Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

COURS ET TRIBUNAUX

2e Civ., 20 octobre 2022, n° 21-12.241, (B), FRH

Annulation

Composition – Cour d'appel – Magistrat ayant connu de l'affaire – Magistrat ayant participé à la décision d'appel cassée

Selon l'article L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire, en cas de cassation, l'affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l'article L. 411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats.

Dès lors, un magistrat qui a fait partie de la composition d'une cour d'appel ayant rendu un arrêt ultérieurement cassé, ne peut siéger dans la formation appelée à connaître de l'affaire sur renvoi après cassation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-20.534), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne à l'encontre de la SCI Tchotcha (la SCI), un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné l'exécution forcée.

2. Sur le pourvoi immédiat formé par la SCI, le tribunal a maintenu sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondé son pourvoi immédiat et, par confirmation de l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le tribunal de l'exécution forcée de Colmar, d'ordonner l'adjudication forcée des immeubles lui appartenant, alors :

« 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en cas de cassation, l'affaire est renvoyée devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats ; qu'en l'espèce, par arrêt du 11 mars 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Colmar et a renvoyé l'affaire et les parties devant la même cour d'appel, autrement composée ; qu'en statuant dans la composition suivante : « Mme Decottignies, conseillère faisant fonction de présidente, M. Robin, conseiller et Mme Robert-Nicoud, conseillère », alors que M. Robin avait siégé, également en qualité de conseiller, dans la formation ayant rendu l'arrêt cassé du 31 mai 2018, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile ;

2°/ que si les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction dont les parties avaient la possibilité d'avoir connaissance doivent être présentées à peine d'irrecevabilité dès l'ouverture des débats, faute de quoi aucune nullité ne peut être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office, il en va autrement s'agissant de la partie qui n'a pas eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats ; qu'en l'espèce, en raison de la crise sanitaire, l'affaire n'a pas donné lieu à plaidoiries, de sorte que la SCI Tchotcha n'a pas été en mesure de connaître la composition de la cour d'appel à l'ouverture des débats ; qu'en statuant dès lors dans une formation irrégulière, sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la SCI Tchotcha ait eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire et 430 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 430 du code de procédure civile et L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire :

4. Selon le second de ces textes, en cas de cassation, l'affaire est renvoyée, sous réserve des dispositions de l'article L. 411-3, devant une autre juridiction de même nature que celle dont émane l'arrêt ou le jugement cassé ou devant la même juridiction composée d'autres magistrats.

5. L'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar, composée de trois magistrats, dont M. Robin, la cause étant renvoyée devant la même cour d'appel autrement composée, a été rendu après que Mme Decottignies, M. Robin et Mme Robert-Nicoud en ont délibéré.

6. En statuant ainsi, sur renvoi après cassation d'un précédent arrêt auquel M. Robin avait participé et alors qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué qu'une audience aurait été tenue et que la SCI avait eu la possibilité de connaître la composition de la cour d'appel dès l'ouverture des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 411-3 et L. 431-4 du code de l'organisation judiciaire.

2e Civ., 20 octobre 2022, n° 20-22.099, (B), FRH

Cassation

Débats – Débats devant le juge de la mise en état ou le juge rapporteur – Accord des parties ou de leurs représentants – Nécessité – Conséquences – Opposition d'une partie à l'audience – Recevabilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 septembre 2020), la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (la caisse) a décerné, le 15 octobre 2018, à Mme [X] (la cotisante), exerçant la profession de biologiste non-médecin, non-salarié, une contrainte pour avoir paiement des cotisations et majorations de retard afférentes au second semestre de l'année 2018.

2. La cotisante a formé opposition à cette contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Sur les premier, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, le premier étant irrecevable et les autres n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de renvoi en audience collégiale, alors « qu'en matière de procédure orale, le refus d'une partie d'être entendue à juge unique et son souhait de renvoi à l'audience collégiale peuvent être présentés au jour de l'audience ; qu'en ayant jugé le contraire, aux motifs inopérants du dépôt d'un calendrier de procédure, de la nécessité de respecter le contradictoire et du principe de loyauté des débats, quand la collégialité est de droit pour une partie qui doit expressément y renoncer, ce qu'elle peut parfaitement refuser de faire le jour de l'audience, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 945-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 945-1 du code de procédure civile :

5. Il résulte de ce texte que si le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience, c'est à la double condition de constater que les avocats ou les personnes qui ont qualité pour présenter des observations orales ne s'y opposent pas et d'entendre les plaidoiries.

6. Pour rejeter la demande de renvoi en audience collégiale, l'arrêt relève que les parties ont été avisées par ordonnance de fixation du 1er octobre 2019 que l'affaire était inscrite au rôle d'une audience devant le magistrat rapporteur et que la cotisante qui a accusé réception de cette ordonnance n'a demandé le renvoi en audience collégiale qu'en réponse à la demande de l'intimée présentée lors de l'audience du 4 juin 2020 d'écarter des débats les pièces et conclusions transmises la veille. Il retient qu'une telle demande de renvoi se heurte au principe de loyauté des débats.

7. En statuant ainsi, alors que l'opposition des parties à la tenue de l'audience devant un juge rapporteur peut être présentée le jour même de l'audience et qu'une partie ne peut être privée de son droit à ce que l'affaire l'opposant à son adversaire soit débattue contradictoirement en audience collégiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Melka-Prigent-Drusch -

Textes visés :

Article 945-1 du code de procédure civile.

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