Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2021

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 14 octobre 2021, n° 19-11.758, (B) (R)

Cassation

Applications diverses – Contrats et obligations conventionnelles – Clauses abusives – Caractère abusif – Appréciation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2018), M. [O] a adhéré, le 7 octobre 2003, pour une durée de 10 années minimum, au contrat collectif d'assurance sur la vie « la Mondiale Stratégie TNS », souscrit par l'association Amphitea (le souscripteur) auprès de la société Mondiale partenaire (l'assureur).

2. Constatant une baisse du montant de la rente annuelle susceptible de lui être versée à compter du 1er janvier 2014 et estimant que l'application par l'assureur d'une table « unisexe » de conversion du capital en rente, née de l'application en droit interne des dispositions de la directive 2004/113/CE mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, particulièrement en matière d'assurances, ne lui était pas opposable, M. [O] a assigné l'assureur et le souscripteur devant un tribunal aux fins d'exécution de leurs engagements contractuels et, subsidiairement, d' indemnisation.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

4.Il est statué sur ce moyen après avis de la première chambre civile du 26 mai 2021, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation :

5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, [V], C-243/08).

6. Selon le texte susvisé, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

7. Pour rejeter les demandes de M. [O], l'arrêt, après avoir relevé que la clause litigieuse porte sur le paragraphe X intitulé « Transformation en rente » des conditions générales qui stipule que « l'épargne constituée à la date de la transformation en rente détermine le capital constitutif de la rente, le montant de la rente est alors calculé selon le tarif en vigueur à la date de transformation en rente et les options choisies au titre des garanties proposées », énonce, par motifs propres et adoptés, que le contrat souscrit ne vise aucune table de mortalité, que M. [O] n'établit nullement que cette clause emporterait l'obligation d'appliquer la table de rente différenciée TGH05 et que sa modification, ou celle de toute autre clause, aurait mis fin à cette obligation en cours de contrat de sorte que l'application de la table de mortalité unisexe en vigueur au moment où M. [O] a demandé le calcul de la rente était la parfaite application des dispositions contractuelles.

8. La décision ajoute qu'à supposer qu'elle puisse constituer une modification du contrat, celle-ci ne résulterait pas de la volonté unilatérale de l'assureur mais de l'application combinée de l'article L. 111-7 du code des assurances résultant de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 et de la volonté des parties puisque, si le texte de la loi autorise le maintien de tables de rente distinctes, selon le sexe de l'adhérent, pour les contrats et les adhésions respectivement conclus ou effectuées antérieurement au 20 décembre 2012 ou reconduits tacitement après cette date, il n'interdit pas, en revanche, l'application immédiate des nouvelles dispositions aux contrats en cours, conformément aux dispositions contractuelles acceptées par l'assureur et le souscripteur.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle, d'une part, que la clause X définissait l'objet principal du contrat, en ce qu'elle prévoyait les modalités de la transformation en rente de l'épargne constituée par l'adhérent, d'autre part, qu'elle renvoyait, sans autre précision, au « tarif en vigueur », de sorte qu'il lui incombait d'examiner d'office la conformité de cette clause aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l'adhérent d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui, et, dans le cas contraire, si elle n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 1er octobre 2014, pourvoi n° 13-21.801, Bull. 2014, I, n° 158 (cassation partielle) ; 1re Civ., 12 mai 2016, pourvoi n° 14-24.698, Bull. 2016, I, n° 111 (cassation partielle) ; 1re Civ., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-20.621, Bull. 2016, I, n° 205 (cassation partielle sans renvoi) ; 1re Civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 16-13.050, Bull. 2017, I, n° 78 (cassation partielle) ; 1re Civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.231, Bull. 2017, I, n° 77 (cassation partielle).

2e Civ., 14 octobre 2021, n° 20-10.572, (B)

Cassation partielle

Applications diverses – Sécurité sociale – Accident du travail – Action de la victime contre le tiers responsable selon les règles du droit commun – Eléments à prendre en considération – Date de consolidation – Détermination – Appréciation souveraine

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [Z] [M], épouse [T], M. [D] [T], M. [K] [G] ainsi qu'à M. [N] [T], M. [P] [T], Mme [A] [T], M. [W] [T] et Mme [B] [T], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [H] [T] (les consorts [T]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Granulats Vicat venant aux droits de la société Rudigoz et de la société Administrateurs judiciaires partenaires, représentée par M. [F], en qualité de mandataire ad hoc de la société GV piscines.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 novembre 2019), M. [N] [T], chauffeur poids lourd de la société LMP Etablissements [U] [J] (la société LMP [J] [U]), a été victime d'un accident du travail, le 6 décembre 2002, sur le chantier, consistant en l'installation d'une piscine chez un particulier par la société GV piscines.

La société Bessard piscines, chargée de la maçonnerie, avait passé auprès de la société des Entreprises Rudigoz une commande de béton, dont le transport était assuré par la société LMP [J] [U].

3. M. [T] a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et en réparation devant la juridiction de la sécurité sociale. Un arrêt du 29 juillet 2004 l'a débouté de sa demande tendant à ce que la date de consolidation de son état de santé soit repoussée du 11 octobre 2004 au 8 avril 2011 et a fixé le montant de l'indemnité totale lui revenant.

4. Les consorts [T] ont en outre saisi un tribunal de grande instance aux fins de réparation complémentaire de leurs préjudices par les tiers responsables, les sociétés GV piscines, Rudigoz et Bessard piscines, en application de l'article 454-1 du code de sécurité sociale.

5. La société Bessard piscines a été déclarée coresponsable avec la société LMP [J] [U], employeur de M. [N] [T], de l'accident du travail dont il a été victime.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de limiter la condamnation in solidum de la société Bessard piscines et de son assureur, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, au paiement de la somme de 5 000 euros à Mme [B] [T], de la somme de 5 000 euros à Mme [A] [T], de la somme de 5 000 euros à M. [W] [T] et de la somme de 5 000 euros à M. [P] [T] et de débouter Mme [B] [T], Mme [A] [T], M. [W] [T] et M. [P] [T] du surplus de leurs demandes, alors que « les héritiers d'une partie décédée sont en droit de demander réparation du préjudice subi par cette dernière lorsque l'action est transmissible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les frères et soeurs de M. [N] [T] intervenaient tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de [H] [T], leur mère, décédée le [Date décès 1] 2017, soit antérieurement à la déclaration d'appel ; qu'en jugeant que [H] [T] n'était pas partie à l'instance d'appel de sorte qu'elle était irrecevable à solliciter une condamnation à son profit, quand elle aurait dû rechercher quel avait été le préjudice d'affection subi par [H] [T] et condamner la société Bessard piscines et son assureur à indemniser ce préjudice à ses ayants droit qui agissaient devant elle es qualités à cet effet, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Pour limiter la condamnation in solidum de la société Bessard piscines et de son assureur au paiement de sommes à ces seules victimes indirectes, agissant en leur nom personnel, ayant relevé, dans l'exposé des prétentions des parties, que les conclusions des consorts [T] demandent à la cour d'appel de condamner les tiers responsables à payer à « Mme [H] [T] née [S] - Frais de transport 2 500 €,

- Troubles dans les conditions d'existence 30 000 €,

- Préjudice d'affection 30 000 € », l'arrêt retient que [H] [T] n'est pas partie à l'instance d'appel de sorte qu'elle est irrecevable à solliciter une condamnation à son profit.

9. Il ressort des constatations de l'arrêt et des productions que si les consorts [T] indiquaient dans l'en-tête de leurs conclusions agir tant en leur nom personnel qu'en la qualité d'ayant droit de [H] [T], décédée le [Date décès 1] 2017, le dispositif de leurs conclusions ne formulaient de demande d'indemnisation du préjudice de [H] [T] qu'au nom de celle-ci.

10. Il en résulte que c'est par une interprétation souveraine de ces conclusions, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel, qui était tenue de ne statuer que sur le seul dispositif des conclusions, a retenu que la demande formée par [H] [T], qui n'était pas partie à la procédure, était irrecevable.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de débouter M. [N] [T] de ses demandes au titre des préjudices réparés en application du livre IV du code de la sécurité sociale, alors « que le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que M. [T] sollicitait une indemnité au titre d'une « perte de gains professionnels actuels » à hauteur de 132 938,78 euros « correspondant à la perte de salaires qu'il aurait subie pour la période du 10 octobre 2004 au 8 avril 2011 », la cour d'appel l'a débouté de cette demande au motif qu'il avait perçu après le 10 octobre 2004 une rente au titre de son incapacité permanente de travail en application de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale qui aurait compensé sa perte de gains professionnels ; qu'en statuant ainsi, quand M. [T] sollicitait une indemnité pour la période du 6 décembre 2002 au 8 avril 2011, de sorte que la cour d'appel aurait aussi dû s'interroger sur une éventuelle perte de gains pour la période du 6 décembre 2002 au 10 octobre 2004 au cours de laquelle M. [T] avait perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale conformément au livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime et l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale :

12. Il résulte de ce texte que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre IV du code de la sécurité sociale.

13. Pour débouter M. [N] [T] de ses demandes au titre des préjudices réparés en application du livre IV susmentionné, l'arrêt retient, au titre des pertes de gains professionnels qu'il sollicite une indemnité à hauteur de 132 938,78 euros, correspondant à la perte de salaires qu'il aurait subie pour la période du 10 octobre 2004 au 8 avril 2011, date à laquelle il souhaite que soit fixée la consolidation en droit commun, au motif qu'il n'a pas perçu d' indemnités journalières pour cette période alors qu'il a perçu à compter du 10 octobre 2004, date de consolidation fixée par la caisse, une rente au titre de son incapacité permanente de travail en application de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale qui a compensé sa perte de gains professionnels et qu'il ne produit aucun élément justifiant du montant des indemnités et prestations prises en charge par la sécurité sociale au titre du livre IV permettant d'affirmer que celles-ci seraient insuffisantes à couvrir l'intégralité du préjudice patrimonial relevant de ce livre.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le préjudice de la victime avait été intégralement réparé sur la période courant du 6 décembre 2002 au 10 octobre 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

15. Les consorts [T] font le même grief à l'arrêt, alors « que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre quatre du code de la sécurité sociale ; que saisi d'une action en responsabilité sur le fondement du droit commun, le juge civil n'est alors pas lié par la date de consolidation retenue par la caisse primaire d'assurance maladie concernant la mise en oeuvre, dans les rapports caisse-victime-employeur, du régime spécial d'indemnisation des accidents du travail et des maladie professionnelle ; qu'en affirmant, pour débouter M. [N] [T] de ses demandes, que la victime d'un accident du travail n'était pas recevable à demander que la consolidation de ses blessures soit fixée à une date différente de celle résultant de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie, quand, dans ses rapports avec les tiers coresponsables de son dommage, l'accident litigieux ne constituait pas un accident du travail et que le juge civil saisi de l'action en responsabilité de ces tiers devait, pour les besoins de cette action de droit commun, apprécier lui-même la date de consolidation, la cour d'appel a violé les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale :

16. Il résulte de ce texte que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre IV du code de la sécurité sociale.

17. Il s'en déduit que le juge saisi de cette action doit fixer, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, la date à laquelle les blessures de la victime ont été consolidées, sans être tenu par la date retenue par l'organisme social pour la détermination des prestations dues à la victime au titre de la législation sociale.

18. Pour débouter M. [N] [T] de ses demandes au titre des préjudices réparés en application du livre IV susmentionné l'arrêt retient que la victime d'un accident du travail n'est pas recevable à demander que la consolidation de ses blessures soit fixée à une date différente de celle résultant de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie qu'elle n'avait pas contestée.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

20. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de Mme [Z] [M], épouse [T], alors « que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ; qu'en l'espèce, en retenant, pour déclarer les demandes formées par Mme [T] à l'encontre des sociétés Bessard piscines et Rudigoz irrecevables, faute d'intérêt à agir, que Mme [T] avait déjà été indemnisée du préjudice qui lui avait été causé par l'accident du travail dont avait été victime son mari par un jugement du tribunal correctionnel de Belley du 6 novembre 2007 et que nul ne peut être indemnisé deux fois pour le même préjudice, la cour d'appel, qui a subordonné la recevabilité de l'action de Mme [T] à la démonstration préalable de l'existence d'un préjudice et donc du bien-fondé de sa prétention, a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

21. La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conteste la recevabilité du moyen, pris en sa première branche. Il soutient qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit dès lors que devant la cour d'appel, Mme [Z] [T] n'a émis aucune critique à l'égard de la motivation du jugement sur ce point.

22. Cependant, il résulte des conclusions d'appel des consorts [T] qu'ils ont invoqué, dans la partie discussion, le fait que les proches de M. [N] [T] n'avaient pas été indemnisés par les juridictions de la sécurité sociale et que, dans de telles circonstances, leurs demandes étaient recevables et sollicité, dans le dispositif de ces écritures, que le jugement entrepris soit infirmé en toutes ses dispositions, que leurs demandes soient déclarées recevables et les tiers tenus pour responsables du préjudice subi par Mme [Z] [T] et condamnés in solidum à lui payer diverses sommes à ce titre.

23. Il résulte de ces constatations et énonciations que le grief tiré de la violation de l'article 31 du code de procédure civile n'est pas nouveau à hauteur de cassation.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 31 du code de procédure civile :

24. Selon ce texte, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

25. Pour dire irrecevables les demandes de Mme [Z] [T] en réparation, par les tiers responsables, de ses postes de préjudice de troubles dans les conditions d'existence, d'affection, et sexuels, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que, la société Bessard piscines et la société Rudigoz n'ayant pas été parties au procès pénal, ces demandes ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée au pénal mais qu'en ce qui concerne l'intérêt à agir de Mme [Z] [T], il est constant que le préjudice dont elle a été indemnisée par un jugement du tribunal correctionnel du 6 novembre 2007 est celui qui a été causé par l'accident du travail dont a été victime son mari, que c'est exactement l'indemnisation du même préjudice qu'elle sollicite aujourd'hui, que la cause de sa demande d'indemnisation est par ailleurs la même et que, nul ne pouvant être indemnisé deux fois pour le même préjudice, il ne peut qu'être constaté que ses demandes sont irrecevables.

26. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

27. Il résulte des chefs de décision critiqués devant la Cour de cassation que la coresponsabilité de l'accident, incombant à hauteur de 80 % à la société LMP [J] [U], employeur de la victime, et à hauteur de 20 % à la société Bessard piscines, tiers responsable, n'est plus discutée par les parties.

Mise hors de cause

28. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Allianz Iard, prise en qualité d'assureur de la société GV piscines.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de Mme [Z] [M], épouse [T], et déboute M. [N] [T] de ses demandes au titre des préjudices réparés en application du livre IV du code de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 12 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Met hors de cause la société Allianz Iard, prise en qualité d'assureur de la société GV piscines.

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Didier et Pinet ; SARL Ortscheidt ; SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer -

Textes visés :

Article L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-41.040, Bull. 2010, V, n° 131 (rejet) ; Soc., 16 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.687, Bull. 1985, n° 464 (rejet).

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