Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-18.175, (P)

Cassation partielle

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Défaut – Régularisation – Conditions – Détermination

L'irrecevabilité, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable, du recours formé directement devant la juridiction de sécurité sociale ne fait pas obstacle à l'exercice, après la saisine de la commission de recours amiable de l'organisme, d'un nouveau recours contentieux, sous réserve qu'il soit exercé avant l'expiration du délai de forclusion.

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Caractère obligatoire – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Hôpital privé La Casamance (l'établissement de santé) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 avril 2019), l'établissement de santé, après avoir saisi une juridiction de sécurité sociale de deux demandes de paiement dirigées contre la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse), sans les soumettre préalablement à la commission de recours amiable de la caisse, a saisi cette commission de ses deux demandes, puis saisi la même juridiction de sécurité sociale de deux recours formés contre les décisions implicites de rejet de la commission, puis d'un recours formé contre la décision explicite de rejet de celle-ci.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'établissement de santé fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement, alors « que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale à l'encontre d'une décision implicite ou explicite de rejet d'une décision de la commission de recours amiable de la caisse est recevable dès lors que le délai de forclusion pour saisir la commission, puis pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale, n'était pas expiré ; que l'irrecevabilité d'un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour défaut de saisine de la commission de recours amiable n'empêche dès lors pas le requérant d'introduire une nouvelle instance devant le tribunal après avoir saisi la commission de recours amiable de la caisse, en l'absence d'expiration du délai de forclusion ; qu'au cas présent, il est constant que l'hôpital privé La Casamance a saisi la commission de recours amiable de demandes en paiement des sommes de 60 169,44 euros et 45 879,99 euros le 10 novembre 2014 ; qu'en l'absence de décisions notifiées par la caisse, aucun délai de forclusion ne pouvait être opposé à l'Hôpital Privé La Casamance ; que dans ces conditions, les saisines du tribunal des affaires de sécurité sociale des décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable, puis en contestation des décisions explicites de rejet de la commission, étaient recevables ; qu'en énonçant pourtant, pour déclarer l'Hôpital Privé La Casamance irrecevable en ses demandes, que « les recours 21500201 et 21500199 n'étant que les reprises des deux précédents, c'est à bon droit que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône se prévaut de l'irrecevabilité de deux demandes de l'hôpital privé La Casamance telles que présentées initialement directement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'irrecevabilité des recours de l'hôpital privé la Casamance, alors même qu'elle avait constaté que l'établissement avait saisi la commission de recours amiable de la caisse de deux recours, sans qu'aucun délai de forclusion ne puisse lui être opposé, puis qu'elle avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai qui lui était imparti pour contester ces décisions de rejet de la commission de recours amiable de la caisse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, le second dans sa rédaction issue du décret n°96-786 du 10 septembre 1996, applicables au litige :

4. L'irrecevabilité, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable, du recours formé directement devant la juridiction de sécurité sociale ne fait pas obstacle à l'exercice, après la saisine de la commission de recours amiable de l'organisme, d'un nouveau recours contentieux, sous réserve qu'il soit exercé avant l'expiration du délai de forclusion.

5. Pour déclarer les demandes en paiement de l'établissement de santé irrecevables, l'arrêt retient que celui-ci reconnaît dans ses écritures qu'il n'a jamais saisi la commission de recours amiable de ses recours originaux, que contrairement à ses prétentions, les saisines effectuées en 2014 et 2015 ne peuvent pas régulariser les défauts antérieurs tenant à l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'après avoir saisi la juridiction de sécurité sociale sans avoir préalablement soumis ses demandes à la commission de recours amiable de la caisse, l'établissement de santé avait de nouveau saisi la juridiction de recours formés, dans le délai de forclusion de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, contre deux décisions implicites puis une décision explicite de rejet de la commission de recours amiable, de sorte qu'elle était saisie de nouveaux recours qui n'étaient pas entachés de l'irrégularité initiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, l'arrêt rendu le 26 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, le second dans sa rédaction issue du décret n° 96-786 du 10 septembre 1996.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-22.647, (P)

Rejet

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Fixation du taux d'incapacité permanente partielle d'un salarié – Incapacité permanente imputable à une maladie professionnelle – Décision de la caisse – Notification – Notification à l'employeur – Portée – Détermination

Selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident.

Selon l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours.

Par suite, est irrecevable comme hors délai le recours contre la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, formé par un employeur plus de deux mois après la notification régulière à celui-ci de la décision, peu important que les dispositions du premier de ces textes ne soient pas applicables à la notification de cette décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 27 juin 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire ayant fixé, par décision du 26 juin 2013, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme I... (la victime), salariée de la société Euramax industries, devenue société Greystal (la société), reconnue atteinte d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57, la société a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors :

« 1°/ que, selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident ; que, selon l'article R. 143-7 du même code, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable le recours de la société exposante qu'il importe peu que l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ne régisse pas les notifications concernant les maladies professionnelles ; qu'en l'espèce la décision attaquée avait été régulièrement notifiée le 27 juin 2013 ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal au dossier, que, nonobstant les mentions relatives aux voies et délais de recours indiquées sur cette décision, le recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité n'a été formé que par lettre du 27 mars 2015, soit après le délai de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et qu'aucun fait constitutif de la force majeure, susceptible de relever l'appelante de la forclusion encourue, n'est invoqué alors qu'il résultait des constatations de la cour que la victime avait été prise en charge au titre d'une maladie professionnelle et que la décision, qui visait expressément l'article R. 434-32 du sécurité sociale, n'avait pas été notifiée à la société dans les conditions prévues par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu'en toute hypothèse, aucun texte ne prévoit la notification à l'employeur de la décision d'attribuer un taux d'IPP ensuite d'une maladie professionnelle ; que l'information donnée à la société exposante par la caisse ne constituait pas une notification et ne faisait pas courir contre elle le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les des articles R. 143-7 et R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident.

Selon l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours.

4. Ayant relevé que la caisse avait notifié la décision fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, à la société qui l'avait reçue le 27 juin 2013 ainsi qu'en faisait foi l'avis de réception postal versé au dossier, que la lettre portait mention du délai de forclusion ainsi que de l'identité de l'organisme compétent pour recevoir la requête et qu'aucun fait constitutif de la force majeure n'était invoqué, la Cour nationale en a exactement déduit que la décision litigieuse avait été régulièrement notifiée dans les conditions de l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et que le recours formé le 27 mars 2015 par la société était irrecevable comme hors délai, peu important que le troisième alinéa de l'article R. 434-32 du même code ne soit pas applicable à la notification de cette décision.

5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R. 143-7 et R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.

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