Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

SUCCESSION

1re Civ., 17 octobre 2019, n° 18-23.409, (P)

Rejet

Administration – Administration provisoire – Mandataire successoral – Désignation judiciaire – Conditions – Détermination – Portée

La désignation d'un mandataire successoral, prévue par l'article 813-1 du code civil, n'est pas réservée aux successions indivises mais a vocation à s'appliquer à toute succession, notamment à celle recueillie par un légataire universel qui n'est pas en indivision avec les autres héritiers réservataires.

Une cour d'appel, qui caractérise l'inertie et la carence du légataire universel dans l'administration de la succession et la mésentente entre héritiers peut, dans de telles circonstances, désigner un mandataire successoral.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2018), que V... J... est décédé le [...] en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, D..., M..., L..., B... et V..., ce dernier étant institué légataire universel ; que le syndicat des copropriétaires d'un immeuble dépendant de la succession a demandé la désignation d'un mandataire successoral ;

Attendu que M. V... et Mme L... J... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que l'inertie, la carence ou la faute d'un ou plusieurs héritiers ne peuvent justifier la désignation d'un mandataire successoral que si celles-ci ont des conséquences, non point sur la gestion des biens dont ils ont hérité, mais sur l'administration de la succession, ce qui suppose qu'il y ait une succession à administrer ; que tel ne saurait être le cas en présence d'un légataire universel, seul propriétaire des biens issus de la succession, qui n'est plus à administrer ; qu'en décidant y avoir lieu à désignation d'un mandataire successoral aux motifs inopérants que M. V... J..., légataire universel de V... J..., n'a pas fait diligence pour publier son titre et refuse de payer les charges de copropriété, ce qui est de nature à paralyser le fonctionnement de la copropriété, et qu'il existe une mésentente avec trois héritiers réservataires qui s'inquiètent de la dégradation de l'actif provenant de la succession, toutes circonstances impuissantes à caractériser l'existence d'une succession qu'il y aurait lieu d'administrer, la cour d'appel a violé l'article 813-1 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que l'article 813-1 du code civil n'est pas réservé aux successions indivises, mais a vocation à s'appliquer à toute succession et que, si le légataire universel n'est pas en indivision avec les autres héritiers réservataires, la mauvaise gestion et la diminution du patrimoine successoral compromettent leur intérêt commun ; qu'il relève que, depuis le décès de V... J..., une grande partie des charges de copropriété est impayée, que M. V... J... les a contestées sans toutefois engager d'action pour faire trancher ce litige, qu'aucune attestation immobilière portant sur la propriété des lots n'a été publiée depuis huit années, ce qui entrave les diligences que le syndicat des copropriétaires peut entreprendre pour recouvrer la dette et qu'il n'est pas démenti que l'immeuble se dégrade, en l'absence d'entretien et de travaux ; qu'il ajoute que la situation conflictuelle entre le légataire universel et les autres héritiers réservataires retarde également le règlement de la succession ; que de ces énonciations et constatations, caractérisant l'inertie et la carence du légataire universel dans l'administration de la succession et la mésentente entre héritiers, la cour d'appel a pu déduire qu'il convenait de désigner un mandataire successoral ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Mouty-Tardieu - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 813-1 du code civil.

1re Civ., 17 octobre 2019, n° 18-22.810, (P)

Cassation partielle

Réserve – Quotité disponible – Masse de calcul – Evaluation – Donation – Donation entre vifs – Evaluation au jour de l'ouverture de la succession – Applications diverses

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 922 du code civil ;

Attendu que, selon ce texte, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou du testateur ; que les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession ; que s'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition ; que la subrogation prévue par ce texte inclut toutes les donations, y compris celles de sommes d'argent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'L... U... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme G... N... et A... N..., en l'état d'un testament olographe du 27 août 2009 léguant à son petit-fils R...la quotité disponible et des parts sociales ; que, par acte du 24 mai 1982, elle avait fait donation à son fils, par préciput et hors part, avec dispense de rapport, d'une somme de 350 000 francs, que celui-ci avait employée dans l'acquisition, par acte du même jour, de la nue-propriété d'un bien immobilier dont l'usufruit était acquis par sa mère ; que Mme N... a assigné son frère et son neveu en partage de la succession et réduction des libéralités excessives ; que A... N... étant décédé en cours d'instance, ses enfants, R...et V... (les consorts N...) sont venus à ses droits ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme N..., dire que le testament du 27 août 2009 instituant M. R...N... légataire de la quotité disponible de la succession et de deux cent soixante-huit parts sociales doit recevoir pleine et entière application et que la libéralité consentie par L... U... à son fils A... par acte notarié du 24 mai 1982, arrêtée à la somme de 350 000 francs soit 53 357,16 euros, est réductible à la quotité disponible dans cette limite, l'arrêt retient que ce dernier n'a pas acquis un bien mais un droit réel sur un bien dont sa mère était usufruitière et dont le prix d'achat total était de 500 000 francs, qu'il ne résulte pas des actes concernés que la donation avait pour objet effectif de permettre la donation déguisée d'un bien immobilier à son profit, que s'il a affecté le montant de sa donation en numéraire dans l'acquisition de la nue-propriété d'un bien, cette somme n'a pas servi à une telle acquisition et qu'il n'est pas établi de lien direct entre la donation d'une somme et un achat corrélatif à hauteur du même montant ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que A... N... avait employé la somme d'argent donnée par sa mère à l'acquisition de la nue-propriété d'un bien immobilier, ce dont il résultait que c'est la valeur de ce bien au jour de l'ouverture de la succession, d'après son état à l'époque de son acquisition, qui devait être réunie fictivement à la masse de calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, en vue de déterminer une éventuelle réduction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de L... U..., désigne un notaire pour y procéder et commet un juge pour surveiller ces opérations et faire rapport en cas de difficultés, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Mouty-Tardieu - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 922 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le calcul de l'éventuelle réduction de donation, à rapprocher : 1re Civ., 14 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.921, Bull. 2015, I, n° 3 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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