Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

PUBLICITE FONCIERE

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-17.549, (P)

Rejet

Domaine d'application – Demande en justice – Publication facultative – Assignation tendant à la réitération ou à la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privée – Assimilation à la publication d'un acte authentique de vente (non) – Portée

Si un acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l'acte authentique de cession au bureau des hypothèques. La publication facultative de la demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privé, prévue par l'article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'entraîne pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret. Les exigences de publicité préalable prévues à l'article 30.1, alinéa 4, du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 2379, alinéa 2, du code civil pour l'action en résolution d'une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu'à l'égard des tiers ayant publié des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti.

Dès lors, ayant relevé l'absence de publication d'une décision de justice ou d'un acte authentique de vente relatif à la promesse de vente portant sur un immeuble et retenu à bon droit que la publication de l'assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé n'avait pas eu pour effet de conférer au bénéficiaire des droits sur l'immeuble, une cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci n'avait pas la qualité d'ayant droit du promettant et qu'il ne pouvait faire obstacle à l'action en résolution de la vente engagée par le vendeur de l'immeuble contre ce dernier.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2019), par acte authentique du 25 juillet 2013, la société Dauphine 37 a vendu un immeuble à Mme I....

2. Le 23 juillet 2014, celle-ci a conclu avec M. S... une promesse de vente sous seing privé portant sur ce bien.

3. M. S... a assigné Mme I... en réitération de la vente et a publié son assignation le 26 mars 2015.

4. Le 12 octobre 2015, la société Dauphine 37 a engagé à l'encontre de Mme I..., M. S... et M. X..., notaire, une action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 pour défaut de paiement du prix.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. S... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Dauphine 37 en résolution de la vente conclue avec Mme I..., alors :

« 1°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente aux motifs que l'inscription de l'assignation par M. P... S... est caduque à défaut de prorogation de délai tout en exposant que l'inscription de l'assignation ne confère pas à M. P... S... de droits sur l« immeuble, de sorte que sa publication ne peut être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée quand il lui appartenait de rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si la publication de l'assignation n'avait pas été prorogée de trois ans par une ordonnance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

3°/ qu'en n'exposant pas en quoi l'ordonnance du 9 mars 2018 de prorogation de la publication de l'assignation du 25 mars 2015 n'empêchait pas que celle-ci soit frappée de caducité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en jugeant recevable l'action en résolution de la société Dauphine 37 quand il résultait expressément de l'acte de vente du 25 juillet 2013 que cette société avait renoncé à l'action résolutoire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1654 et 2379 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

5°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, quand il appartient au demandeur de faire publier son action résolutoire et la clause sur laquelle il se fonde pour qu'elle soit opposable, la cour d'appel a violé les articles 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ;

6°/ qu'en jugeant opposable à M. P... S... l'action résolutoire de la société Dauphine 37, ayant droit à titre particulier de Mme I... titulaire du droit anéanti, lequel a antérieurement publié le 26 mars 2015 une assignation en réitération de la vente de droits réels du 23 juillet 2014, régulièrement prorogée jusqu'au 26 mars 2021 par la publication le 9 mars 2018 d'une ordonnance de la cour d'appel, sans trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, ni respecté le principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 5, 12 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ainsi que l'article 2379 du code civil ;

7°/ en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013, au motif que la publication de l'assignation en réitération de la vente sous seing privé du 24 juillet 2014 entre Mme I... et M. P... S... n'avait pas eu pour effet de conférer à M. P... S... des droits sur l'immeuble quand la vente sous seing privé a pour effet immédiat le transfert de propriété entre les parties et que la publication de l'assignation en réitération de la vente oblige le vendeur qui envisage de demander la résolution de la vente de faire inscrire son privilège dans un délai de deux mois à compter de la publication de sa vente du 25 juillet 2013, la cour d'appel a violé les articles 1654, 2379 et 2427 du code civil ensemble les articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

8°/ que sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les demandes en justice tendant à obtenir la résolution d'une convention ; qu'en jugeant recevable l'action de la société Dauphine 37 en résolution de la vente intervenue le 10 novembre 2009 avec Mme I... et réitérée, après un jugement du 3 novembre 2011, par un acte authentique du 25 juillet 2013 sans rechercher si la demande en résolution de la société Dauphine 37 avait été publiée, comme cela lui était pourtant expressément demandé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. »

Réponse de la Cour

7. Si l'acte de vente sous seing privé produit tous ses effets entre les cocontractants, il résulte des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, fixant les règles de la publicité foncière, que le transfert de propriété ne devient opposable aux tiers que par la publication de l'acte authentique de cession au bureau des hypothèques (3e Civ., 22 octobre 1974, pourvoi n° 73-12.127, Bull. 1974, III, n° 372).

8. La publication facultative de la demande en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'une vente sous seing privé, prévue par l'article 37.2 du décret du 4 janvier 1955, n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'entraîne pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévus par l'article 30 du même décret.

9. Les exigences de publicité préalable prévues à l'article 30.1, alinéa 4, du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 2379, alinéa 2, du code civil pour l'action en résolution d'une vente immobilière ne conditionnent son opposabilité qu'à l'égard des tiers ayant publié des droits immobiliers acquis du titulaire du droit anéanti.

10. D'une part, ayant relevé l'absence de publication d'une décision de justice ou d'un acte authentique de vente relatif à la cession entre Mme I... et M. S... et retenu à bon droit que la publication de l'assignation en réitération de la vente conclue par acte sous seing privé du 23 juillet 2014 n'avait pas eu pour effet de conférer à M. S... des droits sur l'immeuble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche non demandée sur la publication de la demande en résolution de la vente et qui ne s'est pas prononcée par des motifs contradictoires, a exactement déduit, de ces seuls motifs, dont il résultait que M. S... n'avait pas la qualité d'ayant droit de Mme I..., que M. S... ne pouvait faire obstacle à l'action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 engagée par la société Dauphine 37.

11. D'autre part, M. S... ne s'étant pas prévalu, dans ses conclusions d'appel, d'une irrecevabilité résultant de la renonciation de la société Dauphine 37 à l'action résolutoire, le moyen est de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit.

12. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 2379, alinéa 2, du code civil ; articles 28, 30 et 37 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 28 mai 1979, pourvoi n° 77-15.857, Bull. 1979, III, n°115 (rejet), et les arrêts cités.

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