Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

INDIVISION

3e Civ., 24 octobre 2019, n° 18-20.068, (P)

Cassation partielle

Chose indivise – Acte conservatoire – Définition – Action en revendication de la propriété indivise et en contestation des actes conclus sans le consentement des indivises

L'action en revendication de la propriété indivise et en contestation d'actes conclus sans le consentement des indivisaires a pour objet la conservation des droits de ceux-ci et entre dans la catégorie des actes conservatoires que chacun d'eux peut accomplir seul.

Action en justice – Action intentée par un seul indivisaire – Qualité pour agir – Action conservatoire – Revendication de la propriété indivise et en contestation d'actes conclus sans le consentement des indivises

Donne acte à la société Sabimo, à M. W..., à M. et Mme P... et aux syndicats des copropriétaires des résidences du Mont Saint Clair ([...]), Narcisse([...]),

Les Cholettes ([...]), Orphee ([...]), [...], Centre commercial 5 [...], [...] [...], SCP Les 3 Fontaines [...], [...], et Entrée de Ville 4 [...] du désistement de leur pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 septembre 2017), que la SCI des Sablons, la Compagnie immobilière pour le logement des fonctionnaires civils et militaires et la Compagnie immobilière de la région parisienne (CIRP) ont, entre 1967 et 1970, fait construire, sur leurs fonds respectifs qu'elles ont regroupés et liés par des servitudes réciproques, le Grand ensemble de Sarcelles comprenant 14 000 logements, ainsi que les équipements collectifs nécessaires et, notamment, un système de chauffage urbain comprenant de nombreuses installations ; que la CIRP, en qualité de mandataire commun, a été chargée, à titre temporaire, de la gestion de ces équipements collectifs ; qu'entre 1987 et 1989, l'entretien de ces équipements a été transféré à la Compagnie immobilière de la région de Sarcelles (CIRS) ; que, par acte sous seing privé du 1er décembre 1988 prenant effet au 1er juillet 1987, la CIRS a consenti un prêt à usage des équipements et installations nécessaires à l'exploitation du réseau de chauffage au concessionnaire chargé de la distribution, la société d'économie mixte Sarcelles Chaleur (la SEM) ; qu'après en avoir fait l'acquisition, la société Icade Patrimoine, devenue la société Icade, a cédé, le 26 juin 2006, ces équipements et installations à la société Sarcelles Investissement, laquelle en a confié l'exploitation à la société Sarcelles Energie ; que plusieurs syndicats de copropriétaires (les syndicats) et trois copropriétaires agissant à titre individuel ont assigné les sociétés Osica, anciennement dénommée SCIC Habitat Ile-de-France, Sarcelles Chaleur et Icade en revendication de la propriété indivise des installations de chauffage, en annulation ou en déclaration d'inopposabilité des conventions des 3 mars 1987, 1er décembre 1988, 12 avril 1989, 25 août 2005, 30 décembre 2005, 2 juin 2006 et 26 juin 2006 conclues sans leur consentement, en restitution de la somme versée et des fruits perçus en exécution des conventions des 3 mars 1987 et 12 avril 1989 et en paiement de dommages-intérêts ; que les sociétés Sarcelles Investissement et Sarcelles Energie ont été appelées en intervention forcée ; que la SEM et la société Sarcelles Energie ont assigné plusieurs syndicats en paiement de factures ; que ces instances ont été jointes ;

Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 815-2 et 815-3 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes des syndicats en revendication de la propriété indivise des installations de chauffage et en annulation ou déclaration d'inopposabilité de conventions conclues sans leur consentement, l'arrêt retient que ces demandes ne constituent pas de simples actes conservatoires tendant seulement à faire valoir des droits, mais, ne ressortissant pas à l'exploitation normale d'un bien indivis, relèvent de la règle de l'unanimité des indivisaires, en raison de l'importance des installations litigieuses, des frais à venir occasionnés par ces prétentions et des procédures en cours à l'encontre de la société Sarcelles Investissement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en revendication de la propriété indivise et en contestation d'actes conclus sans le consentement des indivisaires a pour objet la conservation des droits de ceux-ci et entre dans la catégorie des actes conservatoires que chacun d'eux peut accomplir seul, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

Et sur les quatrième et cinquième moyens, réunis :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le troisième moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions rejetant les demandes en restitution de diverses sommes et en paiement de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes des syndicats des copropriétaires en revendication de la propriété indivise des installations de chauffage, en annulation ou en déclaration d'inopposabilité des conventions des 3 mars 1987, 1er décembre 1988, 12 avril 1989, 25 août 2005, 30 décembre 2005, 2 juin 2006 et 26 juin 2006, et rejette leurs demandes en restitution de diverses sommes et en paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 25 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jessel - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Didier et Pinet ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 815-2 et 815-3 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la conception de l'acte conservatoire, à rapprocher : 3e Civ., 19 juin 2002, pourvoi n° 01-01.201, Bull. 2002, III, n° 145 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 3 octobre 2019, n° 18-21.200, (P)

Rejet

Maintien de l'indivision – Maintien judiciaire – Cas – Sursis au partage – Demande – Délai pour la former – Limites – Détermination

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 juin 2018), que C... I... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. S... Y... et Mme P... Y... ; qu'un jugement du 12 mars 2008, confirmé par un arrêt du 27 octobre 2009, a ordonné le partage de la succession, statué sur différents points de litige et ordonné une expertise ; qu'un jugement du 26 juin 2013 a ordonné la licitation de deux immeubles dépendant de l'indivision successorale à la barre du tribunal, sur des mises à prix d'un certain montant ; qu'un arrêt du 27 janvier 2015 a confirmé ces dispositions ; que, par jugements du 22 juin 2016, rectifiés par jugements du 3 août 2017, le juge de l'exécution a constaté la carence d'enchères pour chacun des biens ; que M. Y... a assigné sa soeur afin de voir ordonner une nouvelle vente sur licitation sur des mises à prix d'un montant inférieur aux précédentes ; que Mme Y... a demandé reconventionnellement qu'il soit sursis à la licitation pour une durée de deux ans ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner une nouvelle vente sur licitation, alors, selon le moyen, qu'à la demande d'un indivisaire, le tribunal peut surseoir au partage pour deux années au plus si sa réalisation immédiate risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis, ce sursis pouvant s'appliquer à l'ensemble des biens indivis ou à certains d'entre eux seulement ; que la licitation ne constituant qu'une modalité du partage, il peut être sursis à la vente par adjudication des biens reconnus comme ne pouvant être facilement partagés ou attribués ; que, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné qu'il soit sursis pour une période de deux ans à la procédure de vente sur licitation des biens litigieux, l'arrêt retient que le sursis prévu par le législateur porte sur le partage et non sur la licitation, qui est une modalité de liquidation, que le sursis au partage autorisé par la loi permet de prolonger l'indivision entre les parties, tandis que le partage, dès qu'il est ordonné, tend à les en faire sortir, que les dispositions permettant le maintien temporaire en indivision n'ont plus vocation à s'appliquer une fois le partage ordonné et qu'en l'espèce, le partage de l'indivision a été ordonné définitivement par jugement du 26 juin 2013, confirmé en cela par l'arrêt rendu le 27 janvier 2015 ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a introduit dans la loi une distinction qu'elle ne comporte pas afin d'exclure toute possibilité de différer la licitation des immeubles dépendant encore de l'indivision successorale en cours de partage, a violé l'article 815, alinéa 2, devenu 820, alinéa 1, du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 820, alinéa 1, du code civil, à la demande d'un indivisaire, le tribunal peut surseoir au partage pour deux années au plus, notamment si sa réalisation immédiate risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ; que, lorsque le partage résulte d'une décision de justice irrévocable, il ne peut plus être sursis à la licitation, laquelle constitue une modalité du partage ;

Et attendu qu'ayant constaté que le partage de l'indivision avait été ordonné par une décision de justice irrévocable, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de sursis à la licitation formée par Mme Y... sur le fondement de l'article 820 du code civil ne pouvait être accueillie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article 820, alinéa 1, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la nature de la licitation, à rapprocher : 1re Civ., 9 mars 1971, pourvoi n° 70-10.072, Bull. 1971, I, n° 77 (rejet), et l'arrêt cité.

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