Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

VENTE

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-16.986, (P)

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Action en garantie du sous-acquéreur contre le vendeur originaire – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

L'article 2232, alinéa 1, du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dispose que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; il résulte de son rapprochement avec l'article 2224 du même code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que le législateur a, dans un souci de sécurité juridique, en contrepartie d'un point de départ « glissant » pour l'exercice de l'action, enserré l'exercice du droit dans un délai fixé à vingt ans.

Ayant relevé que le point de départ de l'action en garantie des vices cachés exercée par le dernier acquéreur d'un immeuble contre le vendeur d'origine avait été reporté au jour où celui-ci avait eu connaissance du vice dans toute son ampleur, une cour d'appel a exactement retenu que le jour de la naissance du droit, au sens de l'article 2232 du code civil, devait être fixé au jour du contrat, qui consacrait l'obligation à la garantie des vices cachés du vendeur.

Garantie – Vices cachés – Action en garantie du sous-acquéreur contre le vendeur originaire – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Application dans le temps – Non-rétroactivité

En vertu de l'article 2 du code civil, le délai butoir de l'article 2232, alinéa 1, du code civil n'est pas applicable à une situation où le droit est né avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui, pour déclarer prescrite l'action en garantie des vices cachés exercée par le dernier acquéreur contre le vendeur d'origine retient, en application de l'article 2232 du code civil, qu'elle a été engagée plus de vingt ans après la conclusion, en 1990, du contrat de vente ayant donné naissance au droit à sa garantie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2019), les 18 décembre 1970 et 16 mai 1972, O... et S... I... ont acquis deux bungalows qu'ils ont réunis en un seul immeuble.

2. Le 29 mai 1990, S... I... et Mme H..., sa fille, ont vendu ce bien à Mme C... et à M. E..., aux droits duquel se trouve M. A..., lesquels, le 21 mai 2010, l'ont revendu à Mme N....

3. Ayant découvert, à la suite d'une expertise amiable du 22 juillet 2011, l'existence de désordres affectant la solidité du bâtiment, Mme N... a, au vu d'un rapport d'expertise judiciaire déposé le 11 juin 2013, assigné, les 7 et 12 novembre et 4 décembre 2013, les vendeurs successifs en garantie des vices cachés.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. Il est donné acte à Mme N... du désistement de ce moyen.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme N... fait grief à l'arrêt, pour déclarer la demande irrecevable, de fixer le point de départ du délai de prescription de l'article 2232 du code civil au jour du contrat, alors « que le délai dit butoir imparti par l'article 2232 du code civil court « à compter du jour de la naissance du droit », soit de l'apparition du dommage, lorsque la responsabilité du vendeur est recherchée à raison de la garantie des vices cachés ; qu'en décidant que le jour de la naissance du droit doit être fixé au jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, date à laquelle M. O... I..., Mme S... I... et sa fille ont acheté l'immeuble avant de le revendre à Mme L... C... et à M. T... E... au droit duquel vient M. O... A..., lesquels l'ont revendu à leur tour à Mme N..., la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. L'article 2232 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dispose, en son premier alinéa, que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

7. Il résulte de son rapprochement avec l'article 2224 du même code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que le législateur a, dans un souci de sécurité juridique, en contrepartie d'un point de départ « glissant » pour l'exercice de l'action, enserré l'exercice du droit dans un délai fixé à vingt ans.

8. Ayant relevé que le point de départ de l'action en garantie des vices cachés exercée par Mme N..., dernier acquéreur, contre les vendeurs d'origine avait été reporté au jour où celle-ci avait eu connaissance du vice dans toute son ampleur, la cour d'appel a exactement retenu que le jour de la naissance du droit, au sens de l'article 2232 du code civil, devait être fixé au jour du contrat, qui consacrait l'obligation à la garantie des vices cachés du vendeur.

9. Le grief n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

10. Mme N... fait grief à l'arrêt de déclarer la demande irrecevable comme prescrite, alors « que le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle s'oppose à ce que l'instauration par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 d'un délai butoir à l'article 2232 du code civil vienne à expiration avant son entrée en vigueur ; qu'en décidant que le délai de l'article 2232 du code civil avait commencé à courir à compter du jour du contrat qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés des vendeurs, soit le 23 décembre 1970 et le 14 avril 1972, pour en déduire qu'il était expiré avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 2232 du code civil et l'article 26 de la loi précitée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les articles 2 et 2232 du code civil :

11. Les dispositions transitoires qui figurent dans le premier de ces textes concernent les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent ou réduisent la durée de la prescription.

12. Il résulte des deuxième et troisième textes qu'en l'absence de dispositions transitoires qui lui soient applicables, le délai butoir, créé par la loi du 17 juin 2008, relève, pour son application dans le temps, du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle.

13. Pour déclarer prescrite l'action en garantie des vices cachés exercée par Mme N... contre les vendeurs d'origine, l'arrêt retient, en application de l'article 2232 du code civil, qu'elle a été engagée plus de vingt ans après la signature du contrat de vente ayant donné naissance au droit à garantie de Mme N....

14. En statuant ainsi, alors que le délai butoir de l'article 2232, alinéa 1er, du code civil n'est pas applicable à une situation où le droit est né avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Demande de mise hors de cause

15. Il y a lieu de mettre hors de cause M. A..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause M. A... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action de Mme N... contre Mme H..., l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Alain Bénabent ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 2232, alinéa 1, du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; article 2224 du code civil ; articles 2 et 2232 du code civil.

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-17.549, (P)

Rejet

Immeuble – Résolution – Action en résolution – Publicité de la demande – Nécessité – Publication antérieure de l'assignation tendant à la réitération ou à la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privée (non) – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2019), par acte authentique du 25 juillet 2013, la société Dauphine 37 a vendu un immeuble à Mme I....

2. Le 23 juillet 2014, celle-ci a conclu avec M. S... une promesse de vente sous seing privé portant sur ce bien.

3. M. S... a assigné Mme I... en réitération de la vente et a publié son assignation le 26 mars 2015.

4. Le 12 octobre 2015, la société Dauphine 37 a engagé à l'encontre de Mme I..., M. S... et M. X..., notaire, une action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 pour défaut de paiement du prix.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. S... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Dauphine 37 en résolution de la vente conclue avec Mme I..., alors :

« 1°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente aux motifs que l'inscription de l'assignation par M. P... S... est caduque à défaut de prorogation de délai tout en exposant que l'inscription de l'assignation ne confère pas à M. P... S... de droits sur l« immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée quand il lui appartenait de rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée de trois ans par une ordonnance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

3°/ qu'en n'exposant pas en quoi l'ordonnance du 9 mars 2018 de prorogation de la publication de l'assignation du 25 mars 2015 n'empêchait pas que celle-ci soit frappée de caducité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en jugeant recevable l'action en résolution de la société Dauphine 37 quand il résultait expressément de l'acte de vente du 25 juillet 2013 que cette société avait renoncé à l'action résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1654 et 2379 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

5°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, quand il appartient au demandeur de faire publier son action résolutoire et la clause sur laquelle il se fonde pour qu'elle soit opposable, la cour d'appel a violé les articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ;

6°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, sans trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ni respecté le principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 5, 12 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ;

7°/ en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation en réitération de la vente sous seing privé du 24 juillet 2014 entre Mme I... et M. P... S... n'avait pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble quand la vente sous seing privé a pour effet immédiat le transfert de propriété entre les parties et que la publication de l'assignation en réitération de la vente oblige le vendeur qui envisage de demander la résolution de la vente de faire inscrire son privilège dans un délai de deux mois à compter de la publication de sa vente du 25 juillet 2013, la cour d'appel a violé les articles 1654, 2379 et 2427 du code civil ensemble les articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

8°/ que sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les demandes en justice tendant à obtenir la résolution d'une convention ; qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 sans rechercher si la demande en résolution de la société Dauphine 37 avait été publiée, comme cela lui était pourtant expressément demandé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »

Réponse de la Cour

7. Si l'acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l'acte authentique de cession au bureau des hypothèques (3e Civ., 22 octobre 1974, pourvoi n° 73-12.127, Bull. 1974, III, n° 372).

8. La publication facultative de la demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privé, prévue par l'article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'entraîne pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret.

9. Les exigences de publicité préalable prévues à l'article 30.1, alinéa 4, du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 2379, alinéa 2, du code civil pour l'action en résolution d'une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu'à l'égard des tiers ayant publié des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti.

10. D'une part, ayant relevé l'absence de publication d'une décision de justice ou d'un acte authentique de vente relatif à la cession entre Mme I... et M. S... et retenu à bon droit que la publication de l'assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014 n'avait pas eu pour effet de conférer à M. S... des droits sur l'immeuble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur la publication de la demande en résolution de la vente et qui ne s'est pas prononcée par des motifs contradictoires, a exactement déduit, de ces seuls motifs, dont il résultait que M. S... n'avait pas la qualité d'ayant droit de Mme I..., que M. S... ne pouvait faire obstacle à l'action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 engagée par la société Dauphine 37.

11. D'autre part, M. S... ne s'étant pas prévalu, dans ses conclusions d'appel, d'une irrecevabilité résultant de la renonciation de la société Dauphine 37 à l'action résolutoire, le moyen est de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit.

12. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 2379, alinéa 2, du code civil ; articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 28 mai 1979, pourvoi n° 77-15.857, Bull. 1979, III, n°115 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 21 octobre 2020, n° 19-15.415, (P)

Rejet

Nullité – Erreur – Erreur sur la substance – Oeuvre d'art – Mentions insuffisantes du catalogue de vente – Caractère déterminant de l'irrégularité de la mention – Appréciation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-24.043), la société [...] (la société [...]) a assigné M. A... (l'acquéreur), afin, notamment, que soit reconnue la vente de différents lots dont il s'était porté acquéreur les 27 novembre 2007 et 5 avril 2008, dont le lot n° 157 portant sur « une table Compas de C... G... », et qu'il soit condamné au paiement de différentes sommes au titre des acquisitions réalisées et de dommages-intérêts. M. X..., propriétaire du lot [...], est intervenu volontairement à l'instance. A titre reconventionnel, l'acquéreur a sollicité la résolution et l'annulation des ventes pour défaut de paiement et défaut de délivrance, outre la restitution de sommes versées.

2. La vente des lots a été déclaré parfaite, à l'exception du celle du lot n° 157 ayant justifié la cassation prononcée, et l'acquéreur a été condamné à payer à la société [...] et à M. X... différentes sommes au titre des acquisitions réalisées et des dommages-intérêts. Une expertise sur l'authenticité de la table en cause a été ordonnée avant dire droit.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la vente du lot [...], et de le condamner à payer au vendeur le solde de la vente de ce lot, alors :

« 1°/ que l'inexactitude ou l'insuffisance des mentions du catalogue d'une vente aux enchères publiques suffit à provoquer l'erreur de l'acheteur et justifie l'annulation de la vente ; qu'en rejetant la demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur, après avoir pourtant retenu « l'inexactitude du catalogue » quant à la description de la table objet de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

2°/ que l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue entraîne l'annulation de la vente ; que les qualités substantielles sont celles ayant déterminé l'acquéreur à acquérir la chose ; que, pour retenir que l'acquéreur ne souhaitait pas essentiellement acheter une table ayant un plateau en chêne, comme mentionné sur le catalogue de vente, mais que seul avait été déterminant le fait qu'il s'agissait d'une table « C...-G... », la cour d'appel s'est fondée sur la circonstance que l'acquéreur avait porté les enchères à 80 000 euros, soit à un prix proche du double de l'évaluation figurant sur le catalogue de vente qui était de 35 000 à 45 000 euros ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier que seule avait été déterminante l'attribution de la table à C... G..., la cour d'appel a violé l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

3°/ qu'en affirmant, pour débouter l'acquéreur de sa demande en nullité de la vente pour erreur, qu'il n'avait formé cette demande qu'après l'expertise, quand c'est précisément cette expertise qui avait révélé l'erreur dénoncée, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure l'existence d'une erreur, en violation de l'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 1110, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

5. En matière de vente aux enchères publiques, si les mentions figurant au catalogue revêtent une importance particulière, leur caractère déterminant s'apprécie au regard des qualités substantielles de la chose attendues par l'acquéreur.

6. Après avoir retenu que la table était authentique, l'arrêt relève que, contrairement aux mentions du catalogue de la vente, son plateau n'était pas en chêne mais en bois plaqué chêne, que, cependant, l'acquéreur ne souhaitait pas essentiellement acheter une table avec un plateau en chêne mais une table « C... G... », qu'à l'époque, les tables avaient une destination purement utilitaire, que le recours au bois massif était exclu et que le plateau, conçu pour pouvoir être changé, apparaissait ainsi purement contingent et dissociable de l'oeuvre de C... G..., de sorte que le principal intérêt de cette table résidait dans son piètement. Il ajoute que si, selon l'expert, elle aurait fait l'objet de restaurations à hauteur de 60 %, ses conclusions reposent sur des hypothèses.

7. De ces seuls motifs, la cour d'appel a souverainement déduit que n'était pas rapportée la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau aurait déterminé le consentement de l'acquéreur et que les restaurations, avérées ou non, auraient altéré, dans son esprit, la substance de l'objet.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes en dommages-intérêts dirigées contre la société [...], alors qu' « aux termes de l'article L. 321-17, alinéa 3, du code de commerce, le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des ventes aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l'adjudication ou de la prisée ; que ce délai dérogatoire au droit commun n'est opposable aux enchérisseurs qu'à la condition d'avoir été rappelé dans la publicité prévue à l'article L. 321-11 du code de commerce ; qu'en déclarant prescrite l'action en responsabilité formée par l'acquéreur contre la société [...], sans vérifier que la mention du délai de prescription ait été rappelé dans la publicité de la vente aux enchères publiques litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-11, L. 321-17 et R. 321-33 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

10. L'exigence du rappel de la mention du délai de prescription de cinq ans dans la publicité à laquelle donnent lieu les ventes aux enchères publiques ayant été posée à l'article L. 321-17 du code de commerce par la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011, soit postérieurement à la vente litigieuse, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la vérification invoquée.

11. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts dirigée contre le vendeur, alors « que la cour d'appel a relevé que les restaurations de la table – qui n'avaient pas été mentionnées dans le catalogue de vente – avaient pu, ainsi que cela avait été souligné par l'expert, avoir une incidence sur sa valeur ; qu'il en résultait que l'ignorance de ces restaurations par l'acquéreur avaient pu fausser l'appréciation de la valeur de la table et partant, affecter la détermination du prix proposé en vue de son acquisition ; qu'en affirmant toutefois qu'il n'était pas établi que l'acquéreur n'aurait pas porté les enchères à un prix proche du double de la valeur figurant sur le catalogue s'il avait eu connaissance d'interrogations sur d'éventuelles restaurations, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir constaté que n'était pas rapportée la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau aurait déterminé le consentement de l'acquéreur et que les restaurations, avérées ou non, auraient altéré, dans son esprit, la substance de l'objet, l'arrêt ajoute qu'en achetant le meuble, lors d'une vente aux enchères, à un prix proche du double de la valeur estimée figurant sur le catalogue, l'acquéreur a, de manière certaine, privilégié le fait qu'il s'agissait d'une table issue des ateliers C... G....

14. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit que n'était pas démontrée l'existence d'un préjudice résultant de l'inexactitude des mentions du catalogue.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat(s) : SCP Bénabent -

Rapprochement(s) :

1re Civ., 30 septembre 2008, pourvoi n°, 06-20.298, Bull. 2008, I, n° 217 (cassation partielle) ; 1re Civ., 20 octobre 2011, pourvoi n° 10-25.980, Bull. 2011, I, n° 173 (rejet).

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-16.561, (P)

Cassation

Promesse de vente – Immeuble – Modalités – Condition suspensive – Réalisation – Expiration du délai fixé par les parties – Effets – Action en résolution de la vente – Exercice – Conditions – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l'expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d'agir en exécution forcée de la vente, soit d'en demander la résolution et l'indemnisation de son préjudice et le fait justifiant l'exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente.

Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 2224 du code civil une cour d'appel qui, pour déclarer prescrite l'action en résolution de la vente d'une société ayant consenti une promesse synallagmatique de vente, retient que, dès le lendemain de la date fixée pour la signature de l'acte authentique de vente, celle-ci savait que la promesse n'avait pas été réitérée et qu'elle pouvait exercer son action, sans caractériser sa connaissance à cette date, du refus du bénéficiaire de la promesse de réaliser la vente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 15 février 2019), la société civile immobilière Nefertari (la SCI Nefertari) a consenti à la société immobilière du département de la Réunion (la SIDR) une promesse synallagmatique de vente, sous conditions suspensives, d'une parcelle de terrain sur laquelle était édifié un immeuble non achevé.

2. Un avenant a prorogé la date de réalisation des conditions suspensives et de signature de l'acte authentique de vente au 30 avril 2010.

3. Après deux mises en demeure de réaliser la vente, les 22 novembre 2013 et 12 mai 2015, demeurées infructueuses, la SCI Nefertari a assigné la SIDR en résolution de la vente qu'elle considérait parfaite en raison de la réalisation des conditions suspensives et en paiement de dommages-intérêts.

4. La SIDR lui a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La SCI Nefertari fait grief à l'arrêt de déclarer l'action en résolution de la vente prescrite et de rejeter ses demandes, alors « que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en fixant pour point de départ du délai de prescription le délai fixé par le compromis pour la réitération de la vente par acte authentique, sans rechercher si à cette date, la SCI Nerfertari savait que la SIDR abandonnait définitivement le projet et qu'en conséquence, son dommage était réalisé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l'expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d'agir en exécution forcée de la vente, soit d'en demander la résolution et l'indemnisation de son préjudice.

8. Le fait justifiant l'exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente.

9. Pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt retient que, dès le 1er mai 2010, lendemain de la date fixée pour la signature de l'acte authentique de vente, la SCI Nefertari savait que la promesse n'avait pas été réitérée et qu'elle pouvait exercer son action.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance à cette date, par la SCI Nefertari, du refus de la SIDR de réaliser la vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-20.737, (P)

Rejet

Résolution – Effets – Restitution des fruits – Bonne foi du possesseur de la chose vendue – Possibilité de l'invoquer – Conditions – Détermination – Portée

A compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l'annulation de la vente, le possesseur des fruits ne peut invoquer la bonne foi et il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d'un tiers au contrat de vente.

Dès lors, une cour d'appel qui a constaté que les locataires d'un immeuble avaient demandé en justice l'annulation de la vente de celui-ci par assignation délivrée les 15 et 21 mars 2007 et relevé que la nullité de la vente avait été prononcée le 21 octobre 2016, a pu en déduire que l'acquéreur de l'immeuble ne pouvait opposer sa bonne foi au vendeur à compter de la demande en annulation de la vente et que celui-ci était fondé à lui réclamer la restitution des loyers versés par les locataires entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-11.015), la société Foncière Résiouest, propriétaire d'un immeuble, a demandé à la société Cogedim vente de procéder à sa vente par lots.

2. La société Cogedim vente a notifié à M. B... et à son épouse, locataires d'un appartement et de divers locaux dans cet immeuble, conformément aux dispositions de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, une offre de vente qu'ils n'ont pas acceptée.

3. M. et Mme B... ont assigné la société Foncière Résiouest, la société Cogedim vente et la société Edelweiss marine, acquéreur des locaux loués, en nullité des offres de vente qui leur ont été adressées, ainsi que de la vente consentie ultérieurement, et en réparation de leur préjudice.

4. La société Foncière Résiouest a sollicité la restitution des loyers versés par les locataires à la société Edelweiss marine depuis le 1er juillet 2005.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Edelweiss marine fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Foncière Résiouest le montant des loyers perçus du 1er juillet 2005 au 30 août 2016, alors « que seule la demande en restitution émanant du propriétaire évincé à la suite de la vente annulée a pour effet de constituer possesseur de mauvaise foi, au sens de l'article 549 du code civil, l'acquéreur ayant perçu les fruits de la chose, en l'obligeant à les restituer ; qu'en l'espèce, la société Edelweiss Marine faisait valoir qu'elle ne pouvait être tenue à restitution des loyers qu'à compter du 7 avril 2015, date de la demande en restitution émanant de la société Foncière Résiouest ; qu'en jugeant que la société Edelweiss marine, en raison de l'effet rétroactif de la nullité, était tenue de restituer les loyers qu'elle avait perçus à compter de l'assignation en nullité délivrée par les époux B..., locataires du bien vendu, en mars 2007, la cour d'appel a violé le texte précité et l'article 1184 du code civil, celui-ci dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 549 du code civil, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique.

8. Selon l'article 550 du code civil, le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus.

9. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (3e Civ., 27 novembre 2002, pourvoi n° 01-12.444, Bull. 2002, III, n° 244), à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l'annulation de la vente, le possesseur ne peut invoquer la bonne foi.

10. Il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d'un tiers au contrat de vente.

11. La cour d'appel a constaté que M. et Mme B... avaient demandé en justice l'annulation de la vente par assignation délivrée les 15 et 21 mars 2007.

12. Elle a relevé que la nullité de la vente avait été prononcée le 21 octobre 2016.

13. Elle a pu en déduire que la société Edelweiss marine ne pouvait opposer sa bonne foi à la société Foncière Résiouest à compter de la demande en annulation de la vente et que celle-ci était fondée à lui réclamer la restitution des loyers versés par les locataires entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guillaudier - Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 549 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 27 novembre 2002, pourvoi n° 01-12.444, Bull. 2002, III, n° 244 (cassation), et les arrêts cités.

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