Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

SECURITE SOCIALE ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 8 octobre 2020, n° 19-21.128, (P)

Cassation sans renvoi

Maladie – Indémnité journalière – Calcul – Salaire de base – Détermination

Selon l'article L. 323-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le gain journalier de base retenu pour le calcul de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est déterminé d'après la ou les dernières paies antérieures à la date de l'interruption du travail, selon les modalités et exceptions prévues par les articles R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 juin 2019), M. J... (l'assuré) a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire du 6 au 28 février 2015. Celle-ci ayant été annulée et une régularisation étant intervenue sur son bulletin de salaire d'avril 2015, il a demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse), la revalorisation des indemnités journalières perçues pendant ses périodes d'arrêt de travail, du 21 avril au 22 mai 2015, puis du 25 mai au 17 juin 2015, calculées à partir des salaires des mois de janvier, février et mars 2015, pour tenir compte du rappel de salaire versé en avril 2015.

2. La caisse lui ayant opposé un refus, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de procéder à un nouveau calcul du montant des indemnités journalières dues à l'assuré, en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence de janvier à mars 2015, conformément aux dispositions de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale alors :

« 1° / qu'il résulte des articles L. 323-4 et R. 323-4 du code de la sécurité sociale que les prestations en espèce de l'assurance maladie sont calculées sur la base des salaires effectivement perçus durant la période précédant l'interruption de travail, ce qui exclut qu'il puisse être tenu compte de rappel de salaires, afférents à la période de référence, mais versés ultérieurement, quelle que soit la cause du retard de versement ; et qu'ainsi la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

2°/ qu'une période de mise à pied ne peut être assimilée à « un congé non payé » autorisé par l'employeur au sens de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale, et ce d'autant plus lorsque, à la suite de l'annulation de la mesure, la rémunération correspondante est ultérieurement versée, de telle sorte qu'en commandant à la CPAM de la Sarthe de calculer le montant des indemnités journalières en procédant à la reconstitution fictive de son salaire sur la période de référence comme si la mise à pied n'avait pas été infligée, la cour d'appel a violé les articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale,

le premier et le troisième dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le premier de ces textes, le gain journalier de base retenu pour le calcul de l'indemnité journalière de l'assurance maladie est déterminé d'après la ou les dernières paies antérieures à la date de l'interruption du travail selon les modalités et exceptions prévues par les deuxième et troisième.

5. Pour accueillir le recours de l'assuré, l'arrêt retient essentiellement que la situation de ce dernier correspond bien à celle prévue par le 2° de l'article R. 323-8 du code de la sécurité sociale puisqu'il n'a pas travaillé pendant la période de référence, que ce travail non réalisé et non payé - en dehors de toute sanction disciplinaire, d'une fermeture de l'entreprise, d'une période de chômage - doit s'analyser en un congé non payé sur la période de référence et autorisé par l'employeur dès lors que c'est à sa demande que l'assuré n'a pas travaillé.

6. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les prestations en espèces de l'assurance maladie sont calculées sur la base des salaires effectivement versés durant la période précédant l'interruption de travail, d'autre part, qu'une période de mise à pied ne peut être assimilée à « un congé non payé » autorisé par l'employeur au sens de l'article R. 323-8 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Il convient de débouter l'assuré de ses demandes.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. J... de ses demandes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-8 du code de la sécurité sociale, le premier et le troisième dans leur rédaction applicable au litige.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-14.473, (P)

Cassation

Prestations (dispositions générales) – Frais médicaux – Tarification – Frais dentaires – Nomenclature des actes professionnels – Actes de soins conservateurs et de chirurgie dentaire – Cotation – Interprétation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 janvier 2019) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) a notifié, le 6 novembre 2014, à M. D..., chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale (le praticien), un indu, pour la période allant du 1er juin 2012 au 30 mai 2014, portant sur des actes de soins conservateurs et de chirurgie dentaire cotés SC 12 et DC 30, au motif que ces actes seraient incompatibles avec sa spécialité.

2. Le praticien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

3. Le praticien fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article 5 du chapitre VI du titre III de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, relatif aux examens d'orthopédie dento-faciale, dans sa rédaction applicable en la cause, n'exclut pas le remboursement par la caisse des soins de dents et gencives énumérés par le chapitre VII de la même nomenclature, et rendus nécessaires par le traitement d'orthopédie dento-faciale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu « qu'aux termes d'une circulaire en date du 10 avril 1987, la caisse, après avoir relevé que « s'appuyant sur l'engagement pris par les orthodontistes, lors de leur demande d'inscription sur la liste des spécialistes qualifiés, de renoncer librement à l'exercice de toute autre discipline et notamment celle de la chirurgie, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a traduit, dans sa décision du 30 juin 1986, que la chirurgie, comme l'endodontie ou la prothèse, n'étaient plus du domaine du spécialiste qualifié en ODF », et que « le conseil national de l'ordre a précisé récemment la portée de cet engagement, à savoir que les interventions chirurgicales, de la compétence du chirurgien-dentiste et que connaissent un temps orthodontique, appropriées au traitement et au cours de celui-ci, n'entrent pas dans le champ des restrictions », a dit que « les interventions chirurgicales liées à un traitement orthodontique, effectuées dans les conditions ci-dessus rappelées, par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF, seront honorées en sus de la cotation du traitement orthodontique », et que ce n'était que « depuis le 1er juin 2014, (que) les soins dentaires ne figurent plus au sein de la NGAP, mais sont désormais détaillés à la Classification commune des actes médicaux, les actes et traitements d'orthodontie continuant en revanche à être définis par la NGAP » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 décembre 1984. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 162-9 du code de la sécurité sociale et 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux :

5. Selon le premier de ces textes, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Ces conventions déterminent, notamment, les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux.

6. Selon le second, les soins conservateurs ainsi que les actes autres que d'orthopédie dento-faciale, d'obturations dentaires définitives, de traitement des parodontoses et de prothèse dentaire, pratiqués par le chirurgien-dentiste, font l'objet, respectivement, des lettres clés SC et D ou DC.

La lettre clé DC est utilisée par le chirurgien-dentiste pour les actes affectés de la lettre clé KC à la deuxième partie de la nomenclature.

7. Pour l'application de ces dispositions, qui seules régissent la tarification et la prise en charge des soins par l'assurance maladie, le chirurgien-dentiste doit s'entendre, à la fois, du chirurgien-dentiste omnipraticien et du chirurgien-dentiste spécialiste qualifié.

8. Il en découle que sont remboursables par l'assurance maladie les actes cotés SC et DC pratiqués par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale, dès lors que ces actes sont accomplis pour les nécessités du traitement relevant de sa spécialité.

9. Pour confirmer le bien-fondé de l'indu réclamé par la caisse, l'arrêt retient essentiellement qu'il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels que les actes qui relèvent de la spécialité du praticien sont ceux définis à l'article 5 du chapitre VI du titre III, ce texte encadrant le périmètre exclusif de l'activité qu'il peut opposer à l'assurance maladie, et que force est de constater que les actes litigieux facturés n'y figurent pas.

L'arrêt énonce que conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 décembre 1984, l'intéressé, qui est inscrit en qualité de chirurgien-dentiste spécialiste en orthopédie dento-faciale depuis 1985, ne peut facturer à la caisse que les seuls actes relevant de la discipline pour laquelle il est qualifié chirurgien-dentiste spécialiste. Il en déduit que les actes cotés SC12 et DC30 litigieux ne relevant pas de façon exclusive de sa spécialité, s'ils pouvaient être réalisés à son initiative notamment dans un but thérapeutique, ne pouvaient pas cependant faire l'objet d'un remboursement par la caisse.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation à intervenir, qui affecte le chef de dispositif confirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif se rapportant au rejet de la demande en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Articles L. 162-9 du code de la sécurité sociale et 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux.

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