Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-17.726, (P)

Rejet

Caisse – Créances – Prestations indues – Recouvrement – Recouvrement auprès d'un établissement de santé public – Mise en demeure – Notification – Destinataire – Détermination – Portée

Dans la procédure de recouvrement de l'indu auprès d'un établissement public de santé, responsable du non respect des règles de tarification ou de facturation, la notification de payer l'indu et de la mise en demeure, prévue par l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, ne peut être régulièrement adressée à une personne autre que le directeur de l'établissement, lequel, selon l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et est ordonnateur des dépenses et des recettes de l'établissement.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2018), qu'à la suite d'un contrôle portant sur la tarification à l'activité du Centre hospitalier Delafontaine (le centre hospitalier), au titre de l'année 2009, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié, le 20 avril 2011, un indu, suivi, le 4 juillet 2011, d'une mise en demeure ; que le centre hospitalier a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de constater la nullité de la notification d'indu et de la mise en demeure et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale prévoit sans autre précision qu'en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, l'organisme de recouvrement doit recouvrir l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles ; qu'en affirmant que la notification d'indu devait obligatoirement s'effectuer auprès du directeur de l'établissement pour annuler la notification d'indu et de la mise en demeure adressées par la caisse au comptable de l'établissement, la cour d'appel a ajouté à la loi et, partant, a violé l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que la notification d'indu adressée au comptable et non au directeur de l'établissement n'a causé aucun préjudice au Centre hospitalier Delafontaine qui a bien été destinataire tant de la notification d'indu que de la mise en demeure et a saisi la commission de recours amiable dans les délais impartis ; qu'en annulant néanmoins la procédure de recouvrement, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale :

Mais attendu que la notification de l'indu et de la mise en demeure prévue par l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale ne peut être régulièrement effectuée à une personne qui n'est pas le représentant légal de l'établissement ; que selon l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, le directeur de l'établissement public de santé représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et est ordonnateur des dépenses et des recettes de l'établissement ;

Et attendu que l'arrêt constate que la notification de l'indu le 20 avril 2011 et de la mise en demeure le 4 juillet 2011 a été adressée au comptable du trésor du centre hospitalier ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la notification de l'indu et de la mise en demeure n'avait pas été régulièrement délivrée au centre hospitalier, de sorte que la caisse ne pouvait, sur son fondement, poursuivre le recouvrement de l'indu litigieux ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 133-4 du code de la sécurité sociale article L. 6143-7 du code de la santé publique.

Soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Indemnité d'éviction réparant le préjudice subi entre le licenciement du salarié et sa réintégration – Prise en compte

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 10 octobre 1996, par la Caisse régionale d'assurance maladie Midi-Pyrénées, devenue Caisse d'assurance retraite et santé au travail (Carsat) Midi-Pyrénées, en qualité d'ingénieur conseil stagiaire ; qu'il était, en dernier lieu, en charge de l'enseignement supérieur et de l'intérim ; que le 2 juin 2009, le salarié a été placé en arrêt de travail lequel a été pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ; que le 10 juillet 2009, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement, obtenir sa réintégration et le paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen, qui est préalable, et sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que les revenus de remplacement qu'il a perçus seront déduits de l'indemnité d'éviction due par l'employeur alors, selon le moyen, qu'en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, tout licenciement prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, en l'absence de faute grave du salarié ou d'une impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail, est nul ; que dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié licencié en période de protection pour accident du travail, qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans qu'il y ait lieu de déduire des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'il importe peu, dès lors qu'est caractérisée la méconnaissance consciente par l'employeur du droit fondamental du salarié à la protection de sa santé lésée par un accident du travail, que son état de santé n'ait pas constitué le motif ayant déterminé l'employeur à rompre le contrat ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, qui en a prononcé la nullité pour ce motif, que licenciement du salarié a été prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail ; qu'en jugeant cependant que devaient être déduits du montant total des salaires qui auraient dû être perçus par le salarié, les salaires et revenus de remplacement qu'il avait perçus au motif inopérant que le licenciement n'avait pas été prononcé en raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié :

Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt retient que les sommes qui sont allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l'occasion du travail et entre dans l'assiette des cotisations sociales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt rendu le 20 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ; article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable.

Rapprochement(s) :

Sur la réparation du préjudice subi pour licenciement nul dans la limite des revenus dont le salarié a été privé, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-45.640, Bull. 2010, V, n° 42 (cassation partielle) ; Soc., 14 décembre 2016, pourvoi n° 14-21.325, Bull. 2016, V, n° 248 (rejet) ; Soc., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-14.281, Bull. 2017, V, n° 193 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-18.175, (P)

Rejet

Cotisations – Exonération – Contribution au financement des prestations complémentaires de prévoyance – Définition – Exclusion – Cas – Garantie couvrant le risque de perte de licence sportive en cas d'inaptitude totale

Pour l'application des dispositions de l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, la contribution de l'employeur doit s'entendre des sommes qui concourent au financement des prestations complémentaires de prévoyance au sens des dispositions de l'article L. 911-2 du même code. La couverture des risques d'inaptitude, que les garanties collectives ont, selon ce dernier texte, pour objet de prévoir, doit se rapporter exclusivement à la santé ou à l'inaptitude physique des salariés.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 avril 2018) et les productions, qu'à la suite d'un contrôle de la société SLUC Nancy basket (la société), au titre des années 2011 à 2012, l'URSSAF de Lorraine (l'URSSAF) a notifié à cette dernière un redressement réintégrant notamment dans l'assiette des cotisations la contribution de l'employeur au financement de la garantie intitulée perte de licence ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement concernant la contribution de l'employeur au contrat de prévoyance, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des alinéas 6 à 9 de l'article L. 242-1 du code de sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la circulaire n° DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire qui complètent, au bénéfice des salariés, les couvertures organisées en matière de retraite ou de prévoyance par les régimes de protection sociale ; que le régime de prévoyance complémentaire obligatoire prévu à l'article 18 de la convention collective de branche du basket professionnel, qui prévoit, au bénéfice des joueurs et entraîneurs professionnels, le versement d'un capital en cas, notamment, de perte de licence sportive en cas d'inaptitude totale et définitive à la pratique du basket dans les compétitions professionnelles, qui renvoie à une inaptitude ayant pour origine la maladie ou l'accident subi par le bénéficiaire, se rattache ainsi à des risques couverts par le régime de base de sécurité sociale, de sorte que les contributions de l'employeur à ce régime de prévoyance sont exclues de l'assiette des cotisations sociales ; qu'en l'espèce, en retenant, pour décider que les contributions de l'employeur à ce régime de prévoyance complémentaire obligatoire ne sont pas exclues de l'assiette des cotisations sociales, que ce régime assure la couverture du risque « perte de licence » qui ne résulte pas d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, quand il suffisait pourtant que la perte de licence ait une origine médicale, la cour d'appel a violé l'article 18 b) de la convention collective de branche du basket professionnel et l'avenant n° 3 à cette convention, ensemble l'article L. 262-1, alinéa 6 du code de sécurité sociale ;

2°/ que le défaut de réponse aux conclusions constitue le défaut de motif ; qu'en retenant que les contributions de l'employeur au régime de prévoyance complémentaire obligatoire ne sont pas exclues de l'assiette des cotisations sociales, sans répondre aux conclusions de celui-ci, qui, demandant la confirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy du 16 septembre 2015 ayant statué en ce sens, invoquait l'existence d'une tolérance ministérielle justifiant d'exclure de l'assiette des cotisations sociales le financement par l'employeur du régime de prévoyance conventionnelle, par analogie avec la solution dégagée à propos de la convention collective nationale du rugby professionnelle, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, en retenant qu'il ressort des propres conclusions de l'intimée que « le contrat de prévoyance prévoit la couverture du risque perte de licence ou incapacité permanente ne résultant pas d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle », quand celle-ci soutenait pourtant, à l'inverse, que le risque de perte de licence se rattachait exclusivement à l'inaptitude professionnelle définitive consécutive à une maladie ou un accident, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation du principe susvisé ;

Mais attendu que la contribution de l'employeur doit s'entendre, pour l'application des dispositions de l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, des sommes qui concourent au financement des prestations complémentaires de prévoyance au sens des dispositions de l'article L. 911-2 du même code ; que la couverture du risque d'inaptitude, que les garanties collectives ont, selon ce dernier texte, pour objet de prévoir, doit se rapporter exclusivement à la santé ou à l'inaptitude physique des salariés ;

Et attendu qu'après avoir énoncé que l'article 18 b) de l'avenant n° 3 de la convention collective de basket professionnel prévoit le versement d'une rente en cas de perte de licence, définie comme l'inaptitude professionnelle définitive du joueur et que, selon la circulaire n° DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, la couverture du risque d'inaptitude professionnelle constituée par la perte de licence s'analyse comme une prestation de prévoyance complémentaire, si le retrait est justifié par des raisons médicales, l'arrêt retient essentiellement que la société n'ayant pas produit le contrat de prévoyance, la cour ne peut vérifier que la prestation était bien limitée au cas du retrait de licence pour raisons médicales ;

Que de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, et hors toute dénaturation, dont il ressort que la société ne rapportait pas la preuve que le risque afférent à la perte de licence était exclusivement lié à des raisons de santé ou d'inaptitude physique des salariés au sens de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que la contribution de l'employeur pour le financement de cette garantie n'était pas exonérée des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ;

D'où il suit qu'inopérant en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles L. 242-1, alinéa 6, L. 911-1 et L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-17.959, Bull. 2017, II, n° 159 (cassation).

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-19.984, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Irrecevabilité – Décision statuant au fond – Excès de pouvoir

Le tribunal qui déclare irrecevable l'opposition formée contre une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale, excède ses pouvoirs en statuant au fond sur le recouvrement des cotisations et contributions litigieuses.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 122 du code de procédure civile et R. 133-3, alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que le tribunal qui déclare irrecevable l'opposition formée contre une contrainte décernée par un organisme de sécurité sociale, excède ses pouvoirs en statuant au fond sur le recouvrement des cotisations et contributions litigieuses ;

Attendu, selon le jugement attaqué, M. P... a formé le 3 janvier 2018 opposition à une contrainte du 7 décembre 2017 lui ayant été signifié le 20 décembre 2017 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire (l'URSSAF) venue aux droits de la caisse locale du régime social des indépendants Pays de la Loire ;

Attendu qu'après avoir déclaré l'opposition du cotisant irrecevable, le jugement a annulé la contrainte décernée le 7 décembre 2017 et a rejeté la demande de la caisse ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ce qu'il annule la contrainte du 7 décembre 2017 et signifiée le 20 décembre 2017 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire à M. P... le jugement rendu le 21 mai 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Quimper ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brinet - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article 122 du code de procédure civile article L. 133-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 10 octobre 2019, n° 18-20.760, (P)

Rejet

Financement – Contribution sociale de solidarité – Assujettis – Personnes morales de droit public – Conditions – Activité concurrentielle – Exclusion – Cas – Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juin 2018) et les productions, que la Caisse nationale du régime social des indépendants devenue la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (la Caisse) a adressé à l'Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée, institué par le décret n° 95-1102 du 13 octobre 1995 (l'Etablissement), une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité des sociétés au titre des années 2009 à 2011 ; que la Caisse a saisi d'une demande en paiement une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 321-14 du code de l'urbanisme ne confère aux établissements publics d'aménagement aucun monopole d'intervention en matière immobilière dans le périmètre défini, mais une compétence aux fins d'intervention, et n'exclut nullement l'intervention, dans ce périmètre, d'autres acteurs du marché si l'EPA n'est pas désigné dans le cadre d'un projet ; qu'en se bornant à affirmer que du fait du monopole d'intervention de l'EPAEM, aucune autre structure ne pouvait pénétrer le marché dévolu à l'établissement public, la cour d'appel a donc faussement appliqué l'article L. 321-14 du code de l'urbanisme ;

2°/ que, en application de l'article 2 du décret n° 95-1102 du 13 octobre 1995, portant création de l'Établissement public d'aménagement Euroméditerranée, « l'établissement public peut, en outre, sur délibération du conseil d'administration, et, en dehors du périmètre mentionné au premier alinéa, acquérir des immeubles bâtis ou non bâtis et réaliser des opérations d'aménagement et d'équipements urbains, complémentaires des actions entreprises dans ce périmètre » ; que l'article 4 dudit décret précise également que pour la réalisation de son objet, l'EPAEM « peut recourir aux procédures prévues à l'article L. 321-17 du code de l'urbanisme », soit aux procédures d'expropriation et de préemption, mais ajoute qu'il peut également « transiger et compromettre » ; que si ses ressources, énumérées par l'article 14, comprennent « les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou de participations apportées par l'État, l'Union européenne, les collectivités territoriales, etc », elles comprennent également « la rémunération pour prestations de services, le produit de la gestion des biens et droits mobiliers et immobiliers, le produit de cession des biens et droits mobiliers et immobiliers, les dons et legs », ce dont il résulte que cet opérateur public, habilité à réaliser des opérations immobilières de toutes natures et à procéder aux acquisitions foncières nécessaires à ces opérations, offre des biens ou des services sur le marché concurrentiel de la promotion immobilière, sans mettre nécessairement en oeuvre les prérogatives de puissance publique qui lui sont conférées, et exerce, ce faisant, une activité concurrentielle ; qu'en se bornant à affirmer que l'EPAEM avait un monopole d'intervention sur le périmètre défini et qu'il n'avait aucune activité concurrentielle sur le marché qui lui avait été dévolu, sans même vérifier s'il n'exerçait pas, en dehors de ce périmètre, une activité concurrentielle consistant en des opérations d'aménagement et de gestion immobilière, comme le prévoit l'article 2 du décret du 13 octobre 1995, sans mettre en oeuvre les prérogatives de puissance publique qui lui sont dévolues, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 651-1, 4e alinéa du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, selon l'article L. 651-1, 4° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ;

Et attendu que l'arrêt retient que l'Etablissement dont la mission est d'acquérir, dans le cadre d'un projet stratégique et opérationnel et après déclaration d'utilité publique, des terrains et des immeubles dans le secteur géographiquement délimité à une certaine superficie de l'agglomération marseillaise, en vue de les aménager puis de les revendre à des constructeurs privés afin d'assurer le développement immobilier et économique de la ville, et dont les opérations sont financées par des fonds publics (subventions de l'Etat, de l'Union européenne, des collectivités territoriales etc...), bénéficie d'un monopole d'intervention, d'expropriation et de préemption, conféré, dans l'intérêt général, par l'Etat, la Région et les autre collectivités territoriales, aucune autre structure ne pouvant remplir ses objectifs ;

Que de ces constatations dont elle a fait ressortir l'absence d'exercice par l'Etablissement d'une activité concurrentielle, la cour d'appel a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, qu'il n'était pas assujetti à la contribution de solidarité des sociétés pour les années litigieuses au sens du texte susmentionné ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

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