Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2020

APPEL CIVIL

Soc., 14 octobre 2020, n° 18-15.229, (P)

Cassation

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

En application des dispositions de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel ne peut être limité que par la mention dans la déclaration d'appel des chefs du dispositif du jugement attaqué. En l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité.

Encourt dès lors la cassation, l'arrêt qui retient que la déclaration d'appel qui vise un extrait de la motivation de la décision est un appel partiel qui doit être déclaré irrecevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2018), M. C..., employé depuis le 5 janvier 2009 par la société [...] en qualité d'ouvrier peintre et placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 2016, a été déclaré inapte à tout poste par le médecin du travail.

2. Par ordonnance de référé du 11 août 2017, la juridiction prud'homale a débouté l'employeur de sa demande aux fins d'expertise médicale fondée sur les dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, alors applicable, et a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure dilatoire.

3. La société a relevé appel de cette ordonnance selon déclaration d'appel du 5 septembre 2017 rédigée comme suit : « Objet de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à Monsieur D... C.... » La cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable.

Examen du moyen

4. Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors :

« 1° / que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand le visa des motifs de la décision attaquée ne pouvait permettre d'assimiler l'appel, mentionné comme étant total, à un appel limité, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

2°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en se déterminant de la sorte, quand en outre le visa, dans la déclaration d'appel, des motifs de la décision attaquée par lesquels le premier juge avait justifié le rejet des demandes renvoyait nécessairement au chef ayant ainsi rejeté ces demandes, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

3°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en toute hypothèse, en déclarant irrecevable l'appel de la société [...] en ce que la déclaration d'appel avait été rédigée comme suit : « Objet/portée de l'appel : appel total : en ce que l'ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL [...] pourrait avoir pour objectif d'éviter le paiement de l'indemnité de licenciement due à M. D... C... », de sorte que l'appel était partiel dans la mesure où il visait expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande, ce qui ne correspondait pas à un chef de la décision, quand il ne pouvait en résulter que la nullité de la déclaration d'appel et non pas l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 901 du code de procédure civile ;

4°/ que l'irrégularité de la déclaration d'appel est une irrégularité de forme, laquelle ne peut être sanctionnée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qu'elle lui cause ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte, sans en tout état de cause relever l'existence d'un grief subi par M. C..., la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 901-4 ° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Selon ce texte, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

7. Selon les trois avis de la Cour de cassation du 20 décembre 2017 (Avis de la Cour de cassation, 20 décembre 2017, n° 17-70.034, n° 17-70.035 et n° 17-70.036 ; Bull. 2017, Avis, n° 12), la sanction attachée à la déclaration d'appel formée à compter du 1er septembre 2017 portant comme objet « appel total », sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile.

8. En outre, deux des avis précités (n° 17-70.035 et n° 17-70.036) précisent qu'il ne résulte de l'article 562, alinéa 1, du code de procédure civile, qui dispose que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, aucune fin de non-recevoir.

9. Il en résulte, d'une part, que la déclaration d'appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué et, d'autre part, qu'en l'absence de cette mention, lorsque l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement ou que l'objet n'est pas indivisible, la déclaration d'appel encourt la nullité, à l'exclusion de toute irrecevabilité.

10. Pour déclarer l'appel de l'employeur irrecevable, l'arrêt retient que la déclaration d'appel ne saurait être considérée comme valant appel total dans la mesure où elle vise expressément le passage de la décision indiquant le motif du rejet de la demande et que cet appel partiel, qui ne vise qu'une motivation et ne porte sur aucun chef de décision, est irrecevable.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la déclaration d'appel ne visait que les motifs du jugement, de sorte qu'elle était irrégulière et encourait, comme telle, la nullité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Richard - Avocat(s) : SCP Jean-Philippe Caston ; Me Laurent Goldman -

Textes visés :

Article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité dans l'acte d'appel d'une mention critiquant les chefs du dispositif du jugement, à rapprocher : 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-20.766, (P)

Cassation

Acte d'appel – Prescription – Interruption par une déclaration d'appel devant une cour incompétente – Désistement d'instance en raison de l'incompétence – Portée

Il résulte des articles 2241 et 2243 du code civil que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente.

Dès lors, en l'état d'un premier appel formé à tort devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence dont l'appelant s'est désisté après avoir régularisé un nouvel appel devant la cour d'appel de Grenoble territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, encourt la censure l'arrêt qui prononce l'irrecevabilité du second appel motif pris de ce que, s'étant désisté, l'appelant ne pourrait plus se prévaloir de l'effet interruptif du délai d'appel de la première déclaration d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juin 2019), M. J... a interjeté appel, le 31 janvier 2017, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Alpes rendu dans un litige l'opposant à la société Dufour Sisteron, aux droits de laquelle se trouve la société Alpes Provence Agneaux, et à la Mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse, qui lui avait été notifié le 19 janvier 2017.

2. Le 8 mars 2017, M. J... a formé une nouvelle déclaration d'appel, devant la cour d'appel de Grenoble, territorialement compétente, qu'il a réitérée le 23 mars 2017.

3. Par arrêt du 20 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a constaté le désistement d'appel de M. J..., intervenu à l'audience du 7 septembre 2017, son acceptation par les intimées, et le dessaisissement de la cour d'appel.

4. Les déclarations d'appel des 8 mars 2017 et 23 mars 2017 ayant été jointes, la société Alpes Provence Agneaux a soulevé leur irrecevabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. J... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, alors « qu'en application de l'article 2241 du code civil, une déclaration d'appel, même formée devant une cour incompétente, interrompt le délai d'appel ; que si cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur, notamment, s'est désisté de sa demande, cette disposition ne s'applique pas lorsque le désistement est intervenu en raison de l'incompétence de la première juridiction saisie ; qu'en disant que M. J... ne peut plus de prévaloir de l'effet interruptif attaché à ses déclarations d'appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tout en constatant que ces déclarations, et donc le désistement, avaient été portés devant cette première juridiction qui était incompétente alors qu'entre-temps, la cour d'appel de Grenoble, qui était compétente, avait été saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard des textes susvisés, ainsi que de l'article 5 du code de procédure civile, qu'elle a donc violés par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 et 2243 du code civil :

6. Il résulte de ces textes que si une déclaration d'appel formée devant une cour d'appel incompétente interrompt le délai d'appel, cette interruption est non avenue en cas de désistement d'appel, à moins que le désistement n'intervienne en raison de la saisine d'une cour d'appel incompétente.

7. Pour déclarer irrecevables les appels des 8 mars 2017 et 23 mars 2017, l'arrêt retient que dès lors que M. J... s'est désisté de l'appel qu'il avait interjeté devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ce que cette cour d'appel a constaté par arrêt en date du 20 octobre 2017, il ne peut plus se prévaloir de l'effet interruptif attaché aux déclarations d'appel qu'il a adressées à cette cour.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que M. J... s'était désisté de l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence après avoir régularisé un nouveau recours à l'encontre du même jugement devant la cour d'appel territorialement compétente, ce dont il ressortait que le désistement était motivé par l'incompétence de la première juridiction saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 2241 et 2243 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 décembre 1995, pourvoi n° 93-15.492, Bull. 1995, I, n° 456 (rejet).

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-10.726, (P)

Rejet

Appel incident – Recevabilité – Irrecevabilité de l'appel principal – Portée

Il résulte de l'article 550 du code de procédure civile que l'appel incident est recevable, alors même que l'appel principal serait irrecevable, s'il a été formé dans le délai pour agir à titre principal.

C'est dès lors à bon droit, qu'une cour d'appel, relevant qu'une première déclaration d'appel caduque a été suivie d'une seconde déclaration d'appel irrecevable, retient que l'appel incident interjeté par l'intimé dans le délai prévu pour l'appel principal, postérieurement à cette seconde déclaration d'appel, est recevable, nonobstant la caducité de la première déclaration d'appel.

Appel incident – Recevabilité – Appel incident interjeté dans le délai d'appel – Irrecevabilité de l'appel principal sans influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 octobre 2018) et les productions, Mme X... a fait réaliser des travaux par les sociétés L'Artisan du Cotentin, Brochard Hernandez et Q... K... en vue de construire une maison d'habitation.

2. Alléguant l'existence de désordres, elle a assigné ces sociétés en résolution des contrats et en indemnisation de ses préjudices devant un tribunal de grande instance, qui, par un jugement du 17 décembre 2015, a condamné la société Brochard Hernandez à lui payer une certaine somme et l'a déboutée de ses autres demandes.

3. Mme X... a relevé appel de ce jugement par une première déclaration d'appel du 29 février 2016. N'ayant pas fait signifier ses conclusions à la société [...], elle a régularisé une seconde déclaration d'appel le 1er juillet 2016.

4. Par ordonnance du 14 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la première déclaration d'appel.

5. Le 21 septembre 2016, la société Brochard Hernandez a formé un appel incident.

6. Par ordonnance du 21 mars 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable le second appel interjeté par Mme X....

7. La société L'Artisan du Cotentin a déféré cette ordonnance à la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable le second appel interjeté par Mme X... et recevable l'appel incident de la société Brochard Hernandez.

Examen du pourvoi principal

Sur le moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Examen du pourvoi incident

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. La société L'Artisan du Cotentin fait grief à l'arrêt de dire recevable l'appel incident de la société Brochard Hernandez et de dire que la procédure se poursuit sur cet appel incident entre Mme X... et la société Brochard Hernandez et sur l'appel en garantie articulé par la société Brochard Hernandez contre la société L'Artisan du Cotentin, entre ces deux sociétés alors « que l'appel incident, peu important qu'il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité totale, à l'égard de tous les intimés, de l'appel principal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par ordonnance du 30 juin 2016, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité totale de l'appel principal de Mme X... ; que la cour d'appel a également déclaré irrecevable l'appel principal réitéré de Mme X... en date du 1er juillet 2016 ; qu'en retenant pourtant que l'appel incident de la société Brochard Hernandez serait recevable au prétexte qu'il a été formé dans le délai d'appel principal, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 550 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article 550 du code de procédure civile que l'appel incident est recevable alors même que l'appel principal serait irrecevable, s'il a été formé dans le délai pour agir à titre principal.

11. La cour d'appel a relevé que postérieurement à la première déclaration d'appel de Mme X..., qui a été déclarée caduque le 14 septembre 2016, celle-ci a déposé une seconde déclaration d'appel le 1er juillet 2016, qui a été suivie d'un appel incident interjeté par la société Brochard Hernandez le 21 septembre 2016.

12. C'est dès lors à bon droit qu'elle a décidé que l'irrecevabilité du second appel formé par Mme X... n'avait pas pour effet de rendre irrecevable l'appel incident interjeté dans le délai prévu pour l'appel principal, nonobstant la caducité de la première déclaration d'appel.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article 550 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 décembre 1994, pourvoi n° 92-22.110, Bull. 1994, II, n° 253 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-18.671, (P)

Cassation

Délai – Point de départ – Notification – Décès d'une partie après la clôture des débats – Effet

Il découle de la combinaison des articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 11 février 2019), un jugement d'un tribunal de commerce du 14 juin 1996 a condamné N... G... à payer une certaine somme à la Banque française commerciale Antilles Guyane.

2. Ce jugement a été notifié à N... G... le 14 octobre 1996, selon les modalités de l'article 655 du code de procédure civile.

3. Le 18 septembre 2017, le Fonds commun de titrisation Hugo créance I (le Fonds), venant aux droits de la Banque française commerciale Antilles Guyane en vertu d'une cession de créance, a fait signifier le jugement à M. V... G..., en sa qualité d'héritier de N... G....

4. Le 17 octobre 2017, M. V... G... a interjeté appel de ce jugement.

Le Fonds a soulevé l'irrecevabilité de l'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. G... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la signification d'un jugement à une personne décédée après la clôture des débats est nulle ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu au cours du délibéré du jugement, la signification qui avait été délivrée à la personne même du défunt était régulière et avait fait courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 117, 528, 538, 654 et 677 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en cas de décès d'une partie survenu après la clôture des débats, la signification qui lui est faite du jugement ne peut faire courir le délai d'appel à l'encontre de ses héritiers qui étaient tiers au procès ; que le délai d'appel ne court à leur encontre qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu en cours de délibéré, la signification qui avait été délivrée à cette partie décédée avait fait courir le délai d'appel à l'égard de son héritier, la cour d'appel a violé les articles 528, 531, 532 et 538 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsqu'une partie décède après la clôture des débats, l'instance n'étant pas interrompue, la décision doit être rendue à l'égard de cette partie.

En application du troisième, le délai de recours est interrompu par le décès de la partie à laquelle le jugement doit être notifié et ce délai court alors en vertu d'une notification faite aux héritiers. Il découle de la combinaison de ces textes qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite de ce jugement.

7. Pour déclarer irrecevable, comme ayant été formé hors délai, l'appel formé par M. G..., en sa qualité d'héritier de N... G..., contre le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 14 juin 1996, la cour d'appel retient que, nonobstant le fait que N... G... était décédé au jour de la signification de ce jugement, celle-ci avait fait courir le délai d'appel prévu à l'article 538 du code de procédure civile et que faute de recours dans ce délai, la décision était devenue irrévocable.

8. En statuant ainsi, alors que la notification du jugement à une partie qui était décédée ne faisait pas courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile.

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-14.746, (P)

Cassation

Délai – Point de départ – Notification – Partie domiciliée à l'étranger – Remise à parquet de la décision à notifier – Effet

En application de l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, la société Oisel Réunion, dont M. C... était le gérant, a été placée en liquidation judiciaire. A la demande de SELARL X..., désignée en qualité de liquidateur, un tribunal mixte de commerce a condamné M. C... en comblement de passif par un jugement du 15 février 2017. Ce jugement a été remis au parquet le 14 mars 2017 aux fins de signification à M. C..., demeurant à Maurice.

2. Par déclaration d'appel en date du 30 août 2017 et du 12 janvier 2018, M. C... a relevé appel du jugement rendu le 15 février 2017.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. C... fait grief à l'arrêt rendu de déclarer ses appels irrecevables comme tardifs alors « que le point de départ du délai pour interjeter appel en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif se situe au jour de la notification de la décision rendue ; que, lorsque le destinataire d'un acte demeure à l'étranger, la notification n'est réalisée qu'à la date où il lui est remis par l'autorité compétente ou, à défaut, dès lors que cette dernière a été empêchée de lui remettre et non à compter de la signification faite à parquet ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'acte à notifier, c'est-à-dire le jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 15 février 2017, avait été « remis au parquet du tribunal de grande instance de Saint Denis par acte d'huissier du 14 mars 2017 » et que l'acte « a été transmis le 23 mars 2017 par le parquet au garde des sceaux » ; qu'en en ayant déduit que le point de départ du délai d'appel se situait le 14 mars ou le 23 mars 2017, soit à compter de la signification faite au parquet ou de sa transmission au ministère de la Justice, la cour d'appel a violé les articles 528, 640, 684 et 687 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 :

4. En application de ce texte, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas, à l'égard du destinataire, le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision.

5. Pour déclarer les appels irrecevables, l'arrêt retient qu'à l'encontre des parties domiciliées à l'étranger, le délai d'appel court du jour de la signification régulièrement faite au parquet et non de la date de la remise aux intéressés d'une copie de l'acte par les autorités étrangères, et que le jugement condamnant M. C... en comblement de passif ayant été remis au parquet du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis par acte d'huissier le 14 mars 2017 et transmis par le parquet au Garde des Sceaux le 23 mars 2017, les appels formés une première fois par l'effet d'une déclaration d'appel remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 août 2017 et une seconde fois par déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique le 12 janvier 2018, l'ont été hors délai.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-23.917, Bull. 2020, (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-15.613, (P)

Cassation

Effet dévolutif – Portée – Applications diverses – Surendettement

Demande de mise hors de cause

1. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2019), M. K... a formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant recommandé l'adoption de mesures de désendettement.

3. Il a ensuite interjeté appel du jugement ayant statué sur son recours.

4. Une cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours de M. K..., écarté le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, arrêté le montant du passif à une certaine somme, dit que M. K... était éligible à la procédure de surendettement, dit que l'épargne Préfon-retraite devrait être débloquée, dit que le produit de la vente de l'ensemble immobilier sis à Gap devrait désintéresser prioritairement les créanciers bénéficiant de privilèges et/ou de sûretés sur ses biens, puis les autres créanciers, et rejeté les demandes en application de l'article 700 du code procédure civile.

5. L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, la cour d'appel a renvoyé le dossier à la commission de surendettement pour traiter la situation de M. K....

Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

Vu les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile :

6. Sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d' excès de pouvoir.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. K... fait grief à l'arrêt de renvoyer le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter sa situation de surendettement alors « que le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du Code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 dudit Code ; qu'en renvoyant le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne pour traiter la situation de surendettement de Monsieur K..., la Cour a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 733-13 du Code de la consommation ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 733-13 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et les principes régissant l'excès de pouvoir :

8. Selon ce texte, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.

9. Pour renvoyer le dossier à la commission de surendettement, l'arrêt retient que la capacité de remboursement retenue par le tribunal à hauteur de 3 233,12 euros apparaît difficilement soutenable au regard de l'évolution de la situation du débiteur, actuellement en arrêt maladie, qui perçoit des indemnités journalières limitées à 1 225,80 euros net par mois.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

12. En application de ces dispositions, la cassation du chef de dispositif renvoyant le dossier à la commission de surendettement pour traiter la situation de M. K... entraîne la cassation, par voie de conséquence, des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent pas un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

DIT n'y avoir lieu de mettre la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes hors de cause ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Article L. 733-13 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 332-2 du code de la consommation de prendre tout ou partie des mesures définies aux articles L. 331-7, L. 331-7-1 et L. 331-7-2 du même code, à rapprocher : 2e Civ., 24 mars 2005, pourvoi n° 04-04.027, Bull. 2005, II, n° 83 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-17.630, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 avril 2019), M. B... a saisi un conseil de prud'hommes, le 26 juillet 2016, d'une contestation de son licenciement, formée d'abord contre la société Géoservices international, devenue la société Naphta services, dont le siège social est en Suisse, et contre la société Schlumberger limited, dont le siège social est aux États-Unis, puis également contre la société Services pétroliers Schlumberger, dont le siège social est en France, et a sollicité la condamnation in solidum des trois sociétés.

2. M. B... a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes du 28 mai 2018 qui s'est déclaré incompétent pour trancher le litige et a renvoyé M. B... à mieux se pourvoir.

3. Devant la cour d'appel, les trois sociétés ont soulevé l'irrecevabilité de l'appel, en raison du défaut de motivation de la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

4. M. B... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable et de le renvoyer à mieux se pourvoir, alors :

« 1°/ que la requête déposée par l'appelant devant le premier président de la cour d'appel, en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe, n'ouvre pas une procédure distincte et autonome de la procédure d'appel ; qu'en retenant le contraire, pour en déduire que les conclusions, jointes par l'appelant à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, n'étaient pas de nature à procurer une motivation à la déclaration d'appel et donc que l'appel était irrecevable, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 84, 85, 917 et 918 du code de procédure civile ;

2°/ que la copie de la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe et des écritures et pièces qui lui sont jointes doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour d'appel ; qu'il suit de là que lorsque l'appelant annexe ses conclusions à sa requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, lesdites conclusions, qui deviennent partie intégrante du dossier de la cour d'appel, doivent être regardées comme jointes à la déclaration d'appel ; que la cour d'appel avait constaté que le jour même de la déclaration d'appel, l'appelant avait annexé ses conclusions à la requête par laquelle il avait saisi le premier président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, ce dont elle aurait dû déduire que, dès cette date, les conclusions avaient été jointes à la déclaration d'appel et que la procédure était régulière ; qu'en retenant au contraire que cette production de conclusions, faite devant le premier président le même jour que le dépôt de la déclaration d'appel, n'était pas de nature à fournir une motivation à ladite déclaration ni à rendre l'appel recevable, la cour d'appel a violé les articles 84, 85 et 918 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'article 85 du code de procédure civile exigeant que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence soit motivée dans la déclaration elle-même ou dans des conclusions qui y sont jointes, les conclusions au fond annexées à la requête, qui sont adressées au premier président et non à la cour d'appel, ne peuvent constituer la motivation requise.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. M. B... fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la motivation de la déclaration d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, exigée à peine d'irrecevabilité, peut valablement, si elle ne figure pas dans la déclaration elle-même, être fournie dans des conclusions pouvant être jointes à cette déclaration concomitamment ou postérieurement à son dépôt, pourvu que la jonction ait lieu avant l'expiration du délai d'appel ; qu'il suit de là qu'en l'état de conclusions produite quelques jours après la déclaration d'appel, la cour d'appel ne peut valablement déclarer l'appel irrecevable qu'à charge de constater que cette production a eu lieu après l'expiration du délai d'appel ; qu'en retenant que la signification des conclusions de l'appelant faite deux jours après la déclaration d'appel n'était pas de nature à rendre le recours recevable, sans avoir préalablement constaté que cette signification avait eu lieu postérieurement à l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 84 et 85 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 85 et 126 du code de procédure civile :

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel.

9. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que les conclusions au fond n'ont été déposées, à l'occasion de la procédure d'appel, par la voie électronique, que le 14 juin 2018, soit deux jours après la déclaration d'appel.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si ces conclusions, de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel, avaient été remises à la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 85 et 126 du code de procédure civile.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-21.978, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Domaine d'application – Détermination

Il résulte des articles 748-3, 900 et 901 du code de procédure civile et de l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que l'appel est formé par une déclaration remise au greffe et qu'il est attesté de cette remise, lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, par un avis électronique de réception adressé par le greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message, dont l'édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier.

Doit par conséquent être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant constaté que l'appelant, plutôt que de signifier ce récapitulatif à l'intimé non comparant, avait signifié un autre document, qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l'acte d'appel, a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en application de l'article 902 du code de procédure civile.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclaration d'appel remise au greffe par voie électronique – Caducité – Cas – Signification à l'intimé sous format papier sans l'avis électronique de réception

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 juin 2019),

La société Unirest a relevé appel, le 5 avril 2018, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans une instance l'opposant aux sociétés Clinique Val Dracy et Villa Thalia, puis déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société Unirest fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance d'incident rendue le 30 octobre 2018 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon qui a déclaré caduque la déclaration d'appel formée par la société Unirest, alors :

« 2°/ que constitue une déclaration d'appel un acte unilatéral comportant les mentions prévues par les articles 901 et 58 du code de procédure civile qui est remis au greffe ; qu'en considérant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel émise et signée par l'avocat de la société Unirest et remise au greffe le 5 avril 2018 à 15 h 57, qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018, ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les articles 901 et 902 du code de procédure civile par refus d'application ;

3°/ que seule l'absence de signification de la déclaration d'appel est sanctionnée par la caducité ; que la déclaration d'appel irrégulière, dont la nullité n'a été prononcée, est régulièrement signifiée dans le délai requis par la loi ; qu'en constatant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Unirest, que la déclaration d'appel faite le 5 avril 2018 à 15 h 57 qui est annexée aux actes de signification du 1er juin 2018 ne constitue pas la déclaration d'appel devant être signifiée aux intimées non constituées en application de l'article 902 du code de procédure civile tout en constatant, par motifs réputés adoptés, qu'« il ressort de la comparaison entre le document annexé aux actes de signification et le récapitulatif de la déclaration d'appel que le premier ne confirme nullement la réception par le greffe de l'acte d'appel et qu'il ne mentionne même pas la cour d'appel à laquelle cet acte a été adressé. Il ne comporte pas plus le n° de la déclaration d'appel, ni la chambre de la cour à laquelle l'affaire a été distribuée, ni le numéro du dossier au répertoire général » et, par motif propre, que « ces significations faites le 1er juin 2018 sont celles d'un avis d'avoir à signifier, délivré par le greffe de la cour et des données saisies qui lui ont été adressées concernant la déclaration d'appel », motifs qui établissent l'existence de la signification d'une déclaration d'appel aux intimées, fût-elle irrégulière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 901 et 902 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte, d'une part, des articles 900 et 901 du code de procédure civile que l'appel est formé par une déclaration unilatérale remise au greffe d'une cour d'appel et, d'autre part, de l'article 748-3 du même code que, lorsqu'elle est accomplie par la voie électronique, la remise de cette déclaration d'appel est attestée par un avis électronique de réception adressé par le destinataire.

5. En outre, l'article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, alors en vigueur, pris pour l'application des articles 748-1 et suivants et 930-1 du code de procédure civile, prévoit que le message de données relatif à une déclaration d'appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message, qui tient lieu de déclaration d'appel, de même que son édition par l'auxiliaire de justice tient lieu d'exemplaire de cette déclaration lorsqu'elle doit être produite sous un format papier.

6. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le document annexé aux actes de signification accomplis en application de l'article 902 du code de procédure civile consistait, non pas en un récapitulatif de la déclaration d'appel, émis en application de l'article 10 de l'arrêté susmentionné, mais en un document qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l'acte d'appel, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit l'absence de signification de la déclaration d'appel et a constaté la caducité de celle-ci.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Articles 748-3, 900 et 901 du code de procédure civile ; article 10 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel.

2e Civ., 1 octobre 2020, n° 19-11.490, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Déclarations d'appel successives – Second appel – Première déclaration d'appel déclarée irrecevable – Effets

Il résulte de l'article 546 du code de procédure civile, selon lequel le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d'appel d'un premier appel formé contre un jugement n'est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé. Selon l'article 911-1, alinéa 3, du même code, la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

Il en découle que la saisine irrégulière d'une cour d'appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l'appel, n'interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel, tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable.

Par conséquent, encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable un appel aux motifs que l'appelant a omis de se désister préalablement d'un précédent appel qu'il avait formé contre le même jugement devant une autre cour d'appel et qu'une même partie ne pourrait interjeter qu'un seul recours contre une même décision, alors, d'une part que le premier appel avait été formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle n'était pas située la juridiction ayant rendu le jugement frappé d'appel, de sorte qu'il était irrégulier, et, d'autre part, que cette irrégularité n'avait donné lieu au prononcé d'une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel devant une cour territorialement incompétente – Second appel devant la cour compétente – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), M. K... a saisi la cour d'appel de Paris, le 10 octobre 2017, d'un appel dirigé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, dans une affaire l'opposant à la société Chabé limousines, devenue la société Chabé, puis, le lendemain, a saisi la cour d'appel de Versailles d'un appel dirigé contre le même jugement.

Par une ordonnance du 2 mai 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel formé devant cette cour d'appel et cette décision n'a pas été contestée par les parties.

2. La société Chabé a déféré à la cour d'appel de Versailles l'ordonnance du 4 juillet 2018 du conseiller de la mise en état de cette cour d'appel l'ayant déboutée d'une demande tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel formée devant cette cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. K... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 juillet 2018 et de déclarer irrecevable son appel présenté devant la cour d'appel de Versailles le 11 octobre 2017, alors « qu'une partie qui a formé un premier appel devant une cour d'appel territorialement incompétente est recevable, tant que le délai d'appel n'est pas expiré, à former un second appel devant la juridiction d'appel territorialement compétente ; que le désistement du premier appel n'est pas une condition de la recevabilité du second ; qu'en l'espèce, M. K... a formé un premier appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, le 10 octobre 2017, devant la cour d'appel de Paris ; que le lendemain, tandis que le délai d'appel n'était pas expiré et que l'irrecevabilité du premier appel n'avait pas été prononcée, il en a formé un second devant la cour d'appel de Versailles, territorialement compétente ; qu'il avait intérêt à agir ainsi puisque l'irrecevabilité du premier appel était manifestement encourue ; qu'en déclarant néanmoins ce second appel irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a violé les articles 30 et 31, 543 et 546, et 911-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile :

4. Il résulte du premier de ces textes, selon lequel le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d'appel d'un premier appel formé contre un jugement n'est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé.

Selon le second de ces textes, la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

5. Il en découle que la saisine irrégulière d'une cour d'appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l'appel, n'interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel, tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable.

6. Pour déclarer irrecevable l'appel présenté par M. K... devant la cour d'appel de Versailles, l'arrêt relève qu'il ressort des actes de la procédure suivie par M. K..., qu'après avoir formé appel le 10 octobre 2017 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes dans l'instance l'opposant à la société Chabé devant la cour d'appel de Paris, ce salarié présentait un même recours contre la même décision, dès le lendemain, devant la cour d'appel de Versailles et que le 17 janvier 2018, son avocat écrivait à la cour d'appel de Paris que « la saisine de votre juridiction étant une erreur, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, je vous remercie de bien vouloir en tirer toutes les conséquences concernant cette déclaration d'appel. »

7. L'arrêt en déduit qu'ayant omis de se désister de cet appel devant la cour d'appel de Paris avant d'avoir formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles et alors qu'une même partie ne peut interjeter qu'un seul recours contre une même décision, M. K... n'avait pas intérêt à former, le 11 octobre 2017, un second recours contre le jugement déféré en laissant subsister son premier appel.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que le premier appel avait été formé devant la cour d'appel de Paris, dans le ressort de laquelle n'est pas situé le conseil de prud'hommes de Nanterre, de sorte qu'il était irrégulier et, d'autre part, que cette irrégularité n'avait donné lieu au prononcé d'une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel porté devant la cour d'appel de Versailles, celle-ci a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.086, Bull. 2020, (cassation) ; 2e Civ., 21 février 2019, pourvoi n° 18-13.467, Bull. 2019, (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-23.796, Bull. 2017, II, n° 215 (rejet) et l'arrêt cité ; 2e Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.541, Bull. 2009, II, n° 187 (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 18-19.768, (P)

Cassation sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Procédure à jour fixe – Domaine d'application – Appel de la décision de toute juridiction du premier degré statuant exclusivement sur la compétence

L'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer au fond relève, lorsque les parties sont tenues de constituer avocat, de la procédure à jour fixe.

Est caduque la déclaration d'appel d'une partie qui a saisi le premier président d'une requête en fixation prioritaire qui n'est pas soumise aux exigences relatives à la communication des conclusions et au visa des pièces justificatives imposées lors du dépôt d'une requête à fin d'assigner à jour fixe.

Procédure avec représentation obligatoire – Appel de la décision statuant exclusivement sur la compétence – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 mai 2018), Mme F... a été embauchée en qualité de conducteur-receveur par la société Rapides Côte d'Azur. Elle est passée au service de la société de droit monégasque Les Rapides du littoral, les deux sociétés appartenant au même groupe.

2. Revendiquant l'application du droit français et de la convention collective des réseaux des transports urbains de voyageurs, Mme F... a saisi un conseil des prud'hommes à fin de voir condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités.

3. Par jugement du 4 décembre 2017, le conseil des prud'hommes, statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Les Rapides du littoral, s'est déclaré incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal du travail de la Principauté de Monaco.

4. Mme F... a interjeté appel.

5. Par arrêt du 4 décembre 2017, la cour d'appel a rejeté la demande de caducité de la société Les Rapides du littoral, infirmé le jugement et statuant à nouveau, a dit la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et a renvoyé l'examen de l'affaire au fond.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Les Rapides du littoral fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire ; qu'en retenant que la sanction de la caducité de l'appel n'était encourue qu'en cas de non-respect de la formalité de saisine du premier président ou si le délai pour y procéder n'a pas été respectée puisque l'erreur consistant à demander une fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe ne portait que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel et était sans incidence sur la régularité de sa saisine, quand, peu important que le premier président ait délivré une autorisation d'assigner à jour fixe sur la requête de l'appelant tendant à une fixation prioritaire de l'appel, la déclaration d'appel était caduque faute de saisine du premier président, s'agissant d'une procédure avec représentation obligatoire, en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, la cour d'appel a violé les articles 84 et 917 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 83, 84, 85 et 918 du code de procédure civile :

7. Il résulte des trois premiers de ces textes que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel et à peine de caducité de la déclaration d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.

Selon le dernier de ces textes, la requête à fin d'autorisation à jour fixe doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives.

8. Pour rejeter la demande de la société Les Rapides du littoral, l'arrêt retient qu'il est certain, compte tenu des termes de l'article 84 du code de procédure civile, que la sanction de la caducité de l'appel est encourue si la formalité de la saisine du premier président n'a pas été respectée ou si le délai pour y procéder a été méconnu, s'agissant de conditions posées pour l'exercice même du droit d'appel. Elle relève qu'en l'espèce, Mme F... a respecté ces obligations, que si elle a demandé la fixation prioritaire au lieu d'une autorisation d'assignation à jour fixe, cette erreur de pure forme qui ne porte que sur les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'appel, est sans incidence sur la régularité de la saisine de la cour et ne peut donner lieu à caducité de l'appel.

9. En statuant ainsi, alors que Mme F... n'avait pas saisi le premier président d'une requête à fin d'être autorisée à assigner à jour fixe, mais d'une requête en fixation prioritaire non soumise aux exigences relatives à la communication des conclusions sur le fond et au visa des pièces justificatives, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 7 et 9 que la déclaration d'appel de Mme F... doit être déclarée caduque.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE caduque la déclaration d'appel de Mme F...

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 83, 84, 85 et 918 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-23.617, Bull. 2019, (rejet).

2e Civ., 22 octobre 2020, n° 18-25.769, (P)

Cassation partielle

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Domaine d'application – Ordonnance de référé – Application de plein droit – Portée

Il résulte de l'article 905 du code de procédure civile que lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé, la procédure à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens. Par ailleurs, il résulte des articles 905-2, alinéa 1, et 911 du même code, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé.

Par conséquent, lorsqu'il est relevé appel d'une ordonnance de référé, le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant. En outre, les conclusions de l'appelant notifiées à l'intimé avant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai sont bien notifiées dans le délai maximal d'un mois prévu à l'article 905-2.

Dès lors, encourt la cassation, l'arrêt qui prononce la caducité de la déclaration d'appel d'une ordonnance de référé après avoir constaté que les conclusions de l'appelant, notifiées au conseil de l'intimé avant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, ne lui ont pas été notifiées à nouveau postérieurement à cet avis de fixation, au motif que cette dernière notification constitue le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'intimé pour remettre ses conclusions au greffe.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Cas – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Application de plein droit – Notification des conclusions de l'appelant avant l'avis de fixation à bref délai

Reprise d'instance

1. Il convient de donner acte à la SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, de la reprise de l'instance en remplacement de la société Nouvelle EGTS et de la SELARL [...], en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Nîmes, 14 juin et 11 octobre 2018), la SCI Ratin a donné à bail à la société Nouvelle EGTS des locaux industriels, puis a saisi le juge des référés d'un tribunal de grande instance suite à un arriéré de loyers.

3. Par une ordonnance du 7 septembre 2017, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et a ordonné l'expulsion de la société Nouvelle EGTS.

4. La société Nouvelle EGTS et la SELARL [...], en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Nouvelle EGTS, ont interjeté appel de cette ordonnance.

5. La SCI Ratin ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire et la SELARL [...], prise en la personne de M. Y..., ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire, la société Nouvelle EGTS et la SELARL [...], es qualités, l'ont appelé en cause d'appel.

6. Par une ordonnance du 8 mars 2018, le président de chambre de la cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel.

7. La société Nouvelle EGTS et la SELARL [...], es qualités, ont déféré cette décision à la cour d'appel.

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

9. La SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, fait grief à l'arrêt de rejeter le déféré formé contre l'ordonnance qui a constaté la caducité d'une déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, alors :

« 4°/ que n'est pas tenu de notifier de nouveau la déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé, une fois reçu un avis de fixation à bref délai, l'appelant qui a déjà, avant la réception de cet avis, signifié ladite déclaration à partie et notifié cette même déclaration à l'avocat constitué par l'intimé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le défaut de notification de la déclaration d'appel à l'avocat constitué par l'intimé n'est pas sanctionné par la caducité de l'appel ; que viole l'article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui considère que le défaut de notification d'une déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé entacherait l'appel de caducité. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 905-1 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'obligation faite, par le premier de ces textes, à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai qui lui est adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d'appel.

11. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que les sociétés appelantes, qui ont signifié la déclaration d'appel à M. Y..., ès qualités, ont omis de notifier la déclaration d'appel à l'avocat qu'il a constitué antérieurement à l'avis de fixation à bref délai.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

13. La SELARL Etude Balincourt, en la personne de M. E..., en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Nouvelle EGTS, fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 6°/ que les dispositions des articles 908 à 911 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même code ; qu'en déclarant caduc l'appel par application des dispositions de l'article 911 du code de procédure civile renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même code, pour cela que « les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de Me Y... après l'avis de fixation de l'affaire à bref délai », la cour d'appel a violé ledit article 911 par fausse application, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°/ qu'à supposer même que les dispositions des articles 908 à 911 du code de procédure civile soient applicables aux procédures fixées selon les dispositions de l'article 905 du même code, viole l'article 911 dudit code, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui estime que sous peine de caducité de l'appel, des conclusions déjà signifiées à partie et notifiées à avocat devraient être, à raison des dispositions de ce texte renvoyant à la sanction prévue par l'article 905-2 du même code, de nouveau notifiées audit avocat une fois reçu un avis de fixation de l'affaire à bref délai postérieurement auxdites signification, constitution et notification. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. M. Y..., es qualités, conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

15. Cependant, le moyen de M. E..., es qualités, n'invoquant aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 905, 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile :

17. Il résulte du premier de ces textes que lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé, la procédure à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens.

18. Il résulte des deux derniers qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé.

19. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel et l'extinction de l'instance, l'arrêt retient que les conclusions des appelantes, notifiées le 25 octobre 2017, n'ont pas été notifiées à nouveau au conseil de M. Y..., es qualités, après l'avis de fixation, alors que cette notification constitue le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'intimé ayant constitué avocat pour remettre ses propres conclusions au greffe et former le cas échéant appel incident ou appel provoqué.

20. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que les conclusions des appelantes avaient été notifiées avant l'avis de fixation à bref délai, de sorte que le délai d'un mois prévu par l'article 905-2 du code de procédure civile n'était pas expiré, et d'autre part, qu'il était interjeté appel d'une ordonnance de référé, ce dont il résultait qu'à compter de cette notification courait de plein droit le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

21. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application de l'article 625 du code de procédure civile.

22. L'arrêt rectificatif, rendu le 11 octobre 2018, est la suite de l'arrêt rectifié du 14 juin 2018 et s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

23. Cette cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable le déféré, l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 11 octobre 2018 ;

CONSTATE l'annulation de l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Nîmes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles 905, 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-10.105, Bull. 2018, II, n° 76 (cassation).

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