Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 21 octobre 2021, n° 20-15.548, (B)

Cassation

Contentieux spéciaux – Expertise technique – Litige portant sur la décision prise après mise en oeuvre de l'expertise technique – Expertise prévue à l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale – Effets – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application du second, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le troisième s'impose à l'intéressé comme à la caisse.

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Tribunal du contentieux de l'incapacité – Contestation – Expertise technique – Effets – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 janvier 2019) et les productions, suite à la contestation par M. [W] (l'assuré), victime le 17 décembre 2007 d'un accident du travail, de la date de la consolidation de son état de santé fixée au 25 août 2008 par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse), l'expertise médicale technique mise en oeuvre a donné lieu à un rapport de carence.

La caisse ayant maintenu sa décision, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale qui a ordonné une nouvelle expertise médicale sur sa demande, puis un complément d'expertise.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre d'une rechute le 26 août 2008 de son accident du travail du 17 décembre 2007, alors « que dès lors que la régularité de l'avis de l'expert technique n'est pas contestée et qu'aucune des parties n'a demandé une nouvelle expertise, cet avis s'impose aux parties et au juge ; que l'existence d'une rechute constitue une difficulté d'ordre médical relevant de l'expertise technique ; qu'en l'espèce, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin a ordonné une expertise, en donnant pour mission au docteur [S], de dire si son état de santé était consolidé à la date du 25 août 2008, puis un complément d'expertise, en donnant notamment pour mission au docteur [S],de dire si elle a présenté une rechute le 26 août 2008 en relation avec l'accident du travail du 17 décembre 2007 et, le cas échéant, de fixer la nouvelle date de consolidation ; que la cour d'appel a constaté qu'« il résulte des rapports du 11 septembre 2014 et du 16 septembre 2015 du docteur [S] que l'état de santé de la victime était consolidé au 25 août 2008 et que le lendemain, le 26 août 2008, jour de sa reprise du travail, après avoir travaillé deux heures, elle a présenté une rechute en relation avec l'accident du travail du 17 décembre 2007 » ; qu'en se fondant pourtant sur l'absence de possibilité de toute pièce médicale permettant de fixer la date de la rechute et sur l'absence de toute demande d'expertise par les parties sur ce point, pour la débouter de ses demandes au titre d'une rechute, quand l'avis du docteur [S] sur l'existence d'une rechute le 26 août 2008 en relation avec l'accident du travail du 17 décembre 2007, s'imposait à elle, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

3. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application du second, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le troisième s'impose à l'intéressé comme à la caisse.

4. Pour débouter la victime au titre d'une rechute, l'arrêt retient que s'il résulte du rapport de l'expert médical désigné par le tribunal et de son rapport complémentaire que l'état de santé de la victime était consolidé le 25 août 2008 et que le lendemain, jour de la reprise du travail, il avait présenté une rechute, l'expert justifie la date de celle-ci au vu d'un certificat médical du médecin traitant de la victime faisant état d'une impotence fonctionnelle et d'un manque de force, lesquels ne permettent pas, toutefois, de retenir une aggravation des lésions existantes ou une nouvelle lésion mais signifient la persistance des troubles. Il ajoute, alors que la preuve de la rechute et de son imputabilité à l'accident incombe à la victime et qu'aucune demande d'expertise n'est présentée par les parties sur ce point, que les pièces du dossier ne permettent pas de retenir une aggravation de l'état antérieur ou l'apparition d'une nouvelle lésion au 26 août 2008.

5. En statuant ainsi, alors que l'avis de l'expert désigné par la juridiction dans les conditions prévues par l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, s'imposait à la victime et à la caisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et la condamne à payer à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller la somme de 3 000 euros.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 141-1, L. 141-2, R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 29 octobre 1998, pourvoi n° 96-17.841, Bull. 1998, V, n° 471 (cassation) ; Soc., 20 janvier 1994, pourvoi n° 91-14.984, Bull. 1994, V, n° 21 (cassation).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.