Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 9 octobre 2019, n° 17-24.773, (P)

Rejet

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Licenciement postérieur à la demande en justice du salarié – Atteinte à une liberté fondamentale – Exclusion – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2017), qu'engagé le 8 mars 2004 par la société Assurances 2000 en qualité d'attaché commercial, M. Y... a saisi le 15 septembre 2011 la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'heures supplémentaires et de primes ; que mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable le 29 septembre 2011, il a été licencié pour faute grave par lettre du 13 octobre 2011, au motif qu'il aurait eu le 29 septembre 2011 une attitude agressive et injurieuse à l'égard de deux supérieurs hiérarchiques et aurait dénigré l'entreprise ;

Sur les trois dernières branches du moyen unique du pourvoi principal du salarié et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié et de rejeter l'ensemble de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le licenciement intervient concomitamment à la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié, il appartient à l'employeur d'établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice ; qu'à défaut, le licenciement est nul ; qu'en déboutant le salarié de sa demande en nullité du licenciement qui a suivi sa saisine du conseil de prud'hommes, au motif qu'il n'apportait pas la preuve de ce que les événements du 29 septembre 2011 qui ont motivé son licenciement avaient eu pour origine son action prud'homale, quand il bénéficiait d'une présomption à cet égard qu'il appartenait à l'employeur de renverser en apportant la preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en jugeant qu'aucun élément ne permettait de rattacher les événements du 29 septembre 2011 à la procédure prud'homale qu'il venait d'initier à l'encontre de son employeur, sans avoir recherché si, comme le salarié le soutenait dans ses conclusions d'appel, la société ASSU 2000 n'avait pas soudainement évoqué de prétendues difficultés commerciales de l'agence depuis 2008, sans aucune remarque ni rappel à l'ordre préalable, le mois précisément où le salarié avait réalisé le meilleur chiffre commercial des agences de son secteur, ce qui était de nature à établir que l'incident et la décision de le licencier était en lien avec la procédure prud'homale récemment initiée par le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les faits invoqués dans la lettre de licenciement étaient caractérisés, et, d'autre part, procédant implicitement mais nécessairement à la recherche prétendument omise, que le déplacement à l'agence de deux supérieurs hiérarchiques avait pour but de trouver une solution concernant les mauvais résultats commerciaux de l'agence, lesquels étaient établis par la production d'extraits informatiques, ce dont il résultait que le salarié ne démontrait pas l'existence d'éléments permettant de rattacher les événements du 29 septembre 2011 à la procédure prud'homale précédemment engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 1221-1 du code du travail ; article 1315 du code civil, dans sa version alors applicable ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de prouver l'atteinte à la liberté d'agir en justice du salarié en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-20.460, Bull. 2017, V, n° 146 (2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 23 octobre 2019, n° 18-15.550, (P)

Rejet

Licenciement économique – Mesures d'accompagnement – Congé de reclassement – Fin du congé de reclassement – Cessation définitive d'activité – Moment – Portée

D'une part, la cessation d'activité à laquelle l'article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile subordonne la jouissance de la pension de retraite du personnel navigant professionnel s'entend d'une cessation définitive d'activité. Ne peut dès lors prétendre au bénéfice de cette pension le navigant dont le contrat de travail n'a été ni modifié ni rompu. D'autre part, selon l'article L. 1233-72 du code du travail, le contrat de travail du salarié en congé de reclassement subsiste jusqu'à la date d'expiration du préavis, dont le terme est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement quand celui-ci excède la durée du préavis.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'une hôtesse de l'air en paiement de la pension de retraite complémentaire pour la durée du congé de reclassement, retient que le contrat de travail, qui n'était pas modifié par la convention de rupture amiable signée entre la salariée et son employeur dans le cadre d'un plan de départs volontaires, prenait fin au terme du congé de reclassement dont elle était assortie, de sorte que la salariée avait cessé définitivement toute activité à cette date.

Retraite – Pension de retraite complémentaire – Bénéfice – Point de départ – Cessation définitive d'activité – Détermination – Cas – Congé de reclassement – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2018), que Mme G..., engagée depuis le 9 avril 1987 par la société Air France en qualité d'hôtesse de l'air, a signé, le 6 novembre 2014, une convention de rupture amiable du contrat de travail pour motif économique dans le cadre d'un plan de départs volontaires et a été en congé de reclassement du 1er janvier 2015 au 30 avril 2015 ; que, le 18 décembre 2015, elle a fait assigner la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile aux fins de paiement de sa pension de retraite complémentaire pour la durée du congé de reclassement ;

Attendu que Mme G... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors selon le moyen :

1°/ que la jouissance de la pension de retraite du personnel navigant professionnel est subordonnée à la cessation de toute activité de navigant ; que le congé de reclassement s'inscrit dans le cadre d'un plan de licenciement économique et constitue un aménagement de la rupture du contrat ; que la qualité de personnel navigant nécessite l'inscription dans l'un des registres visés par l'article L. 6521-2 du code des transports ; qu'il en résulte que le placement en congé de reclassement à la suite d'une rupture amiable pour des motifs économiques, impliquant la cessation totale de toute activité de navigant, la radiation des registres de l'aéronautique civile et la cessation du versement des cotisations de retraite complémentaire, a pour conséquence que la personne en bénéficiant ne fait plus partie du personnel navigant, ce qui ouvre le droit à la jouissance de la pension dès le début de ce congé ; qu'en affirmant le contraire, motif pris de ce que, nonobstant l'absence d'exercice effectif de l'activité de navigant, Mme G... était demeurée salariée d'Air France jusqu'à la fin de ce congé de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-71 du code du travail, L. 6521-2 du code des transports, ensemble l'article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile ;

2°/ que, subsidiairement, la cessation de l'activité de navigant permettant de percevoir la pension de retraite de personnel navigant peut résulter d'une modification du contrat de travail ; que le congé de reclassement aboutit à la radiation des registres visés par l'article L. 6521-2 du code des transports et à l'interdiction de toute activité de navigant ; qu'en considérant que la position de la salariée en congé de reclassement ne constituait pas une modification du contrat de travail, qui emportait cessation définitive de l'activité de navigant, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les articles 1134 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige), L. 1233-71 du code du travail, L. 6521-2 du code des transports, ensemble l'article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cessation d'activité à laquelle l'article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile subordonne la jouissance de la pension de retraite du personnel navigant professionnel s'entend d'une cessation définitive d'activité ; que ne peut dès lors prétendre au bénéfice d'une telle pension le navigant dont le contrat de travail n'a été ni modifié ni rompu ; que, d'autre part, il résulte de l'article L. 1233-72 du code du travail que le contrat de travail du salarié en congé de reclassement subsiste jusqu'à la date d'expiration du préavis, dont le terme est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement quand celui-ci excède la durée du préavis ;

Et attendu qu'ayant retenu que le contrat de travail, qui n'était pas modifié par la convention de rupture amiable signée entre la salariée et son employeur, prenait fin au terme du congé de reclassement, ce dont elle a exactement déduit que la salariée avait cessé définitivement toute activité à cette date, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 1233-72 du code du travail ; article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination de la cessation définitive d'activité au sens de l'article R. 426-15-4 du code de l'aviation civile, à rapprocher : 2e Civ., 12 mars 2015, pourvoi n° 13-27.313, Bull. 2015, II, n° 62 (rejet).

Soc., 9 octobre 2019, n° 17-28.150, n° 17-28.151, n° 17-28.152, n° 17-28.153, n° 17-28.154, n° 17-28.155, n° 17-28.156, n° 17-28.157, n° 17-28.158, n° 17-28.159 et suivants, (P)

Cassation

Licenciement économique – Reclassement – Obligation de l'employeur – Etendue

Il résulte de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, que l'employeur, qui n'a pas informé le salarié de ce qu'il disposait d'un délai de six jours ouvrables pour manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement hors du territoire national et que l'absence de réponse vaudrait refus, ne peut se prévaloir du silence du salarié et reste tenu de formuler des offres de reclassement hors du territoire national.

Viole dès lors ce texte une cour d'appel qui déduit l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du défaut, dans le questionnaire de mobilité, de mentions relatives au délai de réflexion et à la portée d'une absence de réponse, alors qu'il lui appartenait d'apprécier le caractère sérieux des recherches de reclassement menées sur et hors le territoire national.

Licenciement économique – Reclassement – Reclassement à l'étranger – Obligation de l'employeur – Questionnaire de mobilité – Mention – Défaut – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-28.150 à 17-28.174 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la totalité du capital social de la société Imprimerie Georges Frère, spécialisée dans le domaine de l'impression industrielle de labeur publicitaire, était détenue par la société Mercator Press NV, dont le capital social était lui-même détenu à 99 % par la société holding Mercator Press Sales NV, ces deux dernières sociétés, de droit belge, composant le groupe Mercator Press ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 21 mars 2011 à l'égard de la société Imprimerie Georges Frère, ensuite convertie le 14 avril 2011 en liquidation judiciaire, M. HO... étant nommé en qualité de liquidateur ; que ce dernier a licencié pour motif économique le 28 avril 2011 les trente huit salariés de l'entreprise ; que certains salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes formées à l'encontre des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV en se prévalant à titre principal de la qualité de co-employeurs des dites sociétés et, subsidiairement, de fautes délictuelles commises par celles-ci ; qu'ils ont sollicité en outre la fixation de leur créance au passif de la liquidation de la société Imprimerie Georges Frère ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés Mercator Press NV et Mercator Press Sales NV : Publication sans intérêt

Et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel du liquidateur judiciaire de la société imprimerie Georges Frère :

Vu l'article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;

Attendu que, pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Imprimerie Georges Frère la créance de chacun des salariés à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts relèvent que si les salariés ont été interrogés par le liquidateur quant à leur volonté de recevoir des offres de reclassement en Belgique, toutefois, le questionnaire qui leur a été soumis ne comportait aucun élément concernant le délai de réflexion dont ils disposaient pour manifester leur accord assorti le cas échéant de restrictions ; que l'article L. 1233-4-1 du code du travail prévoit que le salarié doit manifester son accord pour recevoir des offres de reclassement à l'étranger dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition, l'absence de réponse valant refus ; qu'il convient en conséquence de retenir qu'il n'a pas été satisfait à l'obligation de reclassement interne, ce qui prive les licenciements de cause réelle et sérieuse ;

Attendu cependant, que selon l'article L. 1233-4-1 du code du travail, lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation ; que le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur, l'absence de réponse valant refus ; que les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer ; qu'il résulte de ce texte que l'employeur, qui n'a pas informé le salarié de ce qu'il disposait d'un délai de six jours ouvrables pour manifester son accord et que l'absence de réponse vaudrait refus, ne peut se prévaloir du silence du salarié et reste tenu de formuler des offres de reclassement hors du territoire national ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, en déduisant l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements du défaut, dans le questionnaire de mobilité, de mentions relatives au délai de réflexion et à la portée d'une absence de réponse, alors qu'il lui appartenait d'apprécier le caractère sérieux des recherches de reclassement menées par le liquidateur, sur et hors le territoire national, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP de Nervo et Poupet ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 1233-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.

Soc., 9 octobre 2019, n° 18-14.677, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Nullité – Cas – Violation par l'employeur d'une liberté fondamentale – Applications diverses – Droit d'agir en justice – Exercice – Exercice par le salarié – Cas – Portée

Ayant constaté que l'employeur reprochait au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir produit dans le cadre de l'instance prud'homale des documents internes falsifiés ainsi que des attestations de salariés obtenues par abus de sa position hiérarchique et que ces faits n'étaient pas établis, une cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement était en lien avec l'exercice par le salarié de son droit d'ester en justice et était nul.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er avril 1996 par la société Cars Giraux, aux droits de laquelle vient la société Transports voyageurs du Mantois, pour occuper au dernier état de la relation contractuelle les fonctions de responsable du service contrôle, M. S... a saisi le 3 mars 2013 la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de rappel de salaire et de prime de caisse ; que le 27 octobre 2014, il a été convoqué à un premier entretien préalable à licenciement fixé au 6 novembre 2014 ; que le 13 novembre 2014, il a fait l'objet d'une nouvelle convocation à entretien préalable fixé au 20 novembre 2014 avec mise à pied conservatoire compte tenu de nouveaux faits invoqués par l'employeur ; qu'à l'issue de la procédure administrative d'autorisation de licencier devenue sans objet en raison de la perte de la qualité de salarié protégé, il a été licencié pour faute grave le 31 août 2015 ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement du salarié, d'ordonner sa réintégration sous astreinte, de le condamner à lui verser des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit seulement, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance ; qu'il ne résulte d'aucun des motifs du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie que la matérialité des falsifications reprochées au salarié ou les pressions exercées par lui sur ses subordonnés aient été remises en causes ou même contestées ; que pour retenir la nullité du licenciement, le conseil de prud'hommes s'était exclusivement fondé sur « la chronologie des faits » qui aurait démontré, selon les premiers juges, « que la société TVM a procédé à des mesures disciplinaires directement liées à la procédure prud'homale engagée à son encontre par Monsieur Y... S... » ; que dès lors, en reprochant à la société TVM de ne pas établir la falsification des documents produits par le salarié devant la juridiction prud'homale ni les pressions exercées par celui-ci sur d'autres salariés, ce dont elle a déduit la nullité du licenciement, ces moyens ne figurant pas dans les motifs du jugement et n'étant pas davantage soutenus par le salarié, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que l'employeur peut, de bonne foi, procéder au licenciement d'un salarié dont il estime qu'il a falsifié des fichiers sur le réseau informatique de l'entreprise, manipulé des collègues de travail pour obtenir des témoignages et exercé des pressions sur l'un d'entre eux ; qu'en considérant que la société TVM ne parvenait pas à suffisamment établir la matérialité de ces faits, sans toutefois relever le moindre élément montrant qu'elle aurait été de mauvaise foi ou cherché à porter atteinte au droit du salarié d'ester en justice, la cour d'appel pouvait seulement en tirer pour conséquence que le licenciement litigieux était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en considérant au contraire que la défaillance de la société TVM à apporter la preuve de la matérialité des faits énoncés dans la lettre de licenciement caractérisait nécessairement une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;

3°/ qu'il en va d'autant plus ainsi qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'action exercée par le salarié avait été introduite devant le conseil de prud'hommes dix-huit mois plus tôt sans que cela ne suscite de réaction hostile de la société TVM, et que ce n'était qu'après la production des pièces qu'elle estimait falsifiées, sur la foi d'une enquête interne et de l'avis d'un spécialiste informatique, et après avoir reçu des témoignages de salariés faisant état des pressions exercées par le salarié, que la procédure de licenciement a été engagée ; qu'en considérant qu'en dépit de ces éléments montrant que la mesure de licenciement était objectivement étrangère à toute atteinte au droit du salarié à exercer son droit d'ester en justice, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;

4°/ que la production de pièces en justice est encadrée par les règles du code de procédure civile et ne constitue pas une liberté fondamentale ; qu'il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la défaillance de la société TVM à établir la falsification des pièces par le salarié et la manipulation de ses collègues de travail n'a porté que sur la seule communication des pièces devant la juridiction prud'homale et non la saisine de cette dernière ; qu'en prononçant dès lors la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur reprochait au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir produit dans le cadre de l'instance prud'homale des documents internes falsifiés ainsi que des attestations de salariés obtenues par abus de sa position hiérarchique et que ces faits n'étaient pas établis, la cour d'appel en a, sans méconnaître les termes du litige, exactement déduit que le licenciement était en lien avec l'exercice par le salarié de son droit d'ester en justice et était nul ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche et manquant en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1153 devenu l'article 1231-6 du code civil ;

Attendu que la cour d'appel a confirmé le jugement qui condamnait l'employeur à réintégrer le salarié et à lui payer les sommes de 30 190,32 euros à titre de rappel de salaire depuis son éviction et 3 019,03 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2013, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, qu'il résulte de ses constatations que le salarié a été licencié le 31 août 2015 en sorte qu'il ne peut bénéficier d'intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2013 et d'autre part, que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du jour où le salarié formalise sa demande en réintégration et en paiement de rappel de salaires et à compter de chaque échéance devenue exigible, la cour d'appel a violé le textes susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de condamner la société, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au 8 mars 2013 le point de départ des intérêts au taux légal sur les sommes de 30 190,32 euros et 3 019,03 euros allouées à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 1121-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nullité du licenciement intervenu en raison d'une atteinte au droit d'agir en justice, à rapprocher : Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.122, Bull. 2018, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Nullité – Effets – Réparation du préjudice – Droit à réparation – Période – Limites – Détermination

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

Licenciement – Nullité – Cas – Accident du travail ou maladie professionnelle – Effets – Indemnisation – Etendue – Détermination

Licenciement – Nullité – Effets – Réintégration – Indemnités – Indemnité d'éviction – Cotisations sociales – Assiette – Prise en compte

La somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l'occasion du travail et entre dans l'assiette des cotisations sociales.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé le 10 octobre 1996, par la Caisse régionale d'assurance maladie Midi-Pyrénées, devenue Caisse d'assurance retraite et santé au travail (Carsat) Midi-Pyrénées, en qualité d'ingénieur conseil stagiaire ; qu'il était, en dernier lieu, en charge de l'enseignement supérieur et de l'intérim ; que le 2 juin 2009, le salarié a été placé en arrêt de travail lequel a été pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ; que le 10 juillet 2009, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir déclarer nul son licenciement, obtenir sa réintégration et le paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen, qui est préalable, et sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que les revenus de remplacement qu'il a perçus seront déduits de l'indemnité d'éviction due par l'employeur alors, selon le moyen, qu'en application des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, tout licenciement prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail, en l'absence de faute grave du salarié ou d'une impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail, est nul ; que dès lors qu'il caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié licencié en période de protection pour accident du travail, qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans qu'il y ait lieu de déduire des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période ; qu'il importe peu, dès lors qu'est caractérisée la méconnaissance consciente par l'employeur du droit fondamental du salarié à la protection de sa santé lésée par un accident du travail, que son état de santé n'ait pas constitué le motif ayant déterminé l'employeur à rompre le contrat ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, qui en a prononcé la nullité pour ce motif, que licenciement du salarié a été prononcé pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail ; qu'en jugeant cependant que devaient être déduits du montant total des salaires qui auraient dû être perçus par le salarié, les salaires et revenus de remplacement qu'il avait perçus au motif inopérant que le licenciement n'avait pas été prononcé en raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi du salarié :

Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt retient que les sommes qui sont allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l'occasion du travail et entre dans l'assiette des cotisations sociales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de régularisation des cotisations sociales afférentes aux sommes versées et de remise des bulletins de salaire afférents, l'arrêt rendu le 20 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ; article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable.

Rapprochement(s) :

Sur la réparation du préjudice subi pour licenciement nul dans la limite des revenus dont le salarié a été privé, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-45.640, Bull. 2010, V, n° 42 (cassation partielle) ; Soc., 14 décembre 2016, pourvoi n° 14-21.325, Bull. 2016, V, n° 248 (rejet) ; Soc., 15 novembre 2017, pourvoi n° 16-14.281, Bull. 2017, V, n° 193 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 23 octobre 2019, n° 18-15.498, n° 18-15.499, n° 18-15.500, n° 18-15.501, n° 18-15.502, n° 18-15.503, (P)

Rejet

Licenciement – Reclassement – Obligation de l'employeur – Mise en oeuvre – Modalités – Application des dispositions conventionnelles – Nécessité – Sanction – Détermination – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-15.498 à 18-15.503 ;

Attendu que Mme E... et cinq autres salariées de la société Staples France-JPG s'étant portées volontaires pour un départ de l'entreprise en juin 2013 dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et ayant signé une convention de rupture amiable de leur contrat de travail, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier et troisième moyens ainsi que les première et deuxième branches du deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du deuxième moyen :

Attendu que les salariées font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles qui étendent le périmètre de reclassement et le contraignent à respecter, avant tout licenciement, une procédure destinée à favoriser ce reclassement à l'extérieur de l'entreprise, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que selon l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, « la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle doit être informée des licenciements économiques touchant plus de dix salariés et peut participer à l'établissement du plan social » ; qu'en estimant qu'il n'existe pas d'obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique de plus de dix salariés, que l'accord n'attribue pas de missions à cette commission en matière de reclassement externe et qu‘aucune sanction n'est prévue en cas de défaut de consultation de ladite commission, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail, ensemble l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle de la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que l'article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997 relatif à la constitution d'une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, annexé à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988, bien que se référant à l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, n'attribuait pas de missions à cette commission en matière de reclassement externe, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique de plus de dix salariés, n'était applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 1233-4 du code du travail ; article 7 de l'accord n° 9 du 3 décembre 1997, annexé à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'obligation conventionnelle de saisir la commission paritaire de l'emploi prévue par l'ANI du 10 février 1969 préalablement aux licenciements envisagés, à rapprocher : Soc., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-14.577, Bull. 2017, V, n° 198 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 23 octobre 2019, n° 18-16.057, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Domaine d'application – Détermination – Critères – Date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable – Moment – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. I..., a été engagé à compter du 1er février 2002 par la société Coppet Automobiles, devenue la société Blandin concept automobiles, et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien après-vente ; qu'il a été élu délégué du personnel le 5 novembre 2009 ; que l'employeur l'a convoqué, le 28 avril 2014, à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 mai 2014 et l'a licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 15 mai 2014 ;

Sur le moyen unique pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article L. 2411-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

Attendu que l'autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'est irrégulier le licenciement, sans autorisation de l'inspecteur du travail, du salarié convoqué à l'entretien préalable avant le terme de la période de protection, peu important que l'employeur dans la lettre de licenciement retienne par ailleurs des faits commis postérieurement à l'expiration de la période de protection ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité de licenciement et de ses demandes subséquentes de réintégration dans l'entreprise, de rappel de salaires pendant la période d'éviction, de paiement de trente mois de salaires en cas de refus de réintégration et de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié des faits commis durant la période de protection prévue par l'article L. 2411-5 du code du travail et des manquements postérieurs à celle-ci, qui expirait le 5 mai 2014, que si les faits commis pendant la période de protection sont soumis à l'autorisation de l'inspection du travail, il en va différemment de ceux constatés à l'issue de celle-ci, l'employeur disposant de la faculté de prononcer le licenciement à raison de ces faits postérieurs à cette période, sans être tenu de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail, que la circonstance que la procédure de licenciement ait été engagée durant la période de protection, par lettre de convocation datée du 28 avril 2014 ou que l'inspecteur du travail se soit prononcé par lettre du 12 juin 2014 en faveur de la nécessité de sa saisine, sont sans incidence, dès lors que le licenciement est justifié par des faits postérieurs à la période de protection ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement tandis que le salarié bénéficiait encore d'une protection et que l'employeur n'avait pas saisi l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation du licenciement de M. I... prononcé le 15 mai 2014 par la société Blandin concept automobiles, rejette les demandes corrélatives d'indemnisation et de réintégration formulées par M. I... et dit que le licenciement de M. I... est pourvu d'une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 5 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article L. 2411-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de solliciter l'autorisation administrative de licencier un salarié protégé dès lors que l'envoi de la convocation à l'entretien préalable intervient pendant la période de protection, à rapprocher : Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-27.964, Bull. 2013, V, n° 83 (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-11.048, Bull. 2017, V, n° 180 (cassation partielle).

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