Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

ETRANGER

1re Civ., 17 octobre 2019, n° 19-50.002, (P)

Cassation sans renvoi

Expulsion – Maintien en rétention – Saisine du juge – Exécution de la mesure d'éloignement – Diligences du préfet – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger, ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration n'a obligation d'exercer toutes diligences à cet effet qu'à compter du placement en rétention.

Ajoute une condition à la loi le premier président qui exige de l'administration qu'elle justifie de l'accomplissement de diligences nécessaires à l'éloignement de l'étranger durant la période d'incarcération ayant précédé le placement en rétention.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Fin de la rétention – Diligences de l'administration nécessaires au départ de l'étranger – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ; que l'administration n'a l'obligation d'exercer toutes diligences à cet effet qu'à compter du placement en rétention ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. O..., de nationalité albanaise, condamné à une peine d'interdiction définitive du territoire français, s'est vu retirer sa carte de résident et notifier un arrêté fixant l'Albanie comme pays de renvoi ; qu'il a été placé en rétention administrative à sa sortie d'écrou, le 15 novembre 2018 ; que le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. O... d'une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d'une demande de prolongation de cette mesure ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'ordonnance retient que les services préfectoraux, saisis pour mettre à exécution la mesure d'éloignement bien avant la date prévisible de fin de peine de M. O..., dont la décision pénale de condamnation mentionnait la véritable identité et la nationalité, n'ont entrepris aucune démarche utile avant sa libération ;

Qu'en statuant ainsi, en exigeant de l'administration qu'elle justifie de l'accomplissement de diligences nécessaires à l'éloignement de l'étranger durant la période d'incarcération ayant précédé son placement en rétention, le premier président, qui a ajouté une condition à la loi, a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) -

Textes visés :

Article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1re Civ., 17 octobre 2019, n° 18-24.043, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Décision de placement – Régularité – Contestation – Saisine du juge des libertés et de la détention par l'étranger – Absence de décision au terme du délai légal – Appel – Recevabilité (non)

L'absence de décision du juge des libertés et de la détention au terme du délai de vingt-quatre heures prévu à l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d`asile ne peut être assimilée à une décision implicite de rejet de la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention. Un appel formé dans ces circonstances est irrecevable.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 9 mars 2018), et les pièces de la procédure, que M. K..., de nationalité soudanaise, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative le 5 mars 2018 ; qu'il a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête tendant à contester la décision de placement en rétention le 6 mars 2018 à 11 heures 47 ; qu'il a formé appel le 7 mars 2018 à 15 heures 55 « contre la décision implicite de rejet » de cette requête ;

Attendu que M. K... fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que saisi d'une contestation quant à la régularité d'une décision de placement en rétention administrative, le juge des libertés et de la détention rend son ordonnance dans le délai de 24 heures imparti par l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable ; que le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans le délai de 24 heures sur la requête de M. K... contestant son placement en rétention et demandant qu'il y soit mis fin, de sorte que M. K... a été maintenu en rétention administrative au-delà de ce délai ; qu'en affirmant que l'absence de décision de ce magistrat ne saurait être assimilée à une décision implicite de rejet de la requête de M. K..., quand il constatait que M. K... avait été maintenu en rétention au-delà du délai imparti au juge pour statuer sur sa demande de remise en liberté, le premier président de la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, en violation des articles L. 512-1, L. 552-1 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble les articles L. 552-9 du même code et 543 du code de procédure civile ;

2°/ qu'à tout le moins, en se bornant a affirmer péremptoirement que l'absence de décision du juge des libertés et de la détention ne saurait être assimilée a une décision implicite de rejet de la requête de M. K..., le premier président de la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le droit à un recours effectif implique qu'un requérant ait la possibilité de faire examiner ses demandes par une instance nationale et que celle-ci soit en mesure d'en examiner le bien-fondé ; qu'en prononçant l'irrecevabilité de l'appel forme par M. K... en raison de l'absence de décision du juge des libertés et de la détention pouvant être qualifiée de jugement au sens de l'article 543 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel a retenu de ces dispositions et de celles de l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une interprétation de nature à limiter concrètement la possibilité de M. K... de faire examiner le bien-fondé de sa demande, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que les litiges concernant l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et attendu qu'ayant exactement retenu que l'absence de décision du juge des libertés et de la détention au terme du délai de vingt-quatre heures prévu à l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être assimilée à une décision implicite de rejet de la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention, le premier président en a justement déduit que l'appel formé par M. K... était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

CEDH, arrêt du 5 octobre 2000, Maaouia c. France, n° 39652/98.

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