Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

SAISIE IMMOBILIERE

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-12.830, (P)

Rejet

Adjudicataire – Obligations – Paiement ou consignation du prix de vente – Défaut – Effets – Résolution de la vente – Conditions – Détermination

En application de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, ce n'est qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l'occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 20 décembre 2018), sur des poursuites de saisie immobilière engagées le 22 août 2013 par la Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient le Crédit immobilier de France développement (la banque), contre M. et Mme E..., par deux décisions du 20 juin 2014, un juge de l'exécution a, d'une part, débouté M. et Mme E... de leur demande de report de la vente forcée, et d'autre part, adjugé le bien saisi à la société STC (l'adjudicataire) pour la somme de 95 000 euros.

2. Par arrêt du 20 juin 2014, une cour d'appel a confirmé la décision ayant rejeté la demande de report et déclaré irrecevable l'appel contre le jugement d'adjudication.

3. Mme E... a été placée en redressement judiciaire le 12 décembre 2014 et la Selarl N... X... a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. M. E... a été placé en redressement judiciaire le 29 janvier 2015, M. N..., membre de la Selarl N... X..., ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

4. Le 19 mai 2015, M. N..., la Selarl N... X..., ès qualités, et M. et Mme E..., ont assigné la banque et l'adjudicataire devant un juge de l'exécution afin qu'il prononce la résolution de la vente par adjudication pour défaut de paiement du prix de vente dans les deux mois de l'adjudication.

5. Le prix de vente a été consigné, avec les intérêts de retard, les 2 et 28 juin 2015 par l'adjudicataire.

6. Par jugement du 16 décembre 2015, le juge de l'exécution a débouté les demandeurs de leurs prétentions.

7. Le bien a été revendu à M. R... le 29 décembre 2016.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La Selarl N... X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de Mme E..., et de celui de M. E..., fait grief à l'arrêt, confirmant le jugement entrepris, de les débouter de l'ensemble de leurs prétentions et de leur demande tendant au prononcé de la résolution de la vente par adjudication du 20 juin 2014 sur le bien sis à Ligny-en-Cambrésis, et, ajoutant au jugement, de rejeter leur demande visant à voir ordonner la nullité de la cession intervenue le 29 décembre 2016 entre la société STC et M. R... et de rejeter la demande de restitution du bien immobilier en faveur de M. et Mme E... alors :

« 1°/ qu'à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; que malgré la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de réitération des enchères, une demande principale en résolution de la vente par adjudication, peu important que le cahier des conditions de vente rappelle que l'absence de paiement du prix dans les délais prescrits est susceptible d'entraîner la réitération des enchères, peut être formée contre l'adjudicataire qui ne justifie pas du paiement du prix dans les légaux ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de M. N... et de la Selarl N... X..., que la demande de résolution de la vente par adjudication ne pouvait s'entendre que dans le contexte d'une procédure de réitération d'enchères, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ qu'à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais dans les délais légaux, la vente par adjudication judiciaire est résolue de plein droit ; qu'en retenant que la résolution de plein droit de la vente par adjudication du 20 juin 2014 n'était pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive et ne pouvait être prononcée, l'adjudicataire ayant consigné le prix et les intérêts de retard les 2 et 18 juin 2015, après avoir été assigné en constatation de la résolution de la vente, au motif inopérant que la possibilité d'un paiement au-delà du délai de deux mois était prévue par l'article R. 322-56 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à défaut de versement du prix ou de sa consignation et de paiement des frais, la vente est résolue de plein droit.

10. L'article R. 322-66 du code des procédures civiles d'exécution prévoit ensuite, que le versement au séquestre ou la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix, auquel est tenu l'adjudicataire en application de l'article L. 322-12, est opéré dans un délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive, à peine de réitération des enchères. Passé ce délai, le prix de vente est augmenté de plein droit des intérêts au taux légal jusqu'au versement complet du prix ou sa consignation.

11. Ce n'est, enfin, qu'après une mise en demeure de payer sous huit jours, selon l'article R. 322-67 du même code, que la procédure de réitération des enchères peut être poursuivie.

12. Il en résulte que l'adjudicataire peut consigner le prix de vente et payer les frais au-delà du délai de deux mois suivant l'adjudication, la seule sanction du défaut de paiement dans ce délai étant la possibilité pour les créanciers et le débiteur de poursuivre la réitération des enchères.

13. Ce n'est, dès lors, qu'en l'absence de consignation ou de versement du prix et de paiement des frais à la date où le juge statue que la résolution de la vente peut être constatée, à l'occasion de la procédure de réitération des enchères ou par une action tendant à cette seule résolution.

14. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la résolution de la vente de plein droit n'est pas encourue dès l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive et, après avoir constaté la consignation du prix et des intérêts de retard par l'adjudicataire les 2 et 18 juin 2015, en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de constater la résolution de la vente.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 23 février 2017, pourvoi n° 16-13.178, Bull. 2017, II, n° 37 (cassation).

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-15.612, (P)

Cassation

Procédure – Actes préparatoires à la vente – Déclarations de créance – Contestations relatives à leur validité – Contestation présentée postérieurement à l'audience d'orientation – Créancier inscrit – Recevabilité – Condition

Il résulte des articles R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution que le créancier inscrit est recevable à contester la régularité d'une déclaration de créance antérieure à l'audience d'orientation après cette audience, dès lors qu'elle ne lui a pas été dénoncée.

Procédure – Audience d'orientation – Contestations et demandes incidentes – Contestations et demandes incidentes présentées postérieurement à l'audience d'orientation – Recevabilité – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par le responsable du service des impôts des particuliers de Voiron contre M. O..., un juge de l'exécution a, le 1er juillet 2014, ordonné la vente forcée du bien, qui a eu lieu le 10 mai 2016.

2. Les créanciers inscrits, la Société générale et la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhônes-Alpes (la CRCAM), ont déclaré leurs créances respectivement le 2 et le 17 juin 2014, soit avant et le jour même de l'audience d'orientation.

3. Le 11 janvier 2018, le créancier poursuivant a signifié au débiteur et aux créanciers inscrits un projet de distribution amiable, contesté le 25 janvier 2018 par la Société générale, et un procès-verbal de difficultés a été dressé le 14 février suivant, un juge de l'exécution ayant été ensuite saisi d'une demande de distribution judiciaire.

4. Par jugement du 26 juin 2018, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au créancier poursuivant et au débiteur, comme cela était demandé par la Société générale, et dit que la CRCAM est déchue du bénéfice de son rang dans la répartition du prix de vente puis a réparti le prix de vente en conséquence.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La Société générale fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à contester la déclaration de créance de la CRCAM et de dire qu'au titre de la distribution du prix du bien saisi de M. O..., la CRCAM se verrait attribuer la somme de 44 189,03 euros au titre de son hypothèque judiciaire alors « que l'irrecevabilité des contestations formées après l'audience d'orientation ne concerne pas celles fondées sur un fait dont la partie concernée n'a eu connaissance qu'après celle-ci ; qu'en l'espèce, la Société générale faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 3) qu'elle n'avait eu connaissance de la tardiveté de la dénonciation par la CRCAM Sud Rhônes-Alpes de sa déclaration de créance au débiteur saisi qu'à la date de notification le 11 janvier 2018, par le créancier poursuivant, du projet de distribution du prix de vente, lequel faisait état (p. 4) de la « dénonciation de la déclaration de créance au débiteur hors délai » ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la « procédure d'orientation », la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance du Crédit Agricole aux dispositions de l'article R. 322-7- 4° du code des procédures civiles d'exécution, et le cas échéant de soulever une contestation lors de l'audience d'orientation, la cour d'appel, qui a par-là mis à sa charge une obligation de vérification qui ne s'imposait pas à elle, a violé l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles R. 322-7 et R. 322-15 du même code, et l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ».

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Il résulte de ces textes que le créancier inscrit est recevable à contester la régularité d'une déclaration de créance antérieure à l'audience d'orientation après cette audience, dès lors qu'elle ne lui a pas été dénoncée.

7. Pour infirmer le jugement entrepris et déclarer irrecevable la contestation de la Société Générale, l'arrêt retient que la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM au débiteur, objet de la contestation, était en date du 4 juin 2014, soit antérieure à l'audience d'orientation qui s'est tenue le 17 juin 2014, et que, dans ces conditions, il appartenait à la Société Générale de vérifier, avant la procédure d'orientation, la conformité de la dénonciation de la déclaration de créance de la CRCAM aux dispositions de l'article R. 322-7-4° du code des procédures civiles d'exécution et de soulever devant le juge de l'exécution, à ce stade de la procédure, une contestation.

8. En statuant ainsi, alors que la Société générale, créancier inscrit, auquel la déclaration de créance n'avait pas été dénoncée, était recevable en sa contestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Articles R. 311-5 et R. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.917, Bull. 2019, (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.930, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité.

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