Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 8 octobre 2020, n° 19-17.734, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Invalidité – Pension – Pension de vieillesse substituée – Conditions – Date d'appréciation – Détermination – Portée

Selon l'article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige, la pension d'invalidité prend fin à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite prévu par l'article L. 351-1. Par dérogation à ces dispositions, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande.

Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir la date à laquelle l'assuré atteint effectivement l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la date d'effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la pension d'invalidité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 avril 2019), M. T... (l'assuré), titulaire d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie depuis le 22 juin 1996, a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) le maintien de cette pension au-delà de l'âge légal de départ à la retraite.

La caisse ayant rejeté sa demande, au motif qu'il n'exerçait pas une activité professionnelle rémunérée, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler sa décision du 3 septembre 2015, de renvoyer l'assuré à faire valoir ses droits auprès d'elle et de la condamner à lui verser la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la pension vieillesse se substitue à la pension d'invalidité au premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'assuré a atteint l'âge légal de la retraite, sauf justification par celui-ci de l'exercice d'une activité professionnelle ; que cette exception au principe de substitution implique une poursuite de l'activité professionnelle et ne peut être admise lorsque l'assuré a cessé son activité professionnelle entre la date à laquelle il a atteint l'âge légal de départ à la retraite et le premier jour du mois suivant ; qu'en l'espèce, il a été constaté que M. T... avait atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, que son contrat de travail avait pris fin le 30 mars 2014 et qu'à compter du 1er avril 2014, il avait entamé une période d'essai non rémunérée dans le cadre d'une nouvelle activité ; qu'en considérant qu'il convenait de ne considérer, pour apprécier la condition prise de l'exercice d'une activité professionnelle, que la seule date du 27 mars 2014, peu important que, par la suite, et très rapidement, soit au premier jour du mois suivant, nulle activité professionnelle rémunérée ne puisse être constatée, la cour d'appel a violé les articles L. 341-15 et L. 341-16 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige, la pension d'invalidité prend fin à l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite prévu par l'article L. 351-1.

Par dérogation à ces dispositions, lorsque l'assuré exerce une activité professionnelle, la pension de retraite allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré en fait expressément la demande.

Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de retenir la date à laquelle l'assuré atteint effectivement l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, indépendamment de la date d'effet de la pension de retraite appelée à se substituer à la pension d'invalidité.

4. Pour accueillir la demande de l'assuré, l'arrêt constate, d'une part, que pour être né le [...], l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 27 mars 2014, et, d'autre part, qu'il n'a pas demandé la liquidation de sa pension de vieillesse. Il ajoute que l'assuré justifie qu'il exerçait à cette date une activité professionnelle rémunérée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, qui a pris fin le 31 mars 2014. Il retient qu'il ressort de l'article L. 341-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la date à laquelle doit s'apprécier la condition légale exigée pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité, à savoir l'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, est celle de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale et relève qu'à cette date, l'assuré exerçait une activité professionnelle rémunérée.

5. De ces constatations, dont elle a fait ressortir qu'à la date à laquelle il avait atteint l'âge d'ouverture des droits à pension de retraite, l'assuré était titulaire d'un contrat de travail en cours d'exécution et exerçait ainsi une activité professionnelle, la cour d'appel a exactement déduit qu'il pouvait prétendre au maintien de sa pension d'invalidité.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts alors « que le retard dans le paiement d'une somme d'argent ne peut être réparé que par une condamnation aux intérêts au taux légal ; qu'en condamnant la CPAM à verser à M. T... les sommes de 750 euros de dommages-intérêts pour avoir empêché le paiement en temps et en heure de sa rente invalidité, la cour d'appel a violé l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-6 du code civil :

8. Il résulte de ce texte que les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal.

9. Pour condamner la caisse à payer à l'assuré la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts l'arrêt retient si la caisse a ajouté à la loi en appréciant le maintien du bénéfice de la pension d'invalidité à une autre date que celle à laquelle l'assuré a atteint l'âge légal de départ à la retraite, il ne résulte pas des éléments de la cause qu'elle a fait preuve d'une résistance abusive. Il ajoute qu'en revanche il est certain que cette décision, qui a conduit également la caisse PRO BTP à suspendre le bénéfice de la rente invalidité que cet organisme versait à l'assuré, a engendré des troubles dans sa vie, lesquels seront justement indemnisés par l'octroi de la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il convient de débouter l'assuré de sa demande de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Gard à payer à M. T... la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. T... de sa demande de dommages-intérêts.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vieillard - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; Me Ridoux -

Textes visés :

Article L. 341-15, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-14.473, (P)

Cassation

Prestations (dispositions générales) – Frais médicaux – Remboursement – Nomenclature des actes professionnels – Portée

Selon l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Ces conventions déterminent notamment les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux.

Selon l'article 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, les soins conservateurs ainsi que les actes autres que d'orthopédie dento-faciale, d'obturations dentaires définitives, de traitement des parodontoses et de prothèse dentaire, pratiqués par le chirurgien-dentiste, font l'objet, respectivement, des lettres clés SC et D ou DC. La lettre clé DC est utilisée par le chirurgien-dentiste pour les actes affectés de la lettre clé KC à la deuxième partie de la nomenclature.

Pour l'application de ces dispositions, qui seules régissent la tarification et la prise en charge des soins par l'assurance maladie, le chirurgien-dentiste doit s'entendre, à la fois, du chirurgien-dentiste omnipraticien et du chirurgien-dentiste spécialiste qualifié.

Il en découle que sont remboursables par l'assurance maladie les actes cotés SC et DC pratiqués par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale, dès lors que ces actes sont accomplis pour les nécessités du traitement relevant de sa spécialité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 janvier 2019) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) a notifié, le 6 novembre 2014, à M. D..., chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale (le praticien), un indu, pour la période allant du 1er juin 2012 au 30 mai 2014, portant sur des actes de soins conservateurs et de chirurgie dentaire cotés SC 12 et DC 30, au motif que ces actes seraient incompatibles avec sa spécialité.

2. Le praticien a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen

Enoncé du moyen

3. Le praticien fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article 5 du chapitre VI du titre III de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, relatif aux examens d'orthopédie dento-faciale, dans sa rédaction applicable en la cause, n'exclut pas le remboursement par la caisse des soins de dents et gencives énumérés par le chapitre VII de la même nomenclature, et rendus nécessaires par le traitement d'orthopédie dento-faciale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu « qu'aux termes d'une circulaire en date du 10 avril 1987, la caisse, après avoir relevé que « s'appuyant sur l'engagement pris par les orthodontistes, lors de leur demande d'inscription sur la liste des spécialistes qualifiés, de renoncer librement à l'exercice de toute autre discipline et notamment celle de la chirurgie, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes a traduit, dans sa décision du 30 juin 1986, que la chirurgie, comme l'endodontie ou la prothèse, n'étaient plus du domaine du spécialiste qualifié en ODF », et que « le conseil national de l'ordre a précisé récemment la portée de cet engagement, à savoir que les interventions chirurgicales, de la compétence du chirurgien-dentiste et que connaissent un temps orthodontique, appropriées au traitement et au cours de celui-ci, n'entrent pas dans le champ des restrictions », a dit que « les interventions chirurgicales liées à un traitement orthodontique, effectuées dans les conditions ci-dessus rappelées, par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en ODF, seront honorées en sus de la cotation du traitement orthodontique », et que ce n'était que « depuis le 1er juin 2014, (que) les soins dentaires ne figurent plus au sein de la NGAP, mais sont désormais détaillés à la Classification commune des actes médicaux, les actes et traitements d'orthodontie continuant en revanche à être définis par la NGAP » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 décembre 1984. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 162-9 du code de la sécurité sociale et 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux :

5. Selon le premier de ces textes, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions. Ces conventions déterminent, notamment, les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux.

6. Selon le second, les soins conservateurs ainsi que les actes autres que d'orthopédie dento-faciale, d'obturations dentaires définitives, de traitement des parodontoses et de prothèse dentaire, pratiqués par le chirurgien-dentiste, font l'objet, respectivement, des lettres clés SC et D ou DC.

La lettre clé DC est utilisée par le chirurgien-dentiste pour les actes affectés de la lettre clé KC à la deuxième partie de la nomenclature.

7. Pour l'application de ces dispositions, qui seules régissent la tarification et la prise en charge des soins par l'assurance maladie, le chirurgien-dentiste doit s'entendre, à la fois, du chirurgien-dentiste omnipraticien et du chirurgien-dentiste spécialiste qualifié.

8. Il en découle que sont remboursables par l'assurance maladie les actes cotés SC et DC pratiqués par un chirurgien-dentiste spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale, dès lors que ces actes sont accomplis pour les nécessités du traitement relevant de sa spécialité.

9. Pour confirmer le bien-fondé de l'indu réclamé par la caisse, l'arrêt retient essentiellement qu'il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels que les actes qui relèvent de la spécialité du praticien sont ceux définis à l'article 5 du chapitre VI du titre III, ce texte encadrant le périmètre exclusif de l'activité qu'il peut opposer à l'assurance maladie, et que force est de constater que les actes litigieux facturés n'y figurent pas.

L'arrêt énonce que conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 décembre 1984, l'intéressé, qui est inscrit en qualité de chirurgien-dentiste spécialiste en orthopédie dento-faciale depuis 1985, ne peut facturer à la caisse que les seuls actes relevant de la discipline pour laquelle il est qualifié chirurgien-dentiste spécialiste. Il en déduit que les actes cotés SC12 et DC30 litigieux ne relevant pas de façon exclusive de sa spécialité, s'ils pouvaient être réalisés à son initiative notamment dans un but thérapeutique, ne pouvaient pas cependant faire l'objet d'un remboursement par la caisse.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation à intervenir, qui affecte le chef de dispositif confirmant la décision de la commission de recours amiable de la caisse, entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif se rapportant au rejet de la demande en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent -

Textes visés :

Articles L. 162-9 du code de la sécurité sociale et 2.1 de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-16.521, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Prestations (dispositions générales) – Frais pharmaceutiques – Remboursement – Remboursement direct au pharmacien – Conditions – Production de documents – Médicament dit d'exception – Ordonnance conforme à un modèle fixé par arrêté ministériel

Il résulte de la combinaison des articles L. 162-17, R. 161-40, R. 163-2 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 juin 2006 pris pour l'application des articles R. 163-2 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et relatif aux spécialités remboursables et aux produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 dudit code, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016, que les médicaments particulièrement coûteux et d'indications précises ne peuvent être pris en charge que si leur prescription est rédigée sur une ordonnance spécifique, conforme à un modèle fixé par arrêté ministériel et remplie par le prescripteur. Cette exigence s'impose au pharmacien en cas d'application du tiers payant.

Viole ces textes le tribunal qui, ayant constaté qu'un médicament dit d'exception avait été délivré par une pharmacie sur présentation d'une ordonnance falsifiée, de sorte que les règles de prescription n'avaient pas été respectées, condamne un organisme social à le prendre en charge.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 17 décembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a refusé de prendre en charge, au titre de l'assurance maladie, le coût d'un médicament dit d'exception, délivré le 19 janvier 2018 par la société Pharmacie X...-santé bien être (la pharmacie).

2. La pharmacie a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 162-17, R. 161-40, R. 163-2 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 juin 2006 pris pour l'application des articles R. 163-2 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale et relatif aux spécialités remboursables et aux produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 dudit code, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016, applicable au litige :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que les médicaments particulièrement coûteux et d'indications précises ne peuvent être pris en charge que si leur prescription est rédigée sur une ordonnance spécifique, conforme à un modèle fixé par arrêté ministériel et remplie par le prescripteur. Cette exigence s'impose au pharmacien en cas d'application du tiers payant.

5. Pour condamner la caisse à prendre en charge les frais pharmaceutiques litigieux, le jugement retient qu'il résulte des dispositions de l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale que la caisse n'est tenue par une obligation de remboursement au titre de l'assurance maladie qu'à la condition que les pièces justifiant du paiement soient communiquées et qu'elles soient authentiques, de sorte qu'il ne saurait y avoir une obligation de prise en charge du coût de médicaments prescrits au moyen de faux documents, mais que, pour autant, il appartient à la caisse, au titre de son obligation générale d'information, de mettre à la disposition des professionnels de santé les données utiles afin de prévenir la délivrance de produits pharmaceutiques au moyen de faux documents. Il ajoute qu'en l'espèce, il est constant que, le 19 janvier 2018, la pharmacie a délivré les produits pharmaceutiques à la suite de la présentation d'une ordonnance falsifiée, établie à partir d'un ordonnancier préalablement volé, que toutefois, la pharmacie n'a pas été informée de ces circonstances puisqu'il est établi que celles-ci ont été intégrées, le 25 janvier 2018, dans le système « alerte sécurisée aux fausses ordonnances » de la caisse, que ce retard dans l'information de la pharmacie, imputable à la caisse, qui n'allègue pas ne pas avoir été informée du vol de l'ordonnancier postérieurement au 19 janvier 2018, justifie que celle-ci soit condamnée au coût du remboursement des produits pharmaceutiques délivrés, étant rappelé qu'il est loisible à la caisse de solliciter l'indemnisation du préjudice financier subi par elle devant les juridictions de droit commun, en particulier le juge répressif.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le médicament litigieux avait été délivré sur présentation d'une ordonnance falsifiée, de sorte que les règles de prescription n'ayant pas été respectées, sa prise en charge ne pouvait être imposée à la caisse, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. Le médicament litigieux ayant été délivré sur présentation d'une prescription médicale falsifiée, la pharmacie n'est pas fondée, dans le cadre d'une dispense d'avance de frais, à en obtenir le remboursement par la caisse.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours recevable, le jugement rendu le 17 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Pharmacie X...-santé bien être de son recours.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 162-17, R. 161-40, R. 163-2 du code de la sécurité sociale ; article 1er de l'arrêté du 26 juin 2006 pris pour l'application des articles R. 163-2 et R. 165-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016.

2e Civ., 8 octobre 2020, n° 19-20.000, (P)

Rejet

Prestations (dispositions générales) – Prestations indues – Prestations indues résultant d'anomalies dans la facturation et la tarification d'actes de soins – Restitution – Nature juridique – Sanction (non)

N'ayant d'autre objet que la restitution des sommes afférentes au non-respect des règles de tarification, de facturation ou de distribution des actes, soins et prestations pris en charge par l'assurance maladie et maternité, l'action en recouvrement de l'indu engagée par l'organisme social en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne revêt pas la nature d'une sanction à caractère de punition au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Elle est, dès lors, exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la nature et à la gravité des manquements commis par le professionnel ou l'établissement de santé.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 mai 2019), la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse (la caisse) a demandé, par courrier du 21 mai 2015, à M. C..., infirmier libéral qui avait fait appel à une infirmière remplaçante, pour la période du 10 mai 2013 au 20 août 2014, le remboursement d'une certaine somme en répétition d'indu pour non-respect des règles de la convention nationale des infirmières et des infirmiers libéraux.

2. Après rejet de son recours amiable, M. C... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen pris en sa troisième branche

4. M. C... fait le même grief à l'arrêt, alors « que toute sanction ayant le caractère d'une punition doit être proportionnée ; qu'en le condamnant à restituer l'intégralité des sommes versées par la caisse en remboursement de soins réalisés par sa remplaçante, Mme X..., sans rechercher si au regard des circonstances de l'espèce cette sanction n'était pas disproportionnée par rapport à la gravité des manquements qui lui étaient imputés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 5.2.3 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie. »

Réponse de la Cour

5. N'ayant d'autre objet que la restitution des sommes afférentes au non-respect des règles de tarification, de facturation ou de distribution des actes, soins et prestations pris en charge par l'assurance maladie et maternité, l'action en recouvrement de l'indu engagée par l'organisme social en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne revêt pas la nature d'une sanction à caractère de punition au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Elle est, dès lors, exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la nature et à la gravité des manquements commis par le professionnel ou l'établissement de santé.

6. Le litige dont la cour d'appel était saisie, se rapportait au remboursement d'un indu afférent au non-respect des clauses de la convention nationale des infirmiers, lesquelles sont au nombre des règles de tarification, de facturation ou de distribution mentionnées à l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

7. Il en résulte que la cour d'appel n'avait pas à procéder au contrôle prétendument omis.

8. Le moyen est, dès lors, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme.

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