Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

JUGEMENTS ET ARRETS

2e Civ., 20 octobre 2022, n° 21-17.407, (B), FRH

Cassation

Conclusions – Obligation de juger dans leurs limites – Conclusions orales

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mai 2021), le 22 mai 2019, M [V], en qualité de liquidateur de M. [Y] a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière à la SCI Le Manse concernant un de ses immeubles et l'a assignée devant un juge de l'exécution.

2. Par jugement d'orientation du 15 février 2021, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Compiègne a notamment ordonné la vente forcée de l'immeuble

3. Par déclaration du 15 mars 2021, la SCI Le Manse a interjeté appel de ce jugement et a été autorisée à faire assigner à jour fixe à une audience de la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI Villa Saint Michel, anciennement dénommée SCI Le Manse, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant mentionné que le montant retenu pour la créance de la SCP [V]-Hermont, prise en la personne de M. [V], en qualité de mandataire liquidateur de M. [Y], s'élève au 22 mai 2019 à la somme de 150 089,71 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation ou de toute mise en demeure préalable tel que prévu par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 septembre 2010, majorés de 5 points à compter du 9 septembre 2015, d'ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière, et de dire que l'audience d'adjudication aura lieu dans les conditions fixées dans le cahier des conditions de la vente, à la barre du tribunal judiciaire de Compiègne le mardi 1er juin 2021 à 13h30, alors « qu'en appel, les prétentions des parties ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées sont formulés dans les conclusions ; que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'elle ne peut se déterminer, y compris dans les procédures à jour fixe, par référence à des débats oraux n'ayant pas porté sur des points abordés par les écritures des parties ; qu'en l'espèce, pour confirmer le jugement d'orientation, la cour d'appel a relevé que Me [V] ès qualités avait fait valoir, à l'audience de plaidoiries, que dans le dispositif de ses conclusions, la SCI Le Manse ne sollicitait ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, de sorte que la cour d'appel ne pouvait que confirmer le jugement ; qu'en se déterminant par référence à des débats oraux non repris dans les conclusions des parties, dans lesquelles ne figurait aucune argumentation en ce sens, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 954, alinéas 1er et 3 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, qu'en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, ces prétentions ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées doivent être expressément formulés dans les conclusions et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

6. Après avoir relevé qu'à l'audience des débats, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, précisé que le liquidateur de M. [Y] a fait valoir que, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, celle-ci ne sollicite ni l'infirmation ni l'annulation du jugement de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement et observé que la SCI Le Manse n'a rien fait valoir sur ce point, l'arrêt retient que cette dernière ne demandant dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement d'orientation, le jugement ne peut qu'être confirmé des chefs critiqués par l'appelante.

7. En statuant ainsi alors que l'argumentation développée oralement par l'intimé ne figurait pas dans ses conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle -

Textes visés :

Articles 4 et 954, alinéas 1 et 3 du code de procédure civile.

2e Civ., 13 octobre 2022, n° 21-15.035, (B), FRH

Rejet

Exécution – Caractère exécutoire – Cas – Accident du travail – Faute inexcusable – Décision reconnaissant l'existence d'une fautre inexcusable sans statuer sur l'action récursoire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a reconnu la faute inexcusable de la [4] (l'employeur) à l'origine de la maladie professionnelle et du décès d'un de ses salariés (la victime), a ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant et a fixé les préjudices personnels subis par la victime de son vivant ainsi que les préjudices moraux de ses ayants droit.

L'employeur ayant refusé de rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres (la caisse) le capital représentatif de la majoration de la rente versée au conjoint survivant, celle-ci a fait pratiquer une saisie-attribution à son encontre.

2. L'employeur a saisi d'un recours un juge de l'exécution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de confirmer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de l'employeur, alors :

« 1°/ que les juges ont l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime et fixé les préjudices personnels subis par celle-ci de son vivant, que la caisse fera l'avance des sommes allouées avec possibilité d'action récursoire à l'encontre de l'employeur, ce qui prévoit ainsi clairement l'exercice de cette action récursoire pour l'ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

2°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d'une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l'objet d'un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1, alinéa 2, du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution) ;

3°/ qu'il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l'employeur est payée par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l'employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d'un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l'employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l'avance, et sans qu'il y ait lieu qu'elle sollicite l'exercice de ce droit ou qu'il soit spécialement ordonné par un juge ; qu'en disant que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut, afin de récupérer auprès de l'employeur le capital représentatif des dépenses qu'elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l'exécution d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu'il n'apparaît d'ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande en ce sens, la cour d'appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d'exécution). »

Réponse de la Cour

4. Ne constitue pas, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l'organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l'employeur sans se prononcer sur l'action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d'assurance maladie à son encontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu'elle a versés à la victime.

5. Ayant relevé que le jugement du 24 septembre 2015 ne s'est pas prononcé sur l'action récursoire de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente, la cour d'appel en a, hors toute dénaturation, exactement déduit qu'en l'absence d'un titre exécutoire fondant la saisie-attribution, sa mainlevée devait être ordonnée.

6. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ; articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

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