Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 13 octobre 2021, n° 18-18.022, (B)

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 – Primes et congés supplémentaires d'ancienneté – Bénéfice – Portée

Viole les dispositions de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 et l'article 1 de son arrêté d'extension du 24 mai 2013, la cour d'appel qui, pour rejeter les demandes formées par les salariés d'une entreprise de biscotterie relevant de cette convention, au titre des primes et des congés supplémentaires d'ancienneté que celle-ci prévoit, retient que demeurent applicables les dispositions de l'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi, l'aménagement et la réduction du temps de travail du 18 mars 1999 reprises par un accord d'entreprise du 13 décembre 1999 dispensant, sous certaines conditions, les entreprises qui réduisaient avant la date légale la durée hebdomadaire moyenne du travail à 35 heures au plus sur l'année de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 avril 2018), Mme [W] et quarante salariés de la société Biscotte Pasquier (la société) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire juger que la société n'était pas fondée à déroger aux conditions de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 (la convention collective des 5 branches) relatives aux primes et aux congés pour ancienneté et d'obtenir un rappel de prime d'ancienneté, outre congés payés afférents, l'octroi pour certains d'entre eux de jours de congés supplémentaires et pour tous des dommages-intérêts pour privation de jours de congés d'ancienneté.

Le syndicat CFDT SGA 42 (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance. Parallèlement, Mme [JV], également salariée de la société, a saisi la juridiction prud'homale aux mêmes fins.

Les deux procédures ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable, alors « que le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel ; que présente un caractère indéterminée la demande qui tend à l'obtention de jours de congés payés ; qu'en jugeant irrecevable l'appel interjeté par Mmes [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [DG], [DN], [QM] et [AY] et MM. [X], [O], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] du jugement les ayant déboutés d'une telle demande, la cour d'appel a violé l'article 40 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que les salariés ayant conclu à la recevabilité de l'appel dans son ensemble, sans distinguer le cas particulier de certains d'entre eux, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, il ressort, d'une part, des écritures reprises oralement par les salariés que ceux-ci soutenaient qu'une demande tendant à l'obtention de congés payés supplémentaires était par nature indéterminée, et, d'autre part, des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a examiné le montant des demandes en « valorisant » les congés supplémentaires demandés.

6. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 40 du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel.

8. Pour déclarer l'appel de Mmes [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [DG], [DN], [QM] et [AY] et de MM. [X], [O], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] irrecevable, l'arrêt retient qu'il convient de reprendre le montant de la prime et des congés payés d'ancienneté résultant des demandes formées devant le premier juge, pour déterminer si elles sont ou non inférieures au taux du ressort, que la demande relative à la prime est nécessairement cantonnée dans le temps puisqu'elle a été formée sur la période de juin 2013 à la date du jugement et que celle relative aux congés supplémentaires d'ancienneté est aisément chiffrable puisqu'elle est fonction du salaire. Il ajoute qu'il résulte de l'examen des demandes formées pour la période de juin 2013 au jour du jugement, que celles de trente-et-un salariés avaient un montant inférieur au taux du dernier ressort même à valoriser les congés supplémentaires demandés.

9. En statuant ainsi, alors que la demande d'attribution de jours de congés supplémentaires est indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Les salariés font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel régularisé par Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY] et de les avoir déboutés de leurs demandes, alors « qu'excède ses pouvoirs la cour d'appel qui après avoir dit irrecevable l'appel dont elle est saisie, statue au fond ; que la cour d'appel, qui a dit irrecevables les appels régularisés par les salariés, a néanmoins débouté ces derniers de leurs demandes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

11. Aux termes de ce texte, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

12. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

13. L'arrêt, après avoir déclaré irrecevable l'appel régularisé par Mmes [W], [I], [Z], [J], [K], [R], [DI], [FP], [ZQ], [QO], [XD] [ST], [DG], [JV], [XL], [MK], [DN], [QM] et [AY] et MM. [G], [T], [X], [L], [O], [HU], [SX], [OL], [JZ], [ZM], [MG], [XH] et [HY], a débouté ces salariés de leurs demandes, fins et conclusions.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le cinquième moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

15. Les salariés font grief à l'arrêt de débouter Mmes [DM], [MC] et [FJ] et MM. [S], [QS], [BE], [OH], [JX], [KD] et [FT] de leurs demandes tendant à faire dire que la société n'est pas fondée à déroger aux dispositions de la convention collective nationale des industries alimentaires 5 branches du 21 mars 2012 relatives à la prime d'ancienneté et aux congés d'ancienneté, condamner la société à calculer et à régler le rappel de prime d'ancienneté pour la période courant à compter du 1er janvier 2017, ordonner à la société d'attribuer à chaque salarié les jours de congés d'ancienneté pour l'année 2017, et condamner la société au paiement de rappels de prime d'ancienneté, de congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour privation des congés supplémentaires d'ancienneté, alors :

« 1°/ que la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 dispose en son préambule qu'elle se substitue intégralement à compter de son extension à la convention collective nationale des industries des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l'enfance et de la diététique, préparation pour entremets et desserts ménagers, glaces, sorbets et crèmes glacées du 17 mai 2004 ; qu'en affirmant que la convention collective nationale de la biscotterie du 17 mai 2004, qui a repris la dérogation prévue à l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999 et à l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, aurait été reprise, sans changement dans la convention collective nationale 5 branches, de sorte que l'employeur pourrait continuer à invoquer les dispositions le dispensant de l'application des dispositions relatives à la prime et aux congés d'ancienneté, la cour d'appel a violé la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires du 21 mars 2012 ;

2°/ que l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective nationale des cinq branches industries dispose en son article 1 que sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d'application, les dispositions de la convention collective nationale du 21 mars 2012 des cinq branches industries alimentaires diverses et que l'article 1.11, qui dispose que la présente convention s'impose aux établissements, entreprises et groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable pour les salariés, est étendu sous réserve du respect des dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui modifie la hiérarchie des normes et privilégie le niveau de l'accord d'entreprise en matière d'aménagement du temps de travail ; qu'aucune disposition de cette loi n'est relative à la réduction du temps de travail ni aux contreparties à la réduction du temps de travail, ni n'autorise qu'il soit dérogé par accord d'établissement aux dispositions conventionnelles accordant le bénéfice de primes d'ancienneté ou de congés supplémentaires d'ancienneté ; qu'en jugeant que l'extension sous la réserve précitée de l'article 1.11 de la convention collective des 5 branches autorisait la société à opposer les dispositions d'un accord de branche du 18 mars 1999 relatives à la réduction du temps de travail avec maintien du niveau de rémunération de base moyennant dispense de l'application des articles relatifs à la prime d'ancienneté et à l'octroi de jours de congés payés supplémentaires d'ancienneté, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective nationale des cinq branches industries ensemble les dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et celles de l'article 12.1 de l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999. »

Réponse de la Cour

Vu le préambule et les articles 1.11, 6.2.2 et 8.2 de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 12 mars 2012 et l'article 1 de l'arrêté d'extension du 24 mai 2013 :

16. Selon le premier de ces textes, la convention collective se substitue intégralement à trois conventions collectives dont la convention collective nationale des industries des biscotteries, biscuiteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, confiseries, aliments de l'enfance et de la diététique, préparation pour entremets et desserts ménagers, des glaces, sorbets et crèmes glacées du 17 mai 2004 (la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004).

17. Aux termes du deuxième, la présente convention s'impose aux établissements, entreprises et groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable pour les salariés.

18. Il résulte des troisième et quatrième que les salariés reçoivent une prime d'ancienneté et des congés d'ancienneté dans les conditions que ces textes définissent.

19. Suivant le dernier texte, l'article 1.11 de la convention collective nationale des 5 branches est étendu sous réserve du respect des dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui modifie la hiérarchie des normes et privilégie le niveau de l'accord d'entreprise en matière d'aménagement du temps de travail.

20. Pour débouter les salariés, dont l'appel n'a pas été déclaré irrecevable, de leurs demandes tendant au paiement d'un rappel de primes d'ancienneté et de dommages-intérêts pour privation de congés payés d'ancienneté et à l'attribution de congés payés supplémentaires d'ancienneté, l'arrêt retient que, conformément à l'article 12.1 de l'accord interprofessionnel du 18 mars 1999, repris par l'accord collectif d'entreprise du 13 décembre 1999, les entreprises qui réduisent la durée hebdomadaire moyenne du travail de l'entreprise, d'un établissement ou d'un service déterminé à 35 heures au plus sur l'année et qui maintiennent le niveau de rémunération des salariés concernés, sont dispensées de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté. Il en déduit que ces dispositions conventionnelles ont repris de manière pérenne les avantages et contreparties prévus dans les entreprises ayant adopté l'anticipation de la réduction de la durée du travail.

21. Il constate que la société démontre que l'indemnité compensatrice prévue à l'article 12.6 de l'accord a été versée et intégrée au salaire de base à compter du 1er janvier 2002 et qu'elle a en vertu de l'accord d'entreprise de 1999, procédé à dix-huit embauches du 13 décembre 1999 à fin 2001 qui perdurent à ce jour.

22. Il ajoute que la convention collective du 17 mai 2004, applicable aux seules entreprises ayant une activité de biscotterie, fait expressément référence à l'accord du 18 mars 1999, en précisant que la prime d'ancienneté pouvait donner lieu à des modalités particulières au sein des entreprises en application de l'article 12.1.1 dudit accord et que les congés d'ancienneté n'étaient pas applicables dans les entreprises ayant fait usage de la dérogation prévue à cet article. Il conclut que la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004 a entériné les dispositions visées à l'article 12.1.1 de l'accord national du 18 mars 1999, en en reprenant les dispositions.

23. Il retient encore que la convention collective des 5 branches du 21 mars 2012 en regroupant diverses conventions collectives dont celle des industries de biscotteries du 17 mai 2004 et en harmonisant les diverses dispositions conventionnelles, n'avait pas pour but de remettre en cause les dispositions relatives au temps de travail résultant de l'accord du 18 mars 1999 toujours en vigueur, même si elle ne fait pas mention du gel des éléments rappelés ci-dessus. Il estime que cette absence de mention s'explique, d'une part, par un souci de cohérence dès lors que cette convention collective s'applique désormais par substitution de l'ensemble des conventions collectives applicables aux salariés des industries alimentaires diverses, des industries de produits exotiques et enfin des industries de biscotteries du 17 mai 2004 et que les dispositions issues de l'accord de 1999 ne sont pas générales, d'autre part, par le fait qu'en vertu de la loi du 19 janvier 2000 fixant la durée légale du travail à 35 heures, aucune entreprise ne peut désormais bénéficier de contreparties accordées à une réduction anticipée de cette durée du travail.

24. Il énonce que seul un texte exprès aurait pu faire cesser la suspension des primes et congés supplémentaires d'ancienneté et que même si la convention collective des 5 branches stipule dans ses articles 6.2.2 et 8.2 l'attribution aux salariés des primes et les congés supplémentaires d'ancienneté ainsi que dans son article 1.11 que la présente convention s'impose aux établissements, entreprises ou groupes qui ne peuvent y déroger que de manière plus favorable aux salariés, il apparaît démontré que la convention collective de 2004 qui a repris la dérogation prévue à l'accord national interprofessionnel du 18 mars 1999 et à l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, a été reprise, sans changement dans la convention collective des 5 branches, de sorte que l'entreprise peut continuer à invoquer les dispositions la dispensant de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté.

25. Il observe enfin que dans l'arrêté du 24 mai 2013 portant extension de la convention collective des 5 branches du 21 mars 2012, il est expressément fait référence à la loi du 20 août 2008, en précisant que celle-ci autorise que les accords collectifs d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail et conclus avant 2008 dérogent à des conventions de branche et demeurent ainsi applicables, de sorte qu'il n'existe aucun conflit de normes ici.

26. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la convention collective des 5 branches s'est intégralement substituée à la convention collective des biscotteries du 17 mai 2004 et qu'aucune de ses dispositions ne reprend celles de l'accord interprofessionnel du 18 mars 1999 portant sur la dispense des entreprises de l'application des dispositions conventionnelles relatives à la prime et aux congés d'ancienneté, et, d'autre part, que l'accord d'entreprise du 13 décembre 1999, qui reprend les dispositions de l'accord du 18 mars 1999, lesquelles sont étrangères aux dispositions du titre II relatif au temps de travail de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, n'est pas concerné par la réserve édictée par l'arrêté d'extension concernant l'article 1.11 de la convention collective des 5 branches qui se rapporte à la clause de non-dérogation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

27. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés, alors « que le syndicat poursuivait le paiement de dommages- intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif des salariés par le refus de la direction de respecter les dispositions sur la prime d'ancienneté et les congés payés ; que pour le débouter de cette demande, la cour d'appel a retenu que l'action individuelle des salariés n'avait pas prospéré ; que la cassation à intervenir sur les précédents moyens de cassation, ou même sur l'un seul d'entre eux, emportera la censure par voie de conséquence du chef du dispositif portant débouté de la demande du syndicat en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

28. La cassation prononcée sur le cinquième moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif déboutant le syndicat de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation prononcée sur le premier moyen pris en sa troisième branche est sans incidence sur le chef du dispositif déclarant irrecevable l'appel régularisé par Mme [W], M. [G], M. [T], M. [L], M. [HU], Mme [XD] [ST], Mme [XL], Mme [MK] et Mme [JV].

30. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

31. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il joint deux instances, déclare l'appel régularisé par Mme [W], M. [G], M. [T], M. [L], M. [HU], Mme [XD] [ST], Mme [XL], Mme [MK] et Mme [JV] irrecevable et déclare M. [S], M. [QS], M. [BE], M. [OH], Mme [DM], Mme [MC], M. [JX], M. [KD], M. [FT] et Mme [FJ] recevables en leurs appels, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

CASSE ET ANNULE cet arrêt, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W], M. [G], M. [T], Mme [I], Mme [Z], Mme [J], Mme [K], M. [X], M. [L], Mme [R], M. [O], M. [HU], M. [SX], M. [OL], Mme [DI], Mme [FP], Mme [ZQ], M. [JZ], M. [ZM], M. [MG], Mme [QO], Mme [XD] [ST], M. [XH], Mme [DG], Mme [XL], M. [HY], Mme [MK], Mme [DN], Mme [QM], Mme [AY] et Mme [JV] de leurs demandes, fins, et conclusions ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : Mme Remery - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012 ; article 1 de l'arrêté d'extension du 24 mai 2013 de la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012.

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-20.561, (B)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Crédit agricole – Convention collective nationale du 4 novembre 1987 – Annexe 2, issue de l'accord du 13 janvier 2000 – Durée et organisation du temps de travail – Forfait en jours sur l'année – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Nécessité – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juin 2019), M. [R] a été engagé le 13 mars 1992, par la caisse régionale de Crédit agricole de la Touraine et du Poitou en qualité d'agent administratif. Il a été promu directeur d'agence et a signé une convention de forfait en jours prévoyant 206 jours de travail annuel le 29 juin 2006.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987.

2. Le salarié a démissionné par lettre recommandée le 11 avril 2016.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 9 décembre 2016 aux fins, notamment, d'obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences de droit, ainsi que le paiement d'une somme au titre des congés payés et le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours, l'arrêt retient qu'il est établi que la convention collective du Crédit agricole et son annexe 2 autorisent la signature d'une convention de forfait pour un cadre du niveau de responsabilité et d'autonomie du salarié, qu'il a été prévu par la convention de forfait en jours signée que la durée quotidienne de travail devait rester en moyenne inférieure à la durée maximale prévue pour les personnes dont le décompte du temps de travail s'effectue en heures, soit alors dix heures, qu'en cas de situation durable d'amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d'y remédier et que le salarié bénéficiait, au-delà des deux jours de repos hebdomadaires consécutifs dont le dimanche, de cinquante-six jours de congés dans l'année, compte tenu d'un droit à congé payé complet.

10. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'annexe 2 - durée et organisation du temps de travail - à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l'accord sur le temps de travail au Crédit agricole du 13 janvier 2000, qui se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, compte tenu d'un droit à congé payé complet, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, défini dans le présent accord et qu'un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les onze heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande de nullité de la convention de forfait en jours, et en ce qu'il condamne M. [R] aux dépens et le déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 5 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, alinéa 11 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; annexe 2 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l'accord sur le temps de travail du Crédit agricole du 13 janvier 2000.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos, journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-12.208, Bull. 2021, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 13 octobre 2021, n° 18-21.232, (B)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Football – Convention collective nationale du sport – Article 12.3.1.2 – Entraîneur professionnel – Définition – Missions – Identité avec les missions du préparateur physique – Portée

Le salarié engagé en qualité de préparateur physique, chargé notamment de la préparation athlétique et physique des joueurs, de la réadaptation fonctionnelle des joueurs blessés et de l'entraînement des joueurs nécessitant un travail psychologique et athlétique particulier, est un entraîneur au sens de l'article 12.3.1.2 de la convention collective nationale du sport et de la charte du football professionnel et ne peut revendiquer l'application de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 27 juin 2018), M. [U] a été engagé le 1er juillet 2009 en qualité de préparateur physique par la société [1], suivant contrats de travail à durée déterminée successifs.

La relation de travail a pris fin le 30 juin 2014 au terme prévu par le dernier contrat.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses primes.

3. La société [1] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 septembre 2017, la société BRMJ étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappels de prime d'ancienneté et de treizième mois résultant de l'application de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football, alors :

« 1°/ que les entraîneurs et les joueurs sont soumis à la convention collective nationale du sport (CCNS), à l'exclusion de l'ensemble des autres personnels, quelle que soit leur fonction, qui relèvent de la convention collective des administratifs et assimilés du football (CCPAAF) ; que l'entraîneur est obligatoirement titulaire des qualifications exigées par la législation française en matière d'encadrement sportif contre rémunération ; que la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, impose aux clubs professionnels de procéder au recrutement d'entraîneurs titulaires de certaines catégories de diplôme, en fonction du niveau de l'équipe dont ils ont la charge, ainsi que l'homologation du contrat des entraîneurs de clubs professionnels par la LFP ; qu'en retenant dès lors, pour estimer que la relation de travail liant le salarié à la SASP [1] était soumise à la CCNS, que le poste de préparateur physique est nécessairement inclus dans la notion d'entraîneur, laquelle s'entend au sens large de l'ensemble du personnel intervenant sportivement pour la préparation des joueurs professionnels, lorsqu'au contraire la profession d'entraîneur de football est strictement réglementée, la cour d'appel a violé l'article 1er de la CCPAAF, l'article 12.3.1.2 de la CCNS, ensemble les articles 650 et suivants de la charte du football professionnel ;

2°/ que les entraîneurs et les joueurs sont soumis à la convention collective nationale du sport (CCNS), à l'exclusion de l'ensemble des autres personnels, quelle que soit leur fonction, qui relèvent de la convention collective des administratifs et assimilés du football (CCPAAF) ; que l'entraîneur est obligatoirement titulaire des qualifications exigées par la législation française en matière d'encadrement sportif contre rémunération ; que la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, impose aux clubs professionnels de procéder au recrutement d'entraîneurs titulaires de certaines catégories de diplôme, en fonction du niveau de l'équipe dont ils ont la charge, ainsi que l'homologation du contrat des entraîneurs de clubs professionnels par la LFP ; qu'il suit de là qu'en retenant, pour estimer que la relation de travail liant le salarié à la SASP [1] était soumise à la CCNS, que le poste de préparateur physique est nécessairement inclus dans la notion d'entraîneur, laquelle s'entend au sens large de l'ensemble du personnel intervenant sportivement pour la préparation des joueurs professionnels, sans rechercher, comme elle y était invitée par le salarié, si le contrat de travail avait été soumis à l'homologation de la LFP, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1er de la CCPAAF, de l'article 12.3.1.2 de la CCNS ainsi que des articles 650 et suivants de la charte du football professionnel ;

3°/ qu'en se bornant à relever que l'une des missions principales du poste de préparateur physique est comprise dans la définition du temps de travail effectif de l'entraîneur, telle qu'elle ressort de l'article 12.7.1.2 de la CCNS, pour retenir que le poste de préparateur physique est nécessairement inclus dans la notion d'entraîneur, laquelle s'entend au sens large de l'ensemble du personnel intervenant sportivement pour la préparation des joueurs professionnels, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er de la CCPAAF, de l'article 12.3.1.2 de la CCNS ainsi que des articles 650 et suivants de la charte du football professionnel ;

4°/ qu'en relevant, pour juger que la convention collective nationale applicable est celle du sport, que le salarié ne peut se prévaloir de la convention collective nationale des administratifs et assimilés du football et, en même temps, réclamer des primes de classement et de maintien liées au rendement de l'équipe, donc du « staff » technique, alors même que les primes litigieuses, qui sont prévues par le contrat de travail, ne dépendent pas de la convention collective applicable, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon son article 1, la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football du 1er juillet 1983 règle les rapports entre la Fédération française de football et les organismes employeurs relevant d'elle au titre des articles 2, 27, 34 et 36 des statuts de cette Fédération, d'une part, et les salariés administratifs et assimilés, employés, cadres et emplois aidés sous contrat travaillant au sein de ces mêmes organismes à l'exception des fonctionnaires mis à disposition, d'autre part. Elle ne s'applique ni aux entraîneurs ni aux joueurs, mais à l'ensemble des autres personnels, quelle que soit leur fonction.

6. Selon l'article 12. 3.1.2. de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005, la mission de l'entraîneur a pour objet principal la préparation du ou des sportifs professionnels sous tous ses aspects (préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, formation et coaching, organisation des entraînements).

7. Aux termes de l'article 650 de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, l'entraîneur de football a pour tâche la préparation à la pratique du football à tous les niveaux et sous tous ses aspects : préparation physique et athlétique, formation et entraînement technique et tactique, éducation morale et sociale du joueur, formation et direction des équipes, organisation de l'entraînement, etc.

8. Ayant relevé que le salarié avait été engagé en qualité de préparateur physique chargé notamment de la préparation athlétique et physique des joueurs, de la réadaptation fonctionnelle des joueurs blessés et de l'entraînement des joueurs nécessitant un travail physiologique et athlétique particulier, la cour d'appel, sans être tenue d'effectuer la recherche invoquée par le moyen pris en sa deuxième branche, non susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige, a exactement retenu que le salarié était, au sens des textes précités, un entraîneur et ne pouvait en conséquence revendiquer l'application de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football du 1er juillet 1983.

9. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des primes sollicitées pour les saisons 2012 / 2013 et 2013 / 2014, alors « que le contrat de travail du 1er juillet 2012 prévoit, au titre de la rémunération du salarié (Art.4), que « En contrepartie de ses services effectifs, M. [X] [U] percevra à compter du 1er juillet 2012 un salaire de base dont le montant brut s'élèvera à 6 000 euros (six mille euros).

Par ailleurs, en cas de maintien du club en ligue 1 à l'issue de la saison 2012/2013, M. [X] [U] percevra une prime dite de maintien de 15 000 euros bruts (quinze mille euros). M. [X] [U] percevra une prime de match simple dans le cas où la prime perçue par les joueurs est doublée. De plus, M. [U] percevra la même prime de classement que les joueurs entre la première et la douzième place.

En cas d'indisponibilité de M. [X] [U] pendant une partie de la saison 2012/2013, le montant de la prime sera calculé au prorata du temps de présence effectif de M. [X] [U] au cours de cette saison. Pour la saison 2013/2014, M. [U] percevra un salaire mensuel brut de 7 000 euros (sept mille euros) si Ligue 1 et 4 200 euros (quatre mille deux cents euros) si Ligue 2 » ; qu'en jugeant « qu'il convient de constater que ces dispositions contractuelles prévoient en réalité la prime de classement identique à celle des joueurs uniquement pour la saison 2012/2013, et non pour la saison 2013/2014 », lorsque le dernier paragraphe de l'article 4 prévoyait, clairement et précisément, une simple revalorisation de la part fixe du salaire de base du salarié pour la saison 2013/2014, sans pour autant remettre en cause les différentes primes qui étaient accordées au salarié en plus du salaire de base, la cour d'appel a dénaturé les dispositions de ce contrat et violé l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

11. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'article 4 du contrat à durée déterminée du 1er juillet 2012 rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que celui-ci ne prévoyait l'attribution d'une prime de classement que pour la seule saison 2012/2013.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, alors :

« 2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié ; que l'office du juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est seulement de rechercher, par une appréciation souveraine, si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit en ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l'existence de l'usage doit être vérifiée au niveau du secteur d'activité défini par l'article D. 121-2 du code du travail ou par une convention ou un accord collectif étendu ; qu'il suit de là qu'en déboutant le salarié de ses demandes au titre de la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par le salarié, si, en ce qui concerne l'emploi de chef de préparateur physique, il était ou non d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés ;

3°/ que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; qu'il suit de là qu'en se bornant à relever que l'emploi de préparateur physique n'est constitué d'aucune fonction d'organisation dans la mise en place des structures du club ni de pouvoir propre de gestion, et n'apparaît pas lié à l'activité normale et permanente du club sportif, ne correspondant ainsi pas à un emploi permanent au sein du [1], pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la requalification en contrat à durée indéterminée, sans vérifier, comme elle y était pourtant invitée par le salarié, si le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi de préparateur physique occupé par le salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail interprétés à la lumière des clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 :

14. S'il résulte de la combinaison des articles susvisés que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif de travail étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

15. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient qu'il résulte des contrats de travail que l'emploi de préparateur physique n'est constitué d'aucune fonction d'organisation dans la mise en place des structures du club ni de pouvoir propre de gestion et n'apparaît pas lié à l'activité normale et permanente du club sportif, ne correspondant ainsi pas à un emploi permanent au sein du [1]. Il en déduit que les contrats de travail à durée déterminée ont été régulièrement conclus.

16. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l'emploi de préparateur physique occupé par le salarié faisait partie de ceux pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et si l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des primes sollicitées pour les saisons 2012-2013 et 2013-2014 et de dire n'y avoir lieu à garantie de l'AGS, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l'article 4 du contrat de travail du 1er juillet 2012 prévoit que « M. [U] percevra la même prime de classement que les joueurs entre la première et la douzième place » ; qu'en déboutant dès lors M. [U] de sa demande au titre de la prime de classement pour la saison 2012/2013, aux motifs que le montant versé correspond à la prime due à un préparateur physique, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer les stipulations claires et précises du contrat de travail, a manifestement violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134, nouvellement 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

18. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

19. Pour rejeter la demande en paiement d'un rappel de primes pour la saison 2012 / 2013, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le salarié ne peut se prévaloir du montant qu'un autre salarié a encaissé au titre des primes car le montant peut varier d'un salarié à un autre, qu'il est concevable qu'un salarié puisse recevoir une prime différente par sa place dans l'équipe, son engagement, le nombre de matchs joués.

20. L'arrêt ajoute que le salarié a perçu des primes et que le club soutient et prouve que le montant versé correspond à la prime due à un préparateur physique, qu'en conséquence l'intéressé a été rempli de ses droits.

21. En statuant ainsi, alors que le contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2012 prévoit, pour la saison 2012 / 2013, que le salarié peut prétendre, sous les conditions qu'il édicte, à une prime de classement identique à celle perçue par les joueurs, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

22. La cassation prononcée ne permet pas d'atteindre le dispositif rejetant la demande de rappel de primes pour la saison 2013/2014 que la critique du troisième moyen ne vise pas.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [U] de ses demandes de rappels de prime d'ancienneté, de salaire sur treizième mois et de primes pour la saison 2013/2014, l'arrêt rendu le 27 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 1 de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football du 1er juillet 1983 ; article 12.3.1.2. de la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 ; article 650 de la charte du football professionnel.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des fonctions d'entraîneur et de préparateur physique, à rapprocher : Soc., 25 mai 2011, pourvoi n° 10-18.994, Bull. 2011, V, n° 128 (2) (cassation partielle).

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