Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 9 octobre 2019, n° 18-17.563, (P)

Cassation

Liquidation judiciaire – Contrat en cours – Bail commercial – Résiliation à l'initiative du bailleur – Causes postérieures au jugement d'ouverture – Défaut de paiement des loyers – Action devant le juge-commissaire en constatation de la résiliation de plein droit du bail – Commandement de payer – Nécessité (non)

En application des articles L. 641-12, 3°, et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des condition spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

En conséquence, le bailleur, qui agit devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d'une clause résolutoire, n'est pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 du code de commerce.

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Vu les articles L. 641-12, 3°, et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu que lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2005, la SCI des Bains (la SCI) a donné en location à la société Carla des locaux destinés à l'exercice de son activité commerciale ; que la société Carla a été mise en liquidation judiciaire le 17 novembre 2016, la société V... E... étant désignée liquidateur ; que par une ordonnance du 8 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la société Carla ; que par une requête du 21 mars 2017, la SCI a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que l'acte de cession du fonds de commerce, comprenant le droit au bail, a été signé le 25 avril 2017, sous les conditions que l'ordonnance du 8 mars 2017 ne soit pas infirmée et du prononcé d'une décision définitive rejetant la demande de constatation de la résiliation du bail ; que le juge-commissaire, par une ordonnance du 16 juin 2017, a rejeté la requête tendant à la constatation de la résiliation du bail ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeté le recours contre cette ordonnance, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 622-14 du code de commerce ne dérogent pas à celles de l'article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement, le liquidateur pouvant solliciter des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée et que le fait pour le bailleur d'opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que celle du juge des référés, ne le dispense pas de la délivrance préalable du commandement visant la clause résolutoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d'une clause résolutoire, n'était pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles L. 145-41, L. 641-12, 3°, et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce.

Com., 23 octobre 2019, n° 18-14.823, (P)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action en justice – Action en résolution d'un contrat de bail d'habitation – Effets – Clause résolutoire de plein droit acquise avant le jugement d'ouverture

Ni l'article L. 622-21 du code de commerce, ni l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ne font obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de bail d'habitation par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le locataire n'a pas demandé de délais de paiement, cette circonstance permettant seule de suspendre les effets de la clause.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Paris habitat OPH, devenue la société Epic Paris-habitat, bailleur de M. B... pour son logement d'habitation, après avoir adressé à ce dernier un commandement de payer un arriéré de loyers et de charges, l'a assigné devant le juge des référés, le 2 juin 2015, en paiement de ces sommes et en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail ; qu'une ordonnance de référé du 8 juin 2016 ayant accueilli ces demandes, M. B..., qui avait été mis en liquidation judiciaire le 30 mars 2016, en a relevé appel, afin que l'ordonnance soit déclarée non avenue ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner son expulsion alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que l'action introduite par le bailleur, avant la mise en liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en forcé de chose jugée, être poursuivie après ce jugement ; qu'en confirmant l'ordonnance de référé ayant constaté la résiliation du bail par l'effet du commandement, quand elle avait constaté qu'une procédure collective avait été ouverte à l'égard de M. B... par un jugement du 30 mars 2016 et était tenue de relever, au besoin d'office, les effets attachés au principe de l'interdiction des poursuites individuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce ;

2°/ que l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées doit réaliser un diagnostic social et financier au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'a la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; que ces formalités sont prescrites a peine d'irrecevabilité de la demande aux fins de constat de la résiliation du contrat de bail, de sorte que la cour d'appel est tenue de vérifier, le cas échéant d'office, qu'elles ont e te re alise es ; qu'en ne vérifiant pas si un tel diagnostic avait e te re alise et transmis au juge avant l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 24, III de la loi du 6 juillet 1989 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, ni l'article L. 622-21 du code de commerce, ni l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ne font obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de bail d'habitation par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le locataire n'a pas demandé de délais de paiement, cette circonstance permettant seule de suspendre les effets de la clause ; que n'ayant pas relevé que M. B... avait demandé des délais de paiement, la cour d'appel a pu constater l'acquisition de la clause résolutoire qui avait produit ses effets avant le jugement d'ouverture ;

Et attendu, en second lieu, qu'en application de l'article 24, III, de la loi précitée du 6 juillet 1989, seule l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail doit être notifiée, à peine d'irrecevabilité de la demande, au représentant de l'État dans le département ; qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que le représentant de l'État avait été avisé de l'assignation plus de deux mois avant l'audience, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches inopérantes invoquées par la cinquième branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 622-21 du code de commerce ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance ayant fait droit aux demandes du bailleur tendant à la condamnation de M. B... au paiement de sommes d'argent dues antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, l'arrêt retient que, si aucune reprise d'instance n'est intervenue dans les conditions énoncées par l'article L. 622-22 du code de commerce, l'ordonnance ne saurait être déclarée non avenue, dès lors que le mandataire judiciaire ne l'a pas contestée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance en référé tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent, fût-ce au titre d'une créance personnelle du débiteur, n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 641-13 du code de commerce ;

Attendu que la cour d'appel a également condamné M. B... à payer une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 5 avril 2016 et jusqu'à libération des lieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, la créance d'indemnité d'occupation due, après résiliation du bail portant sur l'habitation personnelle de M. B..., à compter du 5 avril 2016, étant une créance postérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire, le 30 mars 2016, elle ne pouvait être payée à l'échéance que si elle réunissait les conditions prévues par le texte susvisé, ce qu'il lui appartenait de vérifier, la cour d'appel a violé celui-ci ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt étant cassé de tous les chefs de son dispositif prononçant des condamnations au paiement de sommes d'argent, ces cassations entraînent, par voie de conséquence, celle de la disposition condamnant M. B... à une amende civile pour appel abusif, qui ne peut subsister, dès lors qu'il résulte des précédentes cassations que l'appelant était fondé, au moins partiellement, en son appel ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance du 8 juin 2016, il condamne M. B... à payer à la société Paris habitat OPH la somme de 11 387,32 euros au titre des loyers charges, fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due à la société Paris habitat OPH au loyer majoré des charges récupérables jusqu'à libération effective des lieux et condamne M. B... à payer à la société Paris habitat OPH l'indemnité mensuelle d'occupation précitée jusqu'à libération effective des lieux, et en ce qu'il condamne M. B... au paiement d'une amende civile de 3 000 euros, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 622-21 du code de commerce ; article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Rapprochement(s) :

Sur la résolution d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du crédit-preneur, dans le même sens que : Com., 18 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.997, Bull. 2014, IV, n° 170 (cassation).

Com., 9 octobre 2019, n° 18-12.162, n° 18-12.592, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Limites – Droit propre du débiteur – Applications diverses – Exclusion – Transaction fixant le montant de la dette d'un tiers envers le débiteur – Ordonnance du juge-commissaire autorisant à transiger – Recours du représentant légal d'une société en liquidation judiciaire – Irrecevabilité

La transaction qui fixe, pour solde de tout compte, le montant de la dette d'un tiers envers la société en liquidation a pour objet le recouvrement des créances de celle-ci, pour lequel aucun droit propre ne fait échec au dessaisissement. Ainsi, le représentant légal d'une société en liquidation, exerçant les droits propres de celle-ci, n'est pas recevable à contester une telle autorisation de transiger, délivrée par le juge-commissaire au liquidateur, lequel a le monopole du recouvrement des créances.

Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Recouvrement des créances – Monopole – Portée

Statuant tant sur le pourvoi principal n° 18-12.162 formé par M. H... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Est amiante, et joignant ces pourvois au pourvoi n° 18-12.592 formé par M. X..., qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 décembre 2017) et les productions, que la société Est amiante a été mise en redressement puis liquidation judiciaires par des jugements des 15 octobre 2012 et 17 décembre 2012, M. Y... étant désigné liquidateur ; que celui-ci a demandé au juge-commissaire l'autorisation de transiger avec la société Petrofer, cliente de la société Est amiante, sur le montant des sommes restant dues à cette dernière ; que devant le juge-commissaire, M. H..., gérant de la société Est amiante depuis le 10 février 2012, s'est opposé à la transaction, dont il estimait le montant insuffisant par rapport à celui de la dette réelle de la société Petrofer envers la société Est amiante ; que M. X..., qui invoquait ses qualités de dirigeant de celle-ci jusqu'au 10 février 2012 et de créancier, au titre du solde créditeur de son compte courant d'associé, et faisait valoir également qu'il avait été condamné, solidairement avec M. H..., à supporter une partie du passif fiscal de la société Est amiante, est intervenu volontairement devant le juge-commissaire pour s'opposer à la demande du liquidateur ; que l'autorisation de transiger ayant été donnée par une ordonnance du 30 décembre 2015, MM. H... et X... ont formé un recours devant le tribunal ; que, par un jugement du 20 juin 2016, le recours de M. X... a été déclaré irrecevable, tandis que celui de M. H... a été rejeté ; que MM. H... et X... ont relevé appel de ce jugement ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-12.162 :

Attendu que M. H... fait grief à l'arrêt de confirmer le rejet de son recours alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer par omission les pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, il résultait de l'ordonnance du 30 décembre 2015 que le juge-commissaire avait autorisé la transaction à hauteur de 227 240 euros TTC en raison de l'absence de pièce établissant le montant de la créance de la société Est amiante à l'encontre de la société Petrofer ; qu'au soutien de ses conclusions d'appel, M. H... produisait tant les factures adressées à la société Petrofer que les conventions conclues avec elles établissant l'existence de la créance de la société Est amiante à l'encontre de la société Petrofer à hauteur de 1 086 512 euros TTC ; qu'en se fondant, pour rejeter le recours, sur « l'absence de toute comptabilité et tout document contractuel au sein de la société Est amiante », cependant que M. H... avait produit les pièces établissant le montant de sa créance, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de communication de pièces et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en s'abstenant, en conséquence, d'examiner les pièces produites par M. H... pour justifier de l'existence de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la transaction qui fixe, pour solde de tout compte, le montant de la dette d'un tiers envers la société en liquidation a pour objet le recouvrement des créances de celle-ci, pour lequel aucun droit propre ne fait échec au dessaisissement ; qu'il en résulte qu'en qualité de représentant légal de la société Est amiante exerçant les droits propres de cette société, M. H... n'était pas recevable à contester l'autorisation de transiger délivrée par le juge-commissaire au liquidateur, lequel a le monopole du recouvrement des créances ; que le moyen, qui critique les motifs par lesquels les juges ont statué sur le fond pour rejeter le recours de M. H..., est, dès lors, inopérant ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° 18-12.592 :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer l'irrecevabilité de son recours alors, selon le moyen :

1°/ que l'intervenant principal, qui se prévaut d'un droit propre, a la qualité de partie et dispose, en conséquence, du droit d'interjeter appel ; qu'en déclarant irrecevable le recours formé par M. X... contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé le liquidateur judiciaire de la société Est amiante à transiger avec la société Petrofer, tout en constatant qu'il était intervenu volontairement devant le juge-commissaire pour s'opposer à la demande d'autorisation du liquidateur judiciaire en sa qualité d'ancien gérant de la société Est amiante ayant été condamné à supporter le passif fiscal de cette société, la cour d'appel a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

2°/ que les droits et obligations de l'ancien dirigeant d'une société placée en liquidation judiciaire qui a été condamné à supporter tout ou partie du passif de cette société étant directement affectés par la conclusion d'une transaction de nature à accroître ce passif a une prétention à faire valoir au sens des articles 4 et 31 du code de procédure civile au cours de l'instance aux fins d'autorisation du liquidateur judiciaire à transiger ; qu'en retenant que les droits et obligations de M. X... n'étaient pas directement affectés par l'objet de la transaction que le liquidateur judiciaire de la société Est amiante, dont il était l'ancien dirigeant, a été autorisé à conclure avec la société Petrofer tout en constatant qu'il avait été condamné à supporter le passif fiscal de la société Est amiante, la cour d'appel a violé les articles 4 et 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient exactement que, les droits et obligations de M. X..., en qualité de créancier de la société Est amiante ou d'ancien dirigeant tenu de supporter une partie du passif fiscal de celle-ci, n'étant affectés qu'indirectement par l'ordonnance autorisant le liquidateur à transiger sur le montant d'une créance de la société Est amiante, le recours de l'article R. 621-21 du code de commerce lui était fermé contre cette décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Com., 23 octobre 2019, n° 18-15.280, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Dessaisissement du débiteur – Mandat légal de représentation – Liquidateur – Secret professionnel du notaire – Inopposabilité – Applications diverses

Le liquidateur étant investi d'un mandat légal de représentation du débiteur dessaisi pour l'exercice des droits et actions de ce dernier concernant son patrimoine, le notaire n'est pas fondé à lui opposer le secret professionnel pour refuser de lui communiquer la consistance des droits détenus par le débiteur dans la succession de son père.

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mai 2017), que M. W... a été mis en liquidation judiciaire le 22 juin 2011 ; que sur requête du liquidateur, le juge-commissaire a ordonné à M. K..., notaire en charge du règlement de la succession du père de M. W..., de communiquer au liquidateur les informations permettant d'établir la consistance des droits du débiteur dans cette succession ;

Attendu que M. K... fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance alors, selon le moyen, que les notaires ne peuvent, en l'absence d'ordonnance du président du tribunal de grande instance, donner des informations couvertes par le secret à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, leurs héritiers ou ayants droit ou leurs mandataires ; qu'en jugeant, pour ordonner à M. K... de communiquer la liste exhaustive des droits successoraux détenus par M. R... W... au mandataire judiciaire, que ce dernier était le mandataire du débiteur en liquidation judiciaire et ne pouvait être considéré comme un tiers, quand le liquidateur judiciaire, investi, sur mandat judiciaire, d'une mission d'intérêt général et qui agit dans l'intérêt collectif des créanciers de la procédure collective, n'est pas un mandataire du débiteur au sens du droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 641-1 et L. 641-4 du code de commerce, ensemble l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat ;

Mais attendu qu'ayant énoncé, à bon droit, que le liquidateur est investi d'un mandat légal de représentation du débiteur dessaisi pour l'exercice des droits et actions de ce dernier concernant son patrimoine, la cour d'appel en a exactement déduit que le notaire n'était pas fondé à opposer le secret professionnel pour refuser de lui communiquer la consistance des droits détenus par M. W... dans la succession de son père ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Com., 23 octobre 2019, n° 18-19.952, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Entrepreneur individuel à responsabilité limitée – Déclaration d'affectation – Patrimoine affecté – Erreur sur la désignation du débiteur dans le jugement d'ouverture – Capacité à agir du liquidateur – Portée

En application de l'article L. 680-2 du code de commerce, lorsqu'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis à une procédure collective à raison de son activité professionnelle, les dispositions des titres I à VI du livre VI de ce code doivent être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté, et ce quand bien même le jugement d'ouverture et sa mention au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) ne précise pas qu'il ne vise que les éléments du seul patrimoine affecté en difficulté.

Il en résulte que l'erreur ainsi commise sur la désignation du débiteur dans le jugement d'ouverture de la procédure n'affecte pas la capacité à agir de son liquidateur désigné à raison du patrimoine affecté.

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Entrepreneur individuel à responsabilité limitée – Déclaration d'affectation – Patrimoine affecté – Eléments du patrimoine visés – Jugement d'ouverture – Mention – Défaut – Portée

Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est formé par la « société » EIRL T... [...], examinée d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 117 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 526-6 du code de commerce ;

Attendu que M. T..., qui a adopté le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, n'ayant pas créé une personne morale, le pourvoi de la « société » EIRL T... [...], qui n'a aucune existence légale, doit être déclaré irrecevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi, en ce qu'il est formé par M. T..., qui est recevable :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 avril 2018), que M. T... a, par une déclaration déposée le 30 octobre 2012 au registre de l'agriculture, affecté une partie de son patrimoine à son activité d'éleveur de chevaux pour l'exercice de laquelle il a utilisé une dénomination comprenant les termes « EIRL T... [...]" ; que par acte notarié du 25 avril 2013, il a affecté un bâtiment à usage agricole à son activité professionnelle sans le faire publier ; que, par jugements des 26 février et 29 juin 2015, M. T... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, la société MJ Synergie étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a assigné M. T... en inopposabilité à la procédure de l'affectation du bâtiment agricole et en réunion de ses patrimoines ;

Attendu que M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité de l'assignation du liquidateur alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une nullité de fond le défaut de capacité d'ester en justice en demande ; que constitue ainsi une irrégularité de fond le fait pour le liquidateur judiciaire demandeur désigné dans le cadre d'une procédure de redressement et liquidation judiciaires concernant le demandeur en son ancienne qualité de commerçant dès lors qu'il avait été radié du RCS plusieurs années avant le jugement d'ouverture, de notifier à celui-ci en sa qualité actuelle d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée une assignation en inopposabilité de l'affectation prévue par l'article L. 526 du code de commerce ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'assignation du 11 janvier 2016 a été délivrée à M. H... T... à la requête de « MJ Synergie es qualités de liquidateur de l'EIRL H... T..., inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse sous le n° 350 384 081 » mais que la procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire avait été ouverte non pas à l'égard de M. H... T... exerçant en qualité d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sous le n° de SIRET 350 834 081 0019 mais à l'égard de M. H... T... qui, jusqu'à sa radiation à la date du 25 février 2005, avait exercé en qualité de commerçant sous le n° de RCS 350 834 081 ; que ces constatations opérées, dont résultait le défaut de capacité d'ester en justice en demande, en écartant la qualification de vice de fond pour rejeter l'exception de nullité de l'assignation, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile ;

2°/ que constitue une nullité de fond le défaut de capacité d'ester en justice en défense ; que constitue une irrégularité de fond le fait pour le liquidateur judiciaire demandeur désigné dans le cadre d'une procédure de redressement et liquidation judiciaires concernant le demandeur en son ancienne qualité de commerçant dès lors qu'il avait été radié du RCS plusieurs années avant le jugement d'ouverture, de notifier à celui-ci en sa qualité actuelle d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée une assignation en inopposabilité de l'affectation prévue par l'article L. 526 du code de commerce ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'assignation du 11 janvier 2016 a été délivrée à M. H... T... à la requête de « MJ Synergie es qualités de liquidateur de l'EIRL H... T..., inscrite au RCS de Bourg-en-Bresse sous le n° 350 384 081 » mais que la procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire avait été ouverte non pas à l'égard de M. H... T... exerçant en qualité d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sous le n° de SIRET 350 834 081 0019 mais à l'égard de M. H... T... qui jusqu'à sa radiation à la date du 25 février 2005 avait exercé en qualité de commerçant sous le n° de RCS 350 834 081 ; que ces constatations opérées, dont résultait le défaut de capacité d'ester en justice en défense, en écartant la qualification de vice de fond pour rejeter l'exception de nullité de l'assignation, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 680-2 du code de commerce, lorsqu'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée est soumis à une procédure collective à raison de son activité professionnelle, les dispositions des titres I à VI du livre VI de ce code doivent être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ; que ces règles s'appliquent quand bien même le jugement d'ouverture et sa mention au BODACC ne précisent pas qu'ils ne visent que les éléments du seul patrimoine affecté en difficulté ; que l'arrêt constate que la société MJ Synergie a été désignée liquidateur de M. T... et que ce dernier était personnellement immatriculé au registre agricole sous le même numéro que l'établissement auquel il avait affecté une partie de son patrimoine ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'erreur commise sur la désignation du débiteur dans les jugements de redressement et de liquidation judiciaire, résultant de la particularité du statut d'EIRL n'affectait pas la capacité à agir du liquidateur de M. T... à raison de son activité professionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé au nom de la « société » EIRL T... [...] ;

REJETTE le pourvoi, en ce qu'il est formé par M. T...

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 680-2 du code de commerce.

Com., 23 octobre 2019, n° 18-17.926, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Plan de cession de l'entreprise – Jugement arrêtant ou rejetant le plan – Arrêt déclarant irrecevable l'appel contre le jugement rejetant le plan de redressement et arrêtant le plan de cession – Recevabilité du pourvoi du débiteur

L'article L. 661-1, 6°, du code de commerce ouvrant au débiteur tant l'appel que le pourvoi en cassation contre les décisions qui statuent sur l'arrêté d'un plan de redressement, le débiteur est recevable à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui déclare irrecevable son appel contre le jugement qui a, à la fois, rejeté son plan de redressement et arrêté un plan de cession.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Appel – Jugement rejetant un plan de redressement et arrêtant un plan de cession – Recevabilité – Condition

Il résulte des dispositions de l'article R. 661-6, 2° et 3°, du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012, que lorsque dans un même jugement, le tribunal rejette un plan de redressement et arrête un plan de cession, l'appel de cette décision, ouvert au débiteur tant en application de l'article L. 661-1, 6°, du code de commerce, que de l'article L. 661-6, III, du même code, doit néanmoins être formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe. L'appel contre une décision qui rejette un plan de redressement et arrête un plan de cession formé selon une modalité différente de celle prévue par la loi étant irrecevable, celui formé sans recourir aux articles 917 et 925 du code de procédure civile alors que l'article R. 661-6, 3°, du code de commerce en fait l'obligation, n'est pas recevable.

Donne acte à la société Eugenia gestion du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Bastia ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 4 avril 2018), que la société Eugenia gestion a été mise en redressement judiciaire le 5 avril 2016 ; que son projet de plan de redressement a été rejeté par le tribunal, lequel, dans la même décision, a arrêté un plan de cession au profit de la société Clinéo ; que la société Eugenia gestion a formé appel de cette décision ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu qu'il est soutenu que le pourvoi n'est pas recevable en application de l'article L. 661-6, III du code de commerce qui réserve au ministère public le pourvoi en cassation contre les décisions arrêtant un plan de cession, sauf excès de pouvoir ;

Mais attendu que l'article L. 661-1, 6° du code de commerce ouvre au débiteur tant l'appel que le pourvoi en cassation contre les décisions qui statuent sur l'arrêté d'un plan de redressement ; que la société Eugenia gestion est dès lors recevable à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt ayant déclaré irrecevable son appel contre le jugement qui a, à la fois, rejeté son plan de redressement et arrêté un plan de cession ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société Eugenia gestion fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque, par une même décision, le tribunal rejette le plan de redressement présenté par le débiteur et adopte un plan de cession, son jugement est susceptible d'appel, sans être soumis à la procédure à jour fixe ; qu'après avoir constaté que, par jugement du 9 mai 2017, le tribunal de commerce de Bastia avait rejeté le plan de redressement présenté par la société Eugenia gestion et prononcé la cession totale de l'entreprise au profit de la société Clinéo, la cour d'appel ne pouvait retenir que l'appel formé contre cette décision devait être introduit selon les modalités de la procédure à jour fixe, sans violer l'article R. 661-6 du code de commerce ;

2°/ que s'il résulte de l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce, il est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, en cas d'excès de pouvoir ; que l'emploi par le débiteur de la procédure ordinaire aux lieu et place de la procédure à jour fixe à laquelle est soumis l'appel des jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession n'affecte pas le lien d'instance régulièrement formé par la déclaration d'appel ; que commet un excès de pouvoir la cour d'appel qui déclare l'appel irrecevable, en dépit du lien d'instance ainsi créé ; qu'en déclarant irrecevable l'appel de la société Eugenia gestion pour n'avoir pas recouru aux modalités prévues pour la procédure à jour fixe, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article R. 661-6 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article R. 661-6, 2° et 3° du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 24 décembre 2012, que lorsque dans un même jugement, le tribunal rejette un plan de redressement et arrête un plan de cession, l'appel de cette décision, ouvert au débiteur tant en application de l'article L. 661-1, 6° du code de commerce, que de l'article L. 661-6, III du même code, doit néanmoins être formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe ; qu'ayant constaté que le jugement qui avait rejeté le plan de redressement proposé par la société Eugenia gestion avait également arrêté un plan de cession de ses actifs au profit de la société Clinéo, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel de ce jugement était soumis à la procédure à jour fixe ;

Et attendu, d'autre part, qu'est irrecevable l'appel formé selon une modalité différente de celle prévue par la loi ; qu'ayant relevé que la société Eugenia gestion n'avait pas recouru aux formes prévues aux articles 917 à 925 du code de procédure civile, comme l'article R. 661-6, 3° du code de commerce lui en faisait l'obligation, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel n'était pas recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Marlange et de La Burgade ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article L. 661-1, 6°, du code de commerce ; articles L. 661-1, 6°, L. 661-6, III, et R. 661-6, 2° et 3°, du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 24 décembre 2012 ; articles 917 et 925 du code de procédure civile.

Com., 23 octobre 2019, n° 18-21.125, (P)

Irrecevabilité

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Appel – Appel contre un jugement arrêtant le plan de cession – Débiteur – Nécessité de justifier d'un intérêt personnel

Il résulte de la combinaison de l'article L. 661-6, III, du code de commerce et des articles 31 et 546 du code de procédure civile que si le débiteur a qualité à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, il doit en outre justifier d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours.

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Vu les articles L. 661-6, III, du code de commerce, 31 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers textes susvisés que si le débiteur a qualité à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, il doit en outre justifier d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours ; qu'il résulte du dernier texte que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts statuant sur le plan de cession de l'entreprise ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544) que, les 14 avril 2015 et 23 février 2016, la société Aux Délices de la tour (la société ADT), exploitant un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MJ Synergie étant désignée liquidateur ; que, par un jugement du 14 décembre 2015, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société ADT au profit de la société Boulangerie pâtisserie Febre ; que la société ADT a relevé appel de ce jugement ;

Attendu que la société ADT fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel formé par la société ADT, qu'elle devait justifier d'un intérêt à agir, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et a violé l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise ; que ce droit existe indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués par le débiteur pour obtenir la réformation de ce jugement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel de la société ADT, qu'elle n'était pas fondée à faire état d'offres présentées par le repreneur évincé, et qu'elle ne démontrait pas l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le tribunal en arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs et violé par refus d'application l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si cette chambre a jugé, le 12 juillet 2017, que le débiteur était, en raison de sa seule qualité, recevable à former appel du jugement qui arrête le plan de cession de son entreprise, sans qu'il y ait lieu de vérifier, en outre, l'existence de son intérêt propre, cette jurisprudence, non suivie par l'arrêt attaqué, a en outre soulevé des controverses doctrinales, justifiant sa réévaluation ; qu'en effet, si l'article L. 661-6, III, du code de commerce accorde au débiteur le droit de former appel, en vue de sa réformation, du jugement qui arrête ou rejette le plan de cession de son entreprise, mettant ainsi fin à toute difficulté quant à la qualité du débiteur à agir, ce texte n'exclut pas pour autant que, conformément à la règle de droit commun énoncée par l'article 546, alinéa 1, du code de procédure civile, le débiteur doive justifier de son intérêt à interjeter appel ; qu'ayant retenu que la société ADT n'avait proposé aucun plan de redressement, ne s'était pas, non plus, opposée à la cession de l'entreprise et que les seuls intérêts soutenus à l'appui de l'appel étaient ceux de son dirigeant, en raison des cautionnements qu'il avait souscrits, et d'un candidat repreneur évincé, tous deux étant irrecevables à former un tel recours, la cour d'appel n'a pas, en déclarant l'appel de la société ADT irrecevable faute d'intérêt, commis d'excès de pouvoir, de sorte que le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article L. 661-6, III, du code de commerce ; articles 31 et 546 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544, Bull. 2017, IV, n° 106 (cassation partielle).

Com., 23 octobre 2019, n° 18-12.181, (P)

Cassation partielle

Responsabilités et sanctions – Faillite et interdictions – Faillite personnelle – Prononcé – Conditions – Fait antérieur au jugement de l'ouverture de la procédure collective

En application des articles L. 653-4, 5° et R. 621-4 du code de commerce, seuls les faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ; ainsi, ne peut faire l'objet d'une faillite personnelle le dirigeant à qui il est reproché un détournement d'actif de la société, opéré le jour même de la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, à 8 heures, alors que ce fait était nécessairement postérieur à celle-ci, dès lors que le jugement d'ouverture prend effet le jour de son prononcé à 0 heure.

Liquidation judiciaire – Jugement – Date d'effet – Détermination – portée

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 653-4, 5° et R. 621-4 du code de commerce ;

Attendu que seuls des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sn dst transports a été mise en liquidation judiciaire le 5 octobre 2010, la société Y... Q... étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a assigné certains de ses dirigeants de droit et de fait en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ;

Attendu que pour prononcer la faillite personnelle de M. N..., l'arrêt retient à l'encontre de celui-ci un détournement de l'actif de la société le 5 octobre 2010 à 8 heures ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les faits reprochés à M. N... ayant eu lieu le jour même de l'ouverture de la procédure collective, ils étaient nécessairement postérieurs à celle-ci, dès lors que le jugement d'ouverture prend effet le jour de son prononcé à 0 heure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la faillite personnelle de M. N... pour une durée de 10 ans, le condamne à supporter les dépens de première instance et d'appel et à payer 1 000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Y... Q..., en qualité de liquidateur de la société Sn dst transports, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Articles L. 653-4, 5°, et R. 621-4 du code de commerce.

Com., 9 octobre 2019, n° 18-17.730, (P)

Rejet

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Vérification des créances – Autorité de la chose jugée – Exclusion – Juge de droit commun – Demande en paiement formée ultérieurement par le débiteur

La déclaration d'une créance au passif d'un débiteur soumis à une procédure collective ne tend qu'à la constatation de l'existence, de la nature et du montant de la créance déclarée, appréciés au jour de l'ouverture de la procédure. La contestation de cette créance, au cours de la procédure de vérification du passif, n'a pas le même objet que la demande en paiement d'une somme d'argent formée par le débiteur contre le créancier déclarant. Par conséquent, doit être approuvée la cour d'appel qui, ayant relevé qu'à l'occasion de la contestation de la créance déclarée par un créancier, le débiteur ne s'était pas prévalu de la compensation avec ses propres créances, ce qu'il n'avait pas à faire, en déduit que la demande en paiement de ces créances formée par le débiteur ultérieurement, devant le juge de droit commun, ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la vérification des créances.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2018), que la société Oustric a fait l'objet, le 6 octobre 2009, d'une procédure de sauvegarde et bénéficié d'un plan arrêté le 22 mars 2011 ; que la société BMW France a déclaré au passif de la procédure une créance au titre de différentes factures, pour un montant qui tenait compte d'une compensation avec diverses sommes dont elle était elle-même débitrice ; que la société débitrice et les organes de la procédure ont refusé la compensation et contesté la créance qui, par une ordonnance du 21 mars 2011, a été admise pour un montant inférieur à celui déclaré ; que la société Oustric a assigné la société BMW France en paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues ;

Attendu que la société BMW France fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée par la décision d'admission alors, selon le moyen, qu'il incombe au défendeur de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier son rejet total ou partiel si bien qu'en décidant que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire près le tribunal de commerce de Montauban du 21 mars 2011, admettant la société BMW France au passif de la procédure collective de la société Oustric à hauteur de 48 707,97 euros, ne pouvait être opposée à l'action de cette dernière en paiement de créances nées de l'exécution du contrat du [...] et en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du défaut de règlement de ces créances, motif pris de ce que cette action n'avait pas le même objet que la demande formulée par la société BMW France devant le juge-commissaire, et que la société Oustric n'était pas tenue de formuler ses demandes en paiement dans l'instance en vérification du passif, faute d'être tenue d'une quelconque obligation de concentration de ses demandes, quand il appartenait au contraire à la société Oustric d'invoquer dans l'instance en vérification de la créance de la société BMW France, ses créances réciproques connexes contre celle-ci et d'opposer la compensation, de sorte qu'à défaut de l'avoir fait, toute nouvelle action de sa part en vue d'obtenir le paiement de ses créances était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;

Mais attendu que la déclaration d'une créance au passif d'un débiteur soumis à une procédure collective ne tend qu'à la constatation de l'existence, de la nature et du montant de la créance déclarée, appréciés au jour de l'ouverture de la procédure ; que la contestation de cette créance, au cours de la procédure de vérification du passif, n'a pas le même objet que la demande en paiement d'une somme d'argent formée contre le créancier déclarant ; qu'ayant relevé qu'à l'occasion de la contestation de la créance de la société BMW, la société Oustric ne s'était pas prévalue de la compensation avec ses propres créances, ce qu'elle n'avait pas à faire, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande en paiement de celles-ci, qui ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la vérification des créances, était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, pris en sa seconde branche, ni sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 1355 du code civil.

Com., 23 octobre 2019, n° 18-10.700, (P)

Cassation

Sauvegarde – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Interruption des instances en cours – Péremption d'instance – Interruption – Diligences nécessaires à la reprise régulière de l'instance – Exclusion – Cas – Lettre visant à transmettre des pièces au mandataire de l'instance

Au regard des articles L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce et des articles 386 et 392 du code de procédure civile, ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté l'interruption de l'instance en cours par l'ouverture de la procédure de sauvegarde du défendeur, a rejeté la demande de péremption d'instance en application de l'article 386 du code de procédure civile au motif que le créancier qui avait déclaré sa créance a manifesté la volonté de poursuivre l'instance par une lettre adressée au mandataire judiciaire, visant à lui transmettre des pièces dans le cadre de cette procédure, sans constater que le créancier a accompli pendant la durée des deux années toutes les diligences nécessaires à la reprise régulière de l'instance.

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce et les articles 386 et 392 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Deloitte et associés a assigné la société Go On Media en paiement de factures d'honoraires le 1er juillet 2013 ; que cette dernière ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 11 juillet 2013, la société Deloitte et associés a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de la société BTSG 2, désignée mandataire judiciaire ; que l'affaire devant le tribunal a fait l'objet d'un retrait du rôle le 25 mars 2015 ; que le juge-commissaire a, par une ordonnance du 15 septembre 2015, constaté qu'une instance était en cours ; que le 6 janvier 2016, la société Deloitte et associés a assigné en intervention forcée le mandataire judiciaire et demandé la fixation de sa créance à la procédure collective de la société Go On Media ; que cette dernière a opposé la péremption de l'instance ;

Attendu que pour rejeter la demande de péremption d'instance, l'arrêt, interprétant une lettre adressée le 16 juillet 2015 au mandataire judiciaire par la société Deloitte et associés, visant à lui transmettre des pièces dans le cadre de la procédure en paiement, retient que la volonté de poursuivre cette instance était caractérisée à cette date, interrompant le délai de péremption, de sorte que, lors de l'intervention forcée du mandataire judiciaire, effectuée le 6 janvier 2016, le délai de deux ans prévu à l'article 386 du code de procédure civile pour la péremption d'instance n'était pas expiré ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le créancier, qui avait déclaré sa créance le 31 juillet 2013, interrompant ainsi le délai de péremption, avait, en appelant en cause dans ce délai le mandataire judiciaire, accompli toutes les diligences nécessaires à la reprise régulière de l'instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Hémery, Thomas-Raquinet et Le Guerer ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce ; articles 386 et 392 du code de procédure civile.

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