Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

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Numéro 10 - Octobre 2021

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE

Soc., 13 octobre 2021, n° 19-24.540, (B)

Cassation partielle

Contrat de travail associé à un emploi d'avenir – Rupture – Rupture anticipée – Rupture illégale – Sanction – Dommages-intérêts – Indemnisation minimum – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 5134-115 et L. 1243-4 du code du travail que lorsque que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée associé à un emploi d'avenir intervient à l'initiative de l'employeur en dehors des cas prévus par la loi, le salarié a droit à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2018), Mme [W] a été engagée le 2 septembre 2013 par la commune de [Localité 2] suivant un contrat emploi d'avenir d'une durée de trente-six mois, en qualité d'agent technique.

2. Par lettre du 17 juillet 2014, la salariée a été informée que la relation de travail prendrait fin le 31 août 2014.

3. Contestant le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque la rupture anticipée du contrat de travail associé à un emploi d'avenir à durée déterminée intervient à l'initiative de l'employeur en dehors des cas visés par les articles L. 5134-115 et L. 1243-1 du code du travail, le salarié a droit à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, comme prévu par l'article L. 1243-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, en estimant, après avoir jugé que la rupture du contrat de travail de Mme [W] était sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur ne s'étant pas placé dans l'un des cas de rupture prévus à l'article L. 1243-1 du code du travail à savoir la faute grave, la force majeure ou l'inaptitude, la sanction prévue par l'article L. 1243-4 de ce code n'avait pas vocation à s'appliquer, que par ailleurs, les articles L. 5234-110 et suivants ne contenaient aucune disposition relative à la sanction encourue en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat emploi d'avenir à date anniversaire, et que dès lors, la salariée ne pouvait prétendre qu'à une indemnisation correspondant au préjudice subi et non aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 5134-115, L. 1243-1, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 1243-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5134-115, L. 1243-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, et L. 1243-4 du code du travail :

6. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail associé à un emploi d'avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée. Lorsqu'il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1243-1, il peut être rompu à l'expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution à l'initiative du salarié, moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'employeur, s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse, moyennant le respect d'un préavis d'un mois et de la procédure prévue à l'article L. 1232-2.

7. Selon le dernier de ces textes, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

8. Il en résulte que lorsque la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée associé à un emploi d'avenir intervient à l'initiative de l'employeur en dehors des cas prévus par la loi, le salarié a droit à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

9. Pour limiter la condamnation de l'employeur à verser à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur ne s'étant pas placé dans l'un des cas de rupture prévus à l'article L. 1243-1 du code du travail à savoir la faute grave, la force majeure ou l'inaptitude, la sanction prévue par l'article L. 1243-4 de ce code n'a pas vocation à s'appliquer. Il constate que les articles L. 5234-110 et suivants ne contiennent aucune disposition relative à la sanction encourue en cas de rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat emploi d'avenir à sa date anniversaire. Il en déduit que la salariée, victime d'une rupture prématurée, ne peut prétendre qu'à une indemnisation correspondant au préjudice subi et non aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la commune de [Localité 2] à payer à Mme [W] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Haas -

Textes visés :

Articles L. 5134-115, L. 1243-1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, et L. 1243-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la sanction de la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée intervenue à l'initiative de l'employeur en dehors des cas prévus par la loi, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2015, pourvoi n° 13-25.681, Bull. 2015, V, n° 146 (1) (cassation partielle sans renvoi) ; Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-12.306, Bull. 2019, (rejet).

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