi fonder le caractère sélectif de cet avantage si cette condition conduit à opérer une différenciation entre des entreprises se trouvant pourtant, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable, et si, partant, elle révèle une discrimination à l'égard des entreprises qui en sont exclues. Dans l'affirmative, cette mesure étatique est qualifiée de sélective, sauf démonstration que l'inégalité de traitement ainsi établie résulte de la nature ou de l'économie générale du cadre de référence.

Il convient donc de déterminer si les entreprises ou productions qui sont exclues du champ d'application d'une redevance se trouvent ou non dans une situation comparable à celle des entreprises ou productions qui en relèvent, en tenant compte de ce que les États membres sont libres de décider de la politique économique qu'ils jugent la plus appropriée et, en particulier, de répartir comme ils l'entendent la charge fiscale entre les différents facteurs de production dans le respect du droit de l'Union. Il appartient au juge de déterminer les objectifs de la redevance en cause et d'examiner la cohérence des critères d'assujettissement à cette redevance avec les objectifs poursuivis afin de déterminer s'ils conduisent à distinguer des catégories d'entreprises ou de productions qui ne se trouvent pas dans une situation comparable au regard des objectifs poursuivis par la législation qui l'a fixée.

Concourant au financement des régimes d'assurance maladie reposant sur un mécanisme de solidarité nationale, la contribution des entreprises pharmaceutiques sur les dépenses de promotion des médicaments prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale s'applique à l'ensemble des entreprises pharmaceutiques qui exploitent en France une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou inscrites sur la liste des médicaments agréés par les collectivités.

C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que n'est pas caractérisée une aide d'Etat prohibée du fait de l'absence d'assujettissement à cette contribution des laboratoires européens qui ne sont pas établis en France et qui y exportent des médicaments, des grossistes répartiteurs et des dépositaires établis en France, ou des dépenses concernant certains médicaments, dans la mesure où, de première part, les laboratoires pharmaceutiques européens qui n'exploitent pas en France les médicaments visés par ce texte, mais qui bénéficient d'une autorisation d'importation parallèle ou en assurent la distribution parallèle, ne se trouvaient pas, en l'état des dispositions du code de la sécurité sociale antérieures à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des entreprises soumises à la contribution prévue par ce texte, de deuxième part, que les démarches de vente des grossistes auprès des pharmaciens et établissements de santé ne sont pas de même nature que celles des laboratoires pharmaceutiques et, de troisième part, que l'exploitation des différents médicaments ne se trouvait pas, au regard de l'objectif poursuivi par l'imposition de la contribution, dans une situation factuelle et juridique comparable.

En l'absence de doute raisonnable sur l'application de l'article 107, § 1, du TFUE à la redevance prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, il n'y a donc pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4], aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) un redressement relatif, d'une part, à l'assiette de la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités, d'autre part, à l'assiette de la contribution due par les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, tissus et cellules issus du corps humain, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou de prestations de services et d'adaptation associés, inscrits aux titres I et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du même code.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses septième et huitième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des contributions et majorations dues pour les années 2010 à 2012, alors :

« 3°/ que constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne toute mesure nationale discriminatoire qui favorise certaines entreprises ou certaines productions et qui est susceptible de fausser la concurrence ; qu'en imposant à la société de démontrer une atteinte à la concurrence bien que l'article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) impose seulement que la discrimination ou l'avantage consenti soit susceptible de fausser la concurrence entre États membres, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°/ qu'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre États membres, est discriminatoire et constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'en l'espèce, la société exposante faisait valoir que les laboratoires pharmaceutiques implantés dans les autres États membres de l'Union européenne commercialisaient en France des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et d'une prise en charge par les caisses de sécurité sociale et qu'ils pouvaient ainsi effectuer des opérations de promotion sans être soumis à la contribution définie à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale de sorte qu'ils bénéficiaient d'un avantage vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques établis en France susceptible de fausser la concurrence entre États membres, bien que se trouvant dans une situation comparable puisque les laboratoires établis en France étaient seuls soumis à cette contribution jusqu'à l'intervention de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 qui a inclus dans le champ de la contribution les entreprises bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle ou de distribution parallèle d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques ; qu'en jugeant que l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale n'opérait aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens bien que la discrimination reprochée et l'atteinte susceptible d'être portée à la concurrence fussent démontrées par les modifications apportées à l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale par la loi du 24 décembre 2019 précitée, dès lors que depuis le 1er janvier 2020, les rémunérations et frais de publication versés à des visiteurs médicaux par les laboratoires européens non établis en France sont soumis à la contribution litigieuse au titre de l'importation ou de la distribution en France de médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et remboursés par les caisses d'assurance maladie, la cour d'appel a violé ensemble l'article L. 245-1 dans sa rédaction applicable et les dispositions de l'article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

5°/ qu'une mesure nationale qui confère un avantage fiscal à certaines entreprises à l'exclusion d'autres qui se trouvent pourtant dans une situation comparable et qui est susceptible d'affecter les échanges entre États membres, est discriminatoire et constitue une aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que la contribution définie aux articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale vise à limiter les actions de promotion auprès non seulement des professions médicales, des chirurgiens dentistes et des sages-femmes, mais également des établissements de santé portant sur des médicaments remboursables ; que tout comme les laboratoires pharmaceutiques, seuls redevables de cette contribution, les grossistes-répartiteurs et les dépositaires en gros vendent directement des médicaments remboursables aux établissements de santé auprès desquels ils effectuent des actions de démarchage et de prospection qui portent en particulier sur des médicaments remboursables ; qu'ils ont à ce titre une activité de même nature que les laboratoires pharmaceutiques, que leurs actions de démarchage et prospection sont de même nature que celles des visiteurs médicaux auprès des établissements de santé ; que la société [3] a fait valoir que la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments instaure des exonérations injustifiées au regard de son objectif de taxer les actions de promotion qui développent les ventes de médicaments pris en charge par l'assurance maladie, en particulier au profit des grossistes et dépositaires qui ont obligatoirement le statut d'établissement pharmaceutique comme les laboratoires, qui vendent, comme ces derniers, des médicaments remboursables et qui sont rémunérés par une commission versée par ces derniers et déterminée en fonction du pourcentage des ventes de médicaments réalisées pour leur compte, qu'ils ont donc un intérêt économique à augmenter leur volume de ventes et qu'ils effectuent des actions de promotion et de démarchage à cet effet en particulier auprès des établissements de santé ; qu'en se bornant à énoncer que l'activité des grossistes est différente de celle des laboratoires puisqu'ils écoulent les médicaments fabriqués par ces derniers, que leur démarche ne consiste pas à promouvoir un médicament particulier en vue de développer sa commercialisation et est différente de celle des visiteurs médicaux sans rechercher, comme elle y était invitée, si les grossistes et dépositaires, soumis au statut d'établissement pharmaceutique, ne disposaient pas d'une force de vente permettant la promotion auprès des établissements de santé publics et privés, des médicaments remboursables, même si la promotion assurée par les grossistes auprès des établissements de santé portent sur des médicaments remboursables, fabriqués par différents laboratoires et non par un seul, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

6°/ que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen des ressources de l'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; que la société faisait valoir que plusieurs catégories de médicaments remboursés par l'assurance maladie étaient pourtant exclus de l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments alors que, compte tenu de l'objectif de la contribution visant à limiter les dépenses de l'assurance maladie quant aux médicaments pris en charge, la contribution aurait dû viser l'ensemble des listes des médicaments remboursés par l'assurance maladie ; que la discrimination alléguée portait donc sur la faveur faite à la production des certains médicaments remboursés et pourtant exclus de la contribution ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, qu'il n'y avait pas d'atteinte à la concurrence, la règle s'appliquant de la même manière à l'ensemble des professionnels du secteur, la cour d'appel a statué par des motifs juridiquement inopérants et a violé l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

5. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans la mesure où l'article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) définit les interventions étatiques en fonction de leurs effets, indépendamment des techniques utilisées, le critère d'imposition à une redevance peut permettre de favoriser, en pratique, « certaines entreprises ou certaines productions », au sens de ce texte, en allégeant leurs charges par rapport à celles qui sont soumises à cette redevance (CJCE, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates Association, C-487/06, point 89 ; CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, points 47 et 48).

6. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que lorsqu'une taxe n'a pas une portée générale mais frappe une seule catégorie d'opérateurs en situation concurrentielle, cet assujettissement asymétrique à la taxe peut être considéré comme une aide dès lors qu'une autre catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence n'est pas assujettie à ladite taxe. Dans un tel cas de figure, un opérateur économique, tel qu'un laboratoire pharmaceutique, peut exciper de l'illégalité de la taxe, au motif qu'elle constitue une mesure d'aide, pour en demander le remboursement (CJCE, 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron, C-526/04, points 33, 34 et 40).

7. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, la qualification d'une mesure nationale d'« aide d'État », au sens de l'article 107, § 1, du TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (CJUE, arrêt du 29 juillet 2019, Azienda Napoletana Mobilità, C-659/17, point 20 ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, point 58).

8. Il résulte d'une jurisprudence constante que l'appréciation du caractère sélectif de l'avantage accordé aux bénéficiaires par une mesure nationale impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, cette mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d'autres, qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » (CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, point 38 et jurisprudence citée ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, point 60).

9. Une condition d'application ou d'obtention d'une aide fiscale peut ainsi fonder le caractère sélectif de cet avantage, si cette condition conduit à opérer une différenciation entre des entreprises se trouvant pourtant, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable, et si, partant, elle révèle une discrimination à l'égard des entreprises qui en sont exclues. Dans l'affirmative, cette mesure étatique est qualifiée de sélective, sauf démonstration que l'inégalité de traitement ainsi établie résulte de la nature ou de l'économie générale du cadre de référence (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C-20/15 et C-21/15 ; CJUE, arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C-203/16 ; CJUE, arrêt du 19 décembre 2018, A-Brauerei, C-374/17).

10. Dans ces conditions, il convient de déterminer si les entreprises ou productions qui sont exclues du champ d'application de la redevance litigieuse se trouvent ou non dans une situation comparable à celle des entreprises ou productions qui en relèvent, en tenant compte de ce que les États membres sont libres de décider de la politique économique qu'ils jugent la plus appropriée et, en particulier, de répartir comme ils l'entendent la charge fiscale entre les différents facteurs de production, dans le respect du droit de l'Union. Il appartient au juge de déterminer les objectifs de la redevance en cause et d'examiner la cohérence des critères d'assujettissement à cette redevance avec les objectifs poursuivis, afin de déterminer s'ils conduisent à distinguer des catégories d'entreprises ou de productions qui ne se trouvent pas dans une situation comparable au regard des objectifs poursuivis par la législation qui l'a fixée (CJUE, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C-233/16, points 49 à 55 ; CJUE, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA, C-105/18 à C-113/18, points 65 à 69).

11. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable au litige, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de la Haute Autorité de santé une contribution des entreprises assurant l'exploitation en France, au sens des articles L. 5124-1, L. 5124-2, L. 5136-2 et L. 5124-18 du code de la santé publique, d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et dernier alinéas de l'article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

12. Concourant au financement des régimes d'assurance maladie reposant sur un mécanisme de solidarité nationale, la contribution des entreprises pharmaceutiques mentionnées à ce texte s'applique à l'ensemble des entreprises pharmaceutiques qui exploitent en France une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou inscrites sur la liste des médicaments agréés par les collectivités.

13. L'arrêt énonce que l'article L. 245-1 précité n'établit aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens. Il ajoute que les démarches de vente des grossistes auprès des pharmaciens et établissements de santé ne sont pas de même nature que celles des laboratoires pharmaceutiques, que l'objet de leur activité est la vente des produits qu'ils ont acquis auprès de laboratoires sans les avoir fabriqués, de sorte que leur démarche, qui ne vise pas à promouvoir un produit particulier en vue de développer sa commercialisation est différente de celle du visiteur médical employé par un laboratoire pharmaceutique. Il retient que si certains médicaments ont été exclus du champ d'application du texte, il n'y a pas davantage atteinte à la libre concurrence, la règle s'appliquant de la même manière à l'ensemble des professionnels du secteur et les médicaments exclus du champ d'application du texte correspondant à des produits très spécifiques pour lesquels, à raison de leur nature, les laboratoires n'engagent pas de dépenses de promotion.

14. La cour d'appel n'ayant pas exigé de la société la démonstration d'une atteinte à la concurrence et ayant retenu, outre les motifs visés par la cinquième branche, que les démarches de vente des grossistes auprès des pharmaciens et établissements de santé ne sont pas de même nature que celles des laboratoires pharmaceutiques, le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, manque en fait.

15. La cour d'appel a également fait ressortir que l'exclusion de certains médicaments de l'assiette de la contribution n'était pas de nature à entraîner un assujettissement asymétrique des entreprises à la contribution visée par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, et que l'exploitation des différents médicaments ne se trouvait pas, au regard de l'objectif poursuivi par l'imposition de la contribution, dans une situation factuelle et juridique comparable.

16. Enfin, elle a exactement retenu qu'aucune distinction entre les entreprises établies en France et les laboratoires européens n'était établie par les dispositions de l'article L. 245-1 précité, dès lors que, en substance, les laboratoires pharmaceutiques européens qui n'exploitent pas en France les médicaments visés par ce texte mais qui bénéficient d'une autorisation d'importation parallèle ou en assurent la distribution parallèle ne se trouvaient pas, en l'état des dispositions du code de la sécurité sociale antérieures à la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 applicables au litige, dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des entreprises soumises à la contribution prévue par ce texte.

17. La société soumet, à l'appui de son pourvoi, une question préjudicielle portant sur la caractérisation d'une aide d'État prohibée du fait de l'absence d'assujettissement à la contribution prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale des laboratoires européens qui ne sont pas établis en France et qui y exportent des médicaments, des grossistes répartiteurs et des dépositaires établis en France, ou des dépenses concernant certains médicaments.

18. Il résulte de l'article 267, alinéa 3, du TFUE, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente, qu'elle est matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel dans une espèce analogue, que le point de droit en cause a été résolu par une jurisprudence établie de cette Cour, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige, ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, point 21 ; CJUE, arrêt du 9 septembre 2015, Ferreira da Silva e Brito e.a., C-160/14, points 38 et 39 ; CJUE, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C-379/15, point 50 ; CJUE, arrêt du 4 octobre 2018, Commission /France, C-416/17, point 110).

19. En l'absence de doute raisonnable sur l'application de l'article 107, § 1, du TFUE à la redevance prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, pour les motifs exposés aux paragraphes 5 à 16, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne.

20. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

21. La société fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments comprend uniquement les rémunérations et remboursements de frais alloués aux personnes mentionnées à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, autrement dit aux visiteurs médicaux diplômés ; qu'elle n'inclut pas les rémunérations et remboursements de frais alloués à la catégorie professionnelle des personnes exerçant une activité d'information par démarchage ou de prospection pour des médicaments, autrement dit à tous les visiteurs médicaux visés successivement aux articles L. 5122-11 et L. 5122-12 dudit code, ce dernier texte dérogeant aux dispositions de l'article L. 5122-11 en incluant dans la catégorie des visiteurs médicaux certaines personnes non diplômées, non visées par l'article L. 5122-11 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'URSSAF a intégré dans l'assiette de la contribution susvisée, due par l'exposante, les rémunérations et remboursements de frais alloués aux visiteurs médicaux non diplômés, pour la contribution des années 2009 à 2011 due en 2010, 2011 et 2012 ; qu'en estimant, pour valider cette intégration, que l'assiette de la contribution comprend l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles soient exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a étendu le champ de l'assiette de cette contribution aux visiteurs non diplômés contrairement aux dispositions claires et précises de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale et des articles L. 5122-11 et L. 5122-12 du code de la santé publique, violant ainsi ses textes ;

2°/ que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce qu'un texte clair et précis soit interprété par le juge et que son champ d'application soit étendu à des situations qu'il ne prévoit pas expressément ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel en réplique et récapitulatives, la société exposante faisait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation qui interprète les dispositions claires et précises de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale en étendant son champ d'application aux rémunérations et remboursements de frais des visiteurs médicaux non diplômés visés par l'article L. 5122-12 du code de la santé publique, bien que l'article L. 245-2 renvoie exclusivement à l'article L. 5122-11, méconnaissait le principe de sécurité juridique ; qu'en estimant néanmoins que l'assiette de la contribution comprenait l'ensemble des rémunérations de toutes natures, ainsi que les charges sociales et fiscales de tous les personnels chargés d'assurer la promotion des spécialités pharmaceutiques, qu'elles fussent exposées pour des visiteurs médicaux diplômés ou non diplômés, la cour d'appel a méconnu le principe de sécurité juridique et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

22. Selon l'article L. 245-2, I, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution visée par l'article L. 245-1 du même code est assise sur les charges comptabilisées au cours du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des rémunérations de toutes natures, y compris l'épargne salariale ainsi que les charges sociales et fiscales y afférentes, des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la santé publique, qu'elles soient ou non salariées de l'entreprise et qu'elles interviennent en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé.

23. La référence opérée par ce texte à l'article L. 5122-11 du code de la santé publique concerne l'ensemble des personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments, l'article L. 5122-12 du même code, qui n'institue pas de catégorie professionnelle différente, prévoyant seulement des dérogations permettant à celles d'entre elles qui exerçaient une activité avant le 19 janvier 1994 de la poursuivre sans posséder les qualifications exigées à cette date.

24. L'arrêt retient que les articles L. 5122-11 et L. 5122-12 du code de la santé publique n'ont pas créé deux catégories de visiteurs médicaux, mais définissent une profession laquelle doit être exercée par des personnes titulaires de diplômes, pour répondre à une exigence de compétence. Il ajoute que le texte a pris en compte le fait que la profession était également exercée par des personnes n'ayant pas obtenu ces mêmes diplômes, afin de leur permettre d'exercer leur profession, sous réserve de répondre aux conditions fixées par le texte.

25. De ces énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit, sans méconnaître le principe de sécurité juridique, que l'assiette de la contribution visée à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale comprenait les rémunérations de toutes natures versées par la société à l'ensemble de ses visiteurs médicaux, diplômés ou non diplômés.

26. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

27. La société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement relatif aux frais de publication à destination des pharmaciens d'officine, pris en compte dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux afférente aux années 2010 à 2012, alors « que n'entrent pas dans l'assiette de la contribution relative aux dépenses de promotion des dispositifs médicaux instituée par l'article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale les charges comptabilisées au titre de visites effectuées auprès des professionnels de santé non prescripteurs et au titre des frais de publication à destination de ces mêmes professionnels, autrement dit, en particulier, auprès des pharmaciens d'officine ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'URSSAF a intégré dans l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux due par la société entre 2010 et 2012 au titre des années 2009 à 2011, des frais de publication à destination des pharmaciens d'officine à hauteur de 59 922 euros ; qu'en considérant que l'article L. 245-5-2-3 du code précité incluait, dans l'assiette de cette contribution, tous les frais de publication et d'achats d'espaces publicitaires sauf les frais engagés dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, à l'exclusion de tout autre support, bien que, par hypothèse, l'assiette de la contribution définie à l'article L. 245-5-2 ne vise que les rémunérations, les remboursements de frais et les frais de publication à destination des seuls professionnels de santé prescripteurs à l'exclusion des autres professionnels de santé tels les pharmaciens d'officine, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

28. Selon l'article L. 245-5-2, I, 3°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution visée par l'article L. 245-5-1 du même code est assise sur les charges comptabilisées au titre du ou des exercices clos depuis la dernière échéance au titre des frais de publication et des achats d'espaces publicitaires, sauf dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ou d'un agrément défini dans les conditions fixées par décret, dès lors qu'un des dispositifs, tissus, cellules, produits ou prestations y est mentionné.

29. Le texte ne distingue pas selon que les frais de publication et les achats d'espaces publicitaires sont exposés à destination ou non des professionnels de santé prescripteurs.

30. C'est donc sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a dit que les frais de publication à destination des officines de pharmacie devaient être intégrés dans l'assiette de la contribution.

31. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 245-1 du code de la sécurité sociale ; article 107, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

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