Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 21 octobre 2020, n° 19-10.536, (P)

Rejet

Commissaire-priseur – Responsabilité délictuelle – Mise en vente d'une oeuvre d'art faussement qualifiées d'authentique

Il résulte des articles L. 321-17, alinéa 1, du code de commerce et 1382, devenu 1240 du code civil, qu'à l'égard de l'acquéreur, le commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l'authenticité de l'oeuvre d'art qu'il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeures qu'elle a subies, engage sa responsabilité, sans préjudice d'un recours contre l'expert dont il s'est fait assister.

Commissaire-priseur – Vente aux enchères publiques d'objets mobiliers – Oeuvre d'art – inauthenticité – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Etude de Provence du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. G....

Déchéance partielle du pourvoi

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. La société Etude de Provence s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 30 janvier 2018 (n° RG 17/15.782).

3. Toutefois, le mémoire remis au greffe de la Cour de cassation ne contient aucun moyen à l'encontre de cette dernière décision.

4. Il y a donc lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi.

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 octobre 2018), lors de ventes aux enchères publiques organisées les 5 mars 2005 et 24 juin 2006 par la société de ventes volontaires Etude de Provence (le commissaire-priseur), M. Q... (l'acquéreur) a acquis une bibliothèque attribuée à J... L... pour le prix de 35 000 euros puis une paire de fauteuils attribués à B... V... pour le prix de 50 000 euros.

6. La société Sotheby's ayant, lors de leur remise en vente, opposé un doute sérieux sur l'authenticité des deux fauteuils et émis l'hypothèse que la bibliothèque pouvait être considérée comme une copie en raison de son importante restauration, l'acquéreur a, par acte du 7 juin 2011, assigné en responsabilité le commissaire-priseur et demandé sa condamnation au paiement du prix d'acquisition des meubles, des frais des ventes et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Le commissaire-priseur a appelé en garantie les vendeurs de la bibliothèque et des fauteuils, MM. N... et G..., et les experts lors de leur vente, MM. D... et I....

7. La responsabilité du commissaire-priseur à l'égard de l'acquéreur a été retenue et les experts ont été condamnés à le garantir des condamnations prononcées contre lui.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Le commissaire-priseur fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable des préjudices subis par l'acquéreur, alors :

« 1°/ que le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister ; que, pour retenir la responsabilité du commissaire-priseur, la cour d'appel a énoncé qu'il avait porté dans son catalogue l'information erronée du caractère authentique des fauteuils ; qu'en ne recherchant pas si, en l'état de l'affirmation sans réserve par l'expert qu'il avait consulté et dont il a exactement reproduit la description dans le catalogue de la vente, du caractère authentique des fauteuils, le commissaire-priseur n'avait pas procédé à toutes les vérifications qu'il était tenu de faire en l'état des données qui étaient connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

2°/ que le commissaire-priseur est tenu d'examiner l'oeuvre qu'il propose à la vente et de procéder aux vérifications nécessaires eu égard aux données connues au moment de la vente et des doutes qui peuvent exister sur son authenticité ; qu'en reprochant au commissaire-priseur de ne pas avoir mentionné les réparations qui avaient été effectuées sur la bibliothèque, sans constater qu'il avait connaissance de cette circonstance ou n'avait pas procédé à des contrôles suffisants au regard de l'état de données connues au moment de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 321-17, alinéa 1er, du code de commerce et 1382, devenu 1240 du code civil, qu'à l'égard de l'acquéreur, le commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l'authenticité de l'oeuvre d'art qu'il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeures qu'elle a subies, engage sa responsabilité, sans préjudice d'un recours contre l'expert dont il s'est fait assister.

10. L'arrêt constate que les deux fauteuils et la bibliothèque ont été présentés dans les catalogues des ventes comme étant respectivement de B... V... et de J... L... et que les conclusions, non contestées, de l'expert judiciaire, ont établi que les fauteuils étaient des copies et que, bien qu'authentique, la bibliothèque avait été restaurée à plus de 80 %.

11. En déduisant de ces constatations que le commissaire-priseur avait porté sur ces catalogues des mentions manifestement erronées garantissant l'authenticité des fauteuils et fait une présentation incomplète de la bibliothèque et qu'il avait ainsi engagé sa responsabilité à l'égard de l'acquéreur, sans pouvoir s'en exonérer en arguant du fait qu'il a eu recours à un expert indépendant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. Le commissaire-priseur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'acquéreur les sommes de 55 000 et 33 525 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni gain pour la victime ; que le préjudice résultant du défaut d'authenticité des fauteuils et des réparations effectuées sur la bibliothèque tenait en la perte de valeur de ces biens ; qu'en fixant le préjudice de l'acquéreur au montant du prix de vente augmenté des frais, sans tenir compte de la valeur actuelle des biens, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel le préjudice est réparé intégralement. »

Réponse de la Cour

13. La cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans méconnaître le principe d'une réparation intégrale, apprécié l'étendue du préjudice subi par l'acquéreur qu'elle a fixé à un montant inférieur à celui du prix de vente augmenté des frais.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 janvier 2018 ;

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la même cour d'appel du 23 octobre 2018.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kerner-Menay - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 321-17, alinéa 1, du code de commerce ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 juillet 2013, pourvoi n° 12-23.773, Bull. 2013, I, n° 156 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.