Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

PRESCRIPTION CIVILE

1re Civ., 20 octobre 2021, n° 20-13.661, (B)

Cassation

Prescription biennale – Domaine d'application – Crédit immobilier consenti par un organisme de crédit au consommateur – Défaillance de l'emprunteur – Action des professionnels – Délai – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 septembre 2019), suivant acte authentique du 31 octobre 2006, la Caisse régionale de crédit agricole des Savoie (la banque) a consenti à [Q] [Z] (l'emprunteur) deux prêts immobiliers en devises. A la suite du décès de l'emprunteur survenu le 7 mai 2015, son assureur a pris en charge une partie du solde des prêts.

2. Après avoir mis en demeure M. et Mme [Z], héritiers de leur fils, de régler des sommes restant dues, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts le 5 décembre 2017 et fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 19 janvier 2018. M. et Mme [Z] ont assigné la banque devant le juge de l'exécution pour obtenir la mainlevée de la mesure de saisie et voir juger prescrite l'action de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 29 juin 2018 et de la condamner à payer à M. et Mme [Z] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; que l'action en paiement du capital d'un contrat de prêt restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, sauf impossibilité d'agir du prêteur ; qu'en l'espèce, suivant courriers recommandés du 5 décembre 2017, le prêteur a prononcé la déchéance du terme des deux prêts conclus avec l'emprunteur décédé le 7 mai 2015 et mis en demeure ses héritiers de régler la somme de 67 546,62 euros avant de leur faire délivrer, par acte du 19 janvier 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de cette somme, que le décès de l'emprunteur avait rendu la créance exigible et que le délai de prescription avait couru à compter du 2 décembre 2015, date de connaissance par le créancier de l'identité des héritiers d'[Q] [Z], quand seule la déchéance du terme avait rendu la créance exigible et permis au prêteur d'agir, la cour d'appel a violé l'article L. 218-2 du code de la consommation et les articles 2224 et 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Les consorts [Z] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que celui-ci est nouveau.

5. Cependant, la banque a soutenu que le point de départ du délai de prescription se situait au prononcé de la déchéance du terme pour le capital restant dû.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 218-2 du code de la consommation, 2224 et 2233 du code civil :

7. Il résulte de ces textes qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité, y compris en cas de décès de l'emprunteur.

8. Pour déclarer prescrite l'action de la banque, l'arrêt retient que le décès de l'emprunteur constitue l'événement qui a rendu la créance exigible, que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle le prêteur a connaissance de l'identité des héritiers de l'emprunteur et qu'il résulte de la lettre du 2 décembre 2015 qu'à cette date, l'identité et l'adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte que, le 19 janvier 2018, date du commandement, la créance était prescrite.

9. En statuant ainsi, alors que seule la déchéance du terme avait rendu exigible la créance au titre du capital restant dû, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Serrier - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 218-2 du code de la consommation ; articles 2224 et 2233 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-29.539, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation) ; 1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-22.938, Bull. 2016, I, n° 33 (rejet) ; 1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-28.383, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation) ; 1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-27.143, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation partielle) ; 1re Civ., 11 février 2016, pourvoi n° 14-29.539, Bull. 2016, I, n° 33 (cassation).

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