Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 10 - Octobre 2019

CAUTIONNEMENT

1re Civ., 24 octobre 2019, n° 18-15.852, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Caution solidaire – Pluralité de dettes – Action du créancier contre la caution – Choix par le débiteur de la dette à acquitter – Information du tiers garant de la dette acquittée – Nécessité (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Caixa Geral de Depositos (la banque) à l'encontre de M. et Mme J... sur le fondement de deux actes notariés de prêt des 10 juin 2003 et 1er décembre 2006, la banque a déclaré deux autres créances, dont l'une était garantie par l'hypothèque donnée par M. et Mme J... à titre de sûreté en vue du remboursement d'un prêt accordé par la banque le 27 juin 2007 à la société Saint-Arnoult Deauville prestige construction (la société Saint-Arnoult), à l'occasion du financement d'une opération immobilière, et l'autre, par le cautionnement hypothécaire consenti par M. et Mme J... en garantie du même prêt ; qu'un juge de l'exécution a rejeté les contestations élevées par les débiteurs saisis à l'audience d'orientation et a autorisé la vente amiable du bien ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. et Mme J... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière qui leur a été signifié le 23 avril 2013, et des actes de procédure subséquents, alors, selon le moyen, que nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement ; qu'à peine de nullité, l'huissier qui procède à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière doit présenter au débiteur, lors de la signification, le titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré ; qu'en jugeant que l'huissier qui avait signifié le commandement de payer M. et Mme J... n'était pas tenu de leur remettre, lors de la signification, les actes notariés en vertu desquels le commandement était délivré, la cour d'appel a violé l'article 502 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, seul applicable à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, l'obligation pour l'huissier de justice qui signifie cet acte de remettre au débiteur saisi une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Attendu que M. et Mme J... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes relatives à l'extinction des créances de la banque déclarées le 29 août 2013, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une procédure de saisie immobilière ne peut être poursuivie pour le paiement d'une créance éteinte ; que, dans leurs conclusions d'appel, non contestées sur ce point, M. et Mme J... faisaient valoir, éléments de preuve à l'appui, que le produit de la vente des appartements avait permis à la société Saint-Arnoult de verser plus de 7 000 000 euros à la banque ; qu'ils soutenaient que, par l'effet de ces paiements, la créance au titre de la caution consentie en vertu de l'acte notarié du 27 juin 2007, d'un montant total de 1 200 000 euros, était éteinte ; que dès lors, en se bornant à juger que l'accord du 1er octobre 2010 était opposable à M. et Mme J..., et qu'en vertu de cet accord, le produit de la vente des appartements avait été imputé en priorité sur le découvert autorisé du compte centralisateur de l'opération de promotion immobilière d'un montant maximal de 2 730 000 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les versements d'un montant supérieur à 7 000 000 euros n'avaient pas en outre permis de rembourser le prêt d'un montant de 1 200 000 euros souscrit dans l'acte notarié du 27 juin 2007, éteignant par là même la créance au titre de la caution consentie par M. et Mme J..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 1234 et 1235 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l'acte modifiant l'imputation des paiements stipulée à l'acte de cautionnement est inopposable à la caution qui n'a pas approuvé la modification ; qu'en l'espèce, Mme J... s'est portée caution d'un premier crédit d'un montant de 1 200 000 euros, consenti le 27 juin 2007 par la banque à la société Saint-Arnoult ; que l'acte prévoyait que le prêt serait remboursé par le produit de la vente des appartements objets de l'opération financée ; que, par acte du 1er octobre 2010, et alors que le premier crédit n'avait pas été remboursé, la banque a consenti un nouveau financement d'un montant de 2 730 000 euros à la société Saint-Arnoult ; que cet acte prévoyait que le produit de la vente des appartements serait affecté au remboursement de ce second financement ; que l'acte du 1er octobre 2010, qui modifiait, sans l'accord de Mme J..., l'imputation des paiements effectués par le débiteur principal, était donc inopposable à la caution ; que dès lors, en jugeant que l'accord d'imputation du 1er octobre 2010 était « opposable à Mme J..., le choix d'imputation des paiements effectués par le débiteur principal s'imposant au tiers qui s'est porté garant, que celui-ci en ait été informé ou non », la cour d'appel a violé l'article 2288 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent point au tiers ; qu'en jugeant opposable à Mme J... l'acte du 1er octobre 2010 auquel elle n'était pas partie, la cour d'appel a méconnu l'effet relatif des conventions et a violé l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 1253 du code civil, abrogé par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter ; qu'ayant relevé que l'accord d'imputation des paiements conclu le 1er octobre 2010 entre la banque et M. J..., en sa qualité de gérant de la société Saint-Arnoult, prévoyait que le produit de la vente des appartements serait imputé sur le compte centralisateur de l'autorisation de découvert en compte courant de l'opération immobilière menée par cette société, et non sur le prêt du 27 juin 2007, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que ce choix d'imputation des paiements effectués par le débiteur principal s'imposait au tiers qui s'était porté garant, que celui-ci en ait été informé ou non ; qu'elle en a exactement déduit que l'acte du 1er octobre 2010 était opposable à Mme J..., sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était demandée que dans le cas contraire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Délibéré par la deuxième chambre civile, dans les mêmes conditions que le premier moyen du pourvoi principal ;

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt déboute M. et Mme J... de leur demande de vente amiable, faute pour eux de produire au débat aucun document actualisé quant aux démarches entreprises à cette fin, le compromis de vente du 4 avril 2017 ayant déjà été produit devant le premier juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune partie n'avait frappé d'appel le jugement en ce qu'il avait orienté la procédure vers la vente amiable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, dont l'application a été sollicitée par le mémoire en défense ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Casse et annule, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. et Mme J... tendant à être autorisés à procéder à la vente amiable des biens objets de la procédure de saisie immobilière, l'arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution ; article 1253 du code civil applicable en la cause ; article 4 du code de procédure civile.

1re Civ., 10 octobre 2019, n° 18-19.211, (P)

Rejet

Cautionnement indéfini – Caution – Information annuelle – Défaut – Effets – Déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités – Portée

Le défaut d'information annuelle de la caution personne physique en cas de cautionnement indéfini, prévue à l'article 2293 du code civil est sanctionné par la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

Dès lors, une cour d'appel qui relève que le créancier ne peut justifier du respect de cette obligation à l'égard de la caution n'a pas à rechercher s'il l'avait exécutée pendant plusieurs années.

Cautionnement indéfini – Caution – Information annuelle – Défaut – Information pendant plusieurs années – Absence d'influence

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 19 mars 2018), que, par acte authentique des 2 et 9 juillet 1990, la Société de développement régional Antilles Guyane, aux droits de laquelle vient la Société financière Antilles Guyane (la banque), a consenti à la société La Béninoise un prêt d'un montant de 795 000 francs, soit 121 197 euros, avec intérêts conventionnels au taux de 12 % l'an, remboursable en quinze années, dont Mme E... (la caution) s'est portée caution solidaire ; qu'à la suite d'impayés, la banque s'est prévalue de la déchéance du terme et a fait inscrire, le 5 juin 2015, une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à la caution ; que celle-ci a assigné la banque en mainlevée de la sûreté et, soutenant qu'il n'était pas justifié de son information annuelle du montant de la créance, a sollicité la déchéance de tous les accessoires, intérêts, frais et pénalités ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner à recalculer le montant de sa créance en excluant les frais et accessoires à l'exception de l'intérêt légal dû à compter de la mise en demeure de la caution, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de manquement du créancier à son obligation d'information annuelle de la caution, seuls sont susceptibles de déchéance les accessoires, frais et pénalités échus depuis la précédente information jusqu'à la date de la communication à la caution de la nouvelle information ; qu'en retenant, pour condamner la banque à recalculer le montant de la créance en excluant les frais et accessoires à l'exception de l'intérêt légal qui serait dû à compter de la mise en demeure de la caution, qu'elle « produi[sait] de manière lacunaire des lettres d'information annuelle destinées à la caution », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il ne résultait pas desdites lettres que la banque avait exécuté son obligation d'information annuelle à l'égard de la caution pendant plusieurs années, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2293 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en se bornant à condamner la banque à recalculer le montant de la créance en excluant les frais et accessoires à l'exception de l'intérêt légal qui serait dû à compter de la mise en demeure de la caution, quand il lui appartenait de trancher le litige en fixant le montant de la créance de la banque ou, à tout le moins, en ordonnant une expertise à cette fin, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le défaut d'information annuelle de la caution, prévue à l'article 2293 du code civil, étant sanctionné par la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités, la cour d'appel, qui a relevé que la banque ne pouvait justifier du respect de cette obligation, n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant fixé toutes les modalités de calcul de la somme mise à la charge de la caution, elle n'a pas méconnu son office en n'effectuant pas le calcul nécessaire à la détermination du montant de la condamnation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 2293 du code civil ; article 12 du code de procédure civile.

Com., 23 octobre 2019, n° 17-25.656, (P)

Rejet

Information annuelle – Exclusion – Cas – Entreprise d'assurance ayant consenti à une société un prêt garanti par le cautionnement d'une personne physique

Les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne concernent que les établissements de crédit définis par l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, alors applicable, comme les personnes morales effectuant à titre habituel des opérations de banque et bénéficiant de l'agrément prévu par l'article 18 de cette dernière loi, et non les entreprises d'assurance, même lorsqu'elles réalisent de telles opérations. Il s'en déduit qu'une entreprise d'assurance, ayant consenti à une société un prêt garanti par le cautionnement d'une personne physique, n'était pas tenue à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par le premier des textes précités.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juin 2017), que, par un acte notarié du 3 avril 1996, la société Euralliance a consenti à la société Cogefina immobilier et finances (la société) un prêt, garanti par le cautionnement solidaire de M. P... et par le nantissement d'un contrat d'assurance vie ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 2 juin 1998 puis en liquidation judiciaire le 8 décembre 1998 ; que la société Fortis, venant aux droits de la société Euralliance, a déclaré sa créance ; que la société Ageas France, venant aux droits de la société Fortis, a assigné la caution en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables comme non prescrites les demandes en paiement et de mise en oeuvre du nantissement de la société Ageas France alors, selon le moyen :

1°/ que la caution, poursuivie par le créancier du débiteur principal, peut lui opposer l'extinction de son engagement dès lors que la dette qu'elle garantissait est prescrite ; que, selon les dispositions de l'article L. 1140-4, I du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que, dans le cadre d'une procédure collective, cette prescription est interrompue par une déclaration de créance, laquelle constitue une demande en justice ; qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance » ; que, la déclaration de créance tendant à faire trancher par le juge-commissaire la question de l'existence, de la nature et du montant de cette créance, l'instance ainsi ouverte s'éteint lorsque la décision de ce dernier devient irrévocable ; qu'il s'ensuit que l'interruption provoquée par la déclaration de créance ne produit ses effets que jusqu'à l'intervention de cette décision ; qu'en jugeant dès lors, contra legem, que la déclaration de créance effectuée le 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé l'article 2242 du code civil ;

2°/ que pour rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription invoquées par M. P... en sa qualité de caution, et retenir que la déclaration de créance du 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre à son égard cette prescription jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la cour a retenu que cette solution se fondait sur les dispositions des articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce ; que, cependant, l'article 55 alinéa 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 applicable au litige, correspondant au futur article L. 622-28 codifié, dispose que « le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques.

Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. » ; que ce texte ne prévoit ainsi aucune suspension [ou interruption] jusqu'à la clôture de la procédure collective mais, tout au contraire, jusqu'au jugement de liquidation ; que l'article L. 642-24 du code de commerce, quant à lui, est inapplicable au litige ; qu'en se fondant dès lors sur les articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce pour justifier l'interruption de la prescription, provoquée par la déclaration de créance, jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé ces deux articles par fausse application ;

3°/ que M. P... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que l'application à la caution de la règle prévue de l'interruption de la prescription à compter de la déclaration de créance et de son extension jusqu'à la clôture de la procédure collective, avait pour elle des conséquences incompatibles avec le principe de sécurité juridique et d'égalité des armes ; qu'il avait souligné que le créancier avait ainsi toute latitude d'agir contre la caution dès que le débiteur était mis en liquidation judiciaire ou, plus exactement, dès l'intervention de la déclaration de créance, sans que la clôture de la procédure collective fût encore intervenue, tandis qu'à l'inverse, la caution n'avait aucune possibilité de se défendre contre cette action par l'invocation de la prescription, même en cas d'inaction totale du créancier contre elle, et était de surcroît exposée à être poursuivie jusqu'à une date indéterminée, la date de clôture étant a priori inconnue, très au-delà de la période où elle se trouvait déjà soumise aux poursuites possibles du créancier ; que, de plus, M. P... avait soutenu que la solution finalement adoptée par la cour plaçait le créancier et la caution sous un régime inégal de prescription, la caution ne pouvant opposer la prescription au créancier, même resté inactif pendant dix ans, tandis que le créancier, au terme de la même période, était en droit de la lui opposer si elle invoquait contre lui une faute commise à l'encontre du débiteur principal ; qu'en retenant dès lors, pour juger que l'action n'était pas prescrite à l'encontre de la caution, que la déclaration de créance avait interrompu le délai de prescription à son égard jusqu'à la clôture de la procédure collective, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette solution n'était pas contraire au principe de sécurité juridique et d'égalité des armes, la cour a privé sa décision de base légale tant à l'égard de ce principe que de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance d'actif ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme à la liquidation judiciaire ; que la prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que dès lors, l'interruption de la prescription à l'égard de M. P... n'ayant pas pour effet de l'empêcher de prescrire contre la société Ageas, ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel, qui a retenu que l'effet interruptif de la prescription s'était prolongé jusqu'à la clôture de la procédure, a fait une juste application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes de sécurité juridique et d'égalité des armes en déclarant recevables les demandes de la société Ageas ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de le condamner à paiement alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu des dispositions de l'article 48 alinéa 1 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, applicables au litige, ultérieurement intégrées à l'article L. 312-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit qui ont accordé des prêts sous la condition d'un cautionnement apporté notamment par une personne physique doivent faire connaître à la caution, chaque année, le montant du principal et des intérêts, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; que l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, définit les établissements de crédit comme des « personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » (al. 1), ces dernières comprenant, selon le même texte, « la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement » (al. 2) ; qu'il s'ensuit que la société Euralliance, qui réalisait habituellement des opérations de crédit, telles que celles du crédit litigieux, effectuait ainsi des opérations de banque et entrait dès lors dans la catégorie des établissements de crédit, peu important qu'elle soit aussi une compagnie d'assurance ; qu'elle était dès lors soumise à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par la loi ; qu'en jugeant dès lors le contraire, au motif que cette obligation n'était initialement applicable qu'aux établissements de crédit « et non aux sociétés d'assurances ou assimilées, dont relève la société Euralliance ainsi que les différentes sociétés venues à ses droits », la cour a violé l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, ensemble l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

2°/ que M. P... avait soutenu que la société Euralliance s'était comportée comme un établissement de crédit, pour accorder son concours financier à une entreprise de promotion immobilière ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée si, nonobstant sa qualité d'assureur, ladite société n'exerçait pas une activité d'établissement de crédit, au sens de la loi, par les prêts qu'elle accordait, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 et 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

3°/ que M. P... avait également soutenu que si la société Euralliance devait être considérée uniquement comme une société d'assurance, alors le contrat de prêt devait être déclaré nul, ladite société n'ayant eu aucune capacité juridique pour délivrer à une société immobilière des prêts ou des fonds destinés à des acquisitions ou des travaux de rénovation ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans répondre à l'objection ainsi soulevée, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne concernant que les établissements de crédit définis par l'article 1er de la loi du 24 janvier 1984, alors applicable, comme les personnes morales effectuant à titre habituel des opérations de banque et bénéficiant de l'agrément prévu par l'article 18 de cette dernière loi, et non les entreprises d'assurance, même lorsqu'elles réalisent, comme en l'espèce, de telles opérations, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la société Euralliance n'était pas tenue à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par le premier des textes précités ;

Et attendu, en second lieu, que le seul fait pour la société Euralliance d'avoir consenti un prêt à la société, à supposer qu'il ait été accordé en méconnaissance des règles gouvernant l'activité des entreprises d'assurance, n'étant pas de nature à entraîner la nullité du contrat, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Henry et M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Le Griel ; Me Brouchot -

Textes visés :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ; article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ; articles 1er et 18 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.

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