Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 14 octobre 2020, n° 19-12.275, (P)

Cassation partielle

Employeur – Obligations – Mise à la disposition d'une filiale étrangère d'un salarié par la société mère – Reclassement du salarié – Proposition de la société mère – Paiement des salaires et accessoires de rémunération du dernier emploi – Effets – Offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère – Défaut

Aux termes de l'article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.

Il en résulte que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi.

Il en résulte également que, en l'absence d'offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu'à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2018), M. A... a été engagé, le 30 mars 2009, par la société Emailvision, devenue la société Smartfocus France, en qualité d'ingénieur commercial. Il y exerçait, en 2011, les fonctions de directeur commercial.

2. Au mois d'avril 2011, il a occupé, au Canada, un poste de directeur commercial, puis a été engagé, au début de l'année 2012, par la société filiale de droit américain Emailvision Inc., comme directeur commercial. Il a été licencié par cette dernière par lettre du 15 avril 2013.

3. La société Smartfocus France a proposé au salarié de le réintégrer en son sein, en France, à un poste de responsable des ventes, à compter du 1er mai 2013.

4. Elle a licencié celui-ci, pour faute grave, par lettre du 16 août 2013, en lui reprochant, en particulier, un abandon de poste.

Examen des moyens

Sur les deux moyens du pourvoi principal et sur le quatrième moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de la décision attaquée

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter les condamnations de la société Smartfocus France à certains montants à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre le salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère, au titre de son licenciement prononcé par la société mère après que la filiale a mis fin à son détachement, doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi ; que M. A... ayant travaillé en dernier lieu au sein de la filiale américaine, le montant des indemnités de préavis, de congés payés afférents au préavis, de licenciement, mais également les dommages et intérêts dus au titre du caractère injustifié du licenciement devait être déterminé sur la base du salaire d'expatriation ; qu'en retenant pour accorder à M. A... les sommes de 71 070 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 euros au titre des congés payés afférents et de 17 767 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, que le salaire moyen devant être retenu n'était pas celui perçu aux Etats-Unis, mais le salaire antérieur à son détachement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-5 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1231-5 du code du travail :

7. Aux termes de ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.

8. Il en résulte que lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement par la filiale étrangère, les indemnités de rupture auxquelles le salarié peut prétendre doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi.

9. Pour condamner la société Smartfocus France au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient comme salaire de référence non pas le salaire moyen perçu aux États-Unis, mais celui antérieur à la période de détachement.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

11. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents pour la période allant du mois d'avril au mois d'août 2013, alors « que la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L. 1231-5 du code du travail ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande de paiement des salaires dus entre cette date et son licenciement en août 2013 au motif qu'il aurait refusé le poste proposé et n'aurait pas travaillé, quand cette situation n'était imputable qu'à son employeur qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article susvisé. »

12. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser à la société Smartfocus France une certaine somme représentant le montant de l'avantage logement devenu sans cause, alors « que la cour d'appel a constaté que la société mère n'avait pas réintégré M. A... au terme de son expatriation en avril 2013, faute de lui avoir proposé un emploi conforme aux exigences de l'article L. 1231-5 du code du travail ; qu'en retenant, pour condamner le salarié à rembourser à son employeur les loyers du logement de fonction qu'il avait occupé entre la fin de son expatriation et son licenciement, qu'il ne pouvait bénéficier d'un tel avantage en contrepartie d'un emploi qu'il n'avait pas occupé, quand il ressortait de ses propres constatations que cette situation n'était imputable qu'à la société mère qui, faute d'avoir respecté ses obligations légales, avait rendu impossible l'exécution d'une prestation de travail, la cour d'appel a violé l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1231-5 du code du travail :

13. Selon ce texte, lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein.

14. Il en résulte que, en l'absence d'offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, cette dernière est tenue, jusqu'à la rupture du contrat de travail la liant au salarié, au paiement des salaires et des accessoires de rémunération du dernier emploi, dès lors que le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur.

15. Pour débouter le salarié de ses demandes de paiement de certaines sommes à titre de rappel de salaire et de droits à congés payés afférents pour la période d'avril à août 2013, ainsi que le condamner à rembourser à la société Smartfocus France une certaine somme représentant le montant de l'avantage logement, l'arrêt retient que le salarié n'a jamais rejoint le poste proposé par cette société ni exécuté la moindre prestation de travail en sorte qu'il ne peut ni prétendre au salaire correspondant à l'emploi qu'il n'a jamais occupé ni bénéficier des avantages qui y sont attachés.

16. En statuant ainsi après avoir constaté que l'offre de réintégration proposée par l'employeur n'était pas compatible avec l'importance des précédentes fonctions du salarié au sein de la société mère, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Smarfocus France à payer à M. A... les sommes de 71 070 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 35 535 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 3 553 euros au titre des droits à congés payés afférents, de 17 767 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de condamnation de cette société au paiement des sommes de 19 560 euros à titre de rappel de salaire et de 1 956 euros au titre des droits à congés payés afférents, ainsi qu'il condamne le salarié au paiement de la somme de 15 677,42 euros au titre de l'avantage-logement indu, l'arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 1231-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de reclassement pesant sur la société mère, dans le même sens que : Soc., 13 novembre 2008, pourvoi n° 07-41.700, Bull. 2008, V, n° 214 (rejet).

2e Civ., 8 octobre 2020, n° 18-25.021, (P)

Cassation partielle

Employeur – Responsabilité – Faute – Faute inexcusable – Définition

Employeur – Responsabilité – Faute – Inexécution par l'employeur de ses obligations – Obligation de sécurité envers les salariés – Accidents du travail – Mesures de protection nécessaires – Défaut

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2018), le 31 juillet 2008, M. U..., salarié en qualité de conducteur receveur de la société N'4 Mobilités (l'employeur), a été victime d'une agression physique, à bord de l'autobus qu'il conduisait.

La caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, M. U... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, ce dernier pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et les deux dernières branches du second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. U... fait grief à l'arrêt de dire que l'accident du travail n'est pas du à la faute inexcusable de l'employeur, alors « qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; qu'il manque à cette obligation dans le cas où un chauffeur de bus est victime dans le car qu'il conduit d'une agression physique de la part de tiers ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour qu'en vingt mois vingt-trois agressions de chauffeurs de car avaient eu lieu donc quatre sur la ligne 202 dont l'une déclarée par M. U... le 29 juillet 2008 qui avait été giflé, qui avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable, soit peu de temps avant la seconde agression du 31 juillet 2008 dont il avait été victime, ce dont l'employeur avait immédiatement été informé par le registre des incidents ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était établie et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur dès lors qu'à la date du 28 juillet 2008 seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne 202, ce qui n'en constituait pas pour autant un danger particulier alors qu'elle constatait que les agressions des chauffeurs de car sur la ligne 202 et notamment à l'encontre de M. U... étaient établies et connues de l'employeur et que le CHSCT avait, selon procès verbal du 28 mai 2008, informé l'employeur des problèmes sur la commune d'Ozoir et demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les cars afin de limiter les risques d'agression, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

5. Pour dire que la connaissance par l'employeur d'un danger antérieurement à l'accident n'est pas établie et rejeter la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de celui-ci, l'arrêt retient qu'au jour de l'accident, seules quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne. Il relève que si, à l'évidence, M. U... souhaitait changer de ligne, il ne justifie pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces dont il faisait état dans son courrier du 29 juillet 2008, faits distincts de l'agression qui s'est réalisée. Il ajoute qu'aucun élément ne permet de démontrer qu'avant cette date, l'employeur connaissait ce danger particulier d'agression, et que, des attestations produites, il ressort que dès que la direction a été informée de son souhait de changer de ligne, elle a recherché à le remplacer, le 30 juillet, mais n'a trouvé personne, les autres collègues refusant. Il précise, enfin, que si le document unique d'évaluation des risques répertorie bien le risque d'agression lors de la vente et du contrôle des titres de transports et le risque de stress lié à la présence de public, aucune réunion du CHSCT n'alerte sur ce danger particulier d'agression avant l'accident, que ce n'est que dans le procès-verbal de réunion du CHSCT du 5 février 2009 qu'il est mentionné un projet de vidéo-surveillance et que ce système sera effectivement mis en place, début 2013, pour l'ensemble des véhicules de transport de la société.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 28 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677, Bull. 2020, (cassation) ; 2e Civ., 6 avril 2004, pourvoi n° 02-30.688, Bull. 2004, II, n° 153 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 8 octobre 2020, n° 18-26.677, (P)

Cassation

Employeur – Responsabilité – Faute – Faute inexcusable – Définition

Employeur – Responsabilité – Faute – Inexécution par l'employeur de ses obligations – Obligation de sécurité envers les salariés – Accidents du travail – Mesures de protection nécessaires – Défaut

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 octobre 2018), M. Y... (la victime), salarié de 1962 à 1996 des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues l'établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l'Agent judiciaire de l'État (l'employeur), a été reconnu atteint de silicose, maladie inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles, par décision du 5 juillet 2013 de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en retenant, après avoir expressément constaté que des témoignages d'anciens collègues ayant travaillé avec M. Y... (M. H... et V...) dénonçaient un environnement poussiéreux du fait du manque d'arrosage d'eau, que l'instruction du 30 novembre 1956 admettait la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, tout en constatant que, dès le décret du 4 mai 1951 reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948, il était imposé à l'employeur de prendre des mesures pour protéger ses ouvriers contre les poussières dont l'inhalation est dangereuse, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

4. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

5. Pour dire que l'employeur n'a pas commis de faute inexcusable, l'arrêt relève, d'une part, que s'agissant de la foration, l'instruction de 1956 admet la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, d'autre part, que s'agissant des conditions d'arrosage et d'humidification des poussières, MM. V... et H..., seuls témoins ayant travaillé avec la victime, font uniquement état d'un environnement poussiéreux du fait d'un manque d'arrosage d'eau, sans aucune description des moyens de protection existants, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'apprécier la faute de l'employeur dans la mise en place des mesures pour protéger la victime et que, s'agissant des masques, celle-ci qui soutient que l'employeur ne lui fournissait pas de masque avant 1965 ne produit aucun élément permettant de démontrer ce qu'elle allègue et qu'il ressort de l'attestation de M. H..., ancien collègue direct, que celui-ci portait effectivement un masque ; qu'il n'apporte toutefois aucune précision concernant l'efficacité des masques fournis et l'effort de distribution de l'employeur.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations une inefficacité des mesures de protection mises en oeuvre par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ; articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 avril 2004, pourvoi n° 02-30.688, Bull. 2004, II, n° 153 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021, Bull. 2020, (cassation).

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