Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2022

CONVENTIONS INTERNATIONALES

Soc., 26 octobre 2022, n° 20-12.066, (B), FS

Cassation sans renvoi

Accords et conventions divers – Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 – Saisie conservatoire des navires de mer – Compétence internationale – Article 7, § 1 – Compétence du tribunal du lieu de la saisie – Prorogation de compétence de la juridiction initialement saisie – Cas – Litige sur le fond – Détermination – Portée

Il résulte des articles 5 et 7, § 1, de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, que la mainlevée de la saisie d'un navire moyennant la constitution d'une garantie n'a pas pour effet de remettre en cause la compétence des tribunaux de l'État dans lequel la saisie du navire a été opérée pour statuer sur le fond du procès.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 novembre 2019), M. [C] a été engagé par la société Vintage Cruises pour la période du 2 juin 2017 au 30 mars 2022 en qualité d'officier mécanicien posté sur le navire de passagers « SS Delphine », immatriculé à Madère (Portugal) et propriété de cette société de droit portugais.

2. L'employeur a rompu unilatéralement ce contrat de travail avant son terme, le 17 septembre 2017.

3. Contestant cette décision, le salarié a fait procéder à [Localité 4] le 25 octobre 2017 à une saisie conservatoire de ce navire, en garantie d'une créance de salaires et indemnités liée à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail évaluée à 310 000 euros.

4. Il a par ailleurs saisi au fond le 9 novembre 2017 le conseil de prud'hommes de Nice afin d'obtenir le paiement par l'employeur de ces salaires et indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger le différend l'opposant à son employeur et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque le demandeur a sa résidence habituelle dans cet État ; que, pour dire le conseil de prud'hommes de Nice incompétent pour statuer sur la créance salariale de M. [C], marin sur le navire SS Delphine, la cour d'appel a retenu que s'il avait été judiciairement autorisé à saisir en France, la saisie opérée a cessé de produire ses effets attributifs de compétence à la suite de sa mainlevée contre séquestre et que les tribunaux français ne peuvent se prononcer sur le fond du droit que si leur compétence est fondée sur une autre règle que celle régissant l'action conservatoire ; qu'en statuant ainsi, quand la seule résidence habituelle en France du créancier saisissant, constatée par l'arrêt, fondait la compétence internationale de la juridiction française pour statuer au fond, la cour d'appel, qui a ajouté, à l'article 7, § 1, a, de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles concernant la saisie conservatoire des navires de mer, une condition qu'il ne comporte pas, a violé ce texte ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 5 et 7, § 1, de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer :

6. Selon le premier de ces textes, le tribunal ou toute autre autorité judiciaire compétente dans le ressort duquel le navire a été saisi, accordera la mainlevée de la saisie lorsqu'une caution ou une garantie suffisantes auront été fournies, sauf dans le cas où la saisie est pratiquée en raison des créances maritimes énumérées à l'article premier ci-dessus, sous les lettres o et p ; en ce cas, le juge peut permettre l'exploitation du navire par le possesseur, lorsque celui-ci aura fourni des garanties suffisantes, ou régler la gestion du navire pendant la durée de la saisie. Faute d'accord entre les parties sur l'importance de la caution ou de la garantie, le tribunal ou l'autorité judiciaire compétente en fixera la nature et le montant.

La demande de mainlevée de la saisie moyennant une telle garantie, ne pourra être interprétée ni comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une renonciation au bénéfice de la limitation légale de la responsabilité du propriétaire du navire.

7. Selon le second, les tribunaux de l'État dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, soit si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'État dans lequel la saisie est pratiquée, soit dans certains autres cas, nommément définis.

8. Pour infirmer le jugement et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que s'il est exact que le salarié a sa résidence habituelle au [Localité 3] et qu'en droit interne français, l'article R. 1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud'hommes « du lieu où l'engagement a été contracté », en l'espèce le port français de [Localité 2], la saisie conservatoire pratiquée à sa demande a été levée contre séquestre, par une convention régularisée « à une date qui n'est pas précisée », de sorte que la compétence spécifique de la juridiction ayant ordonné cette mesure aux fins de fixer la créance maritime et éventuellement de rendre un titre exécutoire permettant la vente forcée du bien a cessé par l'effet de cette mainlevée, qui interdit désormais l'appréhension matérielle de ce navire.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des articles 5 et 7, § 1, de cette Convention que la mainlevée de la saisie d'un navire moyennant la constitution d'une garantie n'a pas pour effet de remettre en cause la compétence des tribunaux de l'État dans lequel la saisie du navire a été opérée pour statuer sur le fond du procès, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. Il est fait application, ainsi qu'il est suggéré en demande, des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, il n'y a, en effet, pas lieu à renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que l'affaire se poursuit au fond devant le conseil de prud'hommes de Nice.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Sornay - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 5 et 7, § 1, de la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer.

Com., 26 octobre 2022, n° 20-22.528, (B), FRH

Rejet

Accords et conventions divers – Convention de Vienne du 11 avril 1980 – Vente internationale de marchandises – Non-conformité de la marchandise – Délai de deux ans – Nature – Délai de dénonciation

Il résulte de l'article 7, § 2, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) que les questions concernant les matières régies par la CVIM et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.

Selon l'article 39, § 2, de la CVIM, l'acheteur est, dans tous les cas, déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.

Les dispositions de la CVIM ne prévoyant pas de délai de prescription ou de forclusion et ce délai de deux ans étant un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour agir, la fin de non-recevoir soulevée, au visa de ce texte, par le vendeur pour cause de forclusion de l'action formée par l'acheteur doit être rejetée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 octobre 2020), la société Win System International Limited (la société Win), ayant son siège social à [Adresse 4], réalise des transactions financières et des opérations de commerce transfrontières.

2. Au début de l'année 2011, elle a commandé à la société française Ipso facto différents vins bordelais destinés à l'exportation.

Les deux factures, émises pour un montant total de 4 682 388 euros, ont été payées par les sociétés Wai Hing Money, Sunny Wide et Sun Sing, habilitées à cet effet.

3. Soutenant que la société Ipso facto n'avait livré qu'une partie de la commande et lui devait la somme de 2 172 000 euros, la société Win l'a assignée en paiement.

4. La société Ekip' a été désignée mandataire judiciaire par le jugement du 14 octobre 2020 ouvrant le redressement judiciaire de la société Ipso facto.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Ipso facto et Ekip', ès qualités, font grief à l'arrêt d'écarter l'exception de forclusion, de dire la société Win recevable en son action, de prononcer la résiliation judiciaire des contrats de vente des vins Chevalier de Lascombes 2009, pour un montant de 372 000 euros, et Château Lascombes 2009, pour un montant de 1 800 000 euros, soit au total 2 172 000 euros, de condamner la société Ipso facto à restituer à la société Win la somme de 2 172 000 euros et de condamner la société Ipso facto à verser à la société Win la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :

« 2°/ que l'article 1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que « la présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises » ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable au motif que « la vente de vins n'est pas constitutive d'un contrat de vente au sens de cette Convention (article 3-1)", quand le vin constitue une marchandise dont la vente internationale relève de la Convention de Vienne, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;

3°/ que l'article 3.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que « sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n'ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production » ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable, aux motifs adoptés que la « Convention de Vienne s'applique, selon son article 3, aux contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, ce qui n'est pas le cas de la vente de bouteilles de vins de Bordeaux », quand la stipulation de l'article 3.1 a pour objet d'inclure dans le champ d'application matériel de la Convention la vente de choses futures lorsque l'acquéreur ne fournit pas l'essentiel de la matière première et non de limiter ce champ d'application aux seuls contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

4°/ que l'article 1.1 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 stipule que « la présente Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants, ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant » ; qu'en retenant, pour débouter la société Ipso facto de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par l'article 39 de la Convention de Vienne, que cette Convention n'est pas applicable sur le territoire de Hong Kong, tout en constatant que l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 désigne la loi française pour régir la vente litigieuse en tant que loi du pays où le vendeur a sa résidence habituelle, ce dont il résultait que la Convention de Vienne du 11 avril 1980, qui constitue le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises, était applicable au litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;

5°/ que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 instituant un droit uniforme sur les ventes internationales de marchandises s'impose au juge français, qui doit en faire application sous réserve de son exclusion, selon l'article 6, qui s'interprète comme permettant aux parties de l'éluder tacitement, en s'abstenant de l'invoquer devant le juge français ; qu'en considérant que les parties avaient tacitement exclu l'application de la Convention de Vienne, quand les commémoratifs du jugement établissent que la société Ipso facto invoquait l'application de la Convention de Vienne dans l'instance au fond ayant abouti au jugement du tribunal de commerce de Bordeaux de l'appel duquel elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de Vienne par fausse application ;

6°/ en toute hypothèse, la portée du silence des parties dont s'induirait un accord procédural doit s'apprécier au regard de l'objet du litige ; qu'en déduisant l'exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n'en avait jamais fait mention dans l'instance en référé, quand le débat devant la juridiction des référés avait trait à son incompétence à raison de l'existence d'une contestation sérieuse tenant à l'absence de tout contrat conclu entre les sociétés Win System International et Sun Sing International, demanderesses en restitution d'un indu prétendu, et la société Ipso facto, de sorte que le silence gardé par cette dernière sur l'applicabilité de la Convention de Vienne ne pouvait avoir aucune portée dans l'instance au fond introduite par la seule société Win System International sur le fondement, différent de celui invoqué dans l'instance en référé, de l'inexécution partielle du même contrat dont la conclusion était auparavant déniée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;

7°/ en toute hypothèse, que la portée du silence des parties dont s'induirait un accord procédural doit s'apprécier au regard de l'objet du litige ; qu'en déduisant l'exclusion tacite de la Convention de Vienne par les parties de ce que la société Ipso facto n'en avait jamais fait mention dans le cadre du litige l'opposant à la société Usa Piilii Jepen International, quand l'instance introduite à l'encontre de cette dernière par la demande de la société Ipso facto tendant à l'exécution des contrats conclus avec elle pour un montant de 17 239 869,08 euros, portait sur des contrats différents de ceux objet du présent litige opposant la société Ipso facto et la société Win System International, de sorte que le silence gardé sur l'applicabilité de la Convention de Vienne dans l'instance à l'encontre de la société Usa Piilii Jepen International était dépourvu de portée dans l'instance l'opposant à la société Win System International, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 7, § 2, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (la CVIM) que les questions concernant les matières régies par la CVIM et qui ne sont pas expressément tranchées par elle sont réglées selon les principes généraux dont elle s'inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles du droit international privé.

8. Selon l'article 39, § 2, de la CVIM, l'acheteur est, dans tous les cas, déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises.

9. Les dispositions de la CVIM ne prévoient pas de délai de prescription ou de forclusion et ce délai de deux ans est un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour agir.

La fin de non-recevoir soulevée, au visa de ce texte, par la société Ipso facto pour cause de forclusion de l'action formée par la société Win doit être rejetée.

10. Par ces seuls motifs substitués d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 7, § 2, et 39, § 2, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises.

1re Civ., 12 octobre 2022, n° 21-11.408, (B), FS

Rejet

Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international – Validité – Exclusion – Cas – Testateur dans l'incapacité de déclarer que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [O] [N] et à M. [L] [N], représenté par M. [O] [N], de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit de [K] [C], décédée le 9 janvier 2021.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 janvier 2021), [G] [C], placée sous tutelle le 8 août 2015, est décédée le 6 octobre 2015, en laissant pour lui succéder ses frère et soeur, M. [X] [C] et [K] [C] (les consorts [C]).

3. Le 31 juillet 2014, en présence de deux témoins, la de cujus avait remis à M. [T], notaire, qui en avait dressé l'acte de suscription, un testament mystique dactylographié et signé par elle, instituant M. [F] en qualité de légataire universel.

4. Les consorts [C] ont assigné M. [F] en nullité du testament.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament de [G] [C], alors :

« 1°/ que, pour décider que le testament mystique était nul, les juges du fond ont considéré que l'acuité visuelle de [G] [C] veuve [F] ne lui permettait pas de lire les caractères dactylographiés, de taille normale, du document qu'elle avait présenté au notaire comme son testament, et qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription n'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à la testatrice de lire son testament ; qu'en statuant par ces motifs ne caractérisant pas l'impossibilité absolue de [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 978 du code civil ;

2°/ qu'en retenant la nullité du testament mystique au motif qu'aucun élément de l'acte lui-même ou de l'acte de suscription ne l'éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à [G] [C] veuve [F] de lire son testament, la cour d'appel, qui a fait peser à M. [F], défendeur à l'action en nullité, la charge de prouver la possibilité pour la testatrice de lire son testament, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 978 du code civil, ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de dispositions dans la forme mystique.

7. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée.

8. Elle a retenu qu'il ressortait du dossier de tutelle de [G] [C] et des pièces médicales produites que celle-ci, qui souffrait de la maladie neurodégénérative de Steel Richardson, était dans l'incapacité de lire elle-même le texte dactylographié sur le document présenté et qu'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque, dont l'acte de suscription, ne venait l'éclairer sur la manière dont l'intéressée aurait pu lire le document qu'elle présentait comme son testament.

9. C'est donc sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de caractériser l'impossibilité absolue de [G] [C] de lire le document, en a déduit, en l'absence de certitude sur l'expression de ses dernières volontés, que l'acte devait être annulé.

10. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament de [G] [C] et de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit requalifié en testament international et à ce que sa régularité soit constatée, alors « que l'arrêt attaqué a constaté que le testament litigieux avait été dactylographié, qu'il comportait la signature de [G] [C] veuve [F], qu'il avait été remis au notaire qui l'avait cacheté en présence des deux témoins, et que le notaire avait consigné dans l'acte de suscription la déclaration de la testatrice selon laquelle il s'agissait de son testament et qu'elle en avait vérifié le contenu par la lecture qu'elle en avait faite ; qu'il en résultait qu'avaient été respectées toutes les formalités prévues par les articles 3 à 5 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, de sorte que le testament litigieux devait être requalifié en testament international valable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susmentionnés de l'article 1 de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, qu'elle a ainsi violés. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte de suscription du 31 juillet 2014, le notaire avait mentionné que le testament mystique litigieux lui avait été remis par « le testateur », qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé par la lecture qu'« il » en avait effectuée.

13. Ayant retenu que [G] [C] était dans l'incapacité de lire le document remis au notaire, de sorte qu'elle n'avait pas été en mesure de déclarer que ce document était son testament et qu'elle en connaissait le contenu, la cour d'appel en a exactement déduit que le document présenté, déclaré nul en tant que testament mystique, ne pouvait valoir comme testament international.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

REJETTE la requête.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dard - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 978 du code civil ; Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international.

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