Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

2e Civ., 27 octobre 2022, n° 21-10.739, (B), FRH

Rejet

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs – Cas – Convention d'honoraires d'avocat

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 27 novembre 2020) et les productions, Mme [G] a confié la défense de ses intérêts, le 20 mars 2014, à la société Cabinet Coll (l'avocat) pour l'assister dans une procédure l'opposant à son époux.

2. Une convention d'honoraires a été conclue le même jour, prévoyant un forfait, non remboursable, de 3 500 euros TTC, en cas de dessaisissement de l'avocat par le client et une clause d'indemnité de dédit prévoyant, dans la même hypothèse, que l'honoraire restant à courir serait dû, plafonné à 2 500 euros HT (3 000 euros TTC).

3. Mme [G] a mis fin au mandat qui la liait à l'avocat par courriel du 6 octobre 2015, confirmé par lettre du 28 décembre 2015.

4. Le 14 avril 2016, elle a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une contestation d'honoraires afin d'obtenir le remboursement des honoraires versés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui est irrecevable et sur le second, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. L'avocat fait grief à l'ordonnance de réputer non écrites les deux clauses de dédit figurant aux articles III-1 et V-5.5 de la convention d'honoraires, par application des articles L. 212, alinéa 1, et L. 241-1 du code de la consommation, de fixer à la somme de 900 euros TTC les honoraires dus à l'avocat, de constater que Mme [G] avait versé à ce dernier la somme de 3 500 euros TTC au titre des honoraires et de condamner en conséquence l'avocat à lui rembourser la somme de 2 600 euros TTC, alors :

« 1°/ que la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier, et sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, des différends portant sur l'existence ou la validité du mandat confié à l'avocat ; qu'en jugeant que la clause de dédit insérée à la convention d'honoraires devait être réputée non écrite comme étant abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

2°/ que, subsidiairement, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le déséquilibre significatif doit être apprécié par les juges du fond en fonction de l'équilibre général des prestations réciproques et du principe de liberté contractuelle ; qu'en jugeant que la clause de dédit insérée à la convention d'honoraires créait un déséquilibre significatif au détriment du client, en ce qu'aucune clause de dédit n'était réciproquement prévue au profit du client en cas de dessaisissement anticipé par l'avocat, sans rechercher si, ainsi que le mentionnait expressément la convention d'honoraires, la clause de dédit ne trouvait pas sa contrepartie, favorable au client, dans la fixation d'un honoraire forfaitaire ferme sans aucun dépassement d'un montant largement inférieur à celui qui aurait résulté de l'application d'un taux-horaire, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

7. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08).

8. Selon l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

9. Il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d'avocat, d'examiner le caractère abusif des clauses des conventions d'honoraires lorsque le client de l'avocat est un non-professionnel ou un consommateur.

10. C'est donc sans excéder ses pouvoirs que le premier président, qui ne s'est pas prononcé sur la validité du mandat de l'avocat, a retenu que les dispositions du code de la consommation sont applicables aux conventions d'honoraires d'avocats et a examiné le caractère abusif des clauses de la convention litigieuse.

11. Relevant, ensuite, qu'en l'espèce, les deux clauses, respectivement prévues par les articles III-1 et V-5.5 de la convention d'honoraires, étaient contradictoires quant à leur montant, le premier article prévoyant qu'en cas de dessaisissement de l'avocat par le client, les honoraires forfaitaires de 3 500 euros TTC restaient dus en totalité et le second que les indemnités de dédit ne pouvaient dépasser 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC, il a retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que ces clauses ont, chacune, pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat, dès lors que, d'une part, l'avocat obtiendrait de sa cliente, le paiement de la totalité des honoraires ou leur quasi-totalité alors qu'il n'avait effectué que deux prestations sur les six qu'il s'était engagé à effectuer pour le montant forfaitaire fixé et que les deux montants du dédit apparaissaient disproportionnés avec les diligences réalisées, d'autre part, qu'il n'est nullement prévu, en cas de « dessaisissement » anticipé par l'avocat, une clause de dédit en faveur de la cliente.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Buk Lament-Robillot -

3e Civ., 12 octobre 2022, n° 20-17.335, (B), FS

Rejet

Conformité des produits et services – Obligation générale de conformité – Garantie légale de conformité – Domaine d'application – Exclusion – Cas

Dès lors que le contrat n'a pas pour objet la vente d'un bien meuble corporel et qu'il ne porte pas sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire, la garantie légale de conformité des articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants, du code de la consommation ne s'applique pas dans les relations entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [T] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés JTM parquet et Design parquet.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mai 2020), M. et Mme [T] ont confié à la société Vittet J. et fils (la société Vittet), devenue la société Vilam, la fourniture et la pose d'un parquet.

3. Invoquant des désordres, M. et Mme [T] ont, après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, assigné la société Vittet en réparation sur le fondement de la garantie des vices cachés et de la garantie légale de conformité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de décider qu'ils avaient conclu avec la société Vittet un contrat d'entreprise, de rejeter leurs demandes et de les condamner à payer une certaine somme au titre du solde de la facture de travaux, alors :

« 1°/ que le contrat de prestation de service se distingue de la vente par la réalisation d'un travail spécifique ; qu'en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif que la pose du parquet avait rendu nécessaire des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, quand ces tâches correspondaient à un travail standard, la cour d'appel a violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du code civil ;

2°/ qu'en qualifiant de contrat d'entreprise le contrat litigieux prévoyant, sans ventilation du prix, la fourniture et la pose d'un parquet, au motif de l'indissociabilité du parquet de l'ensemble carrelage sol chauffant de sorte que la dépose du parquet ne pourrait se faire sans l'enlèvement de l'ensemble, quand cette circonstance, étrangère au travail devant être effectué en exécution du contrat, était nécessairement indifférente pour statuer sur sa qualification, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1582 et les articles 1641 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu que les travaux commandés comprenaient la pose du parquet, laquelle constituait une part importante du travail avec des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences de M. et Mme [T].

6. Ayant ainsi caractérisé, par ces seuls motifs, la commande d'un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, elle a pu en déduire que le contrat liant les parties était un contrat de louage d'ouvrage.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [T] font le même grief à l'arrêt, alors « que selon l'article L. 211-4 du code de la consommation tel qu'issu de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, le vendeur « répond... des défauts de conformité résultant... de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité » ; qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment des règles du droit civil, M. et Mme [T] n'étaient pas fondés à solliciter la condamnation de l'EURL Vittet Joseph et fils dans la mesure où, vendeur du parquet, elle s'était obligée à l'installer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 211-1 et L. 211-4 à L. 211-10 du code de la consommation tels qu'issus de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005. »

Réponse de la Cour

9. La garantie de conformité prévue par les articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants du code de la consommation, ne s'applique qu'aux biens meubles corporels dont la propriété est transférée en vertu d'un contrat de vente, auquel est assimilé le contrat de fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire.

10. Le vendeur répond également des défauts de conformité résultant de l'installation du bien lorsque le contrat met cette installation à sa charge.

11. En revanche, le locateur d'ouvrage n'est pas tenu à la garantie pour les matériaux qu'il fournit et met en oeuvre en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, hors le cas du contrat portant sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire.

Le champ d'application de la garantie légale de conformité ne peut, en effet, être étendu au-delà des prévisions de l'article L. 211-1, devenu L. 217-1 du code de la consommation.

12. La cour d'appel a retenu que le contrat passé entre les parties, portant sur la fourniture et la pose d'un parquet, devait être qualifié de contrat de louage d'ouvrage et non de contrat de vente.

13. Dès lors que le contrat n'avait pas pour objet la vente d'un bien meuble corporel et qu'il ne portait pas sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, en a déduit, à bon droit, que les dispositions des articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants, du code de la consommation ne trouvaient pas à s'appliquer.

14. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Articles L. 211-1 et suivants, devenus L. 217-1 et suivants, du code de la consommation.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.