Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 3 octobre 2019, n° 18-20.430, (P)

Cassation partielle

Communauté entre époux – Liquidation – Récompenses – Récompenses dues à l'un des époux – Conditions – Profit tiré des biens propres par la communauté – Exclusion – Cas – Apport, par contrat de mariage, d'un bien propre

Selon l'article 1433, alinéa 1, du code civil, la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

Lorsqu'un futur époux apporte un bien à la communauté par contrat de mariage, aucun mouvement de valeur entre la masse propre de l'époux et la masse commune ne se réalise au cours de l'application du régime matrimonial.

Dès lors, viole le texte précité une cour d'appel qui retient une créance de l'époux sur l'indivision postcommunautaire au titre de l'enrichissement de la communauté résultant de l'apport, par contrat de mariage, d'un immeuble propre à cet époux et de l'appauvrissement corrélatif de celui-ci.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. V... et Mme P... se sont mariés le 5 juin 1982, après avoir conclu, le 25 mai précédent, un contrat de mariage portant adoption de la communauté réduite aux acquêts aux termes duquel, notamment, M. V... a déclaré apporter à la communauté un immeuble situé à [...] ; qu'après le prononcé de leur divorce, des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu l'article 1433, alinéa 1, du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres ;

Attendu que, pour dire que M. V... est détenteur d'une créance sur l'indivision d'une somme de 141 175,88 euros, l'arrêt retient que la communauté s'est enrichie de l'apport de l'immeuble propre de celui-ci, qui s'en est parallèlement appauvri, peu important que l'apport ait pris effet au même instant que la naissance de la communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'apport était stipulé au contrat de mariage, de sorte qu'aucun mouvement de valeur entre la masse propre de l'époux et la masse commune ne s'était réalisé au cours de l'application du régime matrimonial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 815-9, alinéa 2, du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ;

Attendu que, pour dire que M. V... n'est pas redevable envers l'indivision d'une indemnité pour son occupation de la maison de [...], l'arrêt retient que cette maison se trouve dans un état de vétusté incompatible avec sa mise en location ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à décharger M. V... de son obligation d'indemniser l'indivision en raison de son occupation privative du bien indivis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. V... n'est pas redevable envers l'indivision d'une indemnité pour son occupation de la maison de [...] et dit que M. V... est détenteur d'une créance sur l'indivision d'une somme de 141 175,88 euros, l'arrêt rendu le 1er mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article 1433, alinéa 1, du code civil.

1re Civ., 3 octobre 2019, n° 18-20.828, (P)

Cassation partielle

Régimes conventionnels – Séparation de biens – Contribution aux charges du mariage – Exécution – Modalités – Apport en capital provenant de la vente de biens personnels de l'un des époux pour financer l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme A..., mariés sous le régime de la séparation de biens ; que des difficultés sont nées pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 214 du code civil ;

Attendu que, sauf convention matrimoniale contraire, l'apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. Y... tendant à se voir reconnaître titulaire d'une créance au titre du financement de la totalité du prix d'acquisition de la maison des [...], achetée par les époux, en indivision, pour moitié chacun, après avoir relevé que celui-ci avait investi dans cette opération des fonds personnels, provenant de la vente de biens acquis avant le mariage, l'arrêt retient que le patrimoine de l'époux permettait cette acquisition, sans qu'il y ait lieu de distinguer ses disponibilités en revenus et en capital, la notion de contribution aux charges du mariage pouvant comprendre de façon extensive toute dépense, tout investissement réalisé dans l'intérêt de la famille, et que, dès lors qu'elle n'apparaît pas disproportionnée au regard de ses capacités financières, lesquelles ne se réduisent pas à ses seuls revenus, cette dépense d'investissement à affectation familiale doit être analysée comme une participation à l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 815-9, alinéa 2, et 815-10 du code civil ;

Attendu que l'arrêt dit qu'une indemnité est due par M. Y... à Mme A... pour l'occupation du bien indivis situé à [...] ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité d'occupation devait revenir à l'indivision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. Y... ne dispose d'aucune créance à l'égard de son épouse ou de l'indivision s'agissant de la villa des [...] et fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par M. Y... à son ex-épouse au titre du bien de [...] à la somme mensuelle de 960 euros divisée par deux, soit 480 euros par mois à compter du 3 septembre 2011, jusqu'au partage, l'arrêt rendu le 6 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 214 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.