Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

ASSURANCE (règles générales)

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-18.165, (P)

Rejet

Assurance non obligatoire – Garantie – Conditions – Architecte – Déclaration préalable d'ouverture du chantier – Inexécution – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. T... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Consultex et M. V....

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2019), le 27 juillet 2011, M. et Mme H... ont, sous la maîtrise d'oeuvre de M. T..., architecte, assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF), confié la rénovation et l'agrandissement de leur maison à la société CAM, depuis en liquidation judiciaire, assurée par la société AXA, les travaux de gros oeuvre ayant été sous-traités à la société [...].

3. Des désordres étant apparus en cours de chantier, M. et Mme H... ont assigné M. T... et la MAF en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre la MAF, alors « que l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré est sanctionnée par la réduction proportionnelle de l'indemnité et ne peut être analysée en une condition de la garantie dont la méconnaissance emporterait une absence de garantie ; qu'en l'espèce, l'exposant rappelait que le contrat imposait à l'architecte dont la responsabilité était assurée de déclarer à l'assureur les chantiers auxquels il prenait part et, en l'absence d'une telle déclaration, renvoyait à l'article L. 113-9 du code des assurances lequel prévoit de manière impérative, en ce cas, une réduction proportionnelle de la prime ; qu'en jugeant toutefois qu'il résultait du contrat d'assurance que « l'obligation de déclaration de chaque mission constitue bien une condition de la garantie et son omission une absence de garantie », la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 113-9 du code des assurances, pris ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. Lorsque, dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'un architecte ne relevant pas de l'assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l'absence de déclaration d'un chantier entraîne une non-assurance.

7. Cette clause est, en outre, opposable à la victime, le droit de celle-ci contre l'assureur puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d'assurance.

8. Toutefois, dès lors qu'en présence d'une telle clause, l'architecte n'est assuré pour chaque chantier qu'après sa déclaration, commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile l'assureur qui délivre une attestation d'assurance avant que la déclaration de chantier qui conditionne la garantie n'ait été effectuée.

9. La cour d'appel a relevé que l'article 5.21 des conditions générales stipulait que l'adhérent devait fournir à l'assureur pour le 31 mars de chacune des années suivant celle de la souscription du contrat la déclaration de chaque mission et que cette déclaration constituait une condition de la garantie.

10. Elle a constaté que M. T... n'avait pas déclaré au plus tard le 31 mars 2013 la mission de maîtrise d'oeuvre que lui avaient confiée M. et Mme H... le 21 septembre 2012.

11. Elle a exactement déduit, de ces seuls motifs, que, l'omission de la déclaration entraînant une absence de garantie, l'appel en garantie formé par M. T... à l'encontre de la MAF devait être rejeté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boulloche ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 113-9 du code des assurances ; article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 03-13.821, Bull. 2004, III, n° 188 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28.872, Bull. 2019, (rejet).

3e Civ., 1 octobre 2020, n° 18-20.809, (P)

Cassation

Garantie – Conditions – Architecte – Déclaration préalable de chaque mission – Omission – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort de France, 29 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.495), Mme Q... a confié à M. E..., architecte assuré auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), la réalisation de deux bungalows.

2. Les travaux ont démarré en février 2008 et ont été abandonnés en avril 2008.

3. Mme Q... a assigné M. E... et la MAF en résolution du contrat et indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La MAF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Q... la somme de 91 460,44 euros, alors « que l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. E... stipule que la déclaration de chaque mission constitue une condition de la garantie pour chaque mission ; que par suite, en cas d'absence de déclaration d'une mission, la réduction de l'indemnité ne peut être calculée par référence à l'ensemble des chantiers déclarés annuellement par l'architecte mais par référence à la seule mission litigieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que M. E... avait omis de déclarer la mission complète confiée par Mme Q... le 5 décembre 2007 ; que néanmoins, elle a calculé la réduction de la garantie de la MAF en se référant aux cotisations payées pour l'ensemble des missions au titre de l'année 2008, dénaturant ainsi l'article 5.21 des conditions générales du contrat d'assurance, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Il résulte de la combinaison des deux derniers que l'assureur peut opposer au tiers lésé, qui invoque le bénéfice de la police, les exceptions opposables au souscripteur originaire.

7. En l'état d'un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'architecte soumettant la garantie de l'assureur à la déclaration préalable de chaque mission, l'omission de déclaration équivaut à une absence d'assurance, opposable au tiers lésé.

8. Pour condamner la MAF à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de M. E..., l'arrêt retient que la clause précisant que l'absence de déclaration équivaut à une absence de garantie, ajoutée au visa de l'article L. 113-9 du code des assurances alors qu'elle contredit les termes de cette disposition, doit être écartée.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration de chaque mission constituait une condition de la garantie pour chacune d'elles, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 03-13.821, Bull. 2004, III, n° 188 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 27 juin 2019, pourvoi n° 17-28.872, Bull. 2019, (rejet).

Com., 21 octobre 2020, n° 19-16.206, (P)

Cassation partielle

Recours contre le tiers responsable – Subrogation légale – Article L. 121-12 du code des assurances – Dispositions non impératives – Cession des droits et actions nés des dommages – Possibilité

Une personne, assurée contre le risque d'avaries et pertes subies par des marchandises transportées, peut librement consentir à son assureur une cession de ses droits et actions nés des dommages, de sorte que ce dernier peut agir en responsabilité contre le commissionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 février 2019), la société L'Oréal, assurée auprès de la société ACE European Group Limited, devenue la société Chubb European Group (la société Chubb), a conclu un contrat de commission de transport avec la société Gefco pour l'acheminement en France de ses marchandises.

2. Le 29 juin 2010, la société Gefco a sous-traité le transport de produits cosmétiques à la société Transports Catroux (le voiturier), qui, selon lettre de voiture du 30 juin 2010, a pris en charge les marchandises à Ingré (Loiret) afin de les acheminer à Villeneuve d'Ascq (Nord).

3. La remorque, laissée en stationnement sur un parking dans l'attente qu'un second chauffeur vienne la prendre en charge le lendemain, a disparu au cours de la nuit et été retrouvée vide le 2 juillet 2010.

4. La société Chubb ayant, sur le fondement d'une cession de droits consentie par la société L'Oréal, assigné en responsabilité les sociétés Transports Catroux et Gefco, celle-ci a appelé en garantie le voiturier et l'assureur de ce dernier, la société Allianz Global Corporate & Specialty (la société Allianz).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Chubb, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. La société Gefco fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par la société Chubb, alors « qu'aux termes de l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que s'il est loisible aux parties au contrat d'assurance d'écarter la subrogation légale prévue par cette disposition en faveur d'une subrogation conventionnelle, l'assureur ne peut en revanche pas valablement agir contre le responsable du dommage en vertu d'une cession de droits qui lui aurait été consentie par son assuré ; qu'en effet, l'introduction du mécanisme de subrogation légale aujourd'hui prévu à l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances a été motivée par la volonté du législateur de mettre un terme à la pratique antérieure des cessions de droits, jugée dangereuse pour les assurés ; que pour admettre en l'espèce la recevabilité du recours exercé par la société Chubb European Group, assureur de la société L'Oréal, à l'encontre de la société Gefco, la cour d'appel a considéré que, compte tenu du caractère supplétif de l'article L. 121-12 du code des assurances, rien n'empêchait l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

7. C'est à bon droit que, l'assurance litigieuse couvrant le risque d'avaries et pertes subies par des marchandises transportées, l'arrêt retient qu'il était loisible à la société L'Oréal de consentir à la société Chubb la cession de ses droits et actions nés des dommages qui ont donné lieu à l'application de la garantie de l'assureur puis à celui-ci d'agir en responsabilité contre le commissionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi incident relevé par la société Chubb

Enoncé du moyen

9. La société Chubb fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz, alors :

« 1°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute ; qu'en conditionnant la responsabilité du voiturier à la démonstration de sa faute, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé que la cause exclusive du dommage était, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui aurait omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13h35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises », ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, en relation causale avec le vol de la marchandise, faute d'avoir mis en oeuvre des précautions élémentaires de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 133-1 du code de commerce :

10. Aux termes de ce texte, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure.

11. Pour mettre hors de cause le voiturier, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part, le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité, d'autre part, la faute de la société L'Oréal ayant omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises.

12. En statuant ainsi, tout en relevant que la circonstance que le transporteur avait omis de garer le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque était en lien de causalité direct avec la perte des marchandises, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Chubb European Group, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Delvolvé et Trichet ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 121-12 du code des assurances ; article 31 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le caractère non impératif de la subrogation légale prévue à l'article L. 121-12 du code des assurances, à rapprocher : 2e Civ., 17 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.409, Bull. 2016, II, n° 251 (cassation partielle).

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