Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 21 octobre 2020, n° 19-14.894, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Reprise de la procédure – Conditions – Applications diverses – Poursuite de l'exécution forcée d'une décision obtenue pendant la liquidation

Aux termes de l'article L. 643-13, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise. Il en résulte que le droit d'agir ainsi reconnu au liquidateur emporte, pour celui-ci, la faculté de poursuivre l'exécution forcée d'une décision obtenue pendant la liquidation judiciaire au bénéfice des créanciers et qu'il n'avait pu ramener à exécution.

Ayant constaté qu'étaient intervenus, postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société débitrice, la vente de l'immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le dirigeant possédait des parts et le placement sous séquestre d'une somme lui revenant, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était possible de poursuivre, au bénéfice des créanciers, l'exécution de la condamnation de ce dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et que la procédure de liquidation judiciaire pouvait être reprise à cette fin.

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Clôture pour insuffisance d'actif – Reprise de la procédure – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 février 2019) et les productions, la société Yelloz vision a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 12 juillet et 20 juillet 2010, M. A... étant désigné liquidateur.

2. Le 17 septembre 2012, M. R..., dirigeant de la société Yelloz vision, a été condamné à payer au liquidateur la somme de 200 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.

3. Le 12 avril 2013, en exécution de cette décision, le liquidateur a fait procéder à la saisie des droits d'associé détenus par M. R... dans la société civile immobilière [...] et, le 3 octobre 2013, il a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de cette société.

4. Un jugement du 7 mars 2014 a ordonné la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif.

5. Une ordonnance de référé du 19 juillet 2017 a ordonné le placement sous séquestre d'une somme de 400 000 euros, provenant du prix d'un immeuble vendu par la société [...], jusqu'à ce qu'il soit justifié du règlement par M. R... des sommes dues à différents créanciers.

6. Le 6 novembre 2017, le liquidateur a demandé la réouverture de la liquidation judiciaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Yelloz vision fait grief à l'arrêt de prononcer la réouverture de sa liquidation judiciaire alors, « que la procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ne peut être reprise que s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure ; qu'en jugeant, pour prononcer la réouverture de la procédure de liquidation de la société Yelloz vision afin de permettre la saisie de sommes séquestrées à la suite de la vente immobilière réalisée par la SCI [...] dont les parts sociales étaient détenues par le dirigeant de la société débitrice, qui avait été condamné à supporter l'insuffisance d'actif, « qu'il était possible de reprendre la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif afin de poursuivre une procédure déjà engagée dans l'intérêt des créanciers », cependant que l'exécution forcée d'une action déjà engagée et non menée à son terme avant la clôture de la procédure de liquidation ne peut justifier la reprise de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 643-13 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 643-13, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise. Il en résulte que le droit d'agir ainsi reconnu au liquidateur emporte, pour celui-ci, la faculté de poursuivre l'exécution forcée d'une décision obtenue pendant la liquidation judiciaire au bénéfice des créanciers et qu'il n'avait pu ramener à exécution.

9. Ayant constaté qu'étaient intervenus, postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société Yelloz vision, la vente de l'immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le dirigeant possédait des parts et le placement sous séquestre d'une somme lui revenant, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était possible de poursuivre, au bénéfice des créanciers, l'exécution de la condamnation de ce dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et que la procédure de liquidation judiciaire pouvait être reprise à cette fin.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 643-13, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014.

Rapprochement(s) :

Sur la reprise d'une procédure de liquidation après une clôture pour insuffisance d'actif, à rapprocher : Crim., 27 janvier 2010, pourvoi n° 09-87.361, Bull. crim. 2010, n° 15 (rejet).

Com., 7 octobre 2020, n° 19-10.685, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail d'habitation – Résiliation – Conditions – Détermination

Il résulte de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, article 15, I et II, que lorsque le bailleur entend résilier un bail d'habitation relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de six mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement et indiquer le prix et les conditions de la vente projetée, le congé valant offre de vente au profit du locataire. L'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce n'excluant pas l'application de ce texte en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions de l'article 15, I et II, précité.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. N... K... et à Mme Q... K... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme R..., épouse U....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, RG : n° 18/06789) et les productions, la société Alexandre III est propriétaire de droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble sis à Cannes. Dans le cadre de son activité de gestion, d'administration et d'exploitation de cet immeuble, elle a consenti à M. N... K... et à Mme Q... K... (les consorts K...) un bail d'habitation portant sur l'un des lots situés dans l'ensemble immobilier, pour un loyer de 1 000 euros non révisable, à compter du 5 décembre 2008 et pour une durée de six ans. Ce bail s'est renouvelé le 5 décembre 2014, pour une nouvelle durée de six ans expirant le 5 décembre 2020, pour le même loyer.

3. Un jugement du tribunal de commerce de Grasse, rendu le 22 février 2017, a étendu à la société Alexandre III la liquidation judiciaire ouverte le 9 novembre 2015 à l'égard de la société Nouvelle Vignette haute, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur.

4. Estimant qu'il était nécessaire de procéder à la réalisation des actifs de la société Alexandre III non grevés de baux « manifestement anormaux » selon lui, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à obtenir la résiliation du bail conclu avec les consorts K..., sur le fondement de l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce.

Le juge-commissaire ayant accueilli cette demande, les consorts K... ont formé un recours contre son ordonnance et demandé le rejet de la demande de résiliation du liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Les consorts K... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail, alors « que lorsque le juge-commissaire entend, au nom du bailleur en liquidation judiciaire, résilier un bail d'habitation pour vendre l'appartement, objet de ce bail, il doit, préalablement à cette résiliation, notifier un congé pour vendre au locataire ; qu'en ayant décidé du contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L. 641-11-1-IV du code de commerce et 15-II de la loi du 6 juillet 1989. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 15, I et II de la loi du 6 juillet 1989 et l'article L. 641-11-1, IV du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le bailleur entend résilier un bail d'habitation relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de six mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement et indiquer le prix et les conditions de la vente projetée, le congé valant offre de vente au profit du locataire.

Le second de ces textes n'excluant pas l'application du premier en cas de liquidation judiciaire, il s'ensuit que, lorsque le bailleur est mis en liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions du premier texte.

7. Pour prononcer la résiliation du bail d'habitation consenti aux consorts K... par la société débitrice, l'arrêt retient que, les dispositions de l'article L. 641-11-1, IV du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, céder devant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. Les consorts K... font le même grief à l'arrêt, alors qu' « en liquidation judiciaire, lorsque la prestation du débiteur est autre que le paiement d'une somme d'argent, le liquidateur peut faire prononcer par le juge-commissaire la résiliation d'un contrat en cours si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant, conditions qu'il appartient au juge de vérifier ; qu'en prononçant la résiliation du bail d'habitation conclu entre les exposants et la SAS Alexandre III au prétexte qu'il était fait « depuis interdiction » à cette dernière de louer des lots dont elle est propriétaire quand le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 8 juin 2016 prononçant cette interdiction, versé aux débats par le liquidateur (prod. n° 5), fait apparaître qu'il était reproché à la SAS Alexandre III d'exercer une activité « hôtelière » de location saisonnière de lots meublés, ce qui n'avait rien de comparable avec le bail d'habitation conclu avec les exposants, de sorte qu'en statuant par des tels motifs inopérants, la cour d'appel, qui n'a pas démontré en quoi la résiliation était nécessaire aux opérations de liquidation et qu'elle ne portait pas une atteinte excessive aux intérêts des preneurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 641-11-1 IV du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 641-11-1, IV du code de commerce :

10. Il résulte de ce texte que la résiliation d'un contrat en cours à la date du jugement ouvrant la liquidation judiciaire peut être demandée par le liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, au juge-commissaire qui ne peut prononcer la résiliation que si deux conditions cumulatives sont réunies : cette résiliation est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

11. Pour prononcer la résiliation du bail d'habitation consenti aux consorts K... par la société Alexandre III, l'arrêt se borne à retenir que c'est à bon droit que le juge-commissaire a fait droit à ses demandes de résiliation d'un bail conclu de façon évidente au détriment des intérêts de la société bailleresse eu égard à la sous-évaluation du loyer consenti par des membres de l'entourage proche des locataires, et donc au détriment des créanciers, et que la résiliation du bail dans de telles circonstances ne revêt pas pour les locataires, qui ne le démontrent pas, de conséquences manifestement excessives.

12. En se déterminant par de tels motifs, insuffisants à caractériser en quoi la résiliation du bail était concrètement nécessaire aux opérations de liquidation, et en quoi l'atteinte portée aux intérêts des consorts K... n'était pas excessive, cependant que le bail dont la résiliation était demandée, portant sur la résidence principale des intéressés, se trouvait soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse, l'arrêt n° RG : 18/06789 rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, article 15, I et II ; article L. 641-11-1, IV, du code de commerce.

Com., 7 octobre 2020, n° 19-14.388, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail d'habitation – Résiliation – Conditions – Détermination

Il résulte de l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 que lorsque le bailleur entend résilier un bail portant sur un logement meublé relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de trois mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement. L'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce n'excluant pas l'application de ce texte en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur, qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions de l'article 25-8 précité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018, RG : n° 18/06787) et les productions, la société [...] est propriétaire de droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble sis à [...].

En 2008, dans le cadre de son activité de gestion, d'administration et d'exploitation de cet immeuble, elle a acquis de son associé unique, M. O... un appartement qu'elle a loué, sous le régime des locations de logement meublé, à l'épouse de cet associé, Mme O..., à compter 1er décembre 2014, pour une durée d'un an, moyennant un loyer mensuel de 1 100 euros, charges incluses. Ce bail a été reconduit tacitement depuis lors.

2. Un jugement du tribunal de commerce de Grasse, rendu le 22 février 2017, a étendu à la société [...] la liquidation judiciaire ouverte le 9 novembre 2015 contre de la société Nouvelle vignette haute, la société JSA étant désignée en qualité de liquidateur.

3. Estimant qu'il était nécessaire de procéder à la réalisation d'actifs de la société [...] non grevés de baux manifestement anormaux selon lui, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à obtenir la résiliation du bail conclu avec Mme O..., sur le fondement de l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce.

Le juge-commissaire ayant accueilli cette demande, Mme O... a formé un recours contre son ordonnance et demandé le rejet de la demande de résiliation du liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme O... fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail d'habitation la liant à la société [...], alors que « les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoient un certain nombre de garanties relatives à la résiliation du bail d'habitation, permettant de garantir les droits du locataire, notamment un délai de préavis de trois mois à compter de la notification du congé, lequel doit être motivé ; qu'en écartant cette loi au motif que les dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, relatives à la procédure de liquidation judiciaire, sont dérogatoires du droit commun, pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire ayant prononcé la résiliation du bail d'habitation conclu entre la société [...] et Mme O..., la cour d'appel a violé l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article 25-3 de cette loi, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 et l'article L. 641-11-1, IV, du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le bailleur entend résilier un bail portant sur un logement meublé relevant des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 pour vendre le logement donné à bail, il doit, en respectant un délai de préavis de trois mois, délivrer un congé qui, à peine de nullité, doit être motivé par sa décision de vendre le logement.

Le second de ces textes n'excluant pas l'application du premier en cas de liquidation judiciaire, il s'ensuit que, lorsque le bailleur est mis en liquidation judiciaire, le liquidateur qui entend céder de gré à gré et libre d'occupation le logement donné à bail est tenu de délivrer au locataire un congé pour vendre, en se conformant aux dispositions du premier texte.

7. Pour prononcer la résiliation du bail consenti à Mme O... par la société débitrice, l'arrêt retient que, les dispositions de l'article L. 641-11-1, IV du code du commerce étant dérogatoires au droit commun, celles-ci ne peuvent, à défaut de dispositions d'exception expressément mentionnées, céder devant les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives au congé pour vendre.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la juridiction compétente était le tribunal de commerce de Grasse, l'arrêt n° RG : 18/06787 rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 ; article L. 641-11-1, IV, du code de commerce.

Com., 21 octobre 2020, n° 19-15.545, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Effets – Dessaisissement du débiteur – Clôture de la liquidation pour extinction du passif – Exécution d'une condamnation prononcée en faveur du liquidateur par le débiteur – Possibilité

Si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter la décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il doit en fixer le sens et déterminer le bénéficiaire de la condamnation que cette décision a prononcée.

En conséquence, statuant après la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif, qui avait mis fin à la mission du liquidateur et au dessaisissement du débiteur et autorisait ce dernier à poursuivre lui-même l'exécution d'une condamnation prononcée en faveur du liquidateur qui le représentait, une cour d'appel, ayant relevé qu'il n'était justifié d'aucun paiement entre les mains du liquidateur en exécution d'une telle condamnation, a exactement retenu que le débiteur était en droit de la faire exécuter.

Liquidation judiciaire – Effets – Dessaisissement du débiteur – Clôture de la liquidation pour extinction du passif – Effet à l'égard du débiteur – Cessation de son dessaisissement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2019), par un acte notarié du 29 mars 2008, M. Q... a donné un immeuble en location à la société Le Vieux Moulin (la société), ses associés, MM. T... et K..., se rendant, par le même acte, cautions solidaires du paiement des loyers.

Par un autre acte notarié du même jour, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (le Crédit agricole) a consenti deux prêts à la société, garantis par les cautionnements solidaires de MM. T... et K... et par l'affectation hypothécaire, par M. Q..., de l'immeuble objet du bail.

2. La société a été mise en liquidation judiciaire le 11 janvier 2011, M. N... étant désigné liquidateur. Un jugement du 15 novembre 2011 a prononcé l'extension de cette procédure à M. Q... pour confusion des patrimoines.

L'immeuble appartenant à M. Q... a été vendu dans le cadre de la réalisation des actifs de la liquidation judiciaire et le prix de vente a permis l'apurement intégral du passif cumulé de la société et de M. Q....

3. Un jugement du 22 novembre 2013 a condamné M. T... à payer à M. N..., pris en sa qualité de liquidateur de M. Q..., la somme de 338 226,13 euros au titre du recours entre co-obligés du chef de la créance du Crédit agricole. Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 5 mars 2015 qui, y ajoutant, a en outre condamné M. T... à payer à M. N..., ès qualités, la somme de 164 000 euros au titre du cautionnement des loyers dus à M. Q....

4. Un jugement du 28 janvier 2015 a prononcé la clôture, pour extinction du passif, de la liquidation judiciaire de M. Q... et de la société.

5. Le 18 août 2017, M. Q... a fait dresser un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation d'un véhicule Audi immatriculé [...], lequel a été immobilisé et enlevé le 14 septembre 2017, puis le 5 décembre 2017, il a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de M. T... ouverts dans les livres de la BNP en exécution de l'arrêt du 5 mars 2015 précité.

Le 18 décembre 2017, M. T... a assigné M. Q... devant le juge de l'exécution en demandant l'annulation et la mainlevée de la saisie-attribution et de la mesure concernant le véhicule.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. M. T... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. T... de nullité et mainlevée de la saisie-attribution du 5 décembre 2017, de le réformer pour le surplus et de déclarer régulière la mesure d'exécution concernant le véhicule Audi et d'ordonner la poursuite de sa vente, alors :

« 1°/ que seule est admise à se prévaloir d'un titre exécutoire la personne qu'il vise ; qu'en déclarant régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T... sur le fondement des décisions des 22 novembre 2013 et 5 mars 2015, quand il s'évinçait de ses propres constatations que les condamnations prononcées par ces décisions l'avaient été au profit de M. N... en qualité de liquidateur judiciaire de M. Q... et non de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. T... soutenait que la créance prétendument détenue par M. Q... à son encontre, en sa qualité de caution des dettes de la société Le Vieux Moulin, était éteinte depuis la clôture de la liquidation judiciaire de cette société pour extinction du passif, postérieure à la décision servant de fondement aux poursuites, dès lors que M. Q... s'était vu étendre cette procédure pour confusion des patrimoines ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer régulières les mesures d'exécution engagées par M. Q... à l'encontre de M. T..., qu'en l'état de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Le Vieux Moulin étendue à M. Q..., celui-ci était en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur judiciaire avait obtenu en le représentant, sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, si le juge de l'exécution ne peut, sous prétexte d'interpréter la décision dont l'exécution est poursuivie, en modifier les dispositions précises, il doit en fixer le sens et déterminer le bénéficiaire de la condamnation que cette décision a prononcée.

9. Statuant après la clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif de M. Q... qui avait mis fin à la mission du liquidateur et au dessaisissement du débiteur et autorisait ce dernier à poursuivre lui-même l'exécution d'une condamnation prononcée en faveur de M. N..., agissant alors en qualité de liquidateur au nom et pour le compte du débiteur, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était justifié d'aucun paiement entre les mains de M. N..., ès qualités, en exécution du jugement du 22 novembre 2013 et de l'arrêt du 5 mars 2015, retient exactement que M. Q... était en droit de faire exécuter les décisions que le liquidateur avait antérieurement obtenues en le représentant.

10. D'autre part, tandis que l'extension de la liquidation judiciaire de la société à M. Q... avait été prononcée le 15 novembre 2011, consacrant dès ce jour la confusion de leurs patrimoines, et que le 31 janvier 2012, la vente d'un immeuble de M. Q... avait permis l'apurement intégral du passif cumulé de la société et de M. Q..., de sorte qu'il appartenait à M. T... de se prévaloir devant le tribunal puis la cour d'appel, saisis des demandes de condamnation formées contre lui, en sa qualité de caution de la société, des conséquences déjà acquises de la confusion des patrimoines et de l'extinction consécutive du passif garanti, l'arrêt, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, retient que la confusion des patrimoines résultant de l'extension de la liquidation judiciaire de la société à M. Q... a pris fin avec la clôture pour extinction du passif et que M. T... ne peut plus l'invoquer.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Com., 7 octobre 2020, n° 19-12.996, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Créanciers postérieurs – Régime de faveur – Domaine d'application – Créance née régulièrement – Cas – Créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres

L'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018 rectifié le 12 juillet 2018), la société Mar Ca, dont les parts sont détenues à égalité par les membres des familles C... et I... et dont M... C... était le gérant, a, le 16 mars 2010, fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire le 17 mai 2011.

2. Le 11 octobre 2011, le tribunal a arrêté un plan de cession au profit de M. G... I..., qui s'est substitué une société.

Le jugement a été confirmé le 1er mars 2012 et l'acte de cession a été signé le 5 avril 2012.

La société Mar Ca a été mise en liquidation judiciaire le 10 juillet suivant, M. N... étant désigné en qualité de liquidateur.

3. Le 21 août 2012, W... C..., ès qualités, a demandé l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce, d'une créance résultant d'une inscription en compte courant d'associé après le jugement arrêtant le plan, dont le montant correspondait au paiement, sur son compte bancaire personnel, de factures d'honoraires de professionnels qu'il avait sollicités dans le cadre de l'activité de la société.

Le liquidateur a refusé d'inscrire la créance.

4. Après le décès de M... C..., le 21 mai 2013, Mmes S... et S... C... et Mme R... X..., ses héritières (les consorts C...) ont contesté la liste des créances devant le juge-commissaire, qui a rejeté la contestation. Devant le tribunal saisi du recours des consorts C..., MM. Y... et G... et Mme S... I..., co-associés (les consorts I...), sont intervenus volontairement à l'instance. Leur intervention volontaire a été déclarée recevable.

Examen des moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par Mme S... C..., rédigés en des termes identiques, réunis

Sur les moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par les consorts I...

Enoncé du moyen

4. Les consorts I... font grief à l'arrêt d'ordonner l'inscription sur la liste des créances postérieures prévue par l'article L. 641-13, IV, du code de commerce des créances réglées par M... C... au titre des honoraires d'avocat à hauteur de 41 720,80 euros, alors :

« 1°/ que seules sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ; que la créance née en méconnaissance des pouvoirs de l'administrateur judiciaire n'est pas née régulièrement ; qu'en se bornant à énoncer que les créances d'honoraires d'avocat engagées pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel, la procédure en référé suspension devant le premier président pour éviter l'exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu'il soit ordonné au gérant de la société Mar Ca de signer le procès-verbal de prise de possession et de l'autoriser à défaut à prendre possession du fonds, étaient des « créances utiles nées pour le besoin de la procédure » et non disproportionnées, circonstance inopérante pour caractériser en quoi ces créances étaient nées régulièrement, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par les consorts I..., si l'engagement de ces dépenses par M. C... sans l'accord explicite ou implicite de M. P..., administrateur judiciaire, et même contre son avis et celui du juge-commissaire, ne s'opposait pas à leur inscription sur la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l'article L. 622-17 du même code ;

2°/ que ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure les dépenses en honoraires d'avocat ayant pour objet de s'opposer à la cession de la société au profit de l'auteur de l'offre la mieux-disante, engagées par l'auteur de la seule autre offre rejetée par le tribunal, de contester la mise en oeuvre du plan de cession et l'entrée en possession du cessionnaire ; qu'en retenant que les honoraires d'avocat engagés par M... C... pour le suivi de la procédure d'appel et la procédure d'appel du jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au profit des consorts I..., la procédure en référé suspension devant le premier président du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre possession du fonds et les honoraires de l'avoué devant la cour d'appel, étaient utiles et que ces créances étaient nées pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce ;

3°/ qu'en retenant que les créances d'un montant de 41 262 euros n'étaient pas « disproportionnées » du seul fait que la société Mar Ca n'avait pas obtenu satisfaction, sans s'interroger sur l'importance de ces dépenses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, l'exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu'il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d'honoraires de l'avocat du débiteur assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement.

6. L'arrêt relève que c'est en vertu du droit propre de la société débitrice que son gérant a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession, a agi en référé pour arrêter l'exécution provisoire et a défendu à l'action en référé engagée par le cessionnaire de l'entreprise pour entrer en possession de celle-ci.

La cour d'appel a ainsi fait ressortir que les honoraires réclamés par l'avocat, dans le cadre de ces actions, étaient des créances nées régulièrement.

7. D'autre part, l'arrêt relève que les procédures conduites par l'avocat étaient en lien avec l'adoption du plan de cession, que les recours et le suivi des procédures ont permis de consolider et de sécuriser, eu égard aux craintes qui pouvaient naître sur la pérennité de l'entreprise et la préservation de l'emploi, du fait de la personnalité du repreneur, ex-salarié licencié et ex-concubin d'une fille du gérant.

La cour d'appel a pu en déduire que la créance d'honoraires était née pour les besoins du déroulement de la procédure.

8. Enfin, la cour d'appel, qui a indiqué précisément le montant des honoraires correspondant à chacune des procédures menées par la société débitrice dans l'exercice de ses droits propres, a souverainement apprécié le caractère proportionné de la créance et sa conformité aux besoins de la procédure.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la créance d'honoraires de l'avocat assistant celui-ci dans l'exercice de ses droits propres, à rapprocher : Com., 1er décembre 2015, pourvoi n° 14-20.668, Bull. 2015, IV, n° 165 (cassation partielle).

Com., 7 octobre 2020, n° 19-14.422, (P)

Cassation

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action ne tendant pas à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent – Demande d'annulation ou de résolution du contrat de vente

Le jugement d'ouverture interrompant ou interdisant, selon l'article L. 622-21, I, du code de commerce, toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L. 622-17, I, du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, la demande d'annulation d'un contrat de vente formée par un emprunteur, fondée sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et sa demande subsidiaire de résolution en raison de l'inexécution des prestations promises, ne se heurtent pas à l'interdiction des poursuites, en l'absence de toute demande de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invocation du défaut de paiement d'une telle somme, ni même réclamation de la restitution du prix de vente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2019), le 9 février 2013, à la suite d'un démarchage, M. U... a acquis des panneaux photovoltaïques auprès de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France, exerçant sous le nom commercial Groupe solaire de France (le vendeur).

2. M. et Mme U... (les emprunteurs) ont contracté, auprès de la société Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance (la banque), un crédit affecté au financement de cette installation.

3. Le 12 novembre 2014, le vendeur a été mis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur.

4. Les 6 et 11 février 2015, les emprunteurs ont assigné le liquidateur et la société Banque Solfea devant un tribunal d'instance en demandant la suspension du contrat de crédit, la résolution du contrat pour inexécution, l'annulation des contrats de vente et de crédit, la restitution par le prêteur des sommes d'ores et déjà versées, et sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables à agir en application de l'article 122 du code de procédure civile contre le liquidateur du vendeur et, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation contre la banque, alors « que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que les actions en nullité du contrat ou en résolution pour inexécution d'une obligation de faire sont autorisées ; que les emprunteurs demandaient à titre principal la nullité du contrat de prestation conclu avec la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation, et à titre subsidiaire sa résolution pour violation d'une obligation de faire ; qu'en estimant cette action soumise à l'arrêt des poursuites, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-21, I, du code de commerce :

6. Selon ce texte, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

7. Pour déclarer les emprunteurs irrecevables à agir contre le liquidateur du vendeur et contre la banque, l'arrêt retient que les demandes d'annulation et de résolution formées par M. et Mme U... à l'encontre du vendeur affecteront nécessairement le passif de la liquidation et constituent une action prohibée, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de créance et que, tel n'étant pas le cas, leur irrecevabilité à agir contre le vendeur leur interdit, en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation, d'agir également contre le prêteur.

8. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs fondaient leur demande d'annulation du contrat de vente sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, et leur demande subsidiaire de résolution sur l'inexécution de prestations, sans demander de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent ni invoquer le défaut de paiement d'une telle somme, ni même réclamer la restitution du prix de vente, de sorte que leurs demandes ne se heurtaient pas à l'interdiction des poursuites, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 622-21, I, et L. 622-17, I, du code de commerce ; article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Com., 7 octobre 2020, n° 19-13.560, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité

Un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble.

Il en résulte que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire.

Liquidation judiciaire – Règlement des créanciers – Créanciers bénéficiant d'une sûreté – Déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation – Inopposabilité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la banque) a consenti un prêt à Mme P..., entrepreneur individuel, le 3 janvier 2006. Cette dernière a fait publier une déclaration d'insaisissabilité de sa résidence principale le 3 mai 2010. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 7 octobre 2014, la procédure étant clôturée le 3 novembre 2015.

2. La banque, qui avait, sur autorisation du juge de l'exécution, fait inscrire, le 9 novembre 2014, une hypothèque provisoire sur l'immeuble a, le 16 novembre suivant, assigné Mme P... en paiement de sa créance. Cette dernière a opposé l'irrecevabilité de la demande et sollicité la levée de l'hypothèque.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. Mme P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire, alors « que le droit pour le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable d'agir en cours de procédure en ce qu'il est directement lié au périmètre de la procédure – biens objet de la poursuite non inclus dans la procédure collective – ne saurait perdurer après la clôture de la liquidation dès lors, d'une part, qu'il expose le débiteur à des poursuites sans fin, d'autre part, est lié au périmètre d'une procédure désormais clôturée et, enfin, crée une trop grande inégalité entre les créanciers ; qu'il en résulte que le créancier ne peut être admis, après la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif, à procéder à une inscription d'hypothèque provisoire sur un immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 643-11-I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt retient exactement qu'un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble.

5. Il en résulte que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur moyen, relevé d'office

7. Conformément aux dispositions des articles 620, alinéa 2, et 1015, du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 526-1, L. 622-7 et L. 622-21 du code de commerce :

8. Si le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il n'en demeure pas moins soumis au principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites ainsi qu'à l'interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d'ouverture. Il en résulte que, s'il doit être en mesure d'exercer le droit qu'il détient sur l'immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci.

9. Pour condamner Mme P... à payer à la banque la somme de 19 411,76 euros, l'arrêt retient que celle-ci, à laquelle la déclaration d'insaisissabilité publiée par Mme P... était inopposable, est bien fondée à agir individuellement contre la débitrice aux fins d'obtenir un titre exécutoire portant condamnation.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui aurait dû se borner à constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance, sans prononcer de condamnation à paiement, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne Mme P... à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur la somme de 19 411,76 euros au titre du prêt n° [...] et dit que cette somme produira intérêts au taux conventionnel à compter du 10 septembre 2015 et jusqu'à parfait paiement, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Article L. 643-11, I, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la portée d'une déclaration d'insaisissabilité inopposable, à rapprocher : Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-10.206, Bull. 2017, IV, n° 110 (cassation).

Com., 21 octobre 2020, n° 19-15.171, (P)

Rejet

Organes – Tribunal – Compétence matérielle – Procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif – Constatation de la caducité de cette procédure – Juge de l'exécution

Lorsque l'immeuble d'un débiteur mis en liquidation judiciaire a été vendu sur saisie immobilière, le juge compétent pour constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif avant le jugement d'ouverture, en vertu de l'article R. 622-19 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-23 du même code, et pour ordonner, en conséquence, la remise des fonds au liquidateur aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 de ce code, est non le juge des référés, mais le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

Liquidation judiciaire – Réalisation de l'actif – Immeuble – Cession par adjudication – Procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif – Constatation de la caducité de cette procédure – Compétence du juge de l'exécution

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 janvier 2019), rendu en référé, par un jugement d'adjudication du 26 septembre 2014, rendu sur les poursuites de la société CIC Ouest (la banque), créancier inscrit, a été vendu aux enchères un bien immobilier appartenant à la société Mabrilou, pour le prix de 130 000 euros, séquestré entre les mains de la banque dans l'attente de sa distribution.

2. Le 14 octobre 2014, la société Mabrilou a été mise en liquidation judiciaire, M. D... étant désigné en qualité de liquidateur.

La banque ayant déclaré une créance hypothécaire de 241 676,50 euros, qui a été contestée, le juge-commissaire a, par une ordonnance devenue irrévocable, admis cette créance à titre chirographaire, en raison de la disparition du privilège.

3. Estimant que la procédure de distribution du prix de vente de l'immeuble était caduque en application de l'article R. 622-19 du code de commerce, le liquidateur de la société Mabrilou a assigné la banque devant le juge des référés du tribunal de grande instance, afin de la voir condamnée, sous astreinte, à restituer à la liquidation judiciaire le prix de vente, outre les intérêts sur les fonds séquestrés.

4. La banque a soulevé l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution, outre diverses contestations pour voir dire n'y avoir lieu à référé.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur de la société Mabrilou fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'hormis les procédures d'exécution ayant déjà produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, les procédures de distribution du prix de vente d'un immeuble sont caduques au jour de ce jugement et les fonds sont remis au mandataire judiciaire ; que la cour d'appel a constaté que l'immeuble appartenant à la SCI Mabrilou avait fait l'objet d'un jugement d'adjudication le 26 septembre 2014, la SCI Mabrilou ayant ensuite été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 14 octobre 2014 et que le prix de vente de l'immeuble avait été remis à la banque en qualité de séquestre en vue d'une distribution à déterminer ; qu'il s'évinçait de ces constatations que le jugement d'adjudication était inopposable à la procédure collective et que la distribution du prix relevait de la compétence exclusive du liquidateur à qui les fonds devaient être remis pour être répartis selon les règles de la procédure collective ; qu'en retenant cependant, pour conclure à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé, que l'inopposabilité du jugement d'adjudication à la procédure collective n'était pas établie d'évidence, le jugement d'adjudication ne pouvant être considéré comme anéanti rétroactivement par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le jugement d'adjudication étant devenu définitif dix jours après l'expiration du délai de surenchère, soit antérieurement à l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a violé les articles R. 622-19, R. 641-23 et R. 641-24 du code de commerce, ensemble l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Lorsque l'immeuble d'un débiteur mis en liquidation judiciaire a été vendu sur saisie immobilière, le juge compétent pour constater la caducité de la procédure de distribution du prix de vente n'ayant pas produit son effet attributif avant le jugement d'ouverture, en vertu de l'article R. 622-19 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-23 du même code, et pour ordonner, en conséquence, la remise des fonds au liquidateur aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 de ce code, est non le juge des référés, mais le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

7. Le juge des référés n'étant pas compétent pour se prononcer sur la demande du liquidateur tendant à ce que les fonds lui soient remis aux fins de répartition, en vertu de l'article R. 641-24 susvisé, le fait que l'obligation de remise ne fût pas sérieusement contestable était sans incidence.

Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

8. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller -

Textes visés :

Articles R. 622-19, R. 641-23 et R. 641-24 du code de commerce ; article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

Com., 21 octobre 2020, n° 19-17.434, (P)

Cassation

Procédure (dispositions générales) – Frais de procédure – Rémunération du commissaire-priseur – Absence d'autorisation du juge-commissaire et d'accord formel du liquidateur – Exclusion

Il résulte de la combinaison des articles L. 641-1, II, alinéa 7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, rendu applicable à la liquidation judiciaire par les articles R.444-13, III, et R. 641-14 du code de commerce et des articles 714 et 715 du code de procédure civile que le commissaire-priseur judiciaire ne peut obtenir du président du tribunal la taxation que des seuls émoluments, honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire qui l'a désigné.

En conséquence, viole ces textes le premier président d'une cour d'appel qui fixe les honoraires du commissaire-priseur judiciaire, dont la seule mission consistait en l'inventaire et la prisée d'actifs du débiteur, à une somme comprenant l'accomplissement de diligences relatives au convoyage et au gardiennage des véhicules inventoriés et évalués, qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation du juge-commissaire, ni d'un accord formel du liquidateur.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 26 février 2019), la société [...] a été mise en liquidation judiciaire le 20 janvier 2017, la société I... et associés étant désignée liquidateur et Mme M..., commissaire-priseur, étant chargée d'effectuer immédiatement l'inventaire et la prisée de l'actif de la société débitrice.

2. Mme M..., ayant constaté que quatre véhicules stationnaient à l'extérieur des locaux de la société débitrice, les a fait déplacer chez un commissaire-priseur partenaire, plus proche du lieu de leur stationnement, auquel elle a indiqué avoir délégué le soin du transport et du gardiennage. Mme M... a ensuite demandé au président du tribunal d'arrêter le montant de ses émoluments au montant de la facture établie le 22 mars 2018 par la société Espace enchère Sud Aquitaine - M. X... commissaire-priseur - pour les frais de gardiennage et de transport des véhicules.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur fait grief à l'ordonnance de fixer à 11 000 euros les honoraires de Mme M... à la charge de la liquidation judiciaire, alors :

« 1°/ que le commissaire-priseur ne peut obtenir la taxation que des seuls honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée par la juridiction qui l'a désigné ; que ne participent pas de l'inventaire et de la prisée des biens du débiteur, le déplacement et le stockage » entre les mains d'un tiers de véhicules appartenant au débiteur, sans l'accord de celui-ci ou celui des organes de la procédure, aux fins d'en éviter la dégradation et d'en préserver la valeur » ; qu'en l'espèce, Mme M... a reconnu dans ses conclusions avoir sollicité le remboursement de ses frais uniquement pour couvrir une prestation de cette nature, en joignant la facture émise par la Sarl Espace Enchères Sud Aquitaine indiquant que la somme de 16 608 euros correspondait au convoyage et gardiennage des véhicules » pour le compte de la société [...], afin d'en préserver la valeur et éviter des dégradations ; qu'en estimant que la demande de remboursement de tels frais par Mme M... était justifiée au regard des dispositions du jugement d'ouverture qui avait chargé cette dernière d'effectuer l'inventaire et la prisée des biens du débiteur, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 621-9, L. 641-III, R. 622-4, R. 621-23 du code de commerce et l'article 1 de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires ;

2°/ que le remboursement des sommes dues à des tiers et payées ou avancées par eux auxquels ont droit les professionnels visés à l'article L. 444-1 du code de commerce est subordonné à la condition que ces frais aient été engagés à l'occasion d'une mission que la loi ou le juge leur confient ; qu'en estimant que Mme M... pouvait, en application de l'article R. 444-13 III du code de commerce, obtenir le remboursement des frais qu'elle disait avoir exposés au titre de prestations de convoyage et de mise à l'abri de véhicules appartenant au débiteur qu'elle avait effectuées, tout en relevant que seule une mission d'inventaire et de prisée des biens de celui-ci lui avait été confiée par le tribunal, le premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 641-1, II, alinéa 7, celui-ci dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-14, et R. 444-13 III, du code de commerce et les articles 714 et 715 du code de procédure civile :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que le commissaire-priseur judiciaire ne peut obtenir du président du tribunal la taxation que des seuls émoluments, honoraires, frais et débours exposés pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire qui l'a désigné.

5. Pour fixer les honoraires de Mme M... à la somme de 11 000 euros, l'ordonnance constate que la demande de taxation du commissaire-priseur repose exclusivement sur la facture émanant de la société « Espace enchère Sud Aquitaine, W... X... commissaire priseur habilité » puis relève que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a désigné Mme M... afin d'effectuer l'inventaire et la prisée des actifs de la société débitrice et a dit que les frais du commissaire-priseur seraient à la charge de la procédure.

L'ordonnance retient ensuite que la demande de taxation est relative à des honoraires et remboursements de débours consécutifs à l'inventaire et à la prisée du patrimoine de la société débitrice par le commissaire-priseur qui a délégué sa mission de transport et de gardiennage des véhicules à un confrère, ce dont a été informé le liquidateur par un courrier électronique du 4 mai 2017 qui n'a pas suscité de réaction de sa part jusqu'au 31 mars 2018, ce dont l'ordonnance déduit l'accord tacite du liquidateur sur le transport et la mise à l'abri des véhicules.

6. En statuant ainsi, alors que la seule mission donnée par le tribunal à Mme M... consistait en l'inventaire et la prisée des actifs de la société [...], de sorte qu'elle n'incluait pas l'accomplissement des diligences relatives au convoyage et au gardiennage des véhicules inventoriés et évalués, qui n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation du juge-commissaire, ni d'un accord formel du liquidateur, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 février 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 641-1, II, alinéa 7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016, R. 622-4, alinéas 5 et 6, R. 641-14 et R. 444-13, III, du code de commerce ; articles 714 et 715 du code de procédure civile.

Com., 7 octobre 2020, n° 19-14.755, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Arrêt des procédures d'exécution – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Fusion-absorption – Créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération – Décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable

En cas de fusion-absorption, un créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération et qui bénéficie, en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, d'une décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable, conserve le droit de recouvrer sa créance sur le patrimoine de la société absorbée dissoute. Il en résulte qu'il ne peut se voir opposer l'arrêt ou l'interdiction des procédures d'exécution, prévus par l'article L. 622-21, II, du code de commerce, résultant de l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 février 2019), par un acte du 28 mars 2008, la Compagnie foncière de crédit, aux droits de laquelle est venue la société Crédit foncier de France (le CFF), a consenti une ouverture de crédit à la société Nîmotel pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier, la créance du CFF étant garantie par un cautionnement consenti par la société Almendricos, société mère de la société Nîmotel.

2. Le 25 novembre 2011, la société Nîmotel a été mise en sauvegarde.

La créance du CFF a été admise et un plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 30 avril 2013.

3. Par un acte du 30 juillet 2013, la société Almendricos a fait apport, sous le régime de la fusion-absorption, à la société Nîmotel, qui a adopté simultanément la dénomination sociale Almendricos, de la totalité de son actif, à charge pour elle de payer la totalité de son passif. Cette fusion a pris effet le 24 septembre 2013 et la société Almendricos (ancienne) a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 4 octobre 2013.

4. Le CFF a fait opposition à cette fusion sur le fondement de l'article L. 236-14 du code de commerce en se prévalant de sa créance contre la société absorbée au titre du cautionnement que celle-ci lui avait consenti. Un arrêt, devenu irrévocable, du 30 avril 2015, a fait droit à l'opposition du CFF à l'opération de fusion-absorption de la société Almendricos par la société Nîmotel devenue Almendricos, a ordonné le paiement par la société Almendricos, anciennement Nîmotel, de la créance du CFF et dit qu'à défaut de remboursement, la fusion-absorption resterait inopposable au CFF.

5. Le 2 février 2017, la résolution, pour inexécution, du plan de sauvegarde de la société Almendricos a été prononcée.

Le 15 février 2017, cette société a été mise en redressement judiciaire.

6. Le 17 mai 2017, le CFF a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société Almendricos, que celle-ci a contestée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, en sa qualité de commissaire à l'exécution de son plan de redressement, font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à l'annulation de la saisie-attribution, alors « que l'inopposabilité de la fusion au créancier d'une société absorbée ne l'autorise pas à pratiquer une saisie entre les mains de la société absorbante, dès lors qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société absorbante postérieurement à la naissance de la créance contre la société absorbée ; qu'en retenant pourtant que « la procédure collective ouverte contre la nouvelle société Almendricos ne saurait faire échec à l'action du CFF à l'égard duquel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu », la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. En cas de fusion-absorption, un créancier titulaire sur la société absorbée d'une créance antérieure à cette opération et qui bénéficie, en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, d'une décision exécutoire lui déclarant la fusion inopposable, conserve le droit de recouvrer sa créance sur le patrimoine de la société absorbée dissoute. Il en résulte qu'il ne peut se voir opposer l'arrêt ou l'interdiction des procédures d'exécution, prévus par l'article L. 622-21, II, du code de commerce, résultant de l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante.

9. Dès lors, abstraction faite du motif erroné mais surabondant selon lequel la personnalité juridique de la société absorbée n'a pas disparu, c'est à bon droit que l'arrêt retient qu'opposer la règle de l'arrêt des procédures d'exécution contre la nouvelle société Almendricos aux créanciers privilégiés antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et à la fusion, reviendrait à priver de toute voie d'exécution sur les actifs transmis à la société absorbante le créancier auquel la fusion a été déclarée inopposable, en rendant possible l'utilisation de la procédure de fusion-absorption pour faire disparaître la société caution absorbée et faire obstacle à l'action du créancier sur les actifs ainsi transmis.

10. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. La société Almendricos et la société Etude Balincourt, ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; qu'en retenant pourtant en l'espèce qu' « eu égard à la fongibilité des comptes bancaires saisis, le CFF peut agir en recouvrement à l'encontre de la société absorbante dans la limite de la créance fixée par arrêt du 30 avril 2015 sans se voir opposer une absence de traçabilité des actifs saisis » la cour d'appel a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer même que le créancier de la société absorbée à l'égard duquel la fusion est inopposable puisse pratiquer une saisie en vue d'obtenir paiement d'une dette antérieure à l'ouverture de la procédure collective de la société absorbante, c'est à la condition de justifier que l'objet même de la saisie est constitué des seuls actifs de la société absorbée ; que le juge de l'exécution a cependant retenu en l'espèce qu' « afin d'obtenir la nullité de la mesure d'exécution forcée, le demandeur a effectivement la faculté d'établir que les fonds saisis ne peuvent être revendiqués par le créancier en vertu de son titre exécutoire. Or, cette preuve n'est pas rapportée en l'état par la société Almendricos et la société Etude Balincourt » ; qu'en statuant ainsi, à supposer ce motif adopté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé les articles L. 236-14 et L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

12. Dans le cas d'une saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires dont est devenue titulaire une société absorbante par un créancier à qui l'opération de fusion-absorption a été déclarée inopposable en application de l'article L. 236-14 du code de commerce, l'effet attributif de la saisie s'étend à la totalité des soldes créditeurs de ces comptes, sauf pour le débiteur saisi, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ces soldes sont constitués, en tout ou partie, de fonds ne provenant pas de la société absorbée, qui comme tels devraient être exclus de l'assiette de la saisie.

13. C'est dès lors à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient qu'eu égard à la fongibilité des comptes objet de la saisie-attribution, le CFF peut, dans la limite de la créance constatée par son titre exécutoire, agir en recouvrement contre la société absorbante sans avoir à établir préalablement l'origine des fonds saisis.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 236-14 du code de commerce ; article L. 622-21, II, du code de commerce ; article L. 236-14 du code de commerce ; article R. 211-3 du code des procédure civiles d'exécution.

Com., 7 octobre 2020, n° 19-14.807, (P)

Cassation

Sauvegarde – Période d'observation – Poursuite de l'activité – Continuation des contrats en cours – Régime des baux des locaux professionnels – Exécution ou inexécution fautive du bail – Administrateur ayant reçu une mission de surveillance – Responsabilité (non)

Il résulte de la combinaison de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et des articles L.620-1, L. 622-1 et L.622-13 du code de commerce que la procédure de sauvegarde, qui bénéficie à un débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements, est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. L'administrateur, qui n'a reçu qu'une mission de surveillance, ne peut donc être tenu pour responsable de l'exécution ou de l'inexécution fautives du bail des locaux d'exploitation de l'entreprise, lequel s'est poursuivi de plein droit, tant qu'il n'a pas pris parti sur sa poursuite, dès lors que sa principale mission est d'établir le bilan économique de l'entreprise et de proposer un plan de sauvegarde.

Organes – Administrateur judiciaire – Responsabilité – Faute – Exclusion – Cas – Contrats en cours – Poursuite – Administrateur n'ayant pas pris parti sur la poursuite du bail

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2019), la société Arvem a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte le 24 janvier 2013, la société [...] étant désignée administrateur avec une mission de surveillance. Dès avant l'ouverture de la procédure, la société Arvem ne réglait plus les loyers qu'elle devait à son bailleur, la SCI FG immobilier (le bailleur).

L'administrateur, informé dès le 22 février 2013 de l'absence de paiement des loyers, n'a pas pris l'initiative de la résiliation du bail.

La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire à la demande de l'administrateur le 6 mai 2013, et ce dernier, qui s'est alors vu confier une mission d'assistance, a informé le bailleur, le 30 mai suivant, de sa renonciation à la poursuite du bail.

La liquidation judiciaire a été prononcée le 9 juillet 2013, M. I... étant désigné liquidateur. Ce dernier a remis les clés au bailleur le 12 juillet suivant.

2. Le bailleur, reprochant des fautes à la société [...] dans sa gestion du contrat de bail, pendant l'exercice de sa mission d'administrateur, a recherché sa responsabilité.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen unique

3. La société [...] fait grief à l'arrêt de constater qu'elle a commis une faute et de la condamner à payer au bailleur la somme de 144 450 euros en réparation du préjudice subi, alors « que le bail nécessaire à la poursuite immédiate de l'activité de l'entreprise doit être poursuivi durant la procédure de sauvegarde qui a pour unique finalité son redressement, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers ; qu'en reprochant à l'administrateur judiciaire de ne pas avoir mis fin au bail « dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde » au motif que la société Arvem n'avait, dès l'ouverture de la procédure, pas pu assumer le paiement des loyers et charges qui étaient trop élevés au regard de son activité, ce que n'ignorait pas l'administrateur, sans rechercher si l'administrateur judiciaire n'était pas dans l'impossibilité de mettre fin au bail dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde, nonobstant l'absence de trésorerie disponible pour assurer immédiatement le paiement des loyers, dès lors qu'une telle mesure aurait imposé l'arrêt de son activité et l'aurait privée de toute chance de redressement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et les articles L. 620-1, L. 622-1 et L. 622-13 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de sauvegarde, qui bénéficie à un débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements, est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

L'administrateur, qui n'a reçu qu'une mission de surveillance, ne peut donc être tenu pour responsable de l'exécution ou de l'inexécution fautives du bail des locaux d'exploitation de l'entreprise, lequel s'est poursuivi de plein droit, tant qu'il n'a pas pris parti sur sa poursuite, dès lors que sa principale mission est d'établir le bilan économique de l'entreprise et de proposer un plan de sauvegarde.

5. Pour retenir la responsabilité de la société [...] pour s'être abstenue de résilier le bail cependant que les loyers n'étaient pas payés depuis l'ouverture de la procédure, l'arrêt relève d'abord que l'administrateur a été informé du non-paiement des loyers dès le 22 février 2013, soit moins d'un mois après l'ouverture de la procédure, et que le bailleur, qui ne pouvait pas lui-même faire constater la résiliation du bail, en application de l'article L. 622-13, 2°, du code de commerce, dès lors que le délai de trois mois imposé par le texte n'était pas expiré, lui a ensuite fait savoir qu'il n'était pas opposé à une résiliation amiable. Il constate ensuite que l'administrateur n'a répondu au bailleur que le 10 avril suivant et n'a mis fin au contrat que le 30 mai 2013, après la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire. Il retient enfin que l'abstention de résilier le contrat révélait de la part de l'administrateur son intention de prendre parti sur sa continuation et en déduit que ce dernier a méconnu les dispositions de l'article L. 622-13 précité dès lors que l'absence de trésorerie rendait impossible la poursuite du bail, en raison du montant trop élevé des loyers.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'administrateur n'était pas fondé à différer sa prise de position sur le sort du bail jusqu'à la réalisation du diagnostic de l'entreprise, qu'il devait effectuer conformément à sa mission légale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240, du code civil ; articles L. 620-1, L. 622-1 et L. 622-13 du code de commerce.

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