Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 27 octobre 2022, n° 21-15.026, (B), FRH

Cassation

Liquidation judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Tribunal compétent pour trancher la contestation sérieuse – Appel – Cour d'appel se prononçant sur l'irrégularité de la déclaration de créance – Compétence exclusive du juge-commissaire – Conséquence – Excès de pouvoir

Il résulte de l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsque le juge-commissaire constate qu'une contestation de créance ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, sursoit à statuer sur l'admission de la créance et invite les parties à saisir le juge compétent sur cette contestation, ou lorsque, s'estimant incompétent pour trancher la contestation, il renvoie les parties à saisir le juge compétent, le juge-commissaire demeure seul compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance et admettre ou rejeter la créance.

Doit être cassé l'arrêt de la cour d'appel qui, statuant sur l'appel du jugement du tribunal compétent pour trancher une contestation sérieuse portant sur une créance déclarée au passif d'un débiteur en procédure collective, excède ses pouvoirs en disant irrégulière la déclaration de créance pour défaut de justification du pouvoir de son signataire.

Liquidation judiciaire – Vérification et admission des créances – Juge-commissaire – Pouvoirs exclusifs – Décision de régularité de la déclaration ou d'admission ou de rejet d'une créance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021), la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société Travere Industries (la société Travere) un prêt professionnel.

2. Les 3 novembre 2008 et 23 janvier 2011, la société Travere a été successivement mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, M. [W] et la société Rioux étant désignés co-liquidateurs.

La banque a procédé, au titre du prêt, à deux déclarations de créance successives, que la société Travere a contestées.

Par une ordonnance du 15 octobre 2012, le juge-commissaire a admis la créance.

Par un arrêt du 11 juin 2015, la cour d'appel a infirmé cette ordonnance, dit que le juge-commissaire était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour trancher la contestation qui opposait les parties, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente et ouvert aux parties un délai d'un mois pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.

3. La banque a assigné la société Travere et les liquidateurs devant le tribunal pour trancher la contestation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de dire que les déclarations de créance sont irrégulières et de rejeter ses demandes, alors « que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet de la créance, ainsi que pour apprécier la régularité de la déclaration de créance ; que par conséquent, le juge-commissaire qui, constatant l'existence d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, renvoie les parties à mieux se pourvoir et à saisir le juge compétent, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise pour statuer sur la créance en l'admettant ou en la rejetant ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire par ordonnance du 9 octobre 2012, constatant que la banque justifiait de la régularité de sa déclaration et du quantum de sa créance, a prononcé l'admission de celle-ci au passif de la procédure collective ouverte contre la société Travère Industries ; que par arrêt infirmatif du 11 juin 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, constatant que le juge-commissaire est dépourvu de pouvoir juridictionnel pour trancher la contestation opposant les parties, a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'à la décision définitive de la juridiction compétente et a invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois, à peine de forclusion ; que saisi par la banque, le tribunal de commerce de Toulon, par jugement du 26 juin 2017 a fixé la créance de celle-ci au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne pouvait décider que les déclarations de la banque étaient irrégulières et débouter celle-ci de toutes ses demandes ; qu'en statuant ainsi quand il lui appartenait de relever d'office son pouvoir juridictionnel pour statuer sur la régularité des déclarations de créances de la banque, la cour d'appel, qui a commis un excès de pouvoir, a violé l'article L 624-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, ensemble l'article 125 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 :

5. Il résulte de ce texte que lorsque le juge-commissaire constate qu'une contestation de créance ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, sursoit à statuer sur l'admission de la créance et invite les parties à saisir le juge compétent sur cette contestation, ou lorsque, s'estimant incompétent pour trancher la contestation, il renvoie les parties à saisir le juge compétent, le juge-commissaire demeure seul compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance et admettre ou rejeter la créance.

6. Pour dire que les déclarations de créance sont irrégulières et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient qu'il n'est pas justifié que le signataire des déclarations successives avait reçu délégation de pouvoir d'ester en justice de la part du représentant légal de la banque ou d'un délégataire ayant reçu lui-même le pouvoir de subdéléguer.

7. En statuant ainsi, alors que la cour d'appel, statuant par son arrêt du 11 juin 2015 avec les pouvoirs du juge-commissaire, était seule compétente pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs de juge compétent pour trancher la contestation sérieuse, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Com., 26 octobre 2022, n° 20-23.150, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Organes – Juge-commissaire – Compétence – Exclusion – Cas – Revendication d'un droit de propriété né postérieurement à l'ouverture de la procédure collective

Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9, L. 624-16, rendus applicables à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, et R. 662-3 du code de commerce que le juge-commissaire n'est compétent pour connaître de la revendication des biens mobiliers que lorsque le demandeur se prévaut d'un droit de propriété né antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. La revendication d'un droit de propriété né postérieurement à celle-ci relève de l'application des dispositions du code civil.

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Droit de propriété né postérieurement à l'ouverture de la procédure collective – Droit commun

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 octobre 2020), la société DPI international (la société DPI) a été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2017.

Les sociétés AJ partenaires et MJ synergie ont été désignées respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire.

2. Pendant la période d'observation du redressement judiciaire, en septembre et décembre 2017, la société DPI a commandé des outillages à la société And Plast pour un montant total de 355 600 euros. Ces marchandises ont été vendues avec une clause de réserve de propriété, acceptée par le dirigeant de la société DPI le 9 février 2018.

La livraison des biens vendus a eu lieu fin février 2018.

3. Le 1er juin 2018, un jugement a arrêté le plan de cession de la société DPI et prononcé sa liquidation judiciaire.

4. Le 21 juin 2018, la société And Plast a revendiqué les matériels auprès du liquidateur qui a refusé d'acquiescer, puis, le 30 juillet 2019, elle a saisi le juge-commissaire qui s'est déclaré incompétent.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de retenir la compétence du juge-commissaire puis, sur opposition, du tribunal, alors « que l'action en revendication d'un bien meuble exercée en vertu d'une créance née postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective, assortie d'une clause de réserve de propriété sur le bien revendiqué, est soumise au droit commun ; qu'elle ne peut dès lors être exercée que devant le juge de droit commun, et non devant le juge de la procédure collective ou le juge-commissaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la revendication exercée par la société And Plast relevait de la compétence du juge-commissaire, en tant que juridiction de premier ressort de la procédure collective, exclusivement compétente en matière de revendication ; qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la revendication était exercée par la société And Plast en vertu d'une clause de réserve de propriété associée à une créance née pendant la période d'observation, ce qui impliquait que cette revendication, liée à une créance qui n'était pas soumise à la discipline imposée par l'ouverture de la procédure collective, relevait de la compétence du juge de droit commun, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 624-9, L. 624-17, L. 641-14, R. 621-21, R. 624-13 et R. 662-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-9, L. 624-16 rendus applicables à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, et R. 662-3 du code de commerce :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que le juge-commissaire n'est compétent pour connaître de la revendication des biens mobiliers que lorsque le demandeur se prévaut d'un droit de propriété né antérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

La revendication d'un droit de propriété né postérieurement à celle-ci relève de l'application des dispositions du code civil.

7. Pour déclarer le juge-commissaire compétent, l'arrêt retient que les dispositions relatives à la revendication des biens meubles n'excluent pas l'hypothèse d'une revendication dont la cause est née durant la période d'observation, que la société And Plast n'entend pas exercer le recours de droit commun du code civil, la marchandise n'étant ni perdue, ni volée. Il ajoute que les effets de la clause de réserve de propriété relèvent de la juridiction de la procédure collective, qui connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, en application de l'article R. 662-3 du code de commerce.

8. En statuant ainsi, alors que la liquidation judiciaire de la société DPI prononcée par le jugement du 1er juin 2018 ne constituait pas une procédure collective nouvelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable le recours exercé par la société And Plast et rejeté la demande reconventionnelle de la société DPI international, l'arrêt rendu le 8 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu le 16 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, en ce qu'il a déclaré non fondé le recours exercé par la société And Plast et en ce qu'il a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire du 20 décembre 2018 et en ce qu'il s'est déclaré incompétent.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; Me Soltner -

Textes visés :

Articles L. 624-9, L. 624-16, L. 641-14, et R. 662-3 du code de commerce.

Com., 26 octobre 2022, n° 21-15.619, (B), FRH

Cassation partielle

Organes – Mandataire judiciaire – Forme sociale d'exercice de la profession – Société titulaire du mandat judiciaire – Action en responsabilité contre la société – Assignation de la société – Recevabilité

Selon l'article R. 814-83 du code de commerce, lorsque le tribunal nomme une société en qualité de mandataire judiciaire, il désigne en son sein un ou plusieurs associés exerçant l'activité de mandataire judiciaire pour la représenter dans l'exercice du mandat qui lui est confié. Et il résulte des articles R. 814-84, R. 814-85, alinéa 2, et R. 814-86 du code de commerce que l'associé d'une société de mandataires judiciaires, qui exerce ses fonctions au nom de la société, ne peut plus exercer sa profession à titre individuel et doit consacrer à la société toute son activité professionnelle.

Par conséquent, a violé ces textes la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité dirigée contre une société de mandataires judiciaires, représentée par un associé, a retenu que le mandataire judiciaire qui exerçait son activité sous une forme sociale devait, si sa responsabilité était recherchée, être assigné personnellement, en tant que répondant sur son patrimoine des conséquences de ses fautes personnelles et que toute action initiée par voie d'assignation contre la société dont il faisait partie était irrecevable, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de la délivrance de l'assignation, la société de mandataires judiciaires, représentée par cet associé, était la titulaire du mandat judiciaire, de sorte que l'action en responsabilité, à raison des fautes reprochées dans l'exécution de la mission de mandataire judiciaire, était recevable contre cette société.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 2021), M. [G] a été mis en redressement judiciaire par un jugement du 13 novembre 2013 qui a désigné la Selarl MJ synergie, représentée par M. [J], en qualité de mandataire judiciaire.

La créance de la Caisse de Crédit mutuel Saint-Etienne Bellevue (la banque) a été admise au passif à titre privilégié à concurrence de 306 572,05 euros.

2. Pendant la période d'observation du redressement judiciaire, plusieurs terrains grevés par des inscriptions d'hypothèques et de privilège de prêteur de deniers de la banque ont été vendus et la SCP [N] [H], notaire ayant reçu les actes, a remis l'intégralité des prix de vente, soit 117 758,11 euros, à la société MJ synergie représentée par M. [J], par des virements des 4 septembre et 7 novembre 2014.

Les demandes réitérées de la banque auprès du mandataire judiciaire pour obtenir le versement des sommes provenant des ventes de parcelles n'ont pas abouti, le mandataire judiciaire indiquant avoir remis les sommes en cause au débiteur.

3. Estimant que la responsabilité du mandataire judiciaire était engagée, la banque a, par un acte du 19 octobre 2016, assigné la Selarl MJ synergie, représentée par M. [J], en paiement de la somme de 117 758,11 euros outre intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en responsabilité en tant que dirigée contre la société MJ synergie, représentée par M. [J], alors « que le mandataire judiciaire exerçant au sein d'une société exerce les fonctions de mandataire judiciaire au nom de la société et ne peut plus exercer à titre individuel, de sorte qu'en cas de faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions, l'action en responsabilité est recevable contre la société ; qu'en l'espèce, en jugeant au contraire que l'action en responsabilité introduite par la Caisse de Crédit mutuel à raison des fautes commises par M. [J], mandataire associé de la Selarl MJ synergie, ne pouvait être dirigée que contre M. [J] personnellement et non contre la Selarl MJ synergie, la cour d'appel a violé les articles R. 814-83 à R. 814-86 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société [J] et associés - mandataires judiciaires et M. [J] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau dès lors que la banque ne s'est pas prévalue devant la cour d'appel des dispositions des articles R. 814-83 à R. 814-86 du code de commerce et qu'il n'est pas de pur droit en ce qu'il repose sur le présupposé d'une faute commise par le mandataire dans l'exercice de ses fonctions qui n'a pas été constatée par l'arrêt.

6. Cependant, le moyen, qui soutient la recevabilité de l'action en responsabilité introduite contre la société MJ synergie, à raison de l'allégation d'une faute de M. [J] dans l'exécution de sa mission, ne se réfère à aucun fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt.

7. Le moyen, de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles R. 814-83, R. 814-84, R. 814-85, alinéa 2, et R. 814-86 du code de commerce :

8. Selon le premier de ces textes, lorsque le tribunal nomme une société en qualité de mandataire judiciaire, il désigne en son sein un ou plusieurs associés exerçant l'activité de mandataire judiciaire pour la représenter dans l'exercice du mandat qui lui est confié.

Il résulte des textes visés ensuite que l'associé d'une société de mandataires judiciaires, qui exerce ses fonctions au nom de la société, ne peut plus exercer sa profession à titre individuel et doit consacrer à la société toute son activité professionnelle.

9. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité dirigée contre la société MJ synergie, représentée par M. [J], l'arrêt retient que le mandataire judiciaire qui exerce son activité sous une forme sociale doit, si sa responsabilité est recherchée, être assigné personnellement, en tant que répondant sur son patrimoine des conséquences de ses fautes personnelles et que toute action initiée par voie d'assignation contre la société civile professionnelle dont il fait partie est irrecevable.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de la délivrance de l'assignation, la société MJ synergie, représentée par M. [J], était la titulaire du mandat judiciaire, de sorte que l'action en responsabilité, à raison des fautes reprochées dans l'exécution de la mission de mandataire judiciaire, était recevable contre cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il déclare irrecevable l'action en responsabilité de la société Caisse de Crédit mutuel Saint-Etienne Bellevue, en tant que dirigée à l'encontre de la société MJ synergie, représentée par M. [J], la condamne au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000 euros à la société MJ synergie, à la société [J] et associés - mandataires judiciaires et à M. [J] et aux dépens, et la déboute de sa réclamation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile y compris en appel, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Bélaval (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Articles R. 814-83, R. 814-84, R. 814-85, alinéa 2, et R. 814-86 du code de commerce.

Com., 26 octobre 2022, n° 21-12.085, (B), FS

Cassation

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation – Echec de l'accord de conciliation – Effets – Caducité des nouvelles sûretés – Portée – Nouvelle avance garantie par un cautionnement – Exécution de l'engagement de caution

Si, selon l'article L. 611-12 du code de commerce, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances. En revanche, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord.

Par conséquent, viole ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer caduc le cautionnement du gérant de la société débitrice, retient que le concours consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes,15 décembre 2020), la société Saint Antoine BA (la société Saint Antoine) a conclu avec ses principaux créanciers un accord de conciliation homologué par un jugement du 12 avril 2012 selon lequel la société BNP Paribas (la banque) s'engageait à consentir un prêt de 75 000 euros, lequel a été signé le 4 mai suivant. M. [G], gérant de la société Saint Antoine, s'est rendu caution solidaire du prêt dans la limite de la somme de 86 250 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard.

2. Le 30 octobre 2013, la société Saint Antoine a été mise en redressement judiciaire.

La banque a déclaré sa créance le 19 novembre suivant et a prononcé la déchéance du terme du prêt le 24 décembre 2015 puis a assigné M. [G] en paiement le 19 juin 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer caduc le cautionnement et de rejeter les autres demandes, alors « que la caducité du plan de conciliation résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'entraîne pas l'extinction des sûretés qui garantissent le remboursement d'un nouvel apport de trésorerie consenti au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le prêt de 75 000 euros accordé le 4 mai 2012 à la société Saint Antoine BA par la société BNP Paribas constituait à hauteur de 50.000 euros « un nouvel apport en trésorerie bénéficiant du privilège de conciliation » ; qu'en retenant néanmoins que l'engagement de caution de M. [G] garantissant le remboursement de ce prêt était devenu caduc en raison du placement de la société Saint Antoine BA en redressement judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 611-12 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 611-12 du code de commerce :

4. Si, selon ce texte, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances.

5. En revanche, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord.

6. Pour déclarer caduc le cautionnement de M. [G], l'arrêt retient que le concours de 75 000 euros consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, qui est inopérante, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Corlay -

Textes visés :

Article L. 611-12 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la caducité des nouvelles sûretés en cas d'échec d'un accord de conciliation, à rapprocher : Com., 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-15.655, Bull., (cassation partielle).

Com., 5 octobre 2022, n° 21-13.108, (B), FRH

Rejet

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation – Obligation de confidentialité – Etendue – Parties

Il résulte de l'article L. 611-15 du code de commerce que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.

Dès lors, manque à ces dispositions le moyen qui postule que cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des tiers et non entre les parties à la procédure.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-15.655), la Société générale (la banque) a consenti le 3 mars 2005 à la Société de distribution du grand Bordeaux (la SDGB) une ouverture de crédit de 350 000 euros et un prêt de 800 000 euros, dont son dirigeant, M. [N], s'est rendu caution solidaire.

2. La SDGB ayant rencontré des difficultés financières, une procédure de conciliation a été ouverte et un protocole de conciliation du 28 avril 2008 a été homologué. A cette occasion, M. [N] a contracté de nouveaux engagements de cautionnement solidaire au profit de la banque.

3. L'accord de conciliation n'a pas été exécuté jusqu'à son terme et, après l'échec d'une nouvelle procédure de conciliation, la SDGB a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 18 janvier 2012, cette procédure collective étant convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 9 janvier 2013.

4. Après avoir déclaré sa créance qui a été admise, la banque a assigné, le 10 janvier 2014, M. [N] en paiement. Celui-ci a alors formé des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des cautionnements et à la compensation de leurs dettes respectives, en invoquant un comportement fautif de la banque à l'occasion de la nouvelle procédure de conciliation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l'arrêt d'écarter des débats les pièces numéros 13, 17 et 18, et de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts et en compensation, alors « que l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes appelées à la procédure de conciliation ne s'applique qu'à l'égard des tiers, et non entre les parties à cette procédure ; qu'en retenant, pour écarter des débats les pièces n° 13, 17 et 18 produites par M. [N], consistant notamment en un mail de la Société générale au conciliateur indiquant la position de la banque, transmis à l'ensemble des créanciers, et en un mail du conciliateur à l'ensemble des créanciers contenant le protocole à signer, que « les échanges de mails entre le conciliateur et les créanciers durant la procédure de conciliation, l'attestation du conciliateur sur le déroulement de la conciliation, sont couvertes par la confidentialité », quand M. [N], gérant de la Société de distribution du grand Bordeaux, était fondé à opposer à la Société générale le contenu de leurs échanges et son comportement dans le cadre de la conciliation, sans méconnaître l'obligation de confidentialité, la cour d'appel a violé l'article L. 611-15 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 611-15 du code de commerce que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.

8. Le moyen, qui postule que cette obligation ne s'applique qu'à l'égard des tiers et non entre les parties à la procédure et que M. [N], gérant de la SDGB, était fondé à opposer à la banque le contenu de leurs échanges pour rechercher sa responsabilité, manque en droit.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 611-15 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la violation de l'obligation de confidentialité d'un mandataire ad hoc, à rapprocher : Com., 22 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.377, Bull. 2015, IV, n° 130 (rejet).

Com., 5 octobre 2022, n° 21-12.250, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Appel – Jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements – Appel principal formé par le débiteur – Recevabilité (non)

Selon les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce, seuls ont qualité à agir en report de la date de cessation des paiements l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou le ministère public, à l'exclusion du débiteur, qui ne peut donc agir à titre principal à cette fin et ne dispose, lorsqu'il est mis en liquidation judiciaire, que d'un droit propre à défendre à l'action.

Il en résulte que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements formée par l'une des parties qui a qualité pour ce faire.

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Report de la date de cessation des paiements – Jugement qui rejette la demande de report – Appel – Appel principal formé par le débiteur – Recevabilité (non)

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Dijon, 5 février 2019 et 17 décembre 2020), la société Entreprise dijonnaise (la société ED), détenue par la société holding [G] et [U] [N] (la société BRG), avait pour dirigeants MM. [N], président du conseil d'administration et directeur général, et [I], directeur général délégué.

2. Le 10 juin 2014, la société holding Carpe Diem, dirigée par M. [X], a fait l'acquisition des parts sociales de la société ED, M. [X] devenant président directeur général de celle-ci, tandis que MM. [N] et [I] démissionnaient de leurs fonctions.

3. Le 28 novembre 2014, M. [X] a déclaré la cessation des paiements de la société ED qui, par un jugement du 2 décembre 2014, a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 décembre 2013.

4. Le 3 avril 2015, l'administrateur judiciaire a assigné la société ED, MM. [N] et [I], en leur qualité d'anciens dirigeants de la société débitrice, et la société BRG en report de la date de cessation des paiements au 2 juin 2013.

5. La procédure collective ayant été convertie en liquidation judiciaire le 24 avril 2015, le liquidateur de la société ED, M. [T], a repris cette action.

6. Le 15 avril 2016, M. [N] a appelé en intervention forcée, à l'instance en report, M. [Z] et la société RGA expertise & audit (la société RGA), en leur qualité de commissaires aux comptes de la société débitrice, la société Cléon Martin Broichot et associés (la société Cléon), en qualité d'expert-comptable de la société débitrice, M. [L], en qualité de conciliateur puis de mandataire ad hoc de la société débitrice, afin que le jugement leur soit déclaré opposable.

La jonction des procédures a été ordonnée.

7. Un jugement du 31 janvier 2017 a, notamment, déclaré irrecevables ces interventions forcées et rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements.

8. La société ED a relevé appel principal de ce jugement, en intimant son liquidateur, M. [N], la société BRG, la société [E] [H] en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière, et le ministère public.

9. Sur cet appel principal, le liquidateur a formé un appel incident et M. [N] un appel provoqué, après que ce dernier a de nouveau assigné en intervention forcée les personnes ci-dessus nommées, afin que la décision à intervenir leur soit rendue commune et opposable.

10. Le liquidateur a également relevé appel principal de ce jugement, en intimant la société débitrice ED, M. [N], ainsi que la société BRG et son mandataire judiciaire, la société [E] [H], qui est devenue la société MJ associés puis a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société.

11. Les deux procédures d'appel ont été jointes.

12. Le premier arrêt attaqué, infirmant une ordonnance du conseiller de la mise en état, déclare recevables l'appel principal formé par la société ED, les appels incident et provoqué consécutifs à cet appel, et l'appel principal formé par le liquidateur de cette société.

13. Le second arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, reporte la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexés

14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

15. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au premier arrêt de déclarer recevables l'appel principal formé par la société ED et, en conséquence, celui interjeté par le liquidateur de cette société et ceux incident et provoqué consécutifs à l'appel principal, alors « que le débiteur en procédure collective, qui ne peut agir à titre principal pour faire fixer la date de la cessation des paiements, ne dispose que d'un droit propre à défendre à une action en report de la date de cessation des paiements ; que si ce droit propre inclut celui de faire appel du jugement ayant statué sur une demande de report, il ne permet pas au débiteur de faire appel de la décision ayant rejeté l'action en report de la date de cessation des paiements, un tel appel ne permettant pas de défendre à l'action ; qu'en retenant en l'espèce que la société Entreprise dijonnaise était recevable à interjeter appel du jugement ayant débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de report de la date de cessation des paiements, en vertu de son droit propre à défendre à cette action, cependant que ladite action ayant été rejetée par le jugement de première instance, cet appel ne permettait en conséquence pas à la société Entreprise dijonnaise de mettre en oeuvre son droit propre à défendre à une telle action, la cour d'appel a violé l'article L. 631-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce :

16. Selon ces textes, seuls ont qualité à agir en report de la date de cessation des paiements l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, ou le ministère public, à l'exclusion du débiteur, qui ne peut donc agir à titre principal à cette fin et ne dispose, lorsqu'il est mis en liquidation judiciaire, que d'un droit propre à défendre à l'action. Il en résulte que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements formée par l'une des parties qui a qualité pour ce faire.

17. Pour déclarer recevable l'appel principal formé par la société ED, le premier arrêt retient qu'il résulte du jugement entrepris que cette société n'a pas défendu à l'action en report de la date de cessation des paiements intentée par son liquidateur, de sorte qu'elle est recevable, en vertu de son droit propre à défendre à une telle action, à interjeter appel de ce jugement.

18. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le jugement frappé d'appel par la société débitrice avait rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par son mandataire puis reprise par son liquidateur, peu important que la débitrice, régulièrement appelée en cause, n'ait pas comparu en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

19. M. [N], la société BRG et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci font grief au second arrêt de reporter au 2 juin 2013 la date de cessation des paiements de la société ED et de les condamner à payer à cette dernière et à son liquidateur des indemnités de procédure, alors « que la cessation des paiements est l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; que cette impossibilité doit être précisément caractérisée à la date de la cessation des paiements retenue, le juge devant se fonder sur des éléments contemporains de cette date, sans pouvoir justifier sa décision au regard d'un état du passif exigible et de l'actif disponible soit antérieur, soit postérieur à la date retenue ; qu'en l'espèce, pour reporter la date de la cessation des paiements de la société Entreprise dijonnaise au 2 juin 2013, soit dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure du 2 décembre 2014, la cour d'appel s'est fondée sur l'état du passif exigible et de l'actif disponible de la société débitrice au 31 décembre 2012, en relevant notamment que « concernant la situation de l'actif réalisable et du passif exigible de la seule société ED » « au 31 décembre 2012 », « l'actif réalisable s'établissait à 10 574 K euros pour un passif exigible de 13 355 K euros, soit une insuffisance d'actif circulant de - 2 781 K euros », qu'« il existe une situation financière obérée à fin 2012 » et que « la situation de ED était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013 » ; qu'en concluant qu' « il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à tort les premiers juges ont rejeté la demande de report de la date de cessation des paiements formée par M. [T] ès qualités, et qu'il convient de faire droit à cette requête en fixant cette date du 2 juin 2013 », sans jamais indiquer quels étaient l'actif disponible et le passif exigible de la société Entreprise dijonnaise à la date du 2 juin 2013, et en déduisant l'état de cessation des paiements de l'entreprise d'éléments non contemporains de la date retenue, et en outre majoritairement antérieurs aux mesures de restructuration mises en oeuvre par M. [N] dès le second semestre 2012 et durant tout le premier semestre 2013, avec notamment la conclusion d'un protocole d'accord constaté par ordonnance du président du tribunal de commerce de Dijon du 7 mai 2013, à l'issue d'une procédure de conciliation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 641-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-1, alinéa 1, L. 631-8, alinéa 2, et L. 641-1, IV, du code de commerce :

20. Il résulte de la combinaison de ces textes que la date de cessation des paiements, qui est fixée en liquidation judiciaire comme en matière de redressement judiciaire, ne peut être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Le juge saisi d'une demande de report doit donc, pour apprécier cette situation, se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements.

21. Pour reporter la date de cessation des paiements de la société ED au 2 juin 2013, le second arrêt, après avoir reproduit une partie des constatations figurant dans le rapport établi par M. [W], technicien désigné par le juge-commissaire, constate, d'abord, que, selon ce technicien, la situation de la société débitrice était irrémédiablement compromise dès le 31 décembre 2012 et que cette société se trouvait en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2013, que les trois moratoires successifs accordés par la CCSF en avril 2013, janvier 2014 et juin 2014 ont eu pour seule conséquence une augmentation régulière des dettes fiscales et sociales, dans la mesure où le premier moratoire a permis de geler 1 418 000 euros de dettes qui ont atteint 1 780 000 euros en juin 2014, et où l'échéance de 100 000 euros qui devait être versée en mars 2014 n'a pas été honorée, ce qui confirme l'état de cessation des paiements.

22. L'arrêt constate, ensuite, au vu du rapport établi le 21 octobre 2013 par le cabinet Grant Thornton, que ce dernier conclut qu'il existait une situation financière obérée à fin de l'année 2012, que la dégradation s'est accentuée au premier semestre 2013 avec des fonds propres négatifs de 1,5 millions d'euros, et que « de fait la société pourrait se trouver en état de cessation des paiements en cas de mise en demeure de régler des dettes sociales échues (0,6 millions hors CCSF au 30 juin 2013) et/ou de dettes fournisseurs échues estimées à 1,2 millions d'euros (ce point restant à parfaire). »

23. L'arrêt retient, en outre, que M. [W] ne s'est pas contenté d'une simple analyse des pièces comptables de la société ED, puisqu'il joint à son rapport un document interne portant sur la trésorerie réelle jusqu'à fin mai 2012 et faisant apparaître, déjà en janvier 2012, un retard de paiement des fournisseurs de 584 000 euros et de 1 255 000 euros en mai 2012, ce qui semble corroborer les conclusions du cabinet Grant Thornton.

L'arrêt ajoute que M. [W] a détaillé l'ensemble des assignations et relances adressées à la société débitrice au cours du second semestre 2012, ces procédures portant sur 440 321,92 euros et concernant des factures datées de mars à décembre 2012, et qu'il a également analysé les mises en demeure, relances, traites et chèques rejetés au cours du premier semestre 2013 concernant des fournisseurs impayés depuis plusieurs mois pour un montant total de 624 663,06 euros.

L'arrêt précise encore que M. [W] s'est livré à l'analyse de l'évolution des dettes fiscales et sociales de la société ED, ce dont il ressort notamment qu'en 2013, les précomptes salariaux n'étaient pas payés à leur date d'exigibilité, que les soldes dûs à l'URSSAF, échus depuis plusieurs mois, atteignaient 971 000 euros le 30 avril 2013 et 826 000 euros le 31 mai suivant, les échéanciers accordés n'étant pas respectés, et que l'URSSAF a déclaré au passif une créance de 1 520 000 euros, dont 521 000 euros correspondent à des dettes antérieures au mois de juin 2013 et impayées au jour de l'ouverture de la procédure collective.

24. L'arrêt retient par ailleurs que, s'agissant des concours bancaires invoqués par M. [N] et la société BRG, le cabinet Grant Thornton relève que, dès la fin de 2012, la trésorerie de la société ED était proche du maximum autorisé, soit de 2 millions d'euros, qu'au 30 juin 2013, les retards de règlement atteignaient 2 678 000 d'euros, que concernant les avances de trésorerie consenties par OSEO sur les chantiers publics, notamment pour un montant de 346 000 euros au cours du seul second trimestre 2013, le seul fait que la société ED les ait sollicitées est symptomatique d'un état de cessation des paiements, puisqu'elles ne s'expliquent que par une recherche de trésorerie, et que s'agissant, enfin, des fonds provenant de la vente du siège social de la société ED, M. [N] et la société BRG indiquent eux-mêmes que cette dernière a remis à la société débitrice la somme totale de 985 000 euros, ce qui lui a permis de procéder à divers paiements de dettes, de sorte que ces fonds ne constituent plus un actif disponible.

25. L'arrêt retient, enfin, que le fait que la société ED ait bénéficié d'aides postérieurement au mois de juin 2013 et de procédures de conciliation, y compris en juillet 2014, est indifférent.

26. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de reporter la date de cessation des paiements au 2 juin 2013.

27. En statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'état de cessation des paiements à la date du 2 juin 2013 qu'elle retenait, en l'absence de toute précision quant à l'actif disponible et au passif exigible à cette date, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

28. En premier lieu, même si le litige sur la fixation de la date de cessation des paiements, qui ne peut être qu'unique, est par nature indivisible au sens des articles 552 et 553 du code de procédure civile, la cassation du premier arrêt sur le fondement du premier moyen, lequel ne critique que la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED, n'est pas, à elle seule, de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel incident du liquidateur, ni celle de l'appel provoqué de M. [N], pas plus que celle de l'appel principal du liquidateur, dès lors que les arrêts attaqués ne comportent aucune précision quant au point de départ des délais pour former ces appels et à la date à laquelle ces appels ont été formés.

29. La portée de la cassation du premier arrêt étant donc limitée à l'irrecevabilité de l'appel principal formé par la société ED, la première branche du troisième moyen, qui se prévaut d'une cassation du second arrêt par voie de conséquence, n'est pas fondée, en l'absence d'éléments permettant d'affirmer que les autres appels sont, eux aussi, irrecevables.

30. En second lieu, ainsi que le proposent les demandeurs au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

31. La cassation partielle prononcée à l'égard du premier arrêt n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur la recevabilité de l'appel principal formé par la société ED.

Demande de mise hors de cause

32. Il y a lieu de mettre hors de cause M. [Z], la société RGA et la société Cléon, dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable l'appel principal de la société Entreprise dijonnaise, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi sur ce point ;

Déclare irrecevable l'appel principal formé par la société Entreprise dijonnaise contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 31 janvier 2017 (RG n° 2015 003581) ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement entrepris qui a débouté M. [T], en qualité de liquidateur de la société Entreprise dijonnaise, de l'ensemble de ses prétentions, en ce qu'il reporte la date de cessation des paiements de cette société au 2 juin 2013, en ce qu'il ordonne la publicité de l'arrêt, en ce qu'il statue sur les dépens et en ce qu'il condamne M. [N], la société [G] et [U] [N] et la société MJ associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette dernière, à payer à M. [T], ès qualités, et à la société Entreprise dijonnaise des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Met hors de cause M. [Z], la société RGA expertise & audit, et la société Cléon Martin Broichot & associés.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier ; SCP Bénabent ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Ohl et Vexliard ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 631-8 et L. 641-5 du code de commerce.

Com., 26 octobre 2022, n° 21-13.474, (B), FRH

Cassation

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Jugement arrêtant le plan – Créance de restitution née d'un arrêt de cassation – Arrêt de cassation prononcé après l'arrêté du plan – Payement conformément aux règles de droit commun

Il résulte des articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce que les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun. Et selon l'article 625 du code de procédure civile, l'arrêt de cassation constitue une décision de justice faisant naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée.

Il s'en déduit, d'une part, que lorsqu'est soumis à une procédure collective le débiteur d'une créance de restitution née d'un arrêt de cassation, la détermination de la date de naissance de cette créance dépend de la date de l'arrêt de cassation, et non de la date du paiement effectué en exécution de la décision cassée, et, d'autre part, que si l'arrêt de cassation est prononcé après l'arrêté du plan de redressement du débiteur, cette créance de restitution doit être payée conformément aux règles de droit commun.

Redressement judiciaire – Plan de redressement – Jugement arrêtant le plan – Créance de restitution née d'un arrêt de cassation – Date de naissance – Détermination – Date de l'arrêt de cassation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), un jugement du 9 septembre 2014 a condamné la société Delta security solutions (la société Delta) à payer à la société Avenir telecom la somme de 53 679,33 euros à titre de dommages-intérêts.

2. Le 4 janvier 2016, la société Avenir telecom a été mise en redressement judiciaire.

3. Un arrêt d'appel du 25 octobre 2016 a confirmé le jugement du 9 septembre 2014, sauf sur le montant de la condamnation, et condamné la société Delta à payer à la société Avenir telecom la somme principale de 434 412,22 euros.

La société Delta, qui a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, a payé la somme de 389 927 euros entre les mains du mandataire judiciaire de la société Avenir telecom, le 15 décembre 2016.

4. Le 10 juillet 2017, a été arrêté le plan de redressement de la société Avenir telecom sur dix ans.

5. Par un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité du 25 octobre 2016 du chef de la condamnation de la société Delta.

6. Sur le fondement de cet arrêt de cassation, la société Delta a délivré à la société Avenir telecom un commandement aux fins de saisie-vente, afin d'obtenir le paiement de la somme de 389 927 euros versée en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016.

7. La société Avenir telecom et son mandataire judiciaire ont assigné la société Delta en annulation de ce commandement, devant le juge de l'exécution.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Delta fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement aux fins de saisie-vente signifié à la société Avenir telecom, alors « que la créance de restitution d'une somme d'argent versée en exécution d'une décision de justice naît de la décision qui réforme la précédente et relève du régime des créances de droit commun, recouvrables par les voies classiques, lorsque la décision de réformation est prononcée après l'adoption du plan de redressement du débiteur de la créance de restitution ; qu'en l'espèce, par arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 octobre 2016 ayant condamné la société Delta security solutions à payer à la société Avenir telecom la somme complémentaire de 389 927 euros ; qu'en considérant que la créance de restitution née de cet arrêt de cassation devait être soumise aux règles de la procédure collective en dépit de l'adoption, le 10 juillet 2017, d'un plan de redressement au prétexte que, par-delà la naissance de la créance de restitution au jour de l'arrêt de cassation, il convenait de prendre en compte le fait générateur de cette créance, constitué par le paiement survenu le 15 décembre 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7, L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce dans leur version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce, et l'article 625 du code de procédure civile :

9. Les créances nouvelles, nées après l'arrêté d'un plan de redressement du débiteur remis à la tête de ses biens, sont soumises au droit commun.

10. Et selon le dernier texte susvisé, l'arrêt de cassation constitue une décision de justice faisant naître un droit à restitution de la somme versée en exécution de la décision cassée.

11. Il en résulte, d'une part, que lorsqu'est soumis à une procédure collective le débiteur d'une créance de restitution née d'un arrêt de cassation, la détermination de la date de naissance de cette créance dépend de la date de l'arrêt de cassation, et non de la date du paiement effectué en exécution de la décision cassée, et, d'autre part, que si l'arrêt de cassation est prononcé après l'arrêté du plan de redressement du débiteur, cette créance de restitution doit être payée conformément aux règles de droit commun.

12. Pour annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré par la société Delta sur le fondement de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, l'arrêt attaqué énonce que la cassation a pour effet d'anéantir l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt cassé et que, dès lors que ledit arrêt a été exécuté et qu'il y a eu paiement, une distinction doit être opérée entre l'arrêt de cassation, qui fait simplement naître l'obligation de restitution, et le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé, qui constitue le fait générateur de la créance de restitution, de sorte que c'est à la date du paiement que s'apprécie la soumission, ou non, de la créance aux règles de la procédure collective. Puis, relevant que le paiement intervenu en exécution de l'arrêt cassé du 25 octobre 2016 a été effectué le 15 décembre 2016, soit pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Avenir telecom, et que la créance de restitution n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période d'observation, l'arrêt en déduit que son paiement est soumis aux règles de la procédure collective.

13. En statuant ainsi, alors que la créance de restitution de la société Delta, née de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, pouvait donner lieu à la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 622-7 et L. 622-17 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la date de naissance de la créance de restitution résultant de la cassation d'un arrêt de condamnation, à rapprocher : Com., 5 décembre 1995, pourvoi n° 93-21.172, Bull. 1995, IV, n° 283 (cassation partielle).

Com., 5 octobre 2022, n° 20-22.409, (B), FS

Rejet

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Admission – Instance introduite devant la juridiction compétente par une partie sur invitation du juge-commissaire – Délai d'un mois – Arbitrage – Cour internationale d'arbitrage – Saisine – Demande d'arbitrage reçue auprès du secrétariat – Forclusion (non)

Il résulte des articles 4-1 et 4-2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage que lorsqu'une partie entend avoir recours à l'arbitrage selon ce règlement, elle doit soumettre sa demande d'arbitrage au secrétariat, laquelle doit organiser l'arbitrage.

Dès lors, une cour d'appel a retenu à bon droit que le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce était respecté, dès lors que le secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage avait reçu dans le délai la demande d'arbitrage par la personne désignée par le juge-commissaire et en a déduit exactement que la partie désignée n'est pas forclose.

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Admission – Instance introduite devant la juridiction compétente par une partie sur invitation du juge-commissaire – Mise en cause des deux autres parties – Nécessité

Si l'indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire en application de l'article R. 624-5 impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, afin de rendre cette instance opposable à la procédure collective, cette partie, qui a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai, n'est pas forclose si la juridiction est saisie dans le délai légal.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 5 novembre 2020), dans le cadre d'un projet de construction d'un parc éolien en Ethiopie, la société Vergnet a conclu en 2009 avec la société éthiopienne Hydro Construction & Eng Co Ltd (la société Hydro) un contrat lui confiant la réalisation de travaux de forage et d'étanchéité. Ce contrat prévoyait en cas de litige le recours à la Cour internationale d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI), en son siège de Genève.

2. La société Vergnet ayant décidé de résilier par anticipation le contrat, la société Hydro, pour résoudre le conflit, a déposé une demande d'arbitrage le 18 avril 2013 auprès du secrétariat de la CCI aux fins de désignation d'un tribunal arbitral, puis, la société Vergnet se prévalant de l'application d'une clause contractuelle, elle a demandé la suspension de la procédure pour la désignation d'un « adjudicator ».

3. La société Vergnet a été mise en redressement judiciaire le 30 août 2017, la société Villa, devenue la société Villa Florek, étant désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan.

Le 16 novembre 2017, la société Hydro a déclaré au passif une créance au titre d'une indemnité de résiliation du marché, qui a été contestée par la société débitrice.

Par une ordonnance du 12 septembre 2018, le juge-commissaire a « renvoyé la société Hydro à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce ».

L'ordonnance a été notifiée le 24 septembre 2018 à la société Hydro.

4. Le 10 octobre 2018, la société Hydro a demandé au secrétariat de la CCI la reprise de la procédure d'arbitrage.

L'arbitre unique a été désigné le 28 novembre 2018.

5. Par ordonnance du 2 octobre 2019, le juge-commissaire, saisi par la société Vergnet, a prononcé la forclusion de la société Hydro et, en conséquence, rejeté sa créance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Vergnet et son mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir déclarer forclose la société Hydro, alors :

« 1°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte ; que lorsque la juridiction compétente est une juridiction arbitrale, celle-ci n'est saisie de la contestation qu'à compter de la date à laquelle elle est constituée, c'est-à-dire à partir de l'acceptation par le ou les arbitres de leur mission ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro n'était pas atteinte de forclusion, motif pris qu'elle avait demandé au secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage la désignation d'un arbitre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance le 18 septembre 2018, après avoir pourtant constaté que le Tribunal arbitral n'avait été constitué que le 28 novembre 2018, soit après l'expiration de ce délai, la cour d'appel a violé l'article R. 624-5 du code de commerce, ensemble les articles 1506 et 1456 du code de procédure civile, et 4.2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale ;

2°/ qu'en matière d'admission des créances, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte, peu important que l'acte de notification de cette ordonnance ne mentionne pas que ce délai d'un mois s'impose à peine de forclusion ; qu'en décidant néanmoins que la demande de la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas atteinte de forclusion, aux motifs inopérants que l'ordonnance du 12 septembre 2018 ne mentionnait pas que la juridiction compétente devait être saisie dans le délai imparti à peine de forclusion et que les parties n'avaient pas non plus été avisées de cette sanction lors de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, la cour d'appel a violé les articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code ;

3°/ que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur ; qu'il en résulte que la partie ayant déclaré sa créance, qui saisit le juge compétent afin de voir reconnaître celle-ci, doit mettre en cause les organes de la procédure collective devant ce juge ; qu'en décidant néanmoins que la société Hydro Construction & Eng Co Ltd n'était pas forclose en sa demande d'admission d'une créance au passif du redressement judiciaire, motif pris que si le mandataire judiciaire n'avait pas été mis en cause devant la juridiction arbitrale, cette fin de non-recevoir n'était pas de nature à rendre irrégulière la saisine, dans le délai d'un mois, de la Cour internationale d'arbitrage et de priver cette saisine de son effet interruptif, bien que la procédure arbitrale n'ait pas été opposable à la société Villa Florek, ès qualités, à défaut d'avoir été mise en cause par la société Hydro Construction & Eng Co Ltd devant la juridiction arbitrale, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 631-14 du code de commerce, ensemble les articles R. 624-5 et R. 631-28 du même code. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, il résulte des articles 4-1 et 4-2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage que lorsqu'une partie désire avoir recours à l'arbitrage selon ce règlement, elle doit soumettre sa demande d'arbitrage au secrétariat, dont la date de réception est considérée être celle d'introduction de l'arbitrage.

8. Ayant retenu à bon droit que c'est la Cour internationale d'arbitrage elle-même qui devait être saisie dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, la société Hydro n'ayant pas le pouvoir de désigner directement l'arbitre, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Hydro, qui avait sollicité du secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage de reprendre le cours de la procédure d'arbitrage dans le délai légal, n'était pas forclose.

9. En second lieu, si l'indivisibilité de la procédure introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire impose à la partie qui saisit le juge compétent de mettre en cause les deux autres parties à cette procédure devant ce juge, cette partie, dès lors qu'elle a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5, n'est pas forclose, ayant la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai. C'est donc en vain qu'est invoquée par la troisième branche, l'inopposabilité de la créance contre un arrêt qui ne pouvait se prononcer que sur la forclusion du créancier.

10. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche pour critiquer des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Richard ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 624-5 du code de commerce ; articles 4-1 et 4-2 du règlement d'arbitrage de la Cour internationale d'arbitrage.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de mettre en cause le créancier, le débiteur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur lors de l'instance introduite devant la juridiction compétente sur invitation du juge commissaire, à rapprocher : Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91 (rejet).

Com., 26 octobre 2022, n° 20-22.416, (B), FS

Cassation partielle

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Délai – Augmentation de deux mois – Bénéficiaires – Représentant légal ou délégataire de celui-ci – Absence de l'établissement en France

La cour d'appel, qui constate que la personne d'une société, créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine, ayant le pouvoir de déclarer sa créance, qu'elle fût le représentant légal ou un délégataire de celui-ci, ne se trouvait pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, de sorte qu'elle subissait la contrainte résultant de son éloignement, peut en déduire que cette société doit bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 2020), la SCI Le Sevine (la SCI) a été créée en 2000 pour l'achat d'un terrain en vue de la construction d'un immeuble.

Les sociétés Findi Real Estate (la société Findi) et France Invest Real Estate (la société Fire) ont été constituées afin d'acquérir les parts sociales de la société mère de la SCI, la société Barbanniers.

2. Le 12 juillet 2006, la société Citibank International PLC, aux droits de laquelle vient la société Citibank Europe PLC (la société Citibank), a consenti un prêt à la société Findi d'un montant principal de 61 900 000 euros, remboursable in fine le 16 juillet 2011.

Le même jour, la société Findi a consenti à la SCI un prêt de 41 958 999,69 euros afin de refinancer son compte courant d'associé et a cédé à la société Fire la totalité des parts sociales qu'elle venait d'acquérir et la créance de refinancement détenue à l'égard de la SCI ainsi que les garanties les accompagnant. Une partie du prix de cession a été stipulée payable à la date d'échéance finale du prêt Citibank.

3. Le 26 juin 2007, la société Citibank a cédé par voie de titrisation sa créance au titre du prêt consenti à la société Findi le 12 juillet 2006 au fonds commun de créance Europrop, devenu FCT Europrop (le FCT), ainsi que l'intégralité des sûretés et privilèges attachés à cette créance.

4. Par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 juillet 2011, publié au Bodacc le 27 juillet suivant, la société Findi a été mise en procédure de sauvegarde, la société [O] [N] étant désignée mandataire judiciaire. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 28 juin 2012 dont la durée a été prolongée jusqu'au 28 juin 2020.

5. Le 26 septembre 2011, le FCT a déclaré au passif de la société Findi une créance privilégiée de 61 900 000 euros en principal, outre intérêts, au titre du prêt. Puis, le 18 novembre 2011, le FCT a assigné la société Citibank aux fins de résolution du contrat de cession du prêt à son profit et de réparation du préjudice subi. Un arrêt du 6 février 2019 a prononcé la résolution judiciaire de l'acte de cession de créances et des annexes conclu entre la société Citibank et le FCT.

6. Le 25 novembre 2011, la société Citibank a également déclaré au passif de la société Findi une créance « éventuelle » identique à celle déclarée par le FCT, qui a été contestée.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Findi fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la déclaration de créance par la société Citibank et d'admettre la créance principale à hauteur de 61 900 000 euros, alors :

« 1°/ que lorsqu'une procédure collective est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai de déclaration des créances est augmenté exceptionnellement de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire ; que le lieu où demeure une société est la France si celle-ci y dispose d'un établissement ayant une activité en lien avec le litige ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'allongement du délai de déclaration de créances est déterminé par le lieu du seul siège social de la société Citibank où se trouvent les organes habilités à la représenter en justice et donc à déclarer les créances ou à déléguer ce pouvoir, pour en déduire que cette société devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, tout en constatant que « la référence de l'article R. 622-24 du code de commerce à la demeure du créancier se comprend au regard de l'article 43 du code de procédure civile, selon lequel le lieu où demeure une personne morale s'entend du lieu où celle-ci est établie », la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

2°/ qu'en jugeant que, demeurant hors le territoire de la France métropolitaine, la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle relevait que les négociations ayant abouti au prêt litigieux objet de la déclaration de créances avaient été menées par le préposé d'un établissement de la société Citibank situé à [Localité 7], lequel avait par ailleurs reçu le pouvoir de signer le contrat de prêt et d'accomplir les actes d'exécution de celui-ci, sans en conclure que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

3°/ qu'en retenant que la preuve n'est pas rapportée que le préposé de la succursale parisienne de la société Citibank global markets limited était également le préposé de la succursale française de la société Citibank International PLC, pour en déduire que la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle constatait qu'en plus d'être situées à la même adresse à [Localité 7], ces deux succursales appartiennent au groupe Citibank, de sorte que le seul constat tiré d'un pouvoir de négociation, de signature et d'exécution du prêt confié à l'un de leur préposé suffisait à retenir que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige ;

4°/ que l'allongement du délai de déclaration de créances prévu par l'alinéa 2 de l'article R. 622-24 du code de commerce édicte un régime dérogatoire au délai de droit commun dont la seule finalité est de compenser au profit du créancier demeurant hors de la France métropolitaine la contrainte résultant de l'éloignement ; qu'en l'espèce, en jugeant cet article applicable au bénéfice de la société Citibank, lorsqu'elle constatait que si celle-ci a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011, c'est « compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT », ce dont il s'inférait que le délai de distance n'a pas été invoqué par la société Citibank conformément à sa finalité, la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

5°/ qu'en tout état de cause, en retenant que la société Citibank a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011 « compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT » et que le délai de distance permet au créancier ne demeurant pas sur le territoire de la France métropolitaine de surmonter les difficultés liées à la langue et à la connaissance du droit français, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 622-24 du code de commerce en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée si, en tant qu'elle était chargée légalement de la gestion et du recouvrement du prêt litigieux sur le territoire de la France métropolitaine, qu'elle connaissait les difficultés de la société Findi Real Estate et qu'elle était informée dès son ouverture de l'existence de la procédure de sauvegarde, la société Citibank suivait attentivement le sort de sa société débitrice, dont elle était particulièrement proche, de sorte que la cour d'appel en aurait déduit qu'elle n'a souffert d'aucun éloignement qui l'aurait empêché de déclarer sa créance dans le délai de droit commun de deux mois ;

7°/ qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce que l'octroi d'un délai de distance à la société Citibank conduirait à reconnaître l'existence de deux délais de déclaration distincts pour une seule et même personne, et ce dans la mesure où la société Citibank était légalement en charge du recouvrement du Prêt CITI pour le compte du FCT EUROPROP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir constaté qu'il n'était pas contesté, d'une part, que la société Citibank était une société de droit anglais qui avait son siège social et son principal établissement à [Localité 6] tant lors de la conclusion du contrat, le 12 juillet 2006, que lors de la déclaration de créance, le 25 novembre 2011, d'autre part, qu'elle disposait également d'un établissement situé à [Localité 7], l'arrêt relève, d'abord, que l'offre de prêt, rédigée en anglais, a été signée par Mme [A], managing director de la société Citibank, que le prêt a été accordé par cette société anglaise « agissant par l'intermédiaire de sa succursale de [Localité 6] représentée par M. [U] [H] et Mme [T] [W], dûment habilités », que le contrat de prêt stipule que toutes les communications relatives aux accords de financement devaient être réalisées pour la société Citibank à son adresse de [Localité 6] en la personne de M. [B] [D], et retient que l'accord du comité de crédit, à l'en-tête Citigroup, rédigé en anglais, montre que si M. [K] était le sponsoring officer, en revanche, l'Originating unit, l'Approving unit et l'Administrative agent bank étaient « [Localité 6] Sec Europe », que les notifications d'intérêts du prêt ont été émises le 18 septembre 2006 par M. [B] [D], que les mails échangés courant avril, mai et juin 2011 entre DTZ Investors pour la société Findi et la société Citibank, aux fins d'obtention d'une prorogation d'un an de l'échéance du prêt, ont été adressés en anglais à M. [B] [D], et que la notification du défaut de remboursement du prêt a été adressée à la société Findi par la société Citibank, depuis son adresse de [Localité 6], et signée par M. [B] [D].

9. L'arrêt relève ensuite que si les négociations ayant abouti au prêt litigieux ont été menées pour l'essentiel par M. [K] « Director - Real estate finance, Citigroup global markets limited, a member of Citigroup,[Adresse 2] », qui avait reçu les 8 mai et 29 juin 2006 le pouvoir de signer le contrat de prêt et d'accomplir les actes d'exécution de celui-ci, et ce, jusqu'au 31 juillet 2006, son bloc de signature indique qu'il était un préposé de la succursale française de la société Citibank Global Markets Limited, dont l'adresse, figurant sur le Kbis, était également au [Adresse 2].

L'arrêt retient que la preuve n'est pas rapportée qu'il était également le préposé de la succursale française de la société Citibank, et que, même à supposer qu'il l'eût été, cela démontrerait seulement que cet établissement n'avait joui d'une certaine autonomie que pour représenter la société lors des négociations, et que la preuve n'est pas établie que les pouvoirs de MM. [H] et [K], relatifs à ce prêt, auraient été prolongés au-delà du mois de juillet 2006 ni que ceux-ci auraient eu le pouvoir d'engager la société Citibank auprès des tiers au-delà de cette date ni qu'ils auraient eu qualité pour déclarer la créance en 2011.

10. De ces constatations et appréciations, d'où il résulte qu'à la date de la publication du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la personne de la société Citibank ayant le pouvoir de déclarer sa créance, qu'elle fût le représentant légal ou un délégataire de celui-ci, ne se trouvait pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, de sorte qu'elle subissait la contrainte résultant de son éloignement, la cour d'appel a pu déduire, par un arrêt motivé et sans se contredire, que la société Citibank, créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine, devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce, sans que la domiciliation professionnelle de M. [K] à [Localité 7], l'information qui lui avait été donnée quant à l'ouverture de la procédure collective et les arguments relatifs à l'opération distincte de titrisation comme au mandat légal de recouvrement qui lui avait été confié par le FCT, ne puissent l'en priver.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

12. La société Citibank fait grief à l'arrêt d'admettre sa créance à titre privilégié selon les sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par la société Findi, la délégation des sommes dues à la société Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de la société Findi, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Citibank faisait valoir que « l'irrégularité des bordereaux Dailly ne signifie pas que les créances qui en étaient l'objet ne sont plus affectées en sûreté de la créance de Prêt Citibank », dès lors que « les cessions Dailly jugées irrégulières par la cour d'appel de Paris ont en tout état de cause dégénéré en nantissements » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que la créance déclarée par la banque était également garantie par ces nantissements et ne devait donc pas être admise à titre privilégié selon les seules sûretés décrites dans les écritures de la société Findi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. Pour limiter le nombre des sûretés garantissant la créance de la société Citibank, l'arrêt retient qu'à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 février 2019, la société Citibank ne peut plus bénéficier des sûretés attachées au contrat de cession annulé.

15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Citibank qui soutenait que les cessions Dailly jugées irrégulières par la cour d'appel de Paris avaient dégénéré en nantissements, de sorte que cette société était bien fondée à solliciter aussi son admission à titre privilégié à cet égard, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

16. La société Citibank fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de paiement provisionnel, alors « qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles, est tenue de l'examiner d'office au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en se bornant à relever, pour dire irrecevable la demande de paiement provisionnel formée pour la première fois à hauteur d'appel par la société Citibank, qu'elle ne tendait ni à faire écarter une prétention adverse, ni aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, sans rechercher si cette demande n'était pas née de la survenance d'un fait nouveau, tiré de la vente de l'immeuble [Adresse 5] au prix de 53 millions d'euros postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 à 566 du code de procédure civile :

17. La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande est nouvelle.

Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

18. Pour déclarer irrecevable la demande de provision de la société Citibank, l'arrêt retient que la demande est nouvelle en cause d'appel et qu'elle ne tend ni à faire écarter une prétention adverse, l'objet du litige concernant l'admission au passif de sa créance, ni aux mêmes fins puisque l'admission d'une créance au passif se distingue des modalités de répartition de celle-ci.

19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si la demande de provision, qui n'avait pas été formée devant le juge-commissaire, ne se fondait pas sur la survenance de la vente de l'immeuble après l'ordonnance de ce juge frappée d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet la créance à titre privilégié selon les sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par la société Findi, la délégation des sommes dues à la société Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de la société Findi, en ce qu'il déclare irrecevable la demande de paiement provisionnel formée par la société Citibank Europe PLC et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 3 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Spinosi ; Me Laurent Goldman ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce.

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