Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

VENTE

3e Civ., 20 octobre 2021, n° 20-18.514, (B)

Cassation partielle

Promesse de vente – Promesse unilatérale – Promettant – Obligations – Nature – Engagement définitif de vendre – Effets – Rétractation – Possibilité (non) – Portée

Le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

Encourt, dès lors, la censure, l'arrêt qui retient que la rétractation du promettant, intervenue avant la levée de l'option par les bénéficiaires de la promesse, avait fait obstacle à la réalisation de la vente.

Promesse de vente – Promesse unilatérale – Option – Exercice – Exercice pendant le délai – Rétractation antérieure du promettant – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 juin 2020), par acte sous seing privé du 16 avril 2009, suivi d'un acte authentique du 6 janvier 2011, les consorts [D] ont vendu à la société ESBTP granulats (la société ESBTP) un ensemble de parcelles situées sur la commune de [Localité 1], sous la convention particulière de leur exploitation par extraction de substances minérales après obtention des autorisations administratives et du retour des biens, à la fin de l'extraction, aux vendeurs, si bon leur semblait, moyennant un euro symbolique.

2. Par acte sous-seing privé du même jour, les consorts [D] ont vendu à la société ESBTP un autre ensemble de parcelles, aux mêmes conditions, la convention de rétrocession concernant également un troisième ensemble de parcelles que la société ESBTP se proposait d'acquérir de Mme [I].

3. Après plusieurs avenants de prolongation, ce second acte n'a pas été réitéré par acte authentique.

4. La société ESBTP ayant rétracté sa promesse de revendre le premier ensemble de parcelles, M. [R] [D], titulaire de la totalité des droits et obligations contractés par l'indivision [D] en vertu d'un acte notarié du 13 mai 2015, a assigné la société ESBTP afin que soient déclarées parfaites les reventes des parcelles, après exploitation, consenties aux consorts [D] par la société ESBTP et que soit ordonnée leur réalisation forcée.

5. Subsidiairement, il a sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution volontaire de l'engagement de rétrocession des parcelles contenu dans l'acte de vente du 6 janvier 2011.

6. La commune de [Localité 1] est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer parfaite la vente des parcelles consentie par la société ESBTP aux consorts [D] par acte authentique du 6 janvier 2011, alors « que l'évolution du droit des obligations impose de considérer que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour lever l'option n'empêche pas la formation du contrat de vente promis ; qu'en affirmant que la rétractation de la société ESBTP granulats de son engagement de revente des parcelles intervenu avant la levée de l'option faisait obstacle à l'exécution forcée de cet acte, quand elle constatait que la société ESBTP granulats avait donné son consentement « ferme et définitif » à la promesse de vente de sorte que s'étant définitivement engagée à vendre, la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêchait pas la formation du contrat de vente promis, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La société ESBTP conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, mélangé de droit et de fait, M. [D] n'ayant pas soutenu que la révocation de la promesse par le promettant était impossible, mais qu'elle nécessitait une mise en demeure préalable.

10. Toutefois, le moyen est de pur droit, dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

11. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Il a été jugé que le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire (3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554, en cours de publication).

14. Pour rejeter la demande de M. [D], l'arrêt retient que la rétractation de la société ESBTP, intervenue avant la levée de l'option par les bénéficiaires de la promesse, a fait obstacle à la réalisation de la revente du premier ensemble de parcelles, à défaut d'échange de consentements entre le promettant et le bénéficiaire.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu le caractère ferme et définitif de l'engagement du promettant et relevé que la promesse ne prévoyait aucun délai pour lever l'option d'achat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

16. En application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt rejetant la demande principale de M. [D] en réalisation de la revente de l'ensemble des parcelles objet de l'acte authentique du 6 janvier 2011 entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant sa demande en indemnisation du préjudice résultant de l'inexécution de cette rétrocession, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de sa demande principale en réalisation de la revente du premier ensemble de parcelles ayant fait l'objet de l'acte authentique du 6 janvier 2011 et de sa demande subsidiaire en indemnisation du préjudice résultant de cette absence de revente, l'arrêt rendu le 10 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554, Bull. 2021, (rejet), et les arrêts cités.

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