Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

CAUTIONNEMENT

Com., 21 octobre 2020, n° 19-11.700, (P)

Rejet

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Mention manuscrite prescrite par l'article L. 341-2 du code de la consommation – Sanction – Nullité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), par un acte sous seing privé du 7 juin 2004, la société de crédit pour le développement de la Guadeloupe (la SODEGA) a consenti à la société Compagnie Générale de Torréfaction (la société) un prêt d'un montant de 100 000 euros.

Par un acte du même jour, Mme M... C..., épouse X..., et M. R... C... se rendus cautions de ce prêt.

2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 juillet et 23 novembre 2006, la société financière Antilles Guyane (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEGA, a assigné Mme M... C... et M. R... C..., en exécution de leurs engagements.

Les cautions ont demandé, reconventionnellement, l'annulation de ceux-ci sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SOFIAG fait grief à l'arrêt d'annuler l'acte de cautionnement du 7 juin 2014, alors :

« 1° / que les erreurs qui n'affectent ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par le code de la consommation ni n'en rendent la compréhension plus difficile pour la caution n'affectent pas la validité du cautionnement ; qu'en jugeant au contraire que la mention « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 €) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents » était nulle pour ne pas correspondre pas aux mentions manuscrites exigées par le code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les erreurs affectaient le sens, la

portée ou la compréhension de la mention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ que la nullité automatique du cautionnement pour non-respect du formalisme cause une atteinte disproportionnée au droit de propriété du créancier bénéficiaire de la sûreté ; qu'en jugeant que le cautionnement était nul au motif que " le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation n'a pas été respecté », quand cette nullité n'était pas justifiée par la protection de l'intégrité du consentement des cautions, la cour

d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, après avoir relevé que Mme M... C... et M. R... C... ont, dans l'acte de cautionnement du 7 juin 2004, fait précéder leurs signatures de la mention manuscrite suivante : « Bon pour engagement de caution solidaire et indivise à concurrence de la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en capital, augmentée des intérêts du prêt au taux de 5,85 %, commissions, intérêts moratoires, frais et accessoires quelconques y afférents », l'arrêt en déduit exactement que le formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, n'a pas été respecté, dès lors que la mention manuscrite litigieuse ne comporte ni la durée du cautionnement, ni l'identité du débiteur principal et ne précise pas le sens de l'engagement, ni n'indique ce que signifie son caractère « solidaire ».

L'arrêt retient, en outre, que l'adjectif « indivise » contribue à la confusion et à l'imprécision en ce qu'il constitue un ajout par rapport à la mention légale, et que, de plus, il est impropre, et, en tout état de cause, non défini.

En l'état de ces éléments, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

5. D'autre part, la sanction de la nullité du cautionnement dont la mention manuscrite n'est pas conforme à celle prévue par la loi, qui est fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l'établissement de crédit prêteur au respect de ses biens garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Com., 21 octobre 2020, n° 18-25.205, (P)

Rejet

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) – Disproportion lors de la conclusion de l'acte – Défaut – Patrimoine de la caution lui permettant de faire face à son obligation au moment où elle est appelée – Preuve – Nécessité (non)

Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu'un cautionnement conclu par une personne physique n'était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s'en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

Faits et procédure

1. Le 1er février 2010, la société Crédit du Nord aux droits de laquelle est venue la Société marseillaise de crédit (la banque) a consenti à la société Services funéraires méditerranéens un prêt de 170 000 euros pour lequel M. U... Q..., alors son gérant, s'est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros.

2. Se prévalant d'une créance impayée, la banque a assigné en paiement

la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis liquidation judiciaire, et M. Q..., qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à son obligation de mise en garde.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. Q... fait grief à l'arrêt de retenir que son cautionnement n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque la somme de 114 240 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 avril 2014 alors « qu'un organisme dispensateur de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, le caractère disproportionné d'un engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine s'appréciant au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en oeuvre par l'organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution ; que, dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait fait valoir le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la Société marseillaise de crédit en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque ; qu'en énonçant que l'engagement de caution de M. Q... n'étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010, la SNC n'avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi, pour s'abstenir de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu'il avait été mis en oeuvre par la banque en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 alors applicable que, dès lors qu'un cautionnement conclu par une personne physique n'était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s'en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

5. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. Q... fait grief à l'arrêt de dire que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde envers lui et de le condamner, en conséquence, à payer à la banque la somme de 114 240 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 3 avril 2014 alors :

« 1°/ que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que, pour rejeter la demande formée par M. Q... de retenir la responsabilité pré-contractuelle de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde à son égard, en sa qualité de caution, la cour d'appel s'est fondée sur sa qualité de dirigeant de la société emprunteuse pendant plus de vingt ans ; qu'en se fondant ainsi sur un motif inopérant lié à la durée de la gestion de l'entreprise par M. Q..., impropre à établir que le crédit accordé à la société cautionnée en 2010 n'était pas excessif et que la banque n'avait commis aucun manquement à son obligation de mise en garde, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution d'un prêt, lui imposant notamment de l'alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l'emprunteur ; que, dans ses conclusions d'appel, M. Q... avait régulièrement exposé que le devoir de mise en garde comporte trois obligations à la charge du banquier dispensateur d'un crédit, parmi lesquelles le devoir d'alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l'emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d'appel de constater la défaillance de la banque dans l'exécution de son obligation préalable d'information ; qu'en se fondant sur un motif inopérant tiré de l'absence de caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. Q... lors de sa souscription en 2010 pour en déduire que la banque avait satisfait à son obligation préalable d'information, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à la recherche demandée quant à l'accomplissement par la banque de son obligation pré-contractuelle d'information sur le risque de non-remboursement encouru, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que, tout en constatant que la société Services funéraires méditerranéen, dont l'emprunt était cautionné par M. Q..., avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt, la cour d'appel, qui n'a cependant pas retenu le caractère excessif de cet emprunt cautionné aux motifs inopérants que la société Services funéraires méditerranéen avait réglé les mensualités du prêt pendant plus de deux ans, jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire à l'origine de la déchéance des termes des prêts et que la procédure collective n'avait pas été provoquée par un incident de paiement d'une des mensualités de ces emprunts, n'a pas légalement justifié sa décision d'exonérer la banque de tout manquement à son devoir de mise en garde de M. Q... à raison du risque encouru par un endettement excessif de la société Services funéraires méditerranéen, au regard de l'article 1382 du code civil applicable aux contrats et engagements souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Pour invoquer le manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers elle, une caution, fût-elle non avertie, doit rapporter la preuve que son engagement n'est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur débiteur principal.

8. Ayant retenu, d'un côté, que la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n'était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l'existence d'un risque d'endettement de la société Services funéraires méditerranéens et, de l'autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l'emprunt, aucun incident de paiement n'avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l'ouverture de la liquidation, la cour d'appel a, par ces seules constatations et appréciations, légalement justifié sa décision.

9. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fevre - Avocat(s) : Me Brouchot ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

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