Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

OFFICIERS PUBLICS ET MINISTERIELS

Com., 21 octobre 2020, n° 19-17.434, (P)

Cassation

Commissaire-priseur – Honoraires – Fixation – Etendue – Frais assumés pour le compte du débiteur en liquidation judiciaire – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 26 février 2019), la société [...] a été mise en liquidation judiciaire le 20 janvier 2017, la société I... et associés étant désignée liquidateur et Mme M..., commissaire-priseur, étant chargée d'effectuer immédiatement l'inventaire et la prisée de l'actif de la société débitrice.

2. Mme M..., ayant constaté que quatre véhicules stationnaient à l'extérieur des locaux de la société débitrice, les a fait déplacer chez un commissaire-priseur partenaire, plus proche du lieu de leur stationnement, auquel elle a indiqué avoir délégué le soin du transport et du gardiennage. Mme M... a ensuite demandé au président du tribunal d'arrêter le montant de ses émoluments au montant de la facture établie le 22 mars 2018 par la société Espace enchère Sud Aquitaine - M. X... commissaire-priseur - pour les frais de gardiennage et de transport des véhicules.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur fait grief à l'ordonnance de fixer à 11 000 euros les honoraires de Mme M... à la charge de la liquidation judiciaire, alors :

« 1°/ que le commissaire-priseur ne peut obtenir la taxation que des seuls honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée par la juridiction qui l'a désigné ; que ne participent pas de l'inventaire et de la prisée des biens du débiteur, le déplacement et le stockage » entre les mains d'un tiers de véhicules appartenant au débiteur, sans l'accord de celui-ci ou celui des organes de la procédure, aux fins d'en éviter la dégradation et d'en préserver la valeur » ; qu'en l'espèce, Mme M... a reconnu dans ses conclusions avoir sollicité le remboursement de ses frais uniquement pour couvrir une prestation de cette nature, en joignant la facture émise par la Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine indiquant que la somme de 16 608 euros correspondait au convoyage et gardiennage des véhicules » pour le compte de la société [...], afin d'en préserver la valeur et éviter des dégradations ; qu'en estimant que la demande de remboursement de tels frais par Mme M... était justifiée au regard des dispositions du jugement d'ouverture qui avait chargé cette dernière d'effectuer l'inventaire et la prisée des biens du débiteur, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 621-9, L. 641-III, R. 622-4, R. 621-23 du code de commerce et l'article 1 de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires ;

2°/ que le remboursement des sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux auxquels ont droit les professionnels visés à l'article L. 444-1 du code de commerce est subordonné à la condition que ces frais aient été engagés à l'occasion d'une mission que la loi ou le juge leur confient ; qu'en estimant que Mme M... pouvait, en application de l'article R. 444-13 III du code de commerce, obtenir le remboursement des frais qu'elle disait avoir exposés au titre de prestations de convoyage et de mise à l'abri de véhicules appartenant au débiteur qu'elle avait effectuées, tout en relevant que seule une mission d'inventaire et de prisée des biens de celui-ci lui avait été confiée par le tribunal, le premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 641-1, II, alinéa 7, celui-ci dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-14, et R. 444-13 III, du code de commerce et les articles 714 et 715 du code de procédure civile :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que le commissaire-priseur judiciaire ne peut obtenir du président du tribunal la taxation que des seuls émoluments, honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire qui l'a désigné.

5. Pour fixer les honoraires de Mme M... à la somme de 11 000 euros, l'ordonnance constate que la demande de taxation du commissaire-priseur repose exclusivement sur la facture émanant de la société « Espace enchère Sud Aquitaine, W... X... commissaire priseur habilité » puis relève que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a désigné Mme M... afin d'effectuer l'inventaire et la prisée des actifs de la société débitrice et a dit que les frais du commissaire-priseur seraient à la charge de la procédure.

L'ordonnance retient ensuite que la demande de taxation est relative à des honoraires et remboursements de débours consécutifs à l'inventaire et à la prisée du patrimoine de la société débitrice par le commissaire-priseur qui a délégué sa mission de transport et de gardiennage des véhicules à un confrère, ce dont a été informé le liquidateur par un courrier électronique du 4 mai 2017 qui n'a pas suscité de réaction de sa part jusqu'au 31 mars 2018, ce dont l'ordonnance déduit l'accord tacite du liquidateur sur le transport et la mise à l'abri des véhicules.

6. En statuant ainsi, alors que la seule mission donnée par le tribunal à Mme M... consistait en l'inventaire et la prisée des actifs de la société [...], de sorte qu'elle n'incluait pas l'accomplissement des diligences relatives au convoyage et au gardiennage des véhicules inventoriés et évalués, qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation du juge-commissaire, ni d'un accord formel du liquidateur, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 février 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 641-1, II, alinéa 7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, R. 641-14 et R. 444-13, III, du code de commerce ; articles 714 et 715 du code de procédure civile.

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