Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-20.561, (B)

Cassation partielle

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Validité – Conditions – Détermination – Portée

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Les dispositions de l'annexe 2 - durée et organisation du temps de travail - à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l'accord sur le temps de travail au Crédit agricole du 13 janvier 2000, qui se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, compte tenu d'un droit à congé payé complet, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, défini dans le présent accord et qu'un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les onze heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. La convention de forfait en jours conclue en application de cet accord collectif est donc nulle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2019), M. [R] a été engagé le 13 mars 1992, par la caisse régionale de Crédit agricole de la Touraine et du Poitou en qualité d'agent administratif. Il a été promu directeur d'agence et a signé une convention de forfait en jours prévoyant 206 jours de travail annuel le 29 juin 2006.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987.

2. Le salarié a démissionné par lettre recommandée le 11 avril 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt retient qu'il est établi que la convention collective du Crédit agricole et son annexe 2 autorisent la signature d'une convention de forfait pour un cadre du niveau de responsabilité et d'autonomie du salarié, qu'il a été prévu par la convention de forfait en jours signée que la durée quotidienne de travail devait rester en moyenne inférieure à la durée maximale prévue pour les personnes dont le décompte du temps de travail s'effectue en heures, soit alors dix heures, qu'en cas de situation durable d'amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d'y remédier et que le salarié bénéficiait, au-delà des deux jours de repos hebdomadaires consécutifs dont le dimanche, de cinquante-six jours de congés dans l'année, compte tenu d'un droit à congé payé complet.

10. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'annexe 2 - durée et organisation du temps de travail - à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l'accord sur le temps de travail au Crédit agricole du 13 janvier 2000, qui se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, compte tenu d'un droit à congé payé complet, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, défini dans le présent accord et qu'un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les onze heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande de nullité de la convention de forfait en jours, et en ce qu'il condamne M. [R] aux dépens et le déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 5 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, alinéa 11 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; annexe 2 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l'accord sur le temps de travail du Crédit agricole du 13 janvier 2000.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos, journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-12.208, Bull. 2021, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 13 octobre 2021, n° 18-18.022, (B)

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Repos et congés – Congés payés – Congés payés d'ancienneté – Primes et congés supplémentaires d'ancienneté – Bénéfice – Salariés relevant de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 – Accord national interprofessionnel relatif à l'emploi, l'aménagement et la réduction du temps de travail du 18 mars 1999 repris par un accord d'entreprise du 13 décembre 1999 – Application – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 avril 2018), Mme [W] et quarante salariés de la société Biscotte Pasquier (la société) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire juger que la société n'était pas fondée à déroger aux conditions de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 (la convention collective des 5 branches) relatives aux primes et aux congés pour ancienneté et d'obtenir un rappel de prime d'ancienneté, outre congés payés afférents, l'octroi pour certains d'entre eux de jours de congés supplémentaires et pour tous des dommages-intérêts pour privation de jours de congés d'ancienneté.

Le syndicat CFDT SGA 42 (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance. Parallèlement, Mme [JV], également salariée de la société, a saisi la juridiction prud'homale aux mêmes fins.

Les deux procédures ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable, alors « que le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel ; que présente un caractère indéterminée la demande qui tend à l'obtention de jours de congés payés ; qu'en jugeant irrecevable l'appel interjeté par Mmes [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [DG], [DN], [QM] et [AY] et MM. [X], [O], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] du jugement les ayant déboutés d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 40 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que les salariés ayant conclu à la recevabilité de l'appel dans son ensemble, sans distinguer le cas particulier de certains d'entre eux, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, il ressort, d'une part, des écritures reprises oralement par les salariés que ceux-ci soutenaient qu'une demande tendant à l'obtention de congés payés supplémentaires était par nature indéterminée, et, d'autre part, des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a examiné le montant des demandes en « valorisant » les congés supplémentaires demandés.

6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 40 du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel.

8. Pour déclarer l'appel de Mmes [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [DG], [DN], [QM] et [AY] et de MM. [X], [O], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] irrecevable, l'arrêt retient qu'il convient de reprendre le montant de la prime et des congés payés d'ancienneté résultant des demandes formées devant le premier juge, pour déterminer si elles sont ou non inférieures au taux du ressort, que la demande relative à la prime est nécessairement cantonnée dans le temps puisqu'elle a été formée sur la période de juin 2013 à la date du jugement et que celle relative aux congés supplémentaires d'ancienneté est aisément chiffrable puisqu'elle est fonction du salaire. Il ajoute qu'il résulte de l'examen des demandes formées pour la période de juin 2013 au jour du jugement, que celles de trente-et-un salariés avaient un montant inférieur au taux du dernier ressort même à valoriser les congés supplémentaires demandés.

9. En statuant ainsi, alors que la demande d'attribution de jours de congés supplémentaires est indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Les salariés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel régularisé par Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] et de les avoir déboutés de leurs demandes, alors « qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui après avoir dit irrecevable l'appel dont elle est saisie, statue au fond ; que la cour d'appel, qui a dit irrecevables les appels régularisés par les salariés, a néanmoins débouté ces derniers de leurs demandes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

11. Aux termes de ce texte, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

12. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

13. L'arrêt, après avoir déclaré irrecevable l'appel régularisé par Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY], a débouté ces salariés de leurs demandes, fins et conclusions.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

15. Les salariés font grief à l'arrêt de débouter Mmes [DM], [MC] et [FJ] et MM. [S], [QS], [BE], [OH], [JX], [KD] et [FT] de leurs demandes tendant à faire dire que la société n'est pas fondée à déroger aux dispositions de la convention collective nationale des industries alimentaires 5 branches du 21 mars 2012 relatives à la prime d'ancienneté et aux congés d'ancienneté, condamner la société à calculer et à régler le rappel de prime d'ancienneté pour la période courant à compter du 1er janvier 2017, ordonner à la société d'attribuer à chaque salarié les jours de congés d'ancienneté pour l'année 2017, et condamner la société au paiement de rappels de prime d'ancienneté, de congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour privation des congés supplémentaires d'ancienneté, alors :

« 1°/ que la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 dispose en son préambule qu'elle se substitue intégralement à compter de son extension à la convention collective nationale des industries des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l'enfance et de la diététique, préparation pour entremets et desserts ménagers, glaces, sorbets et crèmes glacées du 17 mai 2004 ; qu'en affirmant que la convention collective nationale de la biscotterie du 17 mai 2004, qui a repris la dérogation prévue à l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999 et à l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, aurait été reprise, sans changement dans la convention collective nationale 5 branches, de sorte que l'employeur pourrait continuer à invoquer les dispositions le dispensant de l'application des dispositions relatives à la prime et aux congés d'ancienneté, la cour d'appel a violé la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires du 21 mars 2012 ;

2°/ que l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective nationale des cinq branches industries dispose en son article 1 que sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d'application, les dispositions de la convention collective nationale du 21 mars 2012 des cinq branches industries alimentaires diverses et que l'article 1.11, qui dispose que la présente convention s'impose aux établissements, entreprises et groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable pour les salariés, est étendu sous réserve du respect des dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui modifie la hiérarchie des normes et privilégie le niveau de l'accord d'entreprise en matière d'aménagement du temps de travail ; qu'aucune disposition de cette loi n'est relative à la réduction du temps de travail ni aux contreparties à la réduction du temps de travail, ni n'autorise qu'il soit dérogé par accord d'établissement aux dispositions conventionnelles accordant le bénéfice de primes d'ancienneté ou de congés supplémentaires d'ancienneté ; qu'en jugeant que l'extension sous la réserve précitée de l'article 1.11 de la convention collective des 5 branches autorisait la société à opposer les dispositions d'un accord de branche du 18 mars 1999 relatives à la réduction du temps de travail avec maintien du niveau de rémunération de base moyennant dispense de l'application des articles relatifs à la prime d'ancienneté et à l'octroi de jours de congés payés supplémentaires d'ancienneté, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective nationale des cinq branches industries ensemble les dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et celles de l'article 12.1 de l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999. »

Réponse de la Cour

Vu le préambule et les articles 1.11, 6.2.2 et 8.2 de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 12 mars 2012 et l'article 1 de l'arrêté d'extension du 24 mai 2013 :

16. Selon le premier de ces textes, la convention collective se substitue intégralement à trois conventions collectives dont la convention collective nationale des industries des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l'enfance et de la diététique, préparation pour entremets et desserts ménagers, des glaces, sorbets et crèmes glacées du 17 mai 2004 (la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004).

17. Aux termes du deuxième, la présente convention s'impose aux établissements, entreprises et groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable pour les salariés.

18. Il résulte des troisième et quatrième que les salariés reçoivent une prime d'ancienneté et des congés d'ancienneté dans les conditions que ces textes définissent.

19. Suivant le dernier texte, l'article 1.11 de la convention collective nationale des 5 branches est étendu sous réserve du respect des dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui modifie la hiérarchie des normes et privilégie le niveau de l'accord d'entreprise en matière d'aménagement du temps de travail.

20. Pour débouter les salariés, dont l'appel n'a pas été déclaré irrecevable, de leurs demandes tendant au paiement d'un rappel de primes d'ancienneté et de dommages-intérêts pour privation de congés payés d'ancienneté et à l'attribution de congés payés supplémentaires d'ancienneté, l'arrêt retient que, conformément à l'article 12.1 de l'accord interprofessionnel du 18 mars 1999, repris par l'accord collectif d'entreprise du 13 décembre 1999, les entreprises qui réduisent la durée hebdomadaire moyenne du travail de l'entreprise, d'un établissement ou d'un service déterminé à 35 heures au plus sur l'année et qui maintiennent le niveau de rémunération des salariés concernés, sont dispensées de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté. Il en déduit que ces dispositions conventionnelles ont repris de manière pérenne les avantages et contreparties prévus dans les entreprises ayant adopté l'anticipation de la réduction de la durée du travail.

21. Il constate que la société démontre que l'indemnité compensatrice prévue à l'article 12.6 de l'accord a été versée et intégrée au salaire de base à compter du 1er janvier 2002 et qu'elle a en vertu de l'accord d'entreprise de 1999, procédé à dix-huit embauches du 13 décembre 1999 à fin 2001 qui perdurent à ce jour.

22. Il ajoute que la convention collective du 17 mai 2004, applicable aux seules entreprises ayant une activité de biscotterie, fait expressément référence à l'accord du 18 mars 1999, en précisant que la prime d'ancienneté pouvait donner lieu à des modalités particulières au sein des entreprises en application de l'article 12.1.1 dudit accord et que les congés d'ancienneté n'étaient pas applicables dans les entreprises ayant fait usage de la dérogation prévue à cet article. Il conclut que la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004 a entériné les dispositions visées à l'article 12.1.1 de l'accord national du 18 mars 1999, en en reprenant les dispositions.

23. Il retient encore que la convention collective des 5 branches du 21 mars 2012 en regroupant diverses conventions collectives dont celle des industries de biscotteries du 17 mai 2004 et en harmonisant les diverses dispositions conventionnelles, n'avait pas pour but de remettre en cause les dispositions relatives au temps de travail résultant de l'accord du 18 mars 1999 toujours en vigueur, même si elle ne fait pas mention du gel des éléments rappelés ci-dessus. Il estime que cette absence de mention s'explique, d'une part, par un souci de cohérence dès lors que cette convention collective s'applique désormais par substitution de l'ensemble des conventions collectives applicables aux salariés des industries alimentaires diverses, des industries de produits exotiques et enfin des industries de biscotteries du 17 mai 2004 et que les dispositions issues de l'accord de 1999 ne sont pas générales, d'autre part, par le fait qu'en vertu de la loi du 19 janvier 2000 fixant la durée légale du travail à 35 heures, aucune entreprise ne peut désormais bénéficier de contreparties accordées à une réduction anticipée de cette durée du travail.

24. Il énonce que seul un texte exprès aurait pu faire cesser la suspension des primes et congés supplémentaires d'ancienneté et que même si la convention collective des 5 branches stipule dans ses articles 6.2.2 et 8.2 l'attribution aux salariés des primes et les congés supplémentaires d'ancienneté ainsi que dans son article 1.11 que la présente convention s'impose aux établissements, entreprises ou groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable aux salariés, il apparaît démontré que la convention collective de 2004 qui a repris la dérogation prévue à l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999 et à l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, a été reprise, sans changement dans la convention collective des 5 branches, de sorte que l'entreprise peut continuer à invoquer les dispositions la dispensant de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté.

25. Il observe enfin que dans l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective des 5 branches du 21 mars 2012, il est expressément fait référence à la loi du 20 août 2008, en précisant que celle-ci autorise que les accords collectifs d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail et conclus avant 2008 dérogent à des conventions de branche et demeurent ainsi applicables, de sorte qu'il n'existe aucun conflit de normes ici.

26. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la convention collective des 5 branches s'est intégralement substituée à la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004 et qu'aucune de ses dispositions ne reprend celles de l'accord interprofessionnel du 18 mars 1999 portant sur la dispense des entreprises de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté, et, d'autre part, que l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, qui reprend les dispositions de l'accord du 18 mars 1999, lesquelles sont étrangères aux dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, n'est pas concerné par la réserve édictée par l'arrêté d'extension concernant l'article 1.11 de la convention collective des 5 branches qui se rapporte à la clause de non-dérogation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

27. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés, alors « que le syndicat poursuivait le paiement de dommages- intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés par le refus de la direction de respecter les dispositions sur la prime d'ancienneté et les congés payés ; que pour le débouter de cette demande, la cour d'appel a retenu que l'action individuelle des salariés n'avait pas prospéré ; que la cassation à intervenir sur les précédents moyens de cassation, ou même sur l'un seul d'entre eux, emportera la censure par voie de conséquence du chef du dispositif portant débouté de la demande du syndicat en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

28. La cassation prononcée sur le cinquième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif déboutant le syndicat de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation prononcée sur le premier moyen pris en sa troisième branche est sans incidence sur le chef du dispositif déclarant irrecevable l'appel régularisé par Mme [W], M. [G], M. [T], M. [L], M. [HU], Mme [XD] [ST], Mme [XL], Mme [MK] et Mme [JV].

30. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

31. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il joint deux instances, déclare l'appel régularisé par Mme [W], M. [G], M. [T], M. [L], M. [HU], Mme [XD] [ST], Mme [XL], Mme [MK] et Mme [JV] irrecevable et déclare M. [S], M. [QS], M. [BE], M. [OH], Mme [DM], Mme [MC], M. [JX], M. [KD], M. [FT] et Mme [FJ] recevables en leurs appels, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

CASSE ET ANNULE cet arrêt, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W], M. [G], M. [T], Mme [I], Mme [Z], Mme [J], Mme [K], M. [X], M. [L], Mme [R], M. [O], M. [HU], M. [SX], M. [OL], Mme [DI], Mme [FP], Mme [ZQ], M. [JZ], M. [ZM], M. [MG], Mme [QO], Mme [XD] [ST], M. [XH], Mme [DG], Mme [XL], M. [HY], Mme [MK], Mme [DN], Mme [QM], Mme [AY] et Mme [JV] de leurs demandes, fins, et conclusions ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : Mme Remery - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 ; article 1 de l'arrêté d'extension du 24 mai 2013 de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012.

2e Civ., 21 octobre 2021, n° 20-10.455, (B)

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Heures complémentaires – Définition – Heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat – Etendue – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 novembre 2019), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2011, l'URSSAF d'Îlle-et-Vilaine, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF), a notifié à la société [2], aux droits de laquelle vient la société [1] (la cotisante), une lettre d'observations portant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors « qu'il résulte de l'article L. 3123-14, 4°, du code du travail que le contrat de travail d'un salarié à temps partiel mentionne les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ; que la violation de cette disposition ne peut être invoquée que par le salarié et n'a pas pour effet de permettre la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein ; que dès lors, les heures de travail accomplies par un salarié ne perdent pas automatiquement leur qualification d'heures complémentaires par le seul fait que le contrat de travail à temps partiel ne mentionne pas les limites dans lesquelles pouvaient être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale ainsi que l'article L. 3123-14, 4°, du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci serait contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel par la cotisante et qu'il serait nouveau, mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, la cotisante, en page 10 de ses conclusions, a soutenu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne vient écarter le bénéfice des exonérations lorsque le contingent d'heures complémentaires pouvant venir s'ajouter à la durée contractuelle des salariés à temps partiel n'est pas expressément mentionné au contrat de travail.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 241-17 du code de la sécurité sociale et L. 3123-14, 4° du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

7. Selon le premier de ces textes, toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure.

8. Selon le second, le contrat de travail du salarié à temps partiel mentionne les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. Il résulte de ces dispositions, qui ont pour objet de limiter le nombre d'heures que peut effectuer un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue à son contrat, que toutes les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures complémentaires.

9. Pour valider la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales des heures complémentaires effectuées au-delà de la durée portée au contrat de travail, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit comporter les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

10. En statuant ainsi, alors que, peu important que le contrat de travail ne mentionne pas le nombre d'heures que peut effectuer un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue, toutes les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures complémentaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré en ce qu'il a validé le chef de redressement portant sur la réduction des cotisations sur les heures complémentaires, pour un montant de 46 309 euros, l'arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses ; article L. 3123-14, 4°, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-24.264, Bull. 2018, II, n° 182 (rejet) ; 2e Civ., 14 mars 2019, pourvoi n° 17-26.707, Bull. 2019, (cassation partielle).

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