Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-19.407, (B)

Rejet

Salaire – Indemnités – Indemnité de congés payés – Paiement – Inclusion dans la part variable de la rémunération – Conditions – Clause contractuelle transparente et compréhensible – Définition – Applications diverses – Portée

Il résulte des articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

Doit en conséquence être approuvée la cour d'appel qui, ayant constaté que la clause du contrat de travail se bornait à mentionner que la rémunération variable s'entendait congés payés inclus, sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés, en a exactement déduit que cette clause n'était ni transparente ni compréhensible, et ne pouvait donc être opposée au salarié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2019), M. [E] a été engagé le 8 février 2011 par la société Citrix systèmes France en qualité d'ingénieur commercial.

2. Sa rémunération annuelle était composée d'une partie fixe de 75 000 euros et d'une part variable de 50 000 euros pour cent pour cent des objectifs atteints.

3. Licencié le 30 mars 2013, il a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de ce licenciement et de demandes en paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 1 000 euros son indemnisation au titre de la violation de l'obligation de sécurité, alors :

« 1°/ que tout salarié bénéficie d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect du repos hebdomadaire ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait l'allocation d'une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, lequel résultait, notamment, de la privation, à plusieurs reprises, de son droit au repos quotidien de onze heures consécutives et de son droit à un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures, également consécutives ; que, pour allouer au salarié la somme de 1 000 euros, la cour d'appel a retenu que « la société ne justifie pas du respect du repos quotidien de onze heures consécutives, qui apparaît ne pas avoir été atteint à quelques reprises au cours du second semestre 2012 selon les annotations de l'agenda électronique produit au débat » ; qu'en limitant ainsi l'indemnisation du salarié à cette somme, sans constater que l'employeur rapportait la preuve que le salarié avait, en revanche, pu bénéficier de ses repos hebdomadaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3132-2 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en se fondant sur les annotations de l'agenda électronique du salarié, versé aux débats par lui, pour écarter toute violation du droit du salarié à un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures consécutives, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et d'inversion de la charge de la preuve, le moyen ne tend qu'à remettre en question l'appréciation souveraine faite par la cour d'appel de la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a retenu un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et a évalué le préjudice subi de ce chef par le salarié.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaires au titre des congés payés sur les commissions versées en 2011, 2012 et 2013, d'un solde sur indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et d'un solde sur indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que si l'inclusion des congés-payés dans la rémunération globale du salarié ne peut résulter que d'une clause contractuelle précisant la répartition entre la rémunération et les congés payés, l'inclusion des congés-payés des commissions sur objectifs dans la seule rémunération variable peut résulter d'une clause contractuelle expresse aux termes de laquelle la rémunération variable inclut ces congés-payés ; qu'au cas présent, il est constant que l'article VI du contrat de travail de l'intéressé stipule que « le salarié perçoit en outre une rémunération variable d'un montant de 50 000 euros bruts » et que « cette rémunération variable s'entend congés payés inclus » ; que la société faisait valoir que les demandes « de rappel de congés-payés sur les commissions des années 2011, 2012 et 2013 » du salarié étaient infondées dans la mesure où la clause d'inclusion des congés-payés visait « spécifiquement sa rémunération variable » et non sa rémunération globale, ce dont il résultait que les congés-payés avaient « bien été inclus à la seule rémunération variable, cela ayant été expressément accepté par le salarié » ; que pour faire droit au rappel de congés-payés sur les commissions, la cour d'appel a estimé que la clause VI du contrat de l'intéressé n'était « ni transparente ni compréhensible et ne peut donc être opposée au salarié » dans la mesure où elle « se borne à mentionner que la rémunération variable « s'entend congés payés inclus » sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés-payés » ; qu'en se déterminant ainsi, au motif erroné que la clause litigieuse aurait dû préciser la répartition entre la rémunération et les congés-payés, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que la cassation à intervenir sur la première branche entraînera par voie de conséquence, sur le fondement de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a fait droit à la demande de revalorisation des indemnités de licenciement du salarié et a condamné la société à lui payer les sommes de 11 518,86 euros bruts au titre du solde sur indemnité compensatrice de préavis, 1 151,88 euros au titre du solde sur congés payés afférents au préavis, 1 380,66 euros au titre du solde sur indemnité conventionnelle de licenciement, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces différents chefs de l'arrêt attaqué. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte des articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que s'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

9. Ayant constaté que la clause du contrat de travail se bornait à mentionner que la rémunération variable s'entendait congés payés inclus, sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés, la cour d'appel en a exactement déduit que cette clause n'était ni transparente ni compréhensible, et ne pouvait donc être opposée au salarié.

10. Le moyen, qui en sa seconde branche se trouve privé de portée en raison du rejet de la première, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Sornay - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité d'une clause incluant l'indemnité de congés payés dans la rémunération du salarié, à rapprocher : Soc., 22 mai 2019, pourvoi n° 17-31.517, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-24.739, n° 19-24.740, n° 19-24.742, n° 19-24.743, n° 19-24.744, n° 19-24.745, n° 19-24.746, n° 19-24.747, n° 19-24.748, n° 19-24.749 et suivants, (B)

Rejet

Salaire – Pourboires – Sommes facturées pour le service – Masse à répartir – Calcul – Base de calcul – Masse à partager supérieure au montant facturé aux clients – Possibilité – Détermination – Portée

Les dispositions de l'article L. 3244-1 du code du travail ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire, avec un minimum garanti, soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-24.739, 19-24.740, 19-24.742, 19-24.743, 19-24.744, 19-24.745, 19-24.746, 19-24.747, 19-24.748, 19-24.749, 19-24.751, 19-24.752, 19-24.753, 19-24.755, 19-24.756, 19-24.757, 19-24.758, 19-24.759 et 19-24.760 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 25 septembre 2019), M. [H] et dix-huit autres salariés de la société Brasserie l'Européen (la société) ont saisi la juridiction prud'homale d'une action en paiement de rappels de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer à chaque salarié un rappel de salaire et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors :

« 1°/ que selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service« par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'il en résulte que le service prenant la forme d'un pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients, étant encaissé par l'employeur pour le compte des salariés en contact avec la clientèle et devant intégralement leur être reversé, ne peut entrer dans le chiffre d'affaires servant d'assiette de calcul du service versé aux salariés, ces derniers pouvant seulement prétendre à la répartition entre eux de l'intégralité de la somme perçue à ce titre par l'employeur auprès des clients ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en toute hypothèse, selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 prévoit, pour s'aligner sur la pratique généralement en vigueur dans la profession, de mettre fin à l'usage en vigueur jusque là qui appliquait le taux de service de 15 % sur le chiffre d'affaires TTC et « d'appliquer désormais les principes du 15 % selon le principe général en vigueur, à savoir, le chiffre d'affaires hors taxe, pour retrouver une base économique saine » ; que le pourcentage de 15 % correspondant au service, facturé au client sur le montant de ses consommations, collecté par l'employeur et reversé intégralement par ce dernier aux salariés en contact avec la clientèle, s'applique nécessairement au seul chiffre d'affaires hors taxe généré par les consommations des clients, et donc hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés plus que la somme facturée aux clients au titre du service et à relever le taux du service à 17,25 % ; qu'en jugeant que le pourcentage de 15 % devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a violé l'accord collectif du 1er juillet 2006, ensemble l'article L. 3441-1 du code du travail ;

3°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le contrat de travail du salarié prévoit qu'il percevra une rémunération mensuelle d'un certain nombre de points (variant selon l'emploi occupé) « sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes » ; que dès lors que dans l'entreprise, le « service » est facturé au client au taux de 15 % appliqué au montant de ses consommations, le « chiffre d'affaires hors taxe » visé par le contrat de travail pour le calcul du « service » est nécessairement celui qui a servi au calcul du « service » facturé au client, et donc le chiffre d'affaires hors taxe hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés au titre du service plus que la somme facturée aux clients à ce titre et à inclure cette dernière somme dans la base de calcul du service versé aux salariés, ce qui reviendrait à comptabiliser au moins en partie deux fois le service ; qu'en jugeant qu'en application du contrat de travail, le service devait être calculé sur un chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a dénaturé ledit contrat et violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 3244-1 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.

6. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.

7. Ayant d'abord relevé que l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 mentionnait que serait désormais appliqué le principe d'un pourcentage de 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes, la cour d'appel a exactement retenu que l'accord d'entreprise ne prévoyait pas que la rémunération était calculée sur le chiffre d'affaires hors service.

8. Ayant ensuite constaté que le contrat de travail de chaque salarié stipulait une rémunération mensuelle sous la forme d'une perception de points « sur la répartition du service calculé à 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes », la cour d'appel a, par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes des contrats rendait nécessaire, retenu que ces écrits ne précisaient pas que le pourcentage devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxes et hors service.

9. Ayant enfin retenu qu'entrait dans le chiffre d'affaires réalisé par la société le montant du service compris dans les sommes facturées aux clients, la cour d'appel, qui a déduit de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne pouvait pas calculer la rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d'affaires, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Sornay - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 3244-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe du reversement intégral au personnel des sommes perçues pour le service par l'employeur, à rapprocher : Soc., 6 mai 1998, pourvoi n° 96-40.077, Bull. 1998, V, n° 227 (cassation partielle) ; Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.741, Bull. 2021, (rejet).

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-24.741, n° 19-24.750, (B)

Rejet

Salaire – Pourboires – Sommes facturées pour le service – Masse à répartir – Calcul – Base de calcul – Masse à partager supérieure au montant facturé aux clients – Possibilité – Détermination – Portée

Les dispositions de l'article L. 3244-1 du code du travail ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire, avec un minimum garanti, soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-24.741 et 19-24.750 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 25 septembre 2019), MM. [L] et [D], employés de la société Brasserie l'Européen (la société), ont saisi la juridiction prud'homale d'une action en paiement de rappels de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer à chaque salarié un rappel de salaire et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, alors :

« 1°/ que selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'il en résulte que le service prenant la forme d'un pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients, étant encaissé par l'employeur pour le compte des salariés en contact avec la clientèle et devant intégralement leur être reversé, ne peut entrer dans le chiffre d'affaires servant d'assiette de calcul du service versé aux salariés, ces derniers pouvant seulement prétendre à la répartition entre eux de l'intégralité de la somme perçue à ce titre par l'employeur auprès des clients ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en toute hypothèse, selon les dispositions d'ordre public de l'article L. 3244-1 du code du travail, « Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » ; qu'en l'espèce, l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 prévoit, pour s'aligner sur la pratique généralement en vigueur dans la profession, de mettre fin à l'usage en vigueur jusque là qui appliquait le taux de service de 15 % sur le chiffre d'affaires TTC et « d'appliquer désormais les principes du 15 % selon le principe général en vigueur, à savoir, le chiffre d'affaires hors taxe, pour retrouver une base économique saine » ; que le pourcentage de 15 % correspondant au service, facturé au client sur le montant de ses consommations, collecté par l'employeur et reversé intégralement par ce dernier aux salariés en contact avec la clientèle, s'applique nécessairement au seul chiffre d'affaires hors taxe généré par les consommations des clients, et donc hors service, sauf à obliger l'employeur à reverser aux salariés plus que la somme facturée aux clients au titre du service et à relever le taux du service à 17,25 % ; qu'en jugeant que le pourcentage de 15 % devait s'appliquer sur le chiffre d'affaires hors taxe incluant le service, la cour d'appel a violé l'accord collectif du 1er juillet 2006, ensemble l'article L. 3441-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 3244-1 du code du travail, dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.

6. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'il soit décidé que les sommes reversées par l'employeur au titre d'une rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti soient calculées sur la base d'une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service.

7. Ayant d'abord relevé que l'accord d'entreprise du 1er juillet 2006 mentionnait que serait désormais appliqué le principe d'un pourcentage de 15 % sur le chiffre d'affaires hors taxes, la cour d'appel a exactement retenu que l'accord d'entreprise ne prévoyait pas que la rémunération était calculée sur le chiffre d'affaires hors service.

8. Ayant ensuite retenu qu'entrait dans le chiffre d'affaires réalisé par la société le montant du service compris dans les sommes facturées aux clients, la cour d'appel, qui a déduit de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne pouvait pas calculer la rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d'affaires, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Sornay - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 3244-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe du reversement intégral au personnel des sommes perçues pour le service par l'employeur, à rapprocher : Soc., 6 mai 1998, pourvoi n° 96-40.077, Bull. 1998, V, n° 227 (cassation partielle) ; Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.739, Bull. 2021, (rejet).

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