Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 9 octobre 2019, n° 19-10.816, (P)

Cassation

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Validité – Conditions – Signature par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés – Consultation des salariés afin de valider l'accord – Consultation à la demande d'une organisation syndicale représentative – Notification de la demande aux autres organisations syndicales – Défaut – Portée

La régularité de la demande formée, en application de l'article L. 2232-12, alinéa 2, du code du travail, par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, aux fins d'organisation d'une consultation des salariés pour valider un accord signé par les organisations syndicales représentatives représentant plus de 30 % des suffrages exprimés n'est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais prévus à l'alinéa suivant.

Doit en conséquence être approuvé le tribunal d'instance qui décide qu'en l'absence de notification par le syndicat à l'origine de la demande, l'information donnée par l'employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l'obligation de neutralité de l'employeur.

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Validité – Conditions – Signature par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés – Consultation des salariés afin de valider l'accord – Consultation à la demande d'une organisation syndicale représentative – Information donnée par l'employeur de la demande aux autres organisations syndicales – Obligation de neutralité de l'employeur – Respect – Cas – Portée

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Accords d'entreprise – Validité – Conditions – Signature par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés – Consultation des salariés afin de valider l'accord – Corps électoral – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 2232-12 du code du travail selon lequel, dans les établissements pourvus d'un ou plusieurs délégués syndicaux, participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l'accord et électeurs au sens de l'article L. 2314-18 issu de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, que doivent être consultés l'ensemble des salariés de l'établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l'entreprise sans préjudice de l'application, le cas échéant, des dispositions de l'article L. 2232-13 du même code.

Attendu, selon le jugement attaqué et les pièces de la procédure, que le 5 septembre 2018, l'hôpital Joseph Ducuing (l'hôpital) a signé avec la CGT, organisation syndicale représentative non majoritaire, un accord de substitution à l'accord d'établissement du 28 mai 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ; que, le 12 septembre 2018, l'employeur a informé le syndicat CFDT de la demande de la CGT d'organiser une consultation des salariés ; que selon le protocole pré électoral étaient expressément exclus du vote certains salariés de l'établissement ; que la consultation s'est déroulée entre le 12 novembre et le 16 novembre 2018 ; que le syndicat CFDT santé sociaux Haute-Garonne et Ariège (CFDT) a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation tant du protocole pré électoral que des opérations de consultation ;

Sur les première et deuxième branches du premier moyen :

Attendu que le syndicat CFDT fait grief au jugement de le débouter de sa demande tendant à voir annuler le protocole d'accord relatif à la consultation du personnel conclu le 19 octobre 2018, et de dire la consultation du 12 au 16 novembre 2018 régulière et l'accord collectif du 5 septembre 2018 valide alors, selon le moyen :

1°/ que d'une part, en application des articles L. 2232-12 et D. 2232-6 du code du travail, le syndicat ayant sollicité l'organisation d'une consultation a l'obligation de notifier par écrit sa demande aux autres syndicats dans un délai d'un mois à compter de l'accord et que, d'autre part, le fait pour l'employeur de suppléer la carence de ce syndicat caractérise un manquement à son obligation de neutralité et constitue une irrégularité entraînant en elle-même l'annulation du protocole d'accord et des modalités d'organisation de la consultation du personnel, sans être subordonnée à la preuve d'une influence sur le scrutin ou d'un préjudice ; que le tribunal a constaté que le syndicat CGT n'avait pas notifié par écrit sa demande au syndicat CFDT dans un délai d'un mois à compter de l'accord ; qu'en considérant néanmoins que cette circonstance était inopérante, faute de préjudice, le syndicat CFDT ayant été informé par l'employeur, et de la démonstration d'une influence sur le résultat de la consultation, le tribunal a violé les articles L. 2232-12 et D. 2232-6 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

2°/ que l'employeur, signataire d'un accord collectif, est tenu de respecter son devoir de neutralité à l'égard des organisations syndicales ; qu'en refusant l'application du principe de neutralité aux motifs que l'employeur était partie signataire de l'accord du 5 septembre 2018 et n'était donc pas « neutre », le tribunal a violé les articles L. 2232-12 et D. 2232-6 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

Mais attendu que la régularité de la demande formée, en application de l'article L. 2232-12 al. 2 du code du travail, par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, aux fins d'organisation d'une consultation des salariés pour valider un accord signé par les organisations syndicales représentatives représentant plus de 30 % des suffrages exprimés n'est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais prévus à l'alinéa suivant ; qu'en l'absence de notification par le syndicat à l'origine de la demande, l'information donnée par l'employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l'obligation de neutralité de l'employeur ; qu'il en résulte que le tribunal d'instance a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 2232-12 du code du travail ;

Attendu que, selon ce texte, dans les établissements pourvus d'un ou plusieurs délégués syndicaux, participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l'accord et électeurs au sens de l'article L. 2314-18 issu de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; qu'il en résulte que doivent être consultés l'ensemble des salariés de l'établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l'entreprise sans préjudice de l'application, le cas échéant, des dispositions de l'article L. 2232-13 du même code ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du protocole d'accord et de la consultation des salariés, le jugement retient qu'il n'existe qu'un seul établissement ayant appliqué l'accord du 28 mai 1999 qui excluait déjà certaines catégories de personnels et les services de la maternité par adoption d'un avenant du 27 juin 2011, qu'ainsi les salariés des établissements au sens de l'alinéa 5 de l'article L. 2232-12 du code du travail sont tous les salariés de l'hôpital sous réserve qu'ils soient couverts par l'accord, que l'accord du 5 septembre 2018 contrairement à l'accord du 28 mai 1999 exclut de son champ d'application les cadres, les médecins, pharmaciens et dentistes lesquels seront régis par la convention collective CCN51, que cet accord prévoit également qu'il ne revient pas sur les accords antérieurs, de sorte que l'accord d'établissement portant sur l'aménagement du temps de travail au sein de la maternité en date du 27 juin 2011, non dénoncé, reste applicable, qu'il s'ensuit que pour satisfaire aux dispositions de l'article L. 2232-12 du code du travail devaient être consultés tous les salariés de l'hôpital à l'exception des cadres, médecins, pharmaciens, dentistes et sages femmes, auxiliaires de puériculture, aides soignantes et infirmière puéricultrices, ces derniers n'étant pas des salariés couverts par l'accord ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur la troisième branche du premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif visé par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Foix ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'hôpital Joseph Ducuing à payer au syndicat CFDT santé sociaux Haute-Garonne et Ariège le somme de 3 000 euros.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 2232-12, alinéa 2, et D. 2232-6 du code du travail ; article L. 2232-12 du code du travail.

Soc., 9 octobre 2019, n° 18-13.314, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Dispositions générales – Accord de mutualisation et de gestion en matière de prévoyance sociale complémentaire – Domaine d'application – Etendue – Principe de la liberté contractuelle – Engagement des signataires – Portée

Aucune disposition d'ordre public n'interdit à des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l'accord de prévoir par accord collectif un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations de prévoyance sociale non obligatoires même en l'absence de dispositions légales en ce sens.

La signature d'une convention de branche ou d'un accord professionnel par les organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l'accord engage les signataires de l'accord ainsi que les adhérents aux organisations interprofessionnelles signataires de l'accord.

Dès lors, en déniant aux partenaires sociaux la liberté contractuelle de conclure un accord organisant un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations, et notamment un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé par l'accord ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé, accord s'appliquant aux entreprises l'ayant signé et à celles adhérant à une organisation patronale représentative ayant signé l'accord, le tribunal de grande instance a violé l'article 6 du code civil.

Conventions et accords collectifs – Accords collectifs – Dispositions générales – Accord de mutualisation et de gestion en matière de prévoyance sociale complémentaire – Validité – Existence d'une clause de réexamen – Défaut – Sanction – Portée

Il résulte de l'article L. 912-1, III, du code de la sécurité sociale que les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées. L'existence de cette clause, dans des accords qui dérogent aux principes de libre concurrence et de liberté d'entreprendre, est une condition de validité de ces accords.

Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat des auxiliaires de la manutention et de l'entretien pour le rail et pour l'air – SAMERA, la fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services – FEETS FO, la fédération nationale des ports et des docks – FNPD CGT, la fédération générale des transports – FGT CFTC et la fédération SUD rail (les signataires) ont conclu, le 29 juin 2015, un accord pour la mise en place d'un régime complémentaire de santé et de prévoyance dans le cadre de la convention nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes ; que le Conseil d'Etat a été saisi par la fédération française des sociétés d'assurances de la légalité de l'arrêté du 11 décembre 2015 étendant cet accord ; qu'il a, par une décision du 17 mars 2017, sursis à statuer et renvoyé les parties à poser à la juridiction judiciaire les deux questions préjudicielles suivantes :

- l'exercice par les parties à l'accord du 29 juin 2015 de leur liberté contractuelle leur permettait-il en l'absence de disposition législative de prévoir la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé ;

- la circonstance que l'accord du 29 juin 2015 ne comporte pas la clause de réexamen prescrite par le III de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est-elle de nature à l'entacher d'illégalité et, en cas de réponse positive, cette illégalité affecte-t-elle la validité de l'accord dans son entier ou non ;

Sur le second moyen :

Attendu que les signataires font grief au jugement de dire que l'accord du 29 juin 2015, en ce qu'il ne comporte pas la clause de réexamen prescrite par le III de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, est entaché d'illégalité dans sa totalité, alors, selon le moyen :

1°/ qu'à défaut de clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation visée à l'alinéa 2 de l'article L. 912-1, I, du code de la sécurité sociale sont réexaminées, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées tous les cinq ans selon les dispositions des articles D. 912-1 à D. 912-13 du code de la sécurité sociale, de sorte que la nullité ne sanctionne pas le défaut de clause prévue par le II de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et qu'en décidant le contraire, le tribunal de grande instance a violé ledit article, ensemble les règles relatives à la nullité telles qu'elles doivent être interprétées à la lumière des articles 1178, alinéa 1er, et 1180 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que, dans leurs conclusions, les signataires faisaient valoir qu'« un avenant à l'accord du 29 juin 2015 a été signé par les partenaires sociaux le 12 juillet 2016 qui modifie l'annexe 4 de l'accord pour préciser les modalités de réexamen de la procédure de recommandation, conformément aux dispositions du III de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi un réexamen des modalités de mise ne oeuvre de la mutualisation des risques est prévu dans un délai maximum de cinq ans à compter de la date de prise d'effet de l'accord du 29 juin 2015 » ; qu'en n'examinant pas ce moyen tiré d'une régularisation de l'accord du 29 juin 2015 le complétant par l'adjonction d'une clause manquante, le tribunal de grande instance a privé son jugement de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 912-1, III, du code de la sécurité sociale que les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées ; que l'existence de cette clause est une condition de validité d'accords dérogeant aux principes de libre concurrence et de liberté d'entreprendre ;

Qu'il en résulte que le tribunal de grande instance, qui, lié par la formulation de la question préjudicielle, ne pouvait statuer sur l'éventuelle régularisation ultérieure de l'accord par un avenant rectificatif, a statué à bon droit ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 6 du code civil ;

Attendu que le tribunal de grande instance énonce qu'en l'absence de dispositions législatives, les partenaires sociaux, qui ont signé l'accord du 29 juin 2015 relatif au régime des frais de soins de santé de la convention collective nationale de la manutention ferroviaire et travaux connexes, ne pouvaient prévoir la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations, et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé, ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé ;

Attendu cependant, d'une part, qu'aucune disposition d'ordre public n'interdit à des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l'accord de prévoir, par accord collectif, un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations de prévoyance sociale non obligatoires même en l'absence de dispositions légales en ce sens ;

Attendu, d'autre part, que la signature d'une convention de branche ou d'un accord professionnel par les organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ de l'accord engage les signataires de l'accord ainsi que les adhérents aux organisations interprofessionnelles signataires de l'accord ;

D'où il suit qu'en déniant aux partenaires sociaux la liberté contractuelle de conclure un accord organisant un système de mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations, et notamment un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé par l'accord ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé, accord s'appliquant aux entreprises l'ayant signé et à celles adhérant à une organisation patronale représentative ayant signé l'accord, le tribunal de grande instance a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que l'accord du 29 juin 2015 en ce qu'il ne comporte pas la clause de réexamen prescrite par le III de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est entaché d'illégalité en sa totalité, le jugement rendu le 20 février 2018, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT qu'il y a lieu de répondre à la première des deux questions préjudicielles posées par le Conseil d'Etat le 17 mars 2017 en ces termes :

En tant qu'il s'applique aux entreprises l'ayant signé et à celles adhérant à une organisation patronale représentative ayant signé l'accord, l'accord du 29 juin 2015 prévoyant la mutualisation du financement et de la gestion de certaines prestations et notamment leur financement par un prélèvement de 2 % sur les cotisations versées à l'organisme recommandé ou un prélèvement équivalent à cette somme exigible auprès des entreprises qui n'adhèrent pas à l'organisme recommandé est conforme à la liberté contractuelle des parties.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 6 du code civil ; accord du 29 juin 2015 relatif au régime professionnel de frais de santé, dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970 ; article 912-1, III, du code de la sécurité sociale.

Soc., 23 octobre 2019, n° 18-15.498, n° 18-15.499, n° 18-15.500, n° 18-15.501, n° 18-15.502, n° 18-15.503, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Accords particuliers – Accord national interprofessionnel du 10 février 1969 – Commission paritaire de l'emploi – Saisine – Obligation de l'employeur – Défaut – Cas – Absence d'accord collectif particulier le prévoyant

Une cour d'appel, qui relève que l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, annexé à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988, bien que se référant à l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, n'attribuait pas de missions à cette commission en matière de reclassement externe, en déduit exactement qu'aucune obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique de plus de dix salariés, n'était applicable.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des commerces de détail de papeteries, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 – Accord n° 9 du 3 décembre 1997 – Commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle – Article 7 – Missions – Etendue – Absence de mission en matière de reclassement externe – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-15.498 à 18-15.503 ;

Attendu que Mme E... et cinq autres salariées de la société Staples France-JPG s'étant portées volontaires pour un départ de l'entreprise en juin 2013 dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et ayant signé une convention de rupture amiable de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier et troisième moyens ainsi que les première et deuxième branches du deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du deuxième moyen :

Attendu que les salariées font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles qui étendent le périmètre de reclassement et le contraignent à respecter, avant tout licenciement, une procédure destinée à favoriser ce reclassement à l'extérieur de l'entreprise, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que selon l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, « la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle doit être informée des licenciements économiques touchant plus de dix salariés et peut participer à l'établissement du plan social » ; qu'en estimant qu'il n'existe pas d'obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique de plus de dix salariés, que l'accord n'attribue pas de missions à cette commission en matière de reclassement externe et qu‘aucune sanction n'est prévue en cas de défaut de consultation de ladite commission, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, ensemble l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle de la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, annexé à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988, bien que se référant à l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, n'attribuait pas de missions à cette commission en matière de reclassement externe, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique de plus de dix salariés, n'était applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 1233-4 du code du travail ; article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997, annexé à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'obligation conventionnelle de saisir la commission paritaire de l'emploi prévue par l'ANI du 10 février 1969 préalablement aux licenciements envisagés, à rapprocher : Soc., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-14.577, Bull. 2017, V, n° 198 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 16 octobre 2019, n° 18-18.174, n° 18-18.206, (P)

Irrecevabilité et cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole – Accord du 22 décembre 1999 – Article 18 – Rémunération mensuelle – Points informatiques – Attributions – Modalités – Détermination

Il résulte de l'article 18, 5), de l'accord du 22 décembre 1999 relatif à la nouvelle convention collective du personnel de la mutualité sociale agricole que les salariés occupant un emploi relevant de la filière informatique doivent se voir attribuer, lors de leur engagement, 10 points informatiques s'ils relèvent des niveaux 1 à 4, 20 points informatiques s'ils relèvent des niveaux 5 à 8 et que ces points pourront être majorés dans la limite de 10 points pour les salariés des niveaux 1 à 4 et de 20 points pour les salariés des niveaux 5 à 8.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-18.174 et 18-18.206 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. R... a été engagé par la Mutualité sociale agricole Sud-Champagne le 1er avril 2014 en qualité d'administrateur réseaux et systèmes, statut cadre, niveau 5, degré 2, coefficient 227 de l'accord du 22 décembre 1999 relatif à la nouvelle convention collective de travail du personnel de la Mutualité sociale agricole ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° 18-18.206 en tant que dirigé contre l'arrêt du 11 avril 2018, examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile : Publication sans intérêt

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° 18-18.174, réunis : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen du pourvoi n° 18-18.174 :

Vu l'article 18 5) de l'accord du 22 décembre 1999 relatif à la nouvelle convention collective du personnel de la Mutualité sociale agricole ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que les salariés occupant un emploi relevant de la filière informatique doivent se voir attribuer, lors de leur engagement, 10 points informatiques s'ils relèvent des niveaux 1 à 4, 20 points informatiques s'ils relèvent des niveaux 5 à 8 et que ces points pourront être majorés dans la limite de 10 points pour les salariés des niveaux 1 à 4 et de 20 points pour les salariés des niveaux 5 à 8 ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire, primes semestrielles, congés payés afférents et dommages-intérêts pour préjudice moral et financier résultant du non-respect par l'employeur de ses obligations conventionnelles, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions conventionnelles applicables, retient que, compte tenu de la rédaction de ces dispositions, de l'absence d'autres éléments de ponctuation qu'une virgule en cours de phrase, celles-ci n'opèrent aucune distinction d'attribution des points informatiques autre que définie à leur conformité au marché de l'emploi, que le salarié ne rapporte pas la preuve que la rémunération qu'il percevait devait être majorée des points informatiques au regard du marché de l'emploi ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° 18-18.206 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. R... de ses demandes de rappel de salaire, primes semestrielles, congés payés afférents et dommages-intérêts pour préjudice moral et financier résultant du non-respect par l'employeur de ses obligations conventionnelles, l'arrêt rendu le 11 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 18, 5), de l'accord du 22 décembre 1999 relatif à la nouvelle convention collective de travail du personnel de la mutualité sociale agricole.

Soc., 16 octobre 2019, n° 18-16.539, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 – Avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance – Article 13.2 – Dispositions spécifiques aux cadres autonomes – Forfait en jours sur l'année – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Défaut – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2018), que M. V... a été engagé en qualité de chef de cuisine par la société Bussy Saint-Georges Marne-la-Vallée à compter du 12 avril 2011 ; que le fonds de cette société placée en liquidation judiciaire ayant été cédé à la société DG Résidences, reprise par la société DG Urbans (la société) à compter du 10 mai 2012, le contrat de travail a été transféré à cette dernière ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater la nullité de la convention de forfait en jours prévue au contrat de travail et de le condamner à payer au salarié certaines sommes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs, des congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées quotidienne et hebdomadaire de travail alors, selon le moyen, que l'avenant n° 22 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurant en date du 16 décembre 2014 ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du 29 février 2016, a défini les nouvelles conditions de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année pour un salarié cadre autonome ; que sans contester la validité de ces nouvelles dispositions, la cour d'appel a retenu qu'elles étaient applicables à compter du 1er avril 2016, que la société ne pouvait s'en prévaloir du fait que la convention forfait en jours du salarié « avait été précédemment annulée » et qu'il appartenait donc à l'employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait conforme aux nouveaux accords ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014, dont la validité n'était pas contestée, prévoit que ses dispositions « se substituent aux dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 », de sorte que cet avenant s'est, dès le 1er avril 2016, appliqué immédiatement à la convention individuelle de forfait stipulée dans le contrat de travail de l'intéressé sous l'égide de la convention collective des hôtels cafés restaurants, et que la cour d'appel ne pouvait donc constater la nullité de la convention de forfait au moment où elle a statué, la cour d'appel a violé l'arrêté d'extension du 29 février 2016 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'après avoir fait ressortir que les dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail d'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, de son travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de l'intéressé, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'à défaut d'avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours après le 1er avril 2016, date de l'entrée en vigueur de l'arrêté d'extension de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 relatif aux cadres autonomes, l'employeur ne pouvait se prévaloir des dispositions de ce texte pour la période postérieure au 1er avril 2016 ; qu'elle en a exactement déduit que la convention de forfait en jours était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen pris en sa première branche qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de le condamner au paiement de diverses sommes indemnitaires au titre de la rupture alors, selon le moyen :

1°/ que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire du salarié aux torts de la société, la cour d'appel a déclaré que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; que ces griefs ont été invoqués par le salarié au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, demande que la cour d'appel a déclarée recevable en raison de la nullité de la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail du salarié ; que dès lors, la cassation à intervenir du chef du premier moyen, dont il résulte que la cour d'appel ne pouvait constater l'annulation de la convention de forfait, ce qui excluait la recevabilité de la demande du salarié au titre des heures supplémentaires prétendument non rémunérées, devra, par voie de conséquence, et par application de l'article 625 du code de procédure civile, entraîner l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, avec les conséquences y afférentes ;

2°/ qu'en déclarant, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, que l'atteinte aux droits du salarié en ce qui concerne l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle constituait un motif suffisamment grave pour justifier de la résiliation judiciaire du contrat de travail, sans rechercher si cette atteinte était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a fortiori dans la mesure où la cour d'appel a retenu des réclamations sur l'organisation du travail depuis 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du février 2016, et L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le premier moyen ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé une atteinte aux droits du salarié en ce qui concernait l'organisation de son temps travail, son temps de repos et les conséquences inévitables que cette situation faisait peser sur sa vie personnelle a, faisant ressortir que cette atteinte rendait impossible la poursuite du contrat de travail, pu retenir qu'elle constituait un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : Me Le Prado ; Me Haas -

Textes visés :

Article 13.2 de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR) du 30 avril 1997 ; avenant n° 22 du 16 décembre 2014 relatif aux cadres autonomes à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR) du 30 avril 1997.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité de la convention de forfait en jours sur l'année, à rapprocher : Soc., 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.444, Bull. 2015, V, n° 140 (cassation partielle).

Soc., 9 octobre 2019, n° 17-16.642, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Contenu – Principe d'égalité de traitement – Stipulations conventionnelles introduisant une différence de traitement – Présomption générale de justification des différences de traitement – Exclusion – Domaine d'application – Différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail – Détermination – Portée

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme C..., engagée le 7 avril 1975 par la société Le Crédit Lyonnais (la société) au sein de laquelle elle occupait en dernier lieu le poste de conseiller privé, a obtenu en 2011 la médaille d'honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d'honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service ; que s'estimant victime d'une discrimination fondée sur l'âge découlant des dispositions transitoires d'un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail, elle a saisi le 14 avril 2015 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une gratification liée à l'obtention de la médaille pour trente-cinq années de service et d'une demande de dommages-intérêts pour une discrimination ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que selon le texte susvisé, lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail pour trente-cinq années de service, dont elle soutenait avoir été privée en raison d'une discrimination liée à son âge, la cour d'appel a retenu que, s'agissant de l'application d'un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement sont présumées justifiées et que la salariée ne démontrait pas que la différence de traitement dont elle faisait l'objet était étrangère à toute considération de nature professionnelle ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les stipulations transitoires de l'accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination indirecte en raison de l'âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l'entrée en vigueur de l'accord et relevant d'une même classe d'âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l'affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme C... de sa demande de paiement d'une somme de 2 727,39 euros au titre de la gratification correspondant à la médaille du travail échelon or, l'arrêt rendu le 16 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Principe d'égalité de traitement ; articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le domaine d'application de l'exclusion de la présomption de justification des différences de traitement opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, à rapprocher : Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-11.970, Bull. 2019, (rejet).

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