Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-17.922, (P)

Cassation

Article 6, § 1 – Tribunal – Impartialité – Cours et tribunaux – Composition – Cour d'appel – Magistrat ayant connu du même litige en première instance – Impossibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 mai 2019), M. C... et Mme W... ont eu deux enfants.

2. Par jugement du 16 novembre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers, Mme R..., a notamment accordé à Mme Q..., grand-mère paternelle des enfants, un droit de visite.

3. M. C... et Mme W... ont interjeté appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. C... et Mme W... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Mme Q... un droit de visite médiatisé à l'égard de ses petits-enfants S... et X... C..., qui s'exercerait pendant une durée de six mois à compter de son premier exercice, dans les locaux de l'association Adages et dit qu'à l'issue de ce délai de six mois et en l'absence de difficulté constatée, Mme Q... bénéficierait d'un droit de visite s'exerçant, sauf meilleur accord, le premier dimanche de chaque mois, de 10 h à 18 h, à charge pour elle de venir chercher et ramener les enfants au domicile de leurs parents, et préciser que les visites médiatisées devraient s'effectuer dans les conditions initialement prévues par ce jugement, alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en l'espèce, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Béziers ayant rendu le jugement de première instance était Mme O... R... ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que l'affaire a été débattue en appel devant M. Paul Baudouin, président, et Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, qui ont ensuite rendu compte des plaidoiries « dans le délibéré de la cour composée de : M. Paul Baudoin, président, Mme Cécile Youl-Pailhes, conseillère, et Mme Magali Venet, conseiller » ; qu'en statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu l'exigence d'impartialité, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.

L'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement.

6. L'arrêt mentionne que l'affaire a été délibérée par la cour d'appel, composée notamment de Mme R..., juge aux affaires familiales ayant prononcé le jugement déféré.

7. En statuant ainsi, dans une composition comportant un magistrat qui avait déjà tranché le même litige en première instance, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 mars 2010, pourvoi n° 08-19.320, Bull. 2010, II, n° 59 (cassation) ; Com., 25 avril 2006, pourvoi n° 04-18.581, Bull. 2006, IV, n° 97 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 14 octobre 2020, n° 18-15.840, (P)

Cassation

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance – Atteinte – Cas – Visites domiciliaires – Saisie de documents appartenant à des personnes de passage au moment de la visite

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 avril 2018), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société Marie Brizard Wine & Spirits (la société MBWS), à procéder à une visite au siège social de cette société, situé [...], à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société [...] participant à ce conseil d'administration, dont Mme R....

2. Ces opérations ont été effectuées le 25 avril 2017 et Mme R... a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ainsi qu'exercé un recours contre leur déroulement.

La société [...] est intervenue volontairement à l'instance, à titre accessoire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme R... et la société [...] font grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable la demande d'intervention volontaire de la société [...], alors « que l'intervention volontaire accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que la recevabilité de cette intervention ne suppose en revanche pas que son auteur ait été en droit d'exercer l'action engagée par la partie qu'il soutient ; que pour déclarer l'intervention volontaire accessoire de la société [...] irrecevable, le premier président a relevé que l'autorisation de visite domiciliaire accordée par l'ordonnance du 19 avril 2017 « se limitait » au siège social de la société MBWS et aux lieux de résidence temporaire, en France de Mme Q... R..., de M. V... A... et de M. J... U... ; qu'en statuant de la sorte, cependant que la circonstance que la société [...] n'ait pas été l'occupante des lieux que l'ordonnance autorisait à visiter n'était pas, en soi, de nature à rendre son intervention irrecevable, le premier président a violé l'article 330 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 621-12 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 330 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'intervention volontaire accessoire, qui appuie les prétentions d'une partie, est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

5. Pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire à titre accessoire de la société [...], l'ordonnance, après avoir relevé que ses locaux n'étaient pas visés par l'autorisation de visite, et énoncé qu'au stade de l'enquête préparatoire, aucune accusation n'est formulée à l'encontre des personnes concernées par les visites autorisées, et encore moins à l'encontre des personnes non concernées par ces visites, retient qu'aucune atteinte à la présomption d'innocence ne peut être retenue contre la société [...].

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter l'intérêt, pour la société [...], à intervenir à titre accessoire pour soutenir les prétentions de Mme R... afin d'assurer la conservation de ses droits, le premier président a privé sa décision de base légale.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

7. Mme R... et la société [...] font grief à l'ordonnance de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et de rejeter la demande de Mme R... tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant, qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance, alors « que la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, Mme R..., résidente marocaine, était simplement « de passage » à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à cette dernière lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

8. Selon le second de ces textes, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but.

9. Selon le premier de ces textes, qui prévoit la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention, d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 du même code, l'occupant des lieux ou son représentant peut seul, avec les enquêteurs de l'Autorité et l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, prendre connaissance des pièces avant leur saisie, signer le procès-verbal et l'inventaire, et c'est à l'occupant des lieux ou à son représentant que sont restitués les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité.

10. Il en résulte que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu.

11. Pour confirmer l'autorisation de saisie des documents appartenant à Mme R..., l'ordonnance, après avoir énoncé que l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire, ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit ni titre, relève que Mme R... était présente dans les lieux visités, et retient que, même si elle ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, elle doit être considérée comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, car visée par l'ordonnance contestée.

12. En statuant ainsi, alors que la simple présence de Mme R... au siège social de cette société le jour de la visite ne lui conférait pas la qualité d'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui déclare régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 avril 2018, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 621-12 du code monétaire et financier ; article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Com., 14 octobre 2020, n° 18-17.174, (P)

Cassation

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance – Atteinte – Cas – Visites domiciliaires – Saisie de documents appartenant à des personnes de passage au moment de la visite

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 avril 2018), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société [...] (la société MBWS), à procéder à une visite au siège social de cette société, situé [...], à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société Diana holding participant à ce conseil d'administration, dont M. Y....

2. Ces opérations ont été effectuées le 25 avril 2017 et M. Y... a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite ainsi qu'exercé un recours contre leur déroulement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. Y... fait grief à l'ordonnance de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et de rejeter sa demande tendant à la restitution de l'intégralité des pièces et documents lui appartenant, qui avaient été saisis lors de la visite domiciliaire autorisée par cette ordonnance, alors « que la saisie de documents électroniques, qui constitue une ingérence de l'autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, n'est admise que si elle est prévue par un texte ; que l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à visiter un lieu et à saisir les documents appartenant aux personnes occupant effectivement ce lieu ; qu'il ne permet en revanche pas d'autoriser les enquêteurs à saisir des documents détenus par des personnes simplement de passage dans le lieu en question lors du déroulement des opérations de visite domiciliaire ; que le premier président a constaté qu'à la date prévue pour la visite domiciliaire du siège social de la société MBWS, M. Y..., résident marocain, était simplement « de passage » à ce siège social, pour assister à un conseil d'administration ; qu'en jugeant néanmoins que le juge des libertés et de la détention aurait valablement autorisé la saisie de documents appartenant à ce dernier lors de cette visite domiciliaire, le premier président a violé l'article L. 621-12 du code de monétaire et financier, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Selon le second de ces textes, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but.

5. Selon le premier de ces textes, qui prévoit la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention, d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du code monétaire et financier et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 du même code, l'occupant des lieux ou son représentant peut seul, avec les enquêteurs de l'Autorité et l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, prendre connaissance des pièces avant leur saisie, signer le procès-verbal et l'inventaire, et c'est à l'occupant des lieux ou à son représentant que sont restitués les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité.

6. Il en résulte que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage fût-il attendu.

7. Pour confirmer l'autorisation de saisie des documents appartenant à M. Y..., l'ordonnance, après avoir énoncé que l'occupant des lieux n'est ni le propriétaire, ni le locataire, ni le sous-locataire du local visité mais la personne se trouvant à l'intérieur de ce local au moment de la visite, peu important que cette personne soit un occupant sans droit ni titre, relève que M. Y... était présent dans les lieux visités, et retient que, même si il ne les a occupés que de manière ponctuelle lors du conseil d'administration de la société MBWS, il doit être considéré comme étant l'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, car visé par l'ordonnance contestée.

8. En statuant ainsi, alors que la simple présence de M. Y... au siège social de cette société le jour de la visite ne lui conférait pas la qualité d'occupant des lieux au sens de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif qui déclare régulières les opérations de visite et de saisie effectuées le 25 avril 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 avril 2018, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 621-12 du code monétaire et financier ; article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

1re Civ., 14 octobre 2020, n° 19-15.783, (P)

Cassation sans renvoi

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Compatibilité – Actions aux fins d'établissement de la filiation – Action en recherche de paternité – Obstacle résultant de l'existence d'une filiation légalement établie

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 21 novembre 2017 et 19 mars 2019), rendus sur renvoi après cassation (1re Civ., 7 octobre 2015, pourvoi n° 14-20.144), S... X... est née le [...] à Hammersmith (Royaume-Uni) de Y... N... K... et d'un père déclaré par celle-ci comme étant T... X.... Elle n'a jamais été reconnue par celui-ci.

En 1958, un jugement a condamné T... X... à payer des subsides à Y... N... K.... Celle-ci est décédée en 1963.

Le 11 août 1966, S... X... a été adoptée au Royaume-Uni par un cousin de sa mère et son épouse, M. et Mme M....

2. Le 12 juillet 2010, Mme X... a assigné T... X... en recherche de paternité.

Le 24 octobre 2011, celui-ci est décédé, en laissant pour lui succéder son fils, M. G... X..., issu de son union avec L... E..., prédécédée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. M. G... X... fait grief à l'arrêt du 21 novembre 2017 de déclarer l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X... recevable et d'ordonner une expertise biologique, alors :

« 3°/ qu'à supposer que l'impossibilité pour une personne adoptée de faire reconnaître son lien de filiation paternelle biologique à des fins successorales constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale, cette impossibilité est prévue à l'article 370-5 du code civil et poursuit un but légitime tendant à garantir la stabilité du lien de filiation établi par une adoption régulièrement prononcée à l'étranger, produisant en France les effets d'une adoption plénière ; que le juge doit donc déclarer irrecevable l'action ayant pour objet d'établir le lien de paternité biologique d'une personne régulièrement adoptée à l'étranger par une décision produisant en France les effets d'une adoption plénière ; qu'en déclarant pourtant recevable l'action de Mme X..., épouse H..., régulièrement adoptée en Angleterre, la cour d'appel, qui n'a pas opéré une juste pondération entre les intérêts concurrents en présence, a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 356 et 370-5 du code civil ;

4°/ qu'il appartient au juge de rechercher un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et familiale, dont pourrait être déduit l'établissement de la filiation biologique, et la stabilité du lien de filiation, qui conduit au contraire à l'ignorer en cas d'adoption plénière ; que le juge doit ainsi privilégier, par une décision motivée, la solution protectrice de l'intérêt le plus légitime ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable l'action en établissement du lien de paternité biologique, la cour d'appel s'est fondée sur « les conditions dans lesquelles l'adoption de Mme H... a été obtenue », et a notamment relevé que « le désintérêt de T... X... à l'égard de Mme H... a été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi la reconnaissance du lien de filiation biologique avec M. X... était nécessaire au respect de la vie privée et familiale de Mme X..., épouse H..., d'autant que celle-ci tenait pour acquis qu'elle était la fille biologique d'T... X... dont elle portait le nom depuis sa naissance, ce dont il résultait qu'elle avait déjà connaissance de ses origines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 356 et 370-5 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Aux termes de ce texte, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

5. Pour déclarer l'action de Mme X... recevable, après avoir énoncé à bon droit que la loi anglaise compétente faisait obstacle à la reconnaissance d'un lien de filiation qui viendrait contredire celui créé par l'adoption, laquelle produisait les effets de l'adoption plénière du droit français, en application de l'article 370-5 du code civil, l'arrêt retient que le droit au respect de la vie privée et familiale impose d'établir un juste équilibre dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d'un côté, le droit de Mme X... de connaître son ascendance et de voir établir légalement celle-ci, de l'autre, le refus d'T... X... lorsqu'il était vivant, puis de son héritier M. G... X..., qui se sont opposés systématiquement aux demandes de Mme X... et, enfin, l'intérêt général lié à la sécurité juridique. Il relève, d'abord, que l'intérêt de M. G... X..., seul héritier d'T... X... et qui avait connaissance de l'existence et du souhait de Mme X... de renouer avec sa famille d'origine, au moins depuis 2008, puis de voir reconnaître son lien de parenté, est de moindre importance que l'intérêt de Mme X.... Il énonce, ensuite, que, si le droit anglais empêche l'établissement d'une autre filiation en présence d'une adoption, il n'interdit pas pour autant la remise en cause de cette adoption dans certaines circonstances. Il ajoute, enfin, que l'adoption de Mme X... a été obtenue dans des conditions particulières, alors que les assistants sociaux avaient adressé plusieurs lettres restées sans réponse à T... X..., qu'ils s'étaient rendus en France afin de le rencontrer, sans parvenir à entrer en contact avec lui, que seule l'épouse de celui-ci avait contacté téléphoniquement les enquêteurs sociaux, en indiquant qu'elle désapprouvait cette adoption, sans donner de motifs, que le désintérêt d'T... X... à l'égard de Mme X... avait été constant jusqu'à ce qu'elle reprenne contact avec lui en 2008 et, encore, que, bien que condamné à payer des subsides par un arrêt de la cour d'appel de Versailles, en 1959, il avait cessé ses paiements quelques années après, ce qui avait contraint les époux M... à demander l'adoption de la mineure afin d'obtenir des prestations familiales pour l'élever.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations, d'une part, que Mme X..., qui connaissait ses origines personnelles, n'était pas privée d'un élément essentiel de son identité, d'autre part, qu'T... X..., puis son héritier, M. G... X..., n'avaient jamais souhaité établir de lien, de fait ou de droit, avec elle, de sorte qu'au regard des intérêts de M. G... X..., de ceux de la famille adoptive et de l'intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, l'atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme X... que constituait l'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. G... X... fait grief à l'arrêt du 19 mars 2019 de dire qu'T... X... était le père de Mme S... X..., alors « que la cassation à intervenir de l'arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré à tort recevable l'action en établissement de la filiation paternelle biologique de Mme X..., épouse H... et ordonné une expertise génétique visant à établir s'il existait un lien de filiation entre l'intéressée et M. T... X... entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 19 mars 2019 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. La cassation de l'arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré l'action recevable entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 19 mars 2019 ayant statué au fond sur la paternité d'T... X....

Portée et conséquences de la cassation

10. Comme suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 21 novembre 2017 et 19 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 19 octobre 2010 ayant déclaré irrecevable l'action en recherche de paternité de Mme X...

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.507, Bull. 2016, I, n° 185 (rejet).

1re Civ., 14 octobre 2020, n° 19-19.234, (P)

Cassation sans renvoi

Article 8 – Respect de la vie privée – Ingérence de l'autorité publique – Conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu – Compatibilité – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 23 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 19 janvier 2019, M. B..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative.

2. Le 21 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure et, par l'étranger, d'une requête en contestation de la régularité de la décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. B... fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention, alors « qu'en jugeant que l'absence d'habilitation des agents ne faisait pas grief à l'étranger dès lors qu'elle ne portait pas atteinte à ses droits, en se fondant sur des considérations inopérantes tirées notamment de la manière dont les données personnelles étaient collectées et exploitées, tandis qu'une telle habilitation constitue par elle-même une garantie substantielle, le premier président a violé, ensemble les articles L. 611-4, R. 611-12 et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 611-4 et R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur :

4. Selon le deuxième, les données des fichiers automatisés des empreintes digitales gérés par le ministère de l'intérieur ne peuvent être consultées que par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale désignés par les deux derniers de ces textes, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

5. Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens du premier de ces textes, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

6. S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits.

7. Pour prolonger la mesure de rétention, l'ordonnance retient que, s'il ne résulte pas des pièces relatives aux opérations de contrôle que les agents ayant consulté les fichiers biométriques VISABIO et FAED étaient spécialement habilités à cet effet, d'une part, aucun texte n'impose qu'il en soit fait mention, d'autre part, il n'est pas démontré que la consultation poursuivait d'autres finalités que celles prévues par les textes. Elle en déduit qu'à la supposer irrégulière, celle-ci n'a pas porté atteinte aux droits de l'étranger.

8. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue, le 23 janvier 2019, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Lesourd -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles L. 611-4 et R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; article 8 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16.852, Bull. 2018, (cassation partielle sans renvoi).

Com., 21 octobre 2020, n° 19-11.700, (P)

Rejet

Premier Protocole additionnel – Article 1er – Protection de la propriété – Droit au respect de ses biens – Atteinte disproportionnée (non) – Nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi

La sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), par un acte sous seing privé du 7 juin 2004, la société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA) a consenti à la société Compagnie Générale de Torréfaction (la société) un prêt d'un montant de 100 000 euros.

Par un acte du même jour, Mme M... C..., épouse X..., et M. R... C... se rendus cautions de ce prêt.

2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet et 23 novembre 2006, la société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a assigné Mme M... C... et M. R... C..., en exécution de leurs engagements.

Les cautions ont demandé, reconventionnellement, l'annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SOFIAG fait grief à l'arrêt d'annuler l'acte de cautionnement du 7 juin 2014, alors :

« 1° / que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents » était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la

portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que " le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté », quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour

d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, après avoir relevé que Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents », l'arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, n'a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l'identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l'engagement, ni n'indique ce que signifie son caractère « solidaire ».

L'arrêt retient, en outre, que l'adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l'imprécision en ce qu'il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini.

En l'état de ces éléments, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

5. D'autre part, la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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