Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

PRESCRIPTION CIVILE

Com., 23 octobre 2019, n° 17-25.656, (P)

Rejet

Interruption – Causes – Citation en justice – Déclaration des créances – Portée – Caution

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juin 2017), que, par un acte notarié du 3 avril 1996, la société Euralliance a consenti à la société Cogefina immobilier et finances (la société) un prêt, garanti par le cautionnement solidaire de M. P... et par le nantissement d'un contrat d'assurance vie ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 2 juin 1998 puis en liquidation judiciaire le 8 décembre 1998 ; que la société Fortis, venant aux droits de la société Euralliance, a déclaré sa créance ; que la société Ageas France, venant aux droits de la société Fortis, a assigné la caution en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables comme non prescrites les demandes en paiement et de mise en oeuvre du nantissement de la société Ageas France alors, selon le moyen :

1°/ que la caution, poursuivie par le créancier du débiteur principal, peut lui opposer l'extinction de son engagement dès lors que la dette qu'elle garantissait est prescrite ; que, selon les dispositions de l'article L. 1140-4, I du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que, dans le cadre d'une procédure collective, cette prescription est interrompue par une déclaration de créance, laquelle constitue une demande en justice ; qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance » ; que, la déclaration de créance tendant à faire trancher par le juge-commissaire la question de l'existence, de la nature et du montant de cette créance, l'instance ainsi ouverte s'éteint lorsque la décision de ce dernier devient irrévocable ; qu'il s'ensuit que l'interruption provoquée par la déclaration de créance ne produit ses effets que jusqu'à l'intervention de cette décision ; qu'en jugeant dès lors, contra legem, que la déclaration de créance effectuée le 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé l'article 2242 du code civil ;

2°/ que pour rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription invoquées par M. P... en sa qualité de caution, et retenir que la déclaration de créance du 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre à son égard cette prescription jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la cour a retenu que cette solution se fondait sur les dispositions des articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce ; que, cependant, l'article 55 alinéa 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 applicable au litige, correspondant au futur article L. 622-28 codifié, dispose que « le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques.

Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. » ; que ce texte ne prévoit ainsi aucune suspension [ou interruption] jusqu'à la clôture de la procédure collective mais, tout au contraire, jusqu'au jugement de liquidation ; que l'article L. 642-24 du code de commerce, quant à lui, est inapplicable au litige ; qu'en se fondant dès lors sur les articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce pour justifier l'interruption de la prescription, provoquée par la déclaration de créance, jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé ces deux articles par fausse application ;

3°/ que M. P... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que l'application à la caution de la règle prévue de l'interruption de la prescription à compter de la déclaration de créance et de son extension jusqu'à la clôture de la procédure collective, avait pour elle des conséquences incompatibles avec le principe de sécurité juridique et d'égalité des armes ; qu'il avait souligné que le créancier avait ainsi toute latitude d'agir contre la caution dès que le débiteur était mis en liquidation judiciaire ou, plus exactement, dès l'intervention de la déclaration de créance, sans que la clôture de la procédure collective fût encore intervenue, tandis qu'à l'inverse, la caution n'avait aucune possibilité de se défendre contre cette action par l'invocation de la prescription, même en cas d'inaction totale du créancier contre elle, et était de surcroît exposée à être poursuivie jusqu'à une date indéterminée, la date de clôture étant a priori inconnue, très au-delà de la période où elle se trouvait déjà soumise aux poursuites possibles du créancier ; que, de plus, M. P... avait soutenu que la solution finalement adoptée par la cour plaçait le créancier et la caution sous un régime inégal de prescription, la caution ne pouvant opposer la prescription au créancier, même resté inactif pendant dix ans, tandis que le créancier, au terme de la même période, était en droit de la lui opposer si elle invoquait contre lui une faute commise à l'encontre du débiteur principal ; qu'en retenant dès lors, pour juger que l'action n'était pas prescrite à l'encontre de la caution, que la déclaration de créance avait interrompu le délai de prescription à son égard jusqu'à la clôture de la procédure collective, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette solution n'était pas contraire au principe de sécurité juridique et d'égalité des armes, la cour a privé sa décision de base légale tant à l'égard de ce principe que de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance d'actif ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme à la liquidation judiciaire ; que la prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que dès lors, l'interruption de la prescription à l'égard de M. P... n'ayant pas pour effet de l'empêcher de prescrire contre la société Ageas, ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel, qui a retenu que l'effet interruptif de la prescription s'était prolongé jusqu'à la clôture de la procédure, a fait une juste application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes de sécurité juridique et d'égalité des armes en déclarant recevables les demandes de la société Ageas ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de le condamner à paiement alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu des dispositions de l'article 48 alinéa 1 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, applicables au litige, ultérieurement intégrées à l'article L. 312-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit qui ont accordé des prêts sous la condition d'un cautionnement apporté notamment par une personne physique doivent faire connaître à la caution, chaque année, le montant du principal et des intérêts, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; que l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, définit les établissements de crédit comme des « personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » (al. 1), ces dernières comprenant, selon le même texte, « la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement » (al. 2) ; qu'il s'ensuit que la société Euralliance, qui réalisait habituellement des opérations de crédit, telles que celles du crédit litigieux, effectuait ainsi des opérations de banque et entrait dès lors dans la catégorie des établissements de crédit, peu important qu'elle soit aussi une compagnie d'assurance ; qu'elle était dès lors soumise à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par la loi ; qu'en jugeant dès lors le contraire, au motif que cette obligation n'était initialement applicable qu'aux établissements de crédit « et non aux sociétés d'assurances ou assimilées, dont relève la société Euralliance ainsi que les différentes sociétés venues à ses droits », la cour a violé l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, ensemble l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

2°/ que M. P... avait soutenu que la société Euralliance s'était comportée comme un établissement de crédit, pour accorder son concours financier à une entreprise de promotion immobilière ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée si, nonobstant sa qualité d'assureur, ladite société n'exerçait pas une activité d'établissement de crédit, au sens de la loi, par les prêts qu'elle accordait, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 et 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

3°/ que M. P... avait également soutenu que si la société Euralliance devait être considérée uniquement comme une société d'assurance, alors le contrat de prêt devait être déclaré nul, ladite société n'ayant eu aucune capacité juridique pour délivrer à une société immobilière des prêts ou des fonds destinés à des acquisitions ou des travaux de rénovation ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans répondre à l'objection ainsi soulevée, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne concernant que les établissements de crédit définis par l'article 1er de la loi du 24 janvier 1984, alors applicable, comme les personnes morales effectuant à titre habituel des opérations de banque et bénéficiant de l'agrément prévu par l'article 18 de cette dernière loi, et non les entreprises d'assurance, même lorsqu'elles réalisent, comme en l'espèce, de telles opérations, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la société Euralliance n'était pas tenue à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par le premier des textes précités ;

Et attendu, en second lieu, que le seul fait pour la société Euralliance d'avoir consenti un prêt à la société, à supposer qu'il ait été accordé en méconnaissance des règles gouvernant l'activité des entreprises d'assurance, n'étant pas de nature à entraîner la nullité du contrat, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Henry et M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Le Griel ; Me Brouchot -

Textes visés :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ; article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ; articles 1er et 18 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.

Com., 23 octobre 2019, n° 18-16.515, (P)

Rejet

Interruption – Causes – Citation en justice – Déclaration des créances – Portée – Caution

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 juin 2017 et 22 février 2018), que par un acte du 25 juin 2000, M. S..., dirigeant de la société S... Côte d'Azur (la société), s'est rendu caution solidaire des engagements pris par cette dernière à l'égard de la société Compagnie générale de crédits aux particuliers (la société Crédipar) ; que par un jugement du 17 octobre 2002, la société a été mise en redressement judiciaire ; qu'un plan de cession a été arrêté le 28 novembre 2002 ; que la société Crédipar a déclaré sa créance au passif de la société, qui a été admise, puis, par une assignation du 31 janvier 2013, a poursuivi M. S... en exécution de son engagement ;

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt du 29 juin 2017 de déclarer recevable l'action en paiement de la société Crédipar alors, selon le moyen :

1°/ que l'interruption de la prescription par la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective porte atteinte à la sécurité juridique de la caution dès lors que compte tenu de la durée imprévisible de la procédure collective, la durée de la prescription est imprévisible et peut être excessive ; que la cour d'appel qui a considéré qu'en l'espèce, la caution ne pouvait prétendre que la règle selon laquelle la prescription est interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective rendait sa dette imprescriptible en raison de l'absence de clôture de la procédure collective, dès lors que toute personne intéressée aurait pu solliciter cette clôture mais sans constater que les conditions de la clôture de la procédure collective étaient réunies, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 643-9 du code de commerce, de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;

2°/ que la loi du 17 juin 2008, substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription trentenaire ou décennal étant entré en vigueur le 18 juin 2008, a eu pour objectif de réduire les délais de prescription ; que l'interruption des délais de prescription pendant la durée d'une procédure collective porte atteinte au droit de la caution à la sécurité juridique et rend le délai de prescription de son obligation excessif lorsque que la procédure collective n'est pas elle-même clôturée dans un délai raisonnable ; que la cour d'appel, qui a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir de la violation du principe du délai raisonnable car elle avait la faculté de faire trancher les contestations relatives à sa dette par voie d'action, s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;

3°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé que M. S... ne pouvait arguer de l'imprescriptibilité de l'action du créancier à l'égard de la caution et du droit au délai raisonnable, au motif qu'il aurait pu demander la clôture de la procédure collective sans provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé d'office que M. S... ne pouvait arguer du droit à être jugé dans un délai raisonnable puisqu'il avait la faculté de prendre l'initiative de saisir lui-même le juge des contestations qu'il entendait opposer au créancier, sans provoquer les explications des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 621-95 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture d'un redressement judiciaire, en cas de cession totale de l'entreprise, après régularisation des actes nécessaires à la cession, paiement du prix et réalisation des actifs du débiteur non compris dans le plan ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme au redressement judiciaire après adoption d'un plan de cession, remplissant l'un des objectifs d'intérêt général de la procédure que constitue l'apurement du passif ; que la prolongation du redressement judiciaire du débiteur principal tant que le prix de cession n'est pas payé et que tous les actifs non compris dans le plan ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le cours de la prescription s'était trouvé immédiatement interrompu, à l'égard de la société et de M. S..., par l'effet de la déclaration de la créance au passif de la société effectuée par la société Crédipar, le 8 novembre 2002, et constaté que la clôture du redressement judiciaire de la société n'était pas intervenue au jour de l'assignation en paiement de la caution, le 31 janvier 2013, l'arrêt retient que cette absence de clôture dans ce délai n'a pas pour conséquence de rendre imprescriptible la créance de la société Crédipar, d'autant que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de redressement judiciaire après l'adoption d'un plan de cession ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que l'interruption de la prescription à l'égard de M. S... n'avait pas pour effet de l'empêcher définitivement de prescrire contre la société Crédipar ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel a fait une juste application de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de sécurité juridique en déclarant recevable l'action de la société Crédipar ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a examiné les moyens de défense de M. S..., n'a pas relevé d'office un moyen qui n'aurait pas été dans le débat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3e Civ., 17 octobre 2019, n° 18-19.611, n° 18-20.550, (P)

Cassation

Suspension – Causes – Mesure d'instruction ordonnée avant tout procès – Domaine d'application – Etendue – Détermination

La demande d'expertise en référé sur les causes et conséquences de désordres et malfaçons ne tendant pas au même but que la demande d'annulation du contrat de construction, la mesure d'instruction ordonnée n'a pas pour effet de suspendre la prescription de l'action en annulation du contrat.

Joint les pourvois n° 18-19.611 et 18-20.550 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-19.611 :

Vu l'article 2239 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 mai 2018), que, le 6 décembre 2006, M. A... et la société Le Chêne constructions (la société Le Chêne) ont conclu un contrat de construction d'une maison d'habitation ; que M. A..., ayant constaté de nombreuses malfaçons avant réception, a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 24 décembre 2009, a désigné un expert, lequel a déposé son rapport le 15 décembre 2011 ; que, par acte du 14 août 2012, M. A... a assigné la société Le Chêne en annulation du contrat, subsidiairement en résolution ou en réparation des désordres ;

Attendu que, pour juger recevable la demande en nullité du contrat, l'arrêt retient qu'il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription, prévue par l'article 2239 du code civil, et que l'expertise sollicitée en référé est utile à l'appréciation de la demande en nullité du contrat, les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'expertise en référé sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons ne tendait pas au même but que la demande d'annulation du contrat de construction, de sorte que la mesure d'instruction ordonnée n'a pas suspendu la prescription de l'action en annulation du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi n° 18-20.550 :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 2239 du code civil.

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