Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

SECURITE SOCIALE ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-18.879, (P)

Rejet

Maladie – Indémnité journalière – Réduction – Déclaration tardive de deux arrêts de travail successifs – Conditions – Détermination – Portée

Selon l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'envoi à la caisse primaire d'assurance maladie de l'avis d'interruption de travail ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu à l'article R. 321-2, la caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré ; qu'en cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou s'il établit l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50 %.

Ayant relevé que la caisse ne justifiait pas de l'envoi de l'avertissement prévu par le texte susvisé, le juge du fond en a exactement déduit qu'elle n'était pas fondée à réduire de 50 % le montant des indemnités journalières litigieuses en raison d'un nouvel envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, 23 mars 2018), rendu en dernier ressort, que Mme P..., atteinte d'une affection de longue durée, a fait l'objet d'un arrêt de travail du 4 au 24 octobre 2016, puis du 18 janvier au 1er mars 2017 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis (la caisse) a, par décision du 6 mars 2017, réduit de 50 % le montant des indemnités journalières servies à l'assurée pour la période du 18 janvier au 1er mars 2017, sur le fondement de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, au motif que le premier arrêt de travail, réceptionné le 11 octobre 2016, avait donné lieu à un avertissement et que le second avis d'interruption de travail ne lui était parvenu que le 1er mars 2017 ; que Mme P... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la caisse fait grief au jugement d'accueillir ce recours et de la condamner à verser à l'assurée l'intégralité des indemnités journalières afférentes à la période litigieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible, peu important qu'elle n'ait pas justifié avoir adressé au préalable à l'assuré une mise en garde pour l'informer qu'en cas de nouvel envoi tardif dans les deux ans, il s'expose à la réduction des indemnités journalières prévues à l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 1er mars la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 17 janvier au 1er mars 2017 ; qu'en condamnant la caisse à régler à l'assurée l'intégralité des indemnités journalières sur la période du 18 janvier au 1er mars 2017 au prétexte inopérant qu'elle ne justifiait pas de l'envoi du premier avertissement qui conditionnait la sanction, lorsque la réception par la caisse de l'arrêt de travail à l'issue de la période d'interruption du travail visée par cet arrêt, l'avait nécessairement placée dans l'impossibilité d'exercer son contrôle pendant cette période, le tribunal a violé les articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la preuve de l'envoi de l'arrêt de travail à la caisse dans le délai légal incombe à l'assuré ; qu'en l'espèce, en retenant que la caisse ne pouvait affirmer qu'il appartient aux assurés de s'assurer de la preuve de leur envoi, le tribunal a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

3°/ que la preuve de l'envoi de l'arrêt de travail à la caisse dans le délai légal incombe à l'assuré ; qu'en l'espèce, en reprochant à la caisse d'avoir mis en place une boîte aux lettres dans leurs locaux sans système « de récépissé de dépôt » ou « d'horodateur automatique ou manuel » et de ne pas justifier des modalités de fonctionnement de ces boites, le tribunal a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°/ que la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible, peu important qu'elle ait pu exercer son contrôle sur une autre période ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 1er mars 2017 la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 17 janvier au 1er mars 21017 ; qu'en condamnant la caisse à régler à l'assurée l'intégralité des indemnités journalières sur la période du 17 janvier au 1er mars 2017 au prétexte inopérant qu'elle avait pu exercer son contrôle sur les périodes d'arrêt de travail antérieures à la période litigieuse, le tribunal a violé les articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale ;

5°/ que la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible, peu important la bonne foi de l'assuré, son état de santé et le bien fondé de l'arrêt de travail tardivement envoyé ; qu'en l'espèce, la caisse indiquait n'avoir reçu que le 1er mars 2017 la prolongation d'arrêt de travail prescrite du 17 janvier au 1er mars 2017 ; qu'en condamnant la caisse à régler à l'assurée l'intégralité des indemnités journalières sur la période du 17 janvier au 1er mars 2017 aux prétextes inopérants qu'elle n'invoquait pas la mauvaise foi de l'assurée ni sa volonté d'échapper à son contrôle, et au regard de son état de santé et du bien fondé de son arrêt de prolongation, lorsque la transmission de la prolongation de l'arrêt de travail le 1er mars 2017 soit à l'expiration de la période visée par cet arrêt avait nécessairement mis la caisse dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la période du 17 janvier au 1er mars 2017, le tribunal a violé les articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, selon l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'envoi à la caisse primaire d'assurance maladie de l'avis d'interruption de travail ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu à l'article R. 321-2, la caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré ; qu'en cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou s'il établit l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50 % ;

Et attendu qu'ayant relevé que la caisse ne justifiait pas de l'envoi de l'avertissement prévu par le texte susvisé, le tribunal en a exactement déduit qu'elle n'était pas fondée à réduire de 50 % le montant des indemnités journalières litigieuses en raison d'un nouvel envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail ;

D'où il suit qu'inopérant en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, comme s'attaquant à des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles D. 323-2 et R. 321-2 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-20.866, (P)

Cassation

Prestations (dispositions générales) – Prestations indues – Remboursement – Règles de tarification ou de facturation des actes, prestations, produits et frais de transports – Cas – Règles de prescription des médicaments et produits pharmaceutiques – Portée

Les règles de prescription des médicaments et produits pharmaceutiques sont au nombre des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits dont l'inobservation peut donner lieu à recouvrement d'un indu en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que les règles de prescription des médicaments et produits pharmaceutiques sont au nombre des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits dont l'inobservation peut donner lieu à recouvrement d'un indu en application de ce texte ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, et les productions, qu'à l'issue d'un contrôle portant sur la facturation de certains médicaments relevant des listes I et II ou classés comme stupéfiants, par la société Pharmacie O... B... (la pharmacie), la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a, le 17 décembre 2013, réclamé à celle-ci le remboursement d'un indu correspondant à la délivrance, auprès d'un seul assuré, entre le 1er septembre 2009 et le 31 août 2011, de spécialités contenant du buprénorphine haut dosage ; que la pharmacie a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, le jugement retient essentiellement qu'il est établi, d'une part, que la pharmacie a dispensé des médicaments ayant dans leur composition de la buprénorphine haut dosage, prescrits par un cabinet médical sur des ordonnances non sécurisées, en méconnaissance de l'article R. 5132-5 du code de la santé publique et de l'arrêté du 31 mars 1999 modifié, d'autre part, que certaines de ces ordonnances ne comportaient pas le nom du pharmacien chargé de la délivrance, en violation des dispositions de l'article L. 162-4-2 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 1er avril 2008 pris pour son application ; que le Buprenorp Teva 2 mg qui a été délivré par la pharmacie aux lieu et place du Subutex prescrit par le cabinet médical figure sur la liste des prestations remboursables ; qu'il résulte de la combinaison des articles 1235 et 1376 anciens du code civil et de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale que l'action en recouvrement de l'indu qui est ouverte à l'organisme de prise en charge ne peut tendre qu'à la restitution par le praticien concerné des sommes qu'il a perçues à tort ; que ces dispositions n'assimilent donc pas la mesure à une pénalité ; que le non-respect par les pharmacies des obligations légales et réglementaires ci-dessus mentionnées est constitutif de manquements à leurs obligations déontologiques et est en outre susceptible d'engager leur responsabilité civile dans l'hypothèse où le mésusage ou un usage détourné ou abusif des médicaments délivrés aurait entraîné des conséquences dommageables pour leurs utilisateurs ; que la caisse ne prétend, ni ne démontre, que la facturation par la pharmacie des médicaments délivrés n'aurait pas été conforme au prix de ces produits ou qu'en raison de la faute commise par l'officine, ces produits auraient été utilisés par d'autres personnes que les patients auxquels ils avaient été prescrits ou encore qu'ils auraient été consommés dans des conditions différentes de la posologie prévue par le médecin prescripteur ; que dès lors, la caisse ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un indu ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les médicaments litigieux avaient été délivrés sur la base d'ordonnances non conformes aux dispositions législatives et réglementaires, de sorte que les règles de facturation n'ayant pas été respectées, la caisse était fondée à poursuivre le recouvrement de l'indu contre la pharmacie ayant exécuté ces ordonnances, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 mai 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance Valenciennes.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.

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